La soirée était ennuyante au possible. Mateo s'était retrouvé obligé d'y assister pour contenter les attentes de sa petite amie - alors même qu'il se demandai si il ne ferait pas mieux de la quitter. Il avait dansé avec elle, la faisant tournoyer comme elle le lui avait demandé. Il était parti lui chercher un verre, s'était apprêté rien que pour elle pour l'occasion. Il entrait parfaitement dans le cliché du petit ami parfait et pourtant, ce n'était qu'une façade qu'il avait hâte de laisser s'effondrer à l'instant où cette soirée arriverait à sa fin : jouer au gentil petit pantin, c'était loin d'être son truc. Les raisons qui le poussaient à agir ainsi ? Difficiles à prononcer à haute voix, mais il se questionnait sur sa sexualité, et ça le tuait de l'intérieur. L'attirance qu'il ressentait pour John Simpson, son jeune professeur de mathématiques, était problématique et même s'il savait qu'il ne se passerait jamais rien, ce qu'il avait ressenti en sa présence était suffisamment inquiétant pour qu'il ait besoin de se retrouver seul sans une blonde agaçante pour lui perturber l'esprit. Sa blonde il l'avait perdue de vue depuis qu'elle était partie aux toilettes, et alors qu'il profitait de cet instant de répit pour souffler un peu, un cri strident vint résonner dans la salle de bal, faisant s'arrêter la musique et lui glaçant le sang. Il s'était avancé en suivant le mouvement de foule pour apercevoir au sol un corps ensanglanté et sans vie. Immédiatement, la panique s'était emparé de lui comme de tous les autres élèves présents. « Ashley ? Quelqu'un a vu Ashley ? » Certes elle était agaçante, certes ce n'était pas la femme de sa vie, mais elle ne méritait pas de mourir égorgée pour autant.

Adossée contre un mur à regarder les élèves en train de, au choix, batifoler de façon ridicule, essayer de dissimuler sans grand succès l’alcool qu’ils avaient ramené, ou danser avec l’élégance et l’aisance d’un éléphant, je me demandais encore ce que je faisais là. Et puis je me rappelais qu’être prise soi-même en flagrant délit de batifolage avec un autre professeur dans un placard de l’école suffisait apparemment pour me faire chanter et m’imposer une soirée babysitting pour un foutu bal. Enfin, mieux valait que cela soit tombé à ce moment plutôt qu’une semaine auparavant dans le même placard où là c’était avec une étudiante de dernière année qu’on m’aurait surprise. Et en attendant de trouver mieux, j’avais besoin de se boulot. Mais qu’est-ce que je me faisais chier ce soir bordel. Qu’y avait-il à surveiller franchement ? Je portais mon propre verre d’alcool (que je ne tentais clairement pas de cacher) à mes lèvres quand un cri strident vint répondre à ma question. Je posais précipitamment le verre sur la table avant de me précipiter vers le centre de la salle, bousculant les élèves pour me frayer un passage jusqu’au corps sans vie qui gisait par terre. Ok…quoi ? J’avais demandé de l’action mais pas à ce point. Je sentais mon cœur s’accélérer mais je tentais de garder tant bien que mal mon calme. Je ne pouvais pas me laisser gagner par la panique des élèves alors même que j’étais censée faire partie des adultes responsables de la salle. « Que quelqu’un appelle les urgences. VITE. » Et la police. Et la morgue. Et mon psy. « Ashley ? Quelqu'un a vu Ashley ? » Les sourcils froncés, je me tournais vers Mateo. Ashley ? Le cliché de la reine populaire que tout le monde se devait de vénérer ? Elle pouvait bien crev…oui bon non, peut-être pas. Après tout j’étais moi-même une Ashley à l’époque. Je m’assurais de me faire entendre par tous « Que personne ne quitte cette pièce, surtout pas seul, c’est bien compris ?? » avant de m’adresser directement à Mateo : « Quand est-ce que tu l’as vue pour la dernière fois ? On va partir à sa recherche. » Je parlais d’une voix assurée et qui ne laissait pas la place à une quelconque autre option. J’étais l’adulte responsable. Calme. Capable de gérer la situation. Et de prendre mes jambes à mon cou en abandonnant lâchement Mateo derrière moi aux griffes d’un tueur en série tant que ça me permettait de sauver ma peau.

Mateo avait entendu Ashley dire un très grand nombre de fois au cours des semaines passées que ce bal serait la soirée de leur vie, l'apogée de sa popularité, le point d'orgue de leurs années lycée et qu'en aucun cas, vraiment aucun, elle ne laisserait quoi que ce soit se mettre en travers de son chemin vers la couronne destinée à la reine du bal. Non pas que lui en ait particulièrement grand chose à faire il l'avait suivie dans sa quête idiote juste par principe - et parce qu'il n'avait pas mieux à faire. Mais si Ashely était déterminée, elle ne l'était sûrement pas suffisamment pour survivre à un tueur fou venu ici pour égorger des élèves - quoi que son égo aurait été assez grand pour qu'elle puisse se penser assez forte pour s'en sortir seule. « Que quelqu’un appelle les urgences. VITE. » Il avait balayé la salle du regard, voyant tantôt des visages affolés tantôt des visages en pleurs à cause de la perte qu'ils venaient de vivre et de cette vue horrible qu'ils avaient tous sur le cadavre de cette pauvre Jessie, baignée dans cette flaque de son propre sang. « Que personne ne quitte cette pièce, surtout pas seul, c’est bien compris ?? » Il se demandait comment le tueur avait pu arriver à ses fins au beau milieu de la pièce sans que personne ne l'ait vu, et avait fini par conclure que soit le coupable était encore parmi eux, soit quelqu'un l'aurait forcément vu filer. Une des professeurs semblait avoir entendu les cris désespérés de Mateo et s'était adressée à lui. « Quand est-ce que tu l’as vue pour la dernière fois ? On va partir à sa recherche. » Il avait réfléchi une seconde avant de répondre. « Il y a une demi heure, elle est partie aux toilettes et je l'ai pas revue depuis. » Un soulagement jusqu'ici d'avoir pu profiter d'un peu de calme, mais il était inquiet désormais. « Elle est toujours super longue aux toilettes alors je me suis pas inquiété, mais là... » Il réalisait soudain que partir à sa recherche signifiait probablement se mettre en danger dans les couloirs du lycée en risquant d'y croiser un tueur. «Et si le tueur est encore là ? On a rien pour se défendre ? » Oui, penser à soi avant tout était l'un de ses traits de personnalité.

« Il y a une demi heure, elle est partie aux toilettes et je l'ai pas revue depuis. » Je soupirais avant de répondre avec un ton exagérément dramatique : « C’est précisément pour cette raison que les filles vont toujours aux toilettes à deux. » Est-ce que j’avais vraiment envie d’aider une étudiante suffisamment stupide pour y aller seule ? Meh. La réponse était apparemment positive puisque je venais d’attraper Mateo par le bras et de l’emmener en direction du couloir pour partir à la recherche d’Ashley. «Et si le tueur est encore là ? On a rien pour se défendre ? » Bonne question. Je pris le temps de réfléchir quelques secondes avant de me diriger d’un pas assuré vers un placard quelques mètres plus loin. Je l’ouvris, disparus à l’intérieur et en ressortis presque aussitôt avec deux…battes de baseball. Devant l’air interrogatif de Mateo, je pris le temps de lâcher la meilleure de mes explications : « Cherche pas. Au moins maintenant on a quelque chose pour se défendre. » et je lui lançais la deuxième batte dans la foulée. Une sombre histoire d’équipement qu’on m’avait demandé de ranger après un match et que j’avais eu la flemme de ramener jusqu’aux vestiaires. Un classique.
Tout en avançant prudemment dans le couloir, je me rendis compte que ces armes me permettaient en bonus d’avoir ma propre bande son dans ma tête pour accompagner cette cavalcade meurtrière. Autant en faire profiter mon acolyte à ce stade-là, non ? Balançant ma batte sur mon épaule, mes deux mains fermement agrippées au manche, je me mis donc à chantonner : « Hey batter batter, hey batter batter swing… » Chacun ses ref. Et HSM était une valeur sûre, quelles que soient les générations concernées. Je n’eus toutefois pas le temps de continuer ma chanson car trois hommes apparurent devant moi, venant littéralement de…nulle part ? Ils tentaient de parler tous en même temps, je ne comprenais putain de rien. Et pourquoi l’un d’eux avait une guitare en main ? Et un autre des…baguettes de batterie ? Je jetais un coup d’œil effrayé en direction de Mateo qui n’avait pas l’air d’être témoin de cette scène étrange et qui de son côté avait surtout l’air de se demander ce que je foutais. Je me reconcentrais donc vers les trois inconnus, tentant de déchiffrer un semblant de phrase avant de les voir disparaitre aussi vite qu’ils n’étaient apparus. Je restais silencieuse l’espace de quelques secondes, me demandant ce que j’avais fichu dans mon verre d'alcool pour halluciner comme ça. Mais foutu pour foutu, je décidais malgré tout de donner des explications à l’air effaré que Mateo affichait en me regardant : « Je heu…viens de voir trois…étudiants ? Apparaître devant moi ? Et disparaitre…Je crois qu’ils essayaient de me dire qu’ils avaient vu le meurtrier et… » Devais-je vraiment continuer ma phrase ? Au point où j’en étais… « …et je suis presque sûre que l’un d’eux a parlé d’un hot dog avarié ? » Putain mais on était où ? Dans une série Disney Channel co-produite par Kenny Ortega ?

Ashley était peut-être déjà morte, mais si elle était encore en vie, ça valait le coup de jouer au héro. « C’est précisément pour cette raison que les filles vont toujours aux toilettes à deux. » Mateo avait haussé les épaules avant de réaliser qu'elle n'était pas partie seule, justement. « Maintenant que tu le dis... elle est peut être partie avec Kimberley. » Une autre ado populaire un peu écervelée et sa meilleure amie, qui ne serait d'aucune utilité pour l'aider face à un tueur. Ils risquaient donc de retrouver deux cadavres plutôt qu'un, et si l'inquiétude ne s'était pas emparée de lui, il aurait presque pu rire du ridicule de la situation en s'imaginant plusieurs scénarios où Ashley et Kim pourraient illustrer leur QI d'huître. Lui en revanche était un peu plus malin et se rendait bien compte que sans avoir de quoi se défendre, il ne vaudrait rien face à un tueur fou. Il avait suffit qu'il fasse cette réflexion pour que Cece réapparaisse avec deux battes de baseball quelques secondes plus tard. « Cherche pas. Au moins maintenant on a quelque chose pour se défendre. » C'était mieux que rien.  « Hey batter batter, hey batter batter swing… » Ils avaient commencé à s'avancer dans le couloir lorsqu'elle s'était mise à chanter. Dans un autre contexte Mateo l'aurait probablement jugée, mais sortir du High School Musical en temps de crise avait quelque chose de rassurant. « I've got to just do my things. » Et évidemment puisque Cece ne poursuivait pas, il se sentait bien bête. Lui qui pensait qu'ils pourraient faire un superbe duo à coup de battes de baseball.. la déception était palpable. Mais pas autant que la surprise, quand elle avait repris la parole « Je heu…viens de voir trois…étudiants ? Apparaître devant moi ? Et disparaitre…Je crois qu’ils essayaient de me dire qu’ils avaient vu le meurtrier et… » De quoi est-ce qu'elle parlait ? Le stress était certainement en train de lui donner des hallucinations. « …et je suis presque sûre que l’un d’eux a parlé d’un hot dog avarié ? » « C'est quoi cette histoire ? » Il s'imaginait déjà devoir sauver les deux greluches adolescentes mais si trois vies dépendaient de lui parce que l'adulte responsable sombrait dans la folie, il n'allait pas être aidé. Soudain, une musique entraînante se mit à résonner dans les couloirs. « Can you, can you hear me? Loud and clear. Gotta get, gotta get ready 'cause it's been years. » Serrant fort sa batte de baseball dans les mains, il se préparait à toute éventualité. « Il se passe quoi ?! » Cette journée n'avait vraiment plus aucun sens. « Oh, this band is back. » « Quelqu'un a mis de la drogue dans le ponch ou quoi ? »