- their shadows searchin' in the night -
@Mabel Griffiths ↣ crédits gifs/lunapacks & ssoveia

Jo a l’âge mental d’une gamine de quinze ans parfois (souvent), mais se lancer dans le jeu du c’est toi qui as commencé, lalala, elle préfère s’en passer. Ceci dit, elle retiendra la leçon pour la prochaine fois, que se comporter en jeune femme polie qui va saluer une collègue de travail, ça ne se fait que quand ça arrange la dite collègue de travail. Jo n’est pas à une déception près, et puis elle est sûre de se remettre plutôt rapidement de celle qui l’assaille tandis qu’elle réalise qu’elle aurait dû s’abstenir de préférer passer du temps avec Mabel plutôt que de broyer du noir dans sa chambre d’hôtel.

En dépit de qu’elle semble penser, Jo l’écoute. Elle ne rebondit pas sur tout parce qu’elle a davantage l’impression que Mabel se parle à elle-même qu’elle ne lui parle à elle, et puis franchement, elle n’a pas grand-chose à rétorquer à certaines banalités qu’elle lui sert pour dire de faire la conversation. Elle se prend au sérieux, Jo l’a déjà remarqué, et c’est tout à son honneur, mais ce n’est pas son cas, alors elle reste en retrait, sirote sa camomille, et laisse un sarcasme ou deux lui échapper. C’est drôle d’ailleurs, qu’elle semble lui reprocher sa réserve quand d’ordinaire, elle semble la juger d’être exubérante. Comme quoi, c’est une instance qui touche tout son entourage, de ne jamais se satisfaire de ce qu’elle fait, que ce soit bien ou mal. Elle hoche la tête à ce qu’elle lui dit à propos de MeToo "Ouais, chacun a ses limites. J’ai jamais réfléchi à ça." A ce qui constituerait un frein à sa collaboration avec quelqu’un. Elle a l’esprit manichéen, mais elle connait aussi plutôt bien le milieu dans lequel elles évoluent. Rien n’est jamais aussi simple au fond, ainsi déterminer où placer le curseur, ce n’est pas facile. Quelqu’un qui bosse bien peut être une enflure dans sa vie privée, et quelqu’un qui est une enflure sur son lieu de travail peut être une crème dans sa vie de tous les jours ; on ne connait jamais vraiment quelqu’un, elle est bien placée pour le savoir, elle qui compartimente et joue un personnage.

"C’est ton point de vue. Je le respecte, mais je le partage pas." Mabel vit dans une tour d’ivoire, c’est plutôt évident. Elle ne la fera pas en descendre, ce n’est pas son rôle. Mais sur le bout de sa langue, elle sent la saveur de la contradiction se déposer ; elle la garde pour elle, parce que c’est trop privé. Jo n’a rien appris de son père, et pourtant elle le déteste d’une force qui pourrait la rendre coupable d’un geste fatal si l’occasion lui en était donnée ; elle s’est déjà imaginée le tuer, elle ne bradera pas la satisfaction que ça lui laisse de ne serait-ce qu’y songer, cette dernière vite fait remplacer par la peur qui l’envahie quand elle pense qu’il pourrait faire la même chose, lui aussi. Il ne lui a appris que les mauvaises choses, les mauvais gestes, les mauvaises pensées. En revanche, Midas qu’elle aime bien plus qu’elle ne s’aime elle-même, et ce malgré ce qu'il croit, il lui a appris toutes les choses  belles choses, les choses utiles, celles qui lui permettent de mettre en perspective ses mécanismes de défense qu’elle tente de corriger pour lui, mais pour elle aussi ; pour s’alléger du poids qui pèse sur ses épaules, et qu’elle soit libérée d’une emprise qui la fait stagner plus qu’elle n’osera jamais l’avouer.

"Te donne pas autant d’importance, Mabel." lui fait-elle avec un sourire en coin lorsque le mot obsession frôle ses lèvres. Non, elle n’est pas obsédée par ce qu’elle boit ou pas, elle est alarmée par le fait qu’une femme qui se disait sobre il y a quelques mois termine éméchée à une soirée de boulot. Est-ce que ça la regarde ? Pas le moins du monde. Est-ce que ça l’inquiète ? Non plus, mais ça la ramène à Charlie à qui elle pense plus que brièvement sur l’instant, son regard se perdant quelques secondes dans les dessins de la table qu’elles occupent toutes les deux. Au bout d’un moment, Jo relève la tête vers Mabel "Une de mes meilleures amies est morte d’une overdose, il y a huit mois." Elle hausse les épaules, la nonchalance de son geste n’illustrant rien d’autre que son refus de répondre à d’autres questions à ce sujet, puisque ça ne lui est pas égal, bien au contraire. Elle ajoute, anticipant celles de Mabel "Cocaïne, coupée à d’autres merdes dont j’ai pas retenu le nom, c’est pas important, elle est morte de toute façon." C’est toujours aussi douloureux de le dire, même si le faire lui permet de l’exorciser, elle qui a si longtemps vécu dans le déni, à lui envoyer message sur message en attendant une réponse, comme la pauvre conne au coeur brisé qu’elle est. Elle s’éclaircit la gorge, ajoute "Ça arrive." Non putain, ça ne devrait pas "Mais elle était jeune, et elle a bien caché son jeu, cette garce." qu’elle fait en riant juste un peu, se replaçant sur sa chaise en même temps, s’y dandinant pour que le bas de son corps épouse mieux son assisse. Megan comprendrait qu’elle verse dans la vulgarité, elle ne s’en offusquerait même pas, peut-être même qu’elle en rajouterait. Mabel, elle ne sait pas, mais elle s’en fout : Charlie était son amie, elles avaient leur façon de fonctionner, elles avaient leurs trucs. Elle reprend à l’adresse de la jeune femme qui se trouve en face d’elle "Je me pose pas de question." contrecarre-t-elle, sa tête se secouant à la négative "J’ai juste appris à être plus vigilante au sujet des gens que je côtoie, c’est tout." C’est tout. Elle marque une pause, et puis d’un nouveau signe de la tête, elle désigne le verre de Mabel "Tu devrais faire attention." termine-t-elle, plus douce qu'autre chose.