Casque vissé sur la tête, immergée dans la playlist post-rock qui martèle tes tympans, tu vagabondes le long du trottoir, tes bottes heurtant l'asphalte au rythme des basses. Tu commences à avoir chaud avec ta grosse veste en cuir et ce n'est que lorsque tu interromps ta marche pour la retirer que tu l’apercois. Elle. La petite boule de poils qui titube et te dévoile ses minuscules quenottes sur un miaulement que tu n'entends pas, faciès levé vers toi comme si elle essayait d'attirer ton attention. Le casque glisse de tes cheveux, les genoux se plient immédiatement, ployant face à tant de mignonnerie. Bel attendrie, c'est une vision qui survient rarement, en général réservée à l’espèce animale. Les humains ne méritent pas de voir ton côté sentimental.

Boulette vient frôler tes mollets, continuant de miauler pour te signaler... quelque chose. Mais quoi ? "T'es perdue ? Elle est où, ta mère ?" Pffff si elle est comme la mienne, tu la reverras pas de sitôt. Un pincement au cœur. Et voilà. T'es en train de faire un transfert - l'orpheline voit son reflet dans celui du matou tigré - ça craint. "Allez, va retrouver... j'sais pas, tu dois bien avoir une fratrie quelque part ?" Sont toujours en bande de dix, d'habitude. Mais le chaton paraît trop habitué à la présence humaine, trop à l'aise. D'habitude, les chats sauvages s’éclipsent direct en entendant "psst psst". Pourtant, là... Boulette te colle et n'a visiblement pas l'intention de te lâcher. Puis en la regardant de plus près... tu crois remarquer qu'elle manque un peu de gras. Qu'elle est même plutôt squelettique. Tu ramasses le chaton et le retournes pour inspecter une tache rouge sur sa patte. Une griffe à la patte avant semble s’être fait la malle. "Merde... tu t'es blessée ?" Tu soupires, tergiverses quelques secondes en levant les yeux au ciel, bataillant entre la partie de toi qui va être en retard au boulot et celle qui peut pas décemment laisser un bébé chat blessé tout seul dans la rue. Tu finis par emmitoufler l'orpheline dans ta veste, cherchant sur ton portable l'adresse de la clinique vétérinaire la plus proche. Coup de chance, le trajet se fait en dix minutes à pied. "Allez Boulette, j't'emmène voir une infirmière."

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Après une attente d'un quart d'heure, la réceptionniste te fait signe d'entrer dans la salle de soins. Veste dans les bras, tu pénètres dans le cabinet avant de déposer ton paquet sur la table d'examen sans même lever le regard vers la personne qui te fait face. "J'l'ai trouvée. Elle était seule et on dirait qu'elle a pas mangé depuis un moment. Oh, et sa patte est blessée." La boule de poils s’échappe de la veste, arpentant la table avec curiosité et reniflant partout en poussant des miaulements suraigus. Nan mais arrête d’être aussi chou s'teuplait, j'vais m'attacher. Et je m'attache pas, tu sais ? À rien, ni à personne. Ça vaut mieux comme ça. Ils vont s'occuper de toi, tu verras.

hj: