Don't blame me

@Evan Campbell & Savannah Williams

Mon regard se perd sur la ville éclairée, qui me semble si silencieuse depuis le haut de cet immeuble. Seuls quelques bruits de moteur viennent parfois troubler ce calme apparent, me rappelant que la terre continue de tourner, même si je suis en proie à un moment de répit dans cette tourmente que représente la vie, même si moi j'éprouve le besoin de me couper du temps à cet instant. La nuit est tombée depuis un petit moment, mais je n'ai pas éprouvé le besoin de rentrer chez moi. Pire encore, j'ai l'impression de repousser étrangement l'échéance. S'il y a bien des choses que je suis en mesure de contrôler dans la vie, c'est ici, au sein de ces bureaux. En dehors, tout me paraît parfois si… compliqué. Et l'absence provisoire de Mathis renforce ce sentiment à cet instant, il est probablement la seule chose dont je suis certaine à ce jour. La seule chose qui est du sens. Ce qui est finalement loin d'être suffisant. Pourquoi vouloir me plonger dans cette solitude inévitable? Pour réfléchir à ce qu'il m'est donné de faire pour changer mon fusil d'épaule, pour espérer un peu plus de sérénité et de bonheur pour l'avenir. Pour retrouver cette aspiration que j'ai abandonné avec le temps, par peur de finir écorché une fois encore. Un bruit se fait entendre derrière moi, à ma plus grande surprise, un survivant à ce départ semble t-il, la majorité des employés, pour ne pas dire la totalité, s'étant échappée, pour rejoindre les membres de leur famille. Je tourne le visage, voyant apparaître cette silhouette dans l'obscurité qui avance dans ma direction. Il en est certainement là lui aussi, à n'avoir personne qui ne l'attende après une journée de travail «Hey» lançais-je d'une voix calme, presque endormie; par cette dernière heure passée dans le silence absolu. Un sourire pour lui faire savoir qu'il est le bienvenue, même si si donne l'impression de vouloir m'isoler. Il s'approche de ce muret sur lequel je me suis assise, une veste posée sur mes épaules pour affronter la fraîcheur de la nuit «Je n'pensais pas que tu repasserais par les bureaux» avouais-je, mentionnant ce rendez-vous tardif duquel il n'était pas rentré avant que je ne prenne l'ascenseur pour rejoindre le sommet de l'édifice. Un bref silence s'impose alors que mon regard s'émerveille toujours par la vue qui nous est offerte. «Je suis souvent venue ici pendant ton absence » révélais-je finalement, un fin sourire sur les lèvres alors que mes yeux prennent le temps de se poser sur son visage, éclairé faiblement par le clair de lune, lui offrant un air assez mystérieux et doux à la fois. «Je sais que c'est ton endroit, mais j'éprouvais le besoin de me l'accaparer moi aussi » La raison? Un besoin de ressentir sa présence et cette force qu'il aurait été en mesure de me partager afin que je ne baisse pas les bras. Et j'avais fini par l'apprécier à mon tour, bien qu'intimement, c'était probablement parce qu'il me liait à lui de façon invisible. «Et c'est probablement à ce moment de la journée que je l'appréciais le plus» Une atmosphère chaleureuse émerge peu à peu, comme si cela pouvait nous rapprocher à nouveau, et je suis soudainement reprise à l'ordre en y songeant. Si je veux pouvoir en profiter en toute liberté, je me dois de commencer par assumer mes erreurs.

L'homme d'affaires s'est montré particulièrement reconnaissant envers le travail fourni, mais cette gratitude ne devrait pas m'être offerte alors que je suis à l'origine du chaos auquel nous avons été confrontés. «Evan?» Une appréhension s'empare de moi alors que j'obtiens son attention. Je me pince les lèvres, puisant au fond de moi pour trouver le courage qu'il m'a auparavant manqué pour me confesser. «T'as dis l'autre jour que toute cette histoire n'était qu'une simple erreur..» rappelais-je, examinant depuis mes yeux bleus la moindre de sa réaction sur ses traits, la moindre faille capable de m'apporter un peu de réconfort face au mensonge qu'il m'aura fourni lui aussi « Mais je sais que ca ne l'était pas.Je suis tombée sur le dossier en question» avouais-je, ne laissant plus de doute sur l'affaire illégale qui avait été menée. « Tu m'avais demandé de le récupérer, et lors d'un rendez-vous chez Miller, je l'ai malencontreusement oublié» Son air perplexe me tord l'estomac, mais je ne m'arrête pas là. «J'ai essayé de le récupérer par tous les moyens, mais il était déjà trop tard, il avait prit le temps de l'étudier à son tour et il a saisi l'opportunité de nous faire tomber.» Mes iris bleus se baladent à travers les siens, cherchant probablement à subir silencieusement la rancoeur qu'il pourrait me vouer. La sentence doit tomber, et je redoute de voir lire la déception dans son regard.

Don't blame me

@Evan Campbell & Savannah Williams

Si habituellement cet endroit me permet de me vider l'esprit, à cet instant, il semble être le témoin d'une remise en question inévitable. Je me demande comment j'ai pu en arriver là, cette sensation de m'être perdue dans les méandres de la vie, dans cette volonté de mener un quotidien dans lequel je me sens en parfaite harmonie. Je me retrouve finalement seule, à tenter de justifier des actes qui m'ont mené à cette situation. Mon passé me hante, et les derniers évènements sont venus perturber l'équilibre que je tentais de retrouver. Alors je cherche à m'y retrouver, à faire le point sur ce que je me dois de prioriser dans ma vie, ce qui est important, et ce qui ne doit plus l'être. L'arrivée soudaine de Evan à mes côtés est-elle à considérer comme un signe envoyé de l'au-delà? «Je n'pensais pas que tu repasserais par les bureaux» Je n'aurai pas prit le temps de me perdre ici si je n'avais pas été convaincue qu'il puisse se résoudre à faire une apparition. Je cherche à me justifier, n'ayant pas envie qu'il puisse songer que je puisse l'attendre, bien que ça pourrait en donner l'impression au premier abord « Et toi, que fais-tu là ? Tu t'es appropriée mon bureau et maintenant mon toit. Quelle est la prochaine étape ? » Les commissures de mes lèvres s'étirent pour laisser apparaître un doux sourire. En temps normal, j'aurai sûrement pris la peine de répondre sur un ton des plus sarcastiques, ou encore définitivement osé, en mentionnant son antre personnel, voire sa propre literie, mais ce soir, je décide de me montrer plus raisonnable. «Promis, tu ne m'retrouveras pas dans les toilettes pour hommes» Un léger sourire pour chercher à alimenter cette atmosphère légère et appréciable qu'il cherche à instaurer. «Je suis souvent venue ici pendant ton absence. Je sais que c'est ton endroit, mais j'éprouvais le besoin de me l'accaparer moi aussi » Ca pouvait paraître étrange, voire suspicieux, pourtant, je n'en étais pas au point de vouloir l'imiter pour prendre sa place. Cet endroit offrait un cadre des plus agréables, et j'avais rapidement fini par comprendre pourquoi il l'occupait tant. «Et c'est probablement à ce moment de la journée que je l'appréciais le plus» Quand certains préféraient de loin l'animation de la ville en sortant d'une journée chargée, j'optais pour l'observer d'une manière bien différente. Cet endroit me rappelle pourtant les pensées qui avaient tourné en boucle dans mon esprit après son départ. Des pensées que je n'avais pas pris la peine de partager avec le principale intéressé, et qui pouvait s'expliquer par cette enquête en cours le concernant, et nos échanges téléphoniques qui se contentaient d'être brefs, dans le cas où ils seraient écoutés…Cette affaire avait été un véritable cataclysme pour la société, et j'avais beau chercher à rattraper la terrible maladresse dont j'avais fait preuve, il n'en reste pas moins que tout ça était bien concret. Peut-être aussi que repousser l'échéance me permettait de vivre dans un possible déni. Je savais Evan investi et ambitieux, mais de là à jouer dans cette cour, ça me paraissait inconcevable. Le fait qu'il puisse sous estimer l'intensité de cette enquête alors que j'ai moi-même subi des interrogatoires musclés me rend pourtant perplexe à ce stade et éveille un nouveau doute à son encontre. J'ai besoin de savoir, besoin de comprendre, besoin de m'assurer qu'il est aussi innocent que je puisse l'espérer. «T'as dis l'autre jour que toute cette histoire n'était qu'une simple erreur..» La douceur de son visage laisse place à quelque chose de plus soucieux en entendant ces mots. Il est loin de se douter des éléments que j'ai eu en ma possession, ceux qui l'ont amené à vivre cette arrestation. « Mais je sais que ca ne l'était pas.Je suis tombée sur le dossier en question» Mon regard scrute le sien sans relâche, attendant la moindre réaction qui le trahirait sur son visage. Je suis en proie à diverses émotions en abordant ce sujet. Cette incompréhension me tiraille, la colère qu'il ait pu me mentir dès son retour en minimisant les faits, alors que je me suis retrouvée moi-même accusée de complicité, et cette culpabilité profonde d'avoir lancé bien malgré moi cette bombe dans les airs. Et cette déception de découvrir la vérité, celle qui changera probablement l'image que j'ai de lui. L'échange de regards que nous partageons témoigne de la force de ce moment, celui dans lequel chacun de nous se trouve sur un pôle différent, et que l'issue puisse être plus dévastatrice qu'il n'y paraît. « Tu m'avais demandé de le récupérer, et lors d'un rendez-vous chez Miller, je l'ai malencontreusement oublié. J'ai essayé de le récupérer par tous les moyens, mais il était déjà trop tard, il avait prit le temps de l'étudier à son tour et il a saisi l'opportunité de nous faire tomber.» Une version dont je ne suis pas fière, et qui crée assez rapidement une certaine tension chez le jeune dirigeant. Une réaction prévisible, que j'observe avec une certaine distance, subissant un silence qui me torture à lui tout seul. Il a le droit d'être en colère. Il a le droit de m'en vouloir. Mais j'assume distinctement mes actes à cet instant, chose que j'attends en retour de sa part  « Tu n’étais pas censée avoir connaissance de cela.. » Je hoche d'un mouvement de tête. «Je sais. Et crois moi que j'aurai préféré ne pas être au courant» J'avais été forcée de mentir, bien que les éléments que j'avais en ma possession ne laissaient planer presque aucun doute sur sa culpabilité. « En effet, nous avons réalisé un contrat frauduleux. » Ce qui aurait dû être un soupir de soulagement laisse place à une gorge nouée. J'encaisse, ayant eu la naïveté de croire un instant en son intégrité. « Je ne peux pas t’en vouloir.. Même si tu as fait une erreur en tant qu’assistante, tu n’es nullement responsable de ce chaos. » Cet égarement s'avère presque minime, je ne peux renier ma faute, pour autant, elle n'était pas intentionnelle, contrairement à celle qu'il avait menée en pleine connaissance de cause. Mes lèvres se pincent, mon regard fuit, cherchant à dépasser ce poids soudain qui pèse sur mes épaules. J'avais menti aux autorités pour lui, j'avais défendu sa cause auprès de Cade, qui m'avait demandé de penser avant tout à moi dans cette histoire, et aux répercussions que ça pouvait avoir. Cette arrestation avait poussé James à demander la garde exclusive de Mathis, ne voyant en moi qu'un danger pour ce dernier. Un coup dur pour comprendre qu'une fois encore, mon instinct puisse être si défaillant devant de tels choix. « Je regrette que tu aies été mise aux devants de tout cette affaire.. Mais étant donné que tu sais à propos de ce dossier, je vais maintenant tout te raconter. » Je me mordille l'intérieur de la bouche,consciente désormais que je faisais partie de son camp, que je l'avais rejoint et que plus aucune marche arrière n'était possible. « La justice nous laisse respirer aujourd’hui, faute de preuves accablantes mais le problème n’est plus vraiment là pour l’instant.. » Mon regard retrouve le sien, avec une pointe d'inquiétude qu'il vient d'éveiller.  « Certains clients me font du chantage. Des compensations financières, entre autres. Soit j’accepte et ils ne m’exposent pas à de nouveaux problèmes judiciaires, soit je joue leur jeu.. Mais si je fais cela, j’ouvrirais une porte que je ne pourrai jamais fermer. » Dès que cette histoire avait été révélée, j'avais rapidement prit conscience que nos alliés étaient d'une rareté absolue. Nombreux de nos clients nous avaient lâché en cours de route, ignorant les années de prospérité passées en collaboration et notre rentabilité sur le marché. Et visiblement certains voulaient profiter de notre malheur pour pouvoir en tirer profit. Mes yeux plongés dans les siens, je suis perdue. Je me demande un instant s'il attend de ma part un quelconque avis. une opinion tiraillée à bien des égards, puisqu'aucune solution n'est véritablement une réussite.  Nous sommes condamnés, d'une façon ou d'une autre.

«Ne fais pas ça» lançais-finalement après quelques secondes. «Tu n'peux pas prendre le risque d'ajouter une quelconque corruption dans cette affaire!» La probabilité que la justice puisse se saisir de nouveaux éléments pour relancer l'enquête était présente, mais il avait assez joué avec le feu. «Ces gens sont sans scrupule, crois moi que Miller ne s'est pas posé milles questions pour savoir s'il devait nous balancer! Tu vas finir par perdre tout ce que vous avez construit ton père et toi» S'il ne l'avait pas déjà fait…  Le regard victorieux que ce piètre client m'avait adressé au détour d'un couloir était la preuve que la cruauté était bien plus présente que l'on ne pouvait l'imaginer. Si Evan n'a pas été en mesure de reconnaître les conséquences de ses actes, j'en suis encore là à chercher à le ramener à la raison, à celui, dont les doigts parcourent mon bras pour finalement s'emparer de ma main. « Sois rassurée. Tu ne risques rien. Et je ne t’en veux pas. Un jour ou l’autre, il faut bien payer les pots cassés. » Mes mâchoires se resserrent , éprouvant une rancœur naissante à son encontre, qu'il nourrit par cette tendresse qu'il me voue, et qui n'a plus la même saveur à ce stade . Il est dans son monde, insensible à cette trahison que je cherche à oublier, mais qui se révèle plutôt virulente sur le moment, et le fait qu'il puisse mentionner ma faute comme si c'était le réel problème parvient à faire naître une certaine tension dans l'ensemble de mon corps. Je me ferme à lui sans même qu'il ne le réalise. «J'me suis mariée» Un aveu que je balance comme une grenade en plein désert, alors que j'attends de percevoir cette même déception dans le fond de ses yeux. Un besoin de me venger, de lui faire payer cette loyauté que je lui ai toujours vouée, et qu'il a piétinée de plusieurs façons par cette affaire. Nous pensions nous être rapprochés sous de meilleurs auspices que la première fois, et pourtant, les secrets que chacun de nous s'est affairé à conserver viennent à briser cette base solide qu'il nous est impossible de conserver. Je retire ma main de son étreinte, qui à ce stade devient dérisoire, alors que mon regard se balade un instant sur cette ville, dont les bienfaits n'ont plus aucun pouvoir. Je devrais me sentir mieux, éprouver un quelconque soulagement, mais il n'en est rien. «Il faut croire qu'aucun de nous  ne peut prétendre connaître l'autre». Brève conclusion d'une confiance ébranlée de part et d'autre.