Laissant tomber la hachette qu'elle avait en main, Eve soupire en se laissant basculer en arrière, s'asseyant sur le meuble le plus proche. Ça fait six mois mais c'est toujours aussi dur. Tuer, même des zombies, lui tord presqu'autant les tripes qu'au premier jour, quand bien même elle sait qu'elle le fait pour se défendre, pour les défendre tou·tes. Mais aujourd'hui elle n'a pas réussi : iels ne sont que deux à être encore debout. Son regard se pose sur ses mains qui sont d'un rouge écarlate sans même qu'elle puisse dire à qui appartient ce sang. Elle se souvient vaguement avoir voulu aider Matt à un moment, mais la scène est déjà floue, embourbée dans ce torrent d'images atroces et d'émotions qui noient son cœur déjà bien amoché depuis le début de cette apocalypse. Ça lui rappelle le début, lorsqu'elle n'était pas seule et qu'il y avait de l'espoir, parce qu'elle avait sa fille, parce que ça ne pouvait être que temporaire. Aujourd'hui, sa fille n'est plus, six mois sont passés et l'espoir n'est qu'un fil si fin que même elle se demande si elle parviendra encore à s'y accrocher longtemps. Alors pour ne pas y penser, elle relève les yeux vers Ollie et s'enquiert de son état. « Ça va, tu n'as pas de blessure grave ? » Entre la poussière, la terre et le sang sur ses vêtements, elle a du mal à le voir d'elle-même. Dans le doute, elle se saisit de la maigre trousse de secours que leur groupe avait réussi à constituer au fil des semaines. Ce n'est rien de très glorieux, mais il y a des bandages, des pansements, du fil à coudre, et elle suppose que dans la cuisine il doit rester de quoi désinfecter. Quant à elle, elle frotte ses mains sur son pantalon dans un vain espoir d'en ôter un peu d'hémoglobine. « Il va falloir qu'on parte d'ici... Après ce qu'il s'est passé, c'est dangereux de rester. » La moitié des portes ont vu leurs gongs sauter durant l'attaque et les réparer prendrait plus de temps qu'iels en ont devant elleux. Un nouvel assaut pourrait ne pas tarder, et s'iels ne s'enfuient pas rapidement alors il pourrait signer leur fin à tou·tes les deux. Pour être honnête, Eve n'aime pas l'idée de partir, d'abandonner ici tout ce que leur groupe avait réussi à construire, mais elle est persuadée de ne pas avoir le choix.

HRP :

Alors qu'elle essaie de reprendre son souffle et de faire le vide dans son esprit empêtré par des images qui la tourmenteront assurément durant les nuits à venir, Eve voit bien qu'Ollie s'agite. Il semble empiler tout ce qu'il peut contre la porte comme si cela pourrait suffire à empêcher leurs ennemis de rentrer. Mais des voies d'entrée il y en a plein à présent, et cette attaque le leur a bien prouvé. Peut-être ont-iels manqué de vigilance, fatigué·es de mois de survie éreintants où chaque jour était accompagné de nouveaux risques, de nouvelles difficultés. La brune ne rejette la faute sur personne mais elle s'inquiète de le voir si nerveux alors qu'il devrait se reposer et inspecter ses blessures. C'est le voir cogner dans un mur qui la pousse à réagir, à l'interpeler dans l'espoir qu'il ne recommence pas – les zombies les amochent bien assez pour qu'il ne s'inflige pas lui-même d'autres blessures. « Hein ?! » Leurs regards se croisent un bref instant avant qu'il semble revenir sur terre. « Je sais pas. » Il y a du sang sur lui mais elle ne saurait dire s'il cache une trace de morsure. « Je crois que ça va. » La brune pose alors la trousse de secours à côté d'elle, un soupir lui échappant. Elle essuie ses mains sur son pantalon, l'air préoccupée pas seulement par l'hémoglobine qui colle littéralement à sa peau. Leur abri n'est plus sûr et, même si ça lui coûte de l'admettre, elle est persuadée que cela signifie qu'iels doivent le quitter. « On doit attendre, il doit y avoir d’autres survivants. » La brune se pince les lèvres, baissant les yeux sur ses paumes rougies par le sang d'un de leurs camarades. « On les aurait déjà entendu·es. » Ou même vu·es, mais il n'y a personne d'autre qu'elleux deux. « Je peux pas partir. » Elle sait qu'il tient à Harleen plus que tout, et elle sait que c'est réciproque – ça crevait les yeux, il faut dire. Alors Harleen ne l'aurait jamais abandonné : si elle n'est pas revenue, c'est pour une autre raison bien plus cruelle, bien plus douloureuse à imaginer. « T’es sûre que t’as rien ? Ils ont pas réussi à t’approcher ? »  « Non, non, ça va. » Elle ne se souvient pas d'avoir été mordue mais préfère être prudente, remontant alors les manches de son haut pour inspecter ses bras. Elle fait de même avec ses jambes, inspectant ses mollets et ses cuisses. Le sang ne manque pas, mais aucune trace de morsure. Elle a été chanceuse, ce qui n'a pas été le cas de tout le monde aujourd'hui. Après s'être mordu l'intérieur de la joue, elle reprend la parole. Elle déteste être si insistante mais elle s'en voudrait de les mettre tou·tes les deux en danger en restant ici. « Si on ne part pas, ils vont revenir... » Et cette fois iels ne sont que deux, alors que leurs adversaires seront sans doute au moins aussi nombreux qu'aujourd'hui. C'est toujours comme ça que ça se passe : les attaques se répètent inlassablement et malheureusement leur nombre ne semble jamais décroître. « On n'est plus en sécurité ici, » assure-t-elle avec une grimace désolée. Iels tenaient tou·tes à cet abri, à ce refuge, mais désormais il a été compromis et Eve craint qu'y rester signe leur fin.