Kaecy hésita longuement avant de venir frapper les trois petits coups sur le dos de la porte qui se situait devant elle. Car en réalité, elle ne savait plus trop exactement pourquoi elle était là, à attendre comme une idiote qu'on vienne lui ouvrir la porte. Ses motivations, elle les connaissait, ça c'était sûr. Mais devait-elle réellement venir ? Ce n'était pas réellement ses affaires, et pourtant, quand elle avait vu les larmes couler abondamment sur les joues d'Heidi, elle n'avait pas pu s'empêcher d'aller trouver Matteo. Il n'avait pas le droit de faire ça. Il n'avait pas le droit de rendre sa soeur dans un état pareil. Tout ça pour une stupide mission ? Ca n'en valait pas la peine. Kaecy ne comprenait pas comment on pouvait faire pour préférer faire passer son métier avant sa famille si ça faisait des réactions de la sorte... Et elle était prête à en toucher deux mots à Matteo. Alors, quand ce dernier vint lui ouvrir la porte, elle abordait son regard le plus noir, comptant bien lui prouver qu'elle avait raison, et que la seule solution pour lui était de rester à Brisbane.
« J'espère que tu n'as rien de prévu tout de suite maintenant, Matteo Hellington, car ça va être ta fête. »
Elle poussa la porte de façon à le pousser par la même occasion, se frayant un chemin à l'intérieur de l'appartement de Matteo. Cet appartement, elle le connaissait par coeur, car même encore maintenant il lui était arrivée de venir faire quelques soirées en compagnie d'Elio et d'Heidi, entre vieux copains d'enfance. Ils passaient toujours de supers moments tous les quatre, depuis le temps qu'ils se connaissaient, ils s'en étonnaient toujours parfois. Mais aujourd'hui, c'était aussi parce-que Kaecy connaissait aussi bien Matteo qu'elle se permettait d'arriver comme une furie chez lui.
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« J’ai rendez-vous avec Camber pour parler de la déco. Je ne te demande pas de venir, tu ne seras même pas là pour choisir... » Depuis l’annonce de mon départ, Cléo ne peut s’empêcher de m’en vouloir. Et sur le coup, je suis incapable d’ouvrir la bouche pour ma défense. Elle a raison, je ne serai pas là. La jeune femme quitte l’appartement sans même un dernier regard. C’est dur, très dur à encaisser. Cette mission n’est pas tombée au meilleur moment. Impuissant, je m’effondre sur le canapé du salon pendant de longues minutes. Je reste là, immobile, le regard dans le vide avant de réaliser que quelqu’un vient de toquer à la porte. Sans même que je puisse avoir le temps de réagir, Kaecy rentre dans l’appartement, me fusillant du regard. « Tu es déjà au courant... » Je ne mets pas très longtemps à comprendre la raison de sa visite : Heidi. Les nouvelles vont vite à ce que je vois. A peine quelques heures après l’avoir annoncé à ma sœur. Heidi n’a jamais été très heureuse de me voir partir en mission à l’autre bout du monde. En réalité, elle est totalement opposé au fait que je sois militaire tout court depuis ma majorité. La mort de notre père en est la principale raison. Je ne peux pas l’en blâmer, c’est tout à fait légitime de sa part d’être réticente. Mais malgré nos nombreux conflits sur le sujet, j’ai toujours espéré secrètement réussir à avoir son soutien. Ou au moins qu’elle finisse par me comprendre. « J’ai pas vraiment besoin de ta leçon de morale, si tu veux tout savoir. » Ce n’est jamais facile pour moi de quitter mes proches de cette façon... faut pas croire. Surtout là, comme ça, quelques mois seulement avant le mariage. Je ne me réjouis pas de laisser ma fiancée seule alors qu’on est en plein dans les préparatifs. Mais ce n’est pas comme si j’avais réellement le choix... « C’est déjà assez difficile à gérer... alors si tu t’y mets toi aussi, ça va pas le faire. » Après Cléo, Heidi, c’est maintenant au tour de Kaecy. Il manque plus que Soren et Elio finissent par ramener leur fraise eux aussi, et c’en est fini pour ma pomme.
« Tu es déjà au courant... - Evidemment, tu pensais pouvoir partir sans que personne ne soit au courant ? »
La voix que Kaecy prenait été dure, même légèrement trop dure par rapport à la situation. D'accord, Matteo avait fait du mal à Heidi en lui apprenant son départ pour une énième mission militaire, mais avait-il mériter qu'elle lui parle de la sorte ? Une partie de sa conscience lui disait que oui, malgré le fait qu'elle n'était pas blesser les gens, mais le visage d'Heidi couvert de larmes lui disait que oui. L'autre partie était celle qui aimait rassurer les gens pour qu'ils se sentent bien. Et elle savait que malgré tout, Matteo avait lui aussi besoin de soutien. Mais elle arriverait à s'en rendre comptes plus tard lorsqu'elle lui aurait passé un savon.
« J’ai pas vraiment besoin de ta leçon de morale, si tu veux tout savoir. C’est déjà assez difficile à gérer... alors si tu t’y mets toi aussi, ça va pas le faire. »
Elle regarda Matteo, levant un sourcil dans sa direction. Son regard était on ne peut plus explicite.
« Vas dire ça à ta sœur qui pleure toutes les larmes de son corps depuis deux heures dans mes bras parce-qu'elle a peur maintenant à chaque instant de te perdre. Et puis je pense qu'il fallait y penser avant de dire oui à cette mission. Pourquoi tu continues sur ce terrain là, hein ? Encore maintenant ? »
Elle se tenait maintenant les bras croisés sous la poitrine, devant lui, la regardant avec son regard le plus sérieux qu'elle savait faire. En vrai, tous les métiers appartenant au corps militaire, elle ne les comprenait qu'à moitié. Peut-être est-ce de sa faute, de ne s'être jamais attardé plus que ça sur la question. Mais ce qu'elle ne comprenait surtout pas, c'était les situations comme Matteo. Il avait une famille, une fiancée, et pourtant il continuait de partir en mission à l'autre bout de la planète comme si rien ne le retenait à Brisbane. Ce n'était pas comme s'il n'avait rien à perdre. Au contraire. Kaecy finit par souffler lourdement avant de se laisser tomber sur le canapé, ôtant rapidement ses chaussures pour pouvoir s'asseoir en tailleur.
« Qu'en penses Cléo de tout ça ? »
Sa voix s'était quand même radoucit, mais elle lui en voulait toujours. Et elle ne disait pas cette phrase là pour l'énerver, mais simplement parce-qu'elle avait vu quelques décorations de mariage qui traînaient sur la table. Car maintenant qu'elle connaissait très bien l'état d'Heidi, elle se demandait comme pouvoir se sentir Cléo.
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« Ce n’est pas ce que j’ai dit... » Partir comme un voleur, ce n’est pas vraiment dans mes habitudes. Je ne suis peut être pas parfait, mais au moins je fais les choses dans les règles de l’art. Et tous mes proches sont toujours prévenus de mes missions à l’étranger. Kaecy l’aurait été, elle aussi, si elle m’avait laissé le temps de lui dire. Mais sur le coup, je n’en ai pas eu besoin. « Tu sais très bien qu’elle aura toujours peur pour moi, quoi que je fasse, que je sois à l’autre bout du monde, ou pas. » Même ici, lorsque je pars faire une simple virée en moto, Heidi ne peut s’empêcher d’imaginer le pire. Sa peur de me perdre est violemment ancrée en elle, et ce depuis la mort de notre père. Depuis que je suis devenu le seul repère masculin dans sa vie. Je suis tout ce qui lui reste. « C’est bien plus qu’un métier pour moi, Kaecy. C’est une véritable vocation, une passion qui m’anime depuis toujours. » Elle est bien placée pour le savoir. Si certains s’engagent dans l’armée parce qu’ils ne savent pas quoi faire d’autre, ce n’est pas mon cas. J’ai toujours eu envie de devenir militaire. Gamin, j’étais fan des super héros qu’on peut voir dans les dessins animés. Aujourd’hui, c’est un peu ce que je suis devenu en défendant mon pays. « Si j’arrête, c’est comme si je renonçais à une partie de moi. » Et je ne suis pas encore prêt à faire ce sacrifice. Je ne peux pas me résigner à quitter l’armée. Après le mariage, au moment où on commencera avec Cléo à parler de fonder une famille... peut être que les choses seront différentes. En attendant, je ne préfère pas me poser la question. Au risque de blesser mon entourage. C’est peut être égoïste de ma part, certes, mais ont-il pris la peine de se mettre ne serait-ce qu’une seconde à ma place ? Inverser les rôles pour comprendre ce que ça signifie pour moi. Je rejoins Kaecy sur le canapé du salon, m’installant à ses côtés. Après avoir mentionné la détresse de ma petite sœur, voilà qu’elle parle maintenant de ma fiancée. « Je te laisse imaginer... » Il n’y a pas vraiment de doute à avoir sur la question. « Elle est déçue, forcément, surtout que je parte quelques mois seulement avant le mariage. Elle aurait préféré que je sois à ses côtés pour les préparatifs... Mais je pense qu’elle est consciente de ne rien pouvoir y faire. » C’est ce qui lui fait sans doute le plus de mal. Accepter la situation, impuissante.
« Tu sais très bien qu’elle aura toujours peur pour moi, quoi que je fasse, que je sois à l’autre bout du monde, ou pas. »
Sur ce point là, en revanche, Kaecy n'allait pas le contredire. Heidi s'était toujours inquiétée pour son frère, et Kaecy se disait qu'entre frères et soeurs, c'était normal. Pour elle, ce qui s'apparentait le plus à une frère, c'était Elio, et à chaque fois qu'il partait en voyage il était vrai qu'elle prenait sur elle pour ne pas demander de ses nouvelles toutes les trois heures. Mais le fait d'aimer une personne nous faisait parfois faire des choses à des proportions extrêmes.
« C’est bien plus qu’un métier pour moi, Kaecy. C’est une véritable vocation, une passion qui m’anime depuis toujours. Si j’arrête, c’est comme si je renonçais à une partie de moi. - Et à choisir entre ton métier et ta famille, si on te laissait le choix, tu prendrais quoi ? »
Kaecy était rentrée déjà dans sa phase de voix radoucie, étant curieuse de savoir ce qu'il pouvait répondre. Surtout qu'ils n'avaient pas réellement beaucoup d'occasions de se voir seulement tous les deux. Certes, ils se connaissaient depuis ce qu'il semblait toujours, mais Kaecy avait toujours été beaucoup plus proche d'Heidi que de Matteo, et inversement pour Elio. Kaecy dériva la conversation ensuite vers Cléo. Elle savait que ça le touchait tout autant que sa soeur, comme sujet de conversation, mais bon, il savait que Kaecy avait toujours été une personne qui allait droit au but sans passer par quatre chemins.
« Je te laisse imaginer... Elle est déçue, forcément, surtout que je parte quelques mois seulement avant le mariage. Elle aurait préféré que je sois à ses côtés pour les préparatifs... Mais je pense qu’elle est consciente de ne rien pouvoir y faire. - Elles devraient se voir, avec Heidi, ça leur ferait du bien en vrai... »
Kaecy préféra ensuite laisser cette conversation en suspens, ne voulant pas enfoncer encore plus le couteau dans la plaie. Le fait d'être arrivée remontée et l'avoir montré à Matteo avait suffit à la calmer. Au fond, elle n'avait jamais été quelqu'un de méchant et voulant faire du mal aux autres. Matteo ne pouvait pas arranger la situation, malgré que qu'elle touche les personnes qui lui étaient le plus proches. Apparemment, il ne pouvait rien y faire. Kaecy avait fait ce qu'elle pouvait. Enfin, presque...
« Matt ? »
Elle releva alors son regard vers lui, légèrement hésitante cette fois.
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Je suis moi-même un grand protecteur envers ma sœur, et je peux aisément comprendre ses inquiétudes. C’est normal de vouloir assurer la sécurité de sa famille. Mais parfois il faut juste réussir à lâcher prise. Parce qu’on ne peut pas forcément y faire quelque chose. « Si on ne me laisse pas le choix, c’est évident que ma famille sera plus importante. » Ce n’est pas comparable. Même si je tiens beaucoup à ma carrière de militaire, la famille c’est ce qu’il y a de plus précieux dans une vie. Je me demande même comment Kaecy peut en douter. « Tu me connais quand même, tu sais ce que ça représente pour moi. » Mais pour le moment, je n’ai pas vraiment à me poser la question. J’ai encore quelques années devant moi pour songer à ma retraite militaire. Kaecy a raison. Les deux jeunes femmes devraient passer du temps ensemble pour se soutenir l’une et l’autre dans ce moment difficile. « Oui, j’ai besoin de savoir qu’elles peuvent compter toutes les deux l’une sur l’autre. Et toi aussi, tu es là. Il faut que tu prennes soin d’elle pendant mon absence. » Loin d’ici, je ne pourrais évidemment pas remplir mon rôle de fiancé et de grand frère. Et j’ai besoin de savoir que quelqu’un sera là pour veiller sur elles. « Je partirai le cœur un peu moins lourd de savoir qu’elles sont entre de bonnes mains. » Elles ne sont pas seules. Il y a Soren aussi, et Elio. Camber sera également présente pour sa sœur. C’est toujours plus rassurant de les savoir bien entourées. Et mon départ sera moins douloureux, parce que c’est ce à quoi je pourrais, là-bas, me rattacher. C’est tout ce qui compte finalement. « Et puis je serai très vite de retour, ce n’est que pour quelques mois. » Les filles seront bien trop occupées par les préparatifs du mariage qu’elles ne se rendront même pas compte de mon absence. C’est ce que j’essaye, du moins, de me persuader. Même si les choses ne sont évidemment pas aussi simples. Kaecy plonge son regard dans le mien, hésitante. « Oui ? » Elle semble avoir encore quelque chose sur le cœur, à me dire. Je m’attends à tout avec la jeune femme, après avoir été témoin de sa foudre il y a quelques minutes.
La réponse de Matteo la rassure. Elle était presque persuadée qu'il aurait répondu ça, mais certaines personnes aimaient tellement leur métier qu'elles le faisaient passer avant tout le reste. Matteo la rassurant en lui disant que ce n'était pas son cas, Kaecy a l'impression d'un poids s'était enlevé de sa poitrine. Cependant, ce n'est pas la chose qui la stresse le plus ces derniers jours, ces dernières heures. Non, si seul le choix entre carrière et famille de Matteo importait, la vie de Kaecy n'aurait pas énormément d'horizons. Non, c'était quelque-chose de beaucoup plus enfouit, qui n'arrêtait pas de s'accentuer au fur et à mesure que les heures passaient. Alors, après avoir capté le regard et l'attention de Matteo, maintenant qu'elle était à deux doigts de lui en parler, elle hésitait. Après tout, avait-il besoin de ça ? Sa famille avait-elle besoin de ça ? Elle n'avait encore parlé de ce ressentit à personne, car elle ne voulait pas porter la poisse. Mais elle se devait de lui en parler à lui. Alors, elle prit une grande inspiration pour se donner du courage, reportant son regard sur ses mains, jouant nerveusement avec.
« Cette mission... J'suis pas venue ici seulement pour te faire comprendre l'état de ta soeur... »
La voilà qu'elle bloquait maintenant. Elle, Kaecy Wilson, qui avait toujours eu le courage de tout dire à n'importe qui, connue pour sa franchise sans faille, voilà qu'aujourd'hui elle hésitait. Devait-elle réellement lui en parler ? Peut-être que cette révélation pourrait lui faire changer d'avis, le faire rester à Brisbane, pour cette fois. Ou au moins peut-être que ça pourrait lui permettre de faire attention plus sérieusement, une fois sur le terrain... Kaecy secoua la tête comme si elle tentait de remettre ses idées en place. Elle perdait un temps fou pour rien.
« J'la sens mal, c'est tout. Je sens que quelque-chose sonne mauvais... Je saurai pas te dire quoi, mais tu sais combien j'ai toujours eu une espèce de sixième sens... »
Kaecy avait alors relevé les yeux vers lui. Son regard exprimait tout ce qu'elle pouvait bien ressentir en ce moment même: elle était réellement désolée pour lui. Désolée de penser ça, désolée quand même qu'il ait à partir, désolée qu'il ait à mettre les personnes qui lui étaient le plus proche dans cet état. Désolée aussi pour lui si elle ressentait quelque-chose de vraie... Chose qu'elle ne voulait qu'il arrive. Elle voulait pouvoir voir Heidi dans sa belle robe pour le mariage de son frère, heureuse comme jamais. Elle voulait qu'elle ait la chance de devenir tata aussi.
Dernière édition par Kaecy Wilson le Dim 29 Nov 2015 - 16:21, édité 1 fois
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La jeune femme a un mauvais pressentiment. Sans savoir pourquoi ni comment. Son inquiétude est réelle, profonde, elle ne plaisante pas sur le sujet. Je peux facilement le lire dans son regard. Son ton hésitant prouve qu’elle ne dit pas ça à la légère, sur un coup de tête. Et c’est vrai qu’elle a toujours eu le don, depuis toute petite, de sentir les choses. Un espèce de sixième sens, comme elle dit, plus réel que chez n’importe qui d’autre. Il a même déjà fait ses preuves par le passé lorsque la jeune femme a finit par avoir raison. C’est bien ce qui m’effraie le plus, dans le fond. Mais je ne préfère pas y penser. Je n’ai pas le droit de douter, pas maintenant. « Tu te fais certainement des films, Kaecy. » Je chasse rapidement ces mauvaises ondes de mon esprit, d’un revers de la main. Mais dans le fond, je suis bien conscient des risques. A chaque fois que je m’envole à l’autre bout du monde pour une mission, ils sont là, bien présents et ils ne me quittent pas. Je ne peux pas le nier. Et pourtant, je m’efforce de me persuader du contraire. Ce n’est pas le moment de craquer alors que je dois paraitre fort aux yeux des autres. Je me dois de rassurer mes proches, de les protéger, avant mon départ. « Je ne peux pas me permettre de penser au pire... Si je me laisse bouffer par la peur, c’est exactement ce qui va finir par arriver. » Sur le terrain, je n’ai pas le droit à l’erreur. Une simple seconde d’hésitation peut me goûter la vie. Un simple faux pas, un mauvais geste. Ou si le destin en décide autrement. « Je te promets que tout ira bien... ne t’inquiètes pas pour ça. » Une promesse que je ne suis, malheureusement, pas certain de pouvoir tenir. On ne peut jamais savoir ce que l’avenir réserve pour chacun de nous, c'est comme ça. Je prends alors Kaecy dans les bras, sans même y réfléchir. Un geste tout à fait naturel, et incontrôlé. Faut croire que c’est tout ce dont j’ai besoin, réellement, à cet instant.
Pendant un instant, après que Kaecy ait enfin réussi à exprimer ses pensées à Matteo, un petit silence s'installa entre eux. Un échange de regards, aussi, ce mit en place. Kaecy ne savait pas si Matteo arrivait à voir qu'elle ne plaisantait pas en disant ça, avec son regard, mais elle l'espérait profondément. Elle voulait vraiment qu'il prenne réellement ses pensées et ressentis au sérieux, pas qu'il pense qu'elle disait ça pour lui donner une raison supplémentaire de rester. Car même si elle voyait l'état d'Heidi, et qu'elle pensait savoir très bien quand quel état devait se trouver Cléo, elle, elle n'avait pas le droit de lui dire de rester. Il n'était ni son copain, son fiancé encore moins, ni son frère. Il était un ami, et en règle général, on supporte ses amis quoi qu'il arrive. Même si leurs décisions nous font mal.
« Tu te fais certainement des films, Kaecy. »
La jeune femme ne saurait donc jamais s'il disait ça pour la rassurer elle, ou pour se rassurer lui même. Car c'était le genre de phrase que l'on disait plus quand on ne voulait pas croire ce que l'on avait sous les yeux, juste devant nous. Kaecy lui fit donc un petit sourire, à moitié compréhensif, et un peu aussi je te l'aurais dit au moins. Elle ne savait pas réellement comment exprimer avec des mots ce qu'elle pensait à ce moment même, alors juste un sourire semblait être mieux bienvenu.
« Je ne peux pas me permettre de penser au pire... Si je me laisse bouffer par la peur, c’est exactement ce qui va finir par arriver. Je te promets que tout ira bien... ne t’inquiètes pas pour ça. - Je m'inquiéterai, mais je vais faire comme si tes paroles étaient réconfortantes et vraies. Tu connais cette situation mieux que moi je pense. »
Le geste de Matteo surprit ensuite un peu Kaecy, car il la prit dans ses bras. Surprise, car ce n'était pas le genre de geste qu'ils étaient habitués à faire entre eux, comme s'ils avaient toujours eu d'un côté une barrière à leur amitié, une barrière physique. Bien qu'il se connaissaient depuis des années, qu'ils avaient d'autres gens en communs, ce n'était pas habituel. Mais malgré tout, dans cette situation, ce geste semblait presque... Normal. Comme si c'était une conclusion plutôt plaisante à ce genre de conversation qui en règle générale vous retourne le moral plus qu'autre chose. Kaecy vient alors refermer ses bras autour de Matteo, le serrant doucement, comme elle savait très bien le faire. Ils restèrent quelques instants comme ça, sans rien dire ni faire, comme s'ils en avaient besoin tous les deux. Au bout d'un moment, Kaecy s'écarta de Matteo, lui faisait cette fois ci un sourire plus chaleureux.
« Tu pars quand exactement alors ? On aura l'occasion de te revoir dans le coin avant ou pas ? Car je pense pas que Elio soit au courant pour le moment que tu repartes. Tu lui en parleras, hein ? »
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Mes paroles n’ont pas eu l’effet escompté sur l’inquiétude de la jeune femme, mais ce n’est pas vraiment étonnant. Je ne suis pas en mesure de pouvoir la rassurer davantage. Je ne peux pas savoir ce qu’il se passera exactement sur le terrain. Chaque mission est différente, mais tout aussi dangereuse. Il y a toujours un risque que je ne revienne jamais. A cette idée, je ne peux m’empêcher de repenser à Alexis et à cette terrible scène dont elle a été victime. Ce jour là, je n’ai pas pu la sauver. Et son sort aurait pu devenir celui de n’importe qui. C’est comme ça, on ne peut rien y faire. « Je te promets d’être vigilent une fois là-bas. » Je ne peux rien lui promettre d’autre. Même si les câlins affectifs ne sont pas dans nos habitudes, nous semblons tous les deux en avoir besoin. Cette étreinte représente pour moi une grosse bouffée de courage. Kaecy arrive à me faire partager son énergie, cette force qui arrive rapidement à me faire sentir mieux. Elle a toujours eu, depuis toujours, un impact positif sur ma vie. « A la fin de la semaine. C’est précipité, je sais, mais ce n’est pas comme si j’avais le choix. » Mon départ est beaucoup trop imminent à mon goût. C’est une autre raison qui rend la pilule davantage difficile à avaler. Pour ma famille, mes proches, mais pour moi aussi. Je n’ai pas la chance de profiter des derniers moments comme je le voudrais... c’est frustrant. « On aura donc pas forcément le temps de s’organiser un petit quelque chose tous les trois avant mon départ. » En y repensant, ça fait un moment qu’on n’a pas eu l’occasion de se voir, ensemble, comme au bon vieux temps. On devrait remédier à ça, et se consacrer une soirée par semaine, au minimum, à nous. La vie est précieuse, et les années passent beaucoup trop vite pour ne pas en profiter. « Mais je vais lui annoncer la nouvelle en personne, c’est promis. » Je préfère que ça soit moi qui le mette au courant, c’est le moins que je puisse faire. Et ce n’est pas à Kaecy de prendre cette responsabilité. « D'ailleurs, tu sais s’il est là ? Cléo est parti chez sa sœur, elle en a sans doute pour un moment, donc je pourrais aller le voir. Au moins, comme ça, il ne l'apprendra pas par quelqu'un d'autre. » Mieux vaut être prudent. Les nouvelles circulent parfois beaucoup trop vite, et si je ne veux pas que ça fasse la même chose qu’avec Kaecy, c’est maintenant ou jamais.
« A la fin de la semaine. C’est précipité, je sais, mais ce n’est pas comme si j’avais le choix. - Ah ouais quand même... »
Kaecy comprenait d'un coup mieux les réactions d'Heidi ainsi que de Cléo. Cette fois ci, elles n'avaient pas réellement le temps de digérer cette nouvelle informations que Matteo serait déjà à l'autre bout de la planète. Elle se rappelait les fois où Elio était parti aussi sur des coups de tête en voyages improvisés, comment elle le prenait à moitié mal à chaque fois. Elle avait fini par comprendre au bout d'un moment pourquoi il faisait ça, mais ce n'étaient pas les mêmes circonstances. Il partait pour se détendre, Matteo partait dans un endroit en guerre. La nuance n'était pas négligeable.
« On aura donc pas forcément le temps de s’organiser un petit quelque chose tous les trois avant mon départ. Mais je vais lui annoncer la nouvelle en personne, c’est promis. »
Il était vrai que fut une période où ils se voyaient plus qu'ils ne le faisaient maintenant. Malgré leurs évolutions de vies très différentes. C'était aussi la période où Heidi n'avait pas encore quitté Brisbane pour Adélaïde, la période où Kaecy n'avait pas autant de responsabilité à son travail. La période où Elio n'avait que ça à faire de sa vie. Tout changeait si rapidement. Mais pourquoi, ne devrions nous pas toujours avoir du temps pour nos amis ? C'est ce qui nous permet de garder les pieds sur terre, les amis, ils sont notre ancre dans ce monde en perpétuel changement.
« Il sera content, si j'peux dire enfin, de l'apprendre par toi. - D'ailleurs, tu sais s’il est là ? Cléo est parti chez sa sœur, elle en a sans doute pour un moment, donc je pourrais aller le voir. Au moins, comme ça, il ne l'apprendra pas par quelqu'un d'autre. - Il est chez lui ouais. Je devais normalement aller le voir en sortant d'avoir vu Heidi, mais je te laisse la place chez lui volontiers ! Tu lui feras un bisous de ma part est voilà ! »
Kaecy lui fit un petit sourire avant de venir lui faire un baiser sur la joue, signe qu'elle allait enfin de laisser tranquille. Il avait beaucoup à faire avec pas mal de gens, gérer des situations pas réellement facile, et elle avait fait sa part du boulot, si on pouvait dire comme ça. Elle savait maintenant qu'il était tout à fait conscient de sa décision, et Elio serait prévenu par lui. Elle se leva donc du canapé, remettant ses chaussures et reprenant son sac, avant de se diriger vers la porte d'entrée. Elle l'ouvrit à moitié, avant de se retourner avec un sourire encore plus large vers Matteo.
« Et oublies pas, la prochaine fois qu'on se voit, tu seras en costume de marié ! »
Elle eut un petit rire. Elle avait hâte d'assister à cet événement en vrai. Cléo était une personne tout à fait formidable, des peu de fois où elle l'avait vu en tous cas. Et voir Matteo devenir sage et se caser, c'était un événement à ne pas louper. Elle sortit donc de l'appartement, la pluie menaçait de tomber, elle se précipita donc de retourner dans sa voiture pour retourner chez elle. Elle allait sûrement encore travailler toute la soirée, mais au moins elle le ferait l'esprit plus léger.