it's not that complicated
you should stay in my good graces

@Greta Moore • juillet 2023, londres

Il n’avait pas franchement envie de faire encore le déplacement jusqu’à Londres, Izan, mais difficile de refuser un contrat qui aligne autant de chiffre sur un même chèque d’après Lynda. Peut-être aurait-il pu se dérober en prétextant être malade mais il sait très bien que son assistante, qui a plus de flair qu’un chien de la police cynophile, aurait mis en exergue son mensonge avant même qu’il ne puisse l’achever, et il n’a pas non plus tenté de la corrompre en supplications et négociations car elle est imperméable à toutes ses mauvaises manigances depuis le temps qu’elle le pratique. Mais même s’il a atterri sur le sol anglais en tirant une tronche de six kilomètres de long — exagérée pour montrer à tout le monde à quel point il a voyagé contraint et forcé, la nuit qu’il a passé en charmante compagnie a suffi à le faire changer d’avis sur la façon dont il considère désormais cette traversée imposée par son label. Il n’a certes pas retenu le prénom de la charmante demoiselle (il dirait « pourquoi faire ? » si on lui posait la question), mais ce n’est pas comme s’ils avaient signé pour autre chose que le secret d’une étreinte lascive au coeur d’un hôtel de luxe, sans conséquence ni poursuite. Si les clauses du contrat sont claires dans l’esprit du musicien, elles ne le sont peut-être pas pour la ravissante jeune femme qui s’imaginait autre chose, sans que ses espérances ne trouvent une quelconque concrétisation dans la réalité : il ne l’a pas rappelé comme elle l’avait escompté, mais son souhait n’avait pas d’autres fondement que ses propres aspirations, qui n’ont jamais été partagées ou même prononcées dans un serment par le pianiste, qui est loin de s’imaginer que sa conquête d’une nuit est une amie proche de Greta. Aussi, s’il était moins centré sur sa propre petite personne en passant les deux portes ouvertes de la salle de réception, peut-être verrait-il les regards meurtriers que son amie lui lance mais, traversant la pièce comme un monarque en son royaume, il récupère une coupe de champagne sur un plateau tenu par un serveur en costume avant d’interrompre ses pas près de la blonde, à laquelle il lance un ’’Qu’est-ce que j’ai manqué ?’’ prononcé d’un ton réjoui, pendant qu’il balaye les convives d’un regard ennuyé tout en apportant son verre à ses lèvres pour en boire une gorgée, loin de s’imaginer que Greta nourrit une colère virulente à son égard mais, à n’en pas douter, il va vite s’en rendre compte…

Elle avait accepté pour s’accorder une pause en plein milieu de la spirale médiatique dans laquelle elle avait été entraînée avec Rhett, ou par Rhett. Il était à l’initiative de l’idée et si elle l’en remerciait chaque jour, gérer la promotion seule la plupart du temps devenait un fardeau trop lourd à porter surtout quand celui-ci mettait en péril la quête d’anonymat que Greta poursuivait depuis son arrivée à Brisbane. Depuis près de cinq ans, ce secret en restait un car la presse n’avait aucun intérêt pour elle et elle savait à quel point se montrer sur des plateaux télé et répondre à des interviews était comme jouer avec le feu. Il lui fallait ça pour avancer, et le risque était probablement bon à prendre. Mais puisque l’écrivaine n’était pas connue pour apprécier les prises de risque, elle avait fui dès qu’elle en avait eu l’occasion. Le moment lui permettrait de retrouver sa famille, son frère, surtout, parce que ses parents ne manqueraient pas de lui poser des milliers de questions auxquelles elle ne voulait pas répondre mais aussi, et de manière plus surprenante, le pianiste qui était devenu la coqueluche des Sighbury. La première fois qu’elle avait vu Izan, c’était à Londres alors qu’elle était en couple avec Arthur. Cette fois-ci, le schéma était le même, à deux détails près, ces deux-là auraient pu se revoir sur le sol Australien et la première fois, elle n’avait pas eu envie de l’étriper. ’’Qu’est-ce que j’ai manqué ?’’ Son regard s’était encore un peu plus assombri, alors que la nonchalance d’Izan était en totale opposition avec les lamentations de son ami. « De classe, ça c’est une certitude. » Et elle l’avait toisé des pieds à la tête, avec un air presque écoeuré. Bien sûr qu’il répondait à cette possibilité de mettre qui il souhaitait dans ses draps mais cela ne le privait pas d’un minimum de décence. « Oh tu parlais de l’événement ? Parce qu’en plus je dois être celle qui te raconte ce que t’as manqué ? » Le toupet avait un nom et il portait celui de Da Silva. Regardant autour d’elle pour s’assurer qu’ils n’étaient pas observés, Greta avait posé sa main sur le bras d’Izan et était venue s’approcher de son oreille pour poursuivre la conversation sans gêner les convives, ou plutôt, sans leur faire partager cet aspect là de leur relation. « Putain Izan, qu’est-ce que t’as foutu pour la mettre dans cet état ? » En reprenant sa position, elle avait à nouveau tourné la tête pour accorder un sourire hypocrite aux invités des alentours qui s’étaient tout de même inquiétés de voir l’héritière le front plissé à ce point.

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@Greta Moore • juillet 2023, londres

Il mentirait s’il disait avoir vu la tempête arriver. Dans l’illusion de son ciel bleu, la météo est au beau fixe et aucun nuage gris ne menace d’envahir la voute céleste pour y faire gronder une quelconque averse, si bien que lorsque le tonnerre résonne pour la première fois sous un « De classe, ça c’est une certitude. » le pianiste ne pense pas encore à se mettre à l’abri. Il hausse simplement ses épaules pour mieux faire rebondir le sourire amusé qui vient se flanquer sur ses lèvres puisque, ayant les yeux rivés sur les convives, il ne voit pas le regard purement écoeuré qu’elle lui lance. Il ne s’offusque pas de sa prise de parole parce que c’est de bonne guerre, comme réponse, le genre de pic sarcastique dont il aurait pu se vanter s’il avait été à sa place, et son amitié avec Greta est loin d’être la plus douce qu’il entretient : ils ont plus tendance à échanger les camouflets que les phrases d’encouragements mais, étonnamment, c’est quelque chose qui lui convient parfaitement. La preuve, Izan avale une autre gorgée de sa coupe de champagne avant d’entendre le « Oh tu parlais de l’événement ? Parce qu’en plus je dois être celle qui te raconte ce que t’as manqué ? » qui lui fait comprendre — oui, enfin — que la blonde est gravement contrariée. Fronçant légèrement les sourcils, il tourne son menton en sa direction en ayant l’air à la fois inquiet et intrigué, soucieux de ce qui a pu mettre son amie dans un tel état d’agacement — lui, oui, mais il ne l’a pas encore assimilé. « Putain Izan, qu’est-ce que t’as foutu pour la mettre dans cet état ? » lil ne sait pas trop à qui la renvoie, et l’éventail de ses suppositions l’oblige à faire coulisser son regard sur le côté sous cette réflexion imposée par la londonienne. Les lèvres faiblement espacées et le menton légèrement incliné en sa direction pour palier leur différence de tailles, il attend quelque chose seconde avant de formuler tout haut ce que son expression faciale pense tout bas : ’’Mais de quoi tu parles ?’’ l’on pourrait aisément croire qu’il feint l’ignorance pour échapper au courroux de la Moore mais la perplexité de ses traits ne ment pas : il n’a aucune idée de l’attitude à adopter face à celle qui le prend de court avec sa colère sans discernement, puisqu’il ne sait même pas ce qu’elle lui reproche concrètement. ’’Enfin, de qui, plutôt.’’ abandonnant sa coupe de champagne sur le meuble à côté de lui, il arque l’un de ses sourcils d’un air interrogateur avant de croiser ses bras contre son torse, comme s’il lui fallait imposer physiquement une distance entre eux ; il se connaît suffisamment pour savoir que les émotions négatives sont un véritable raz-de-marée qui le submerge en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, et être ainsi acculé comme un criminel notoire lui fait l’effet d’une douche froide.

Son sourire était éclatant, son charisme avait atteint son sommet et Izan traçait son chemin au milieu des convives comme si l’endroit lui appartenait. Dans d’autres circonstances, Greta aurait souri de le voir aussi à l’aise, venant accentuer le contraste avec sa toute première prestation pour les Sighbury. Dans d’autres circonstances, l’avoir pour allié ce soir où elle aurait préféré être partout sauf ici l’aurait enthousiasmé. Mais à ce moment précis, l’accueil qu’elle lui réservait, sourcils froncés et air grave pour armes, en disait long sur la rancœur qui était en train de la consumer. L’ensemble de ses sentiments était de toute façon décuplé, alors qu’elle s’était perdue dans un moment empreint d’incertitudes qui l’empêchait de les contrôler. L’écrivaine aurait de toute façon mal réagi mais le contexte la privait d’une quelconque forme d’hésitation quant à la manière d’aborder le sujet avec Izan. ’’Mais de quoi tu parles ?’’ Greta avait reporté son poids sur son autre jambe, venant croiser les bras dans une attitude qui montrait tout son agacement. Elle n’avait ni le temps ni l’envie de le voir feindre l’ignorance, de prétendre qu’il ne savait pas exactement ce dont ils étaient en train de parler. ’’Enfin, de qui, plutôt.’’ « Mais tu te tapes tout Londres pour devoir demander ? » Le problème était en train de devenir plus conséquent, parce que si c’était le cas, Cordelia s’était encore plus trompée sur Izan et Greta aussi. « Avoir une amie qui m’appelle en pleures parce qu’elle croyait que “le pianiste canon” serait le bon, c’est pas quelque chose qui me plaît pour démarrer la journée. » La blonde l’avait toisé, détaillant Izan de haut en bas, presque déçue de devoir appuyer sur l’une de ses qualités même s’il s’agissait là de la plus futile de toutes. « Et des pianistes canons, j’en connais pas des centaines. » Pour prononcer ces derniers mots, elle avait approché un peu plus son visage du sien, inquiète à l’idée que n’importe qui d’autre puisse l’entendre prononcer cet aveu. « Mais ça te dispense pas de te comporter correctement, t’es au courant de ça ? » Izan était devenu un ami, mais Cordelia avait endossé ce rôle depuis bien plus longtemps que le musicien et dans ce cas de figure, une certaine hiérarchie s’imposait naturellement et empêchait à Greta de ne pas prendre partie pour son amie. Après tout, elle lui avait exposé les choses de manière claire et précise : Izan lui avait promis monts et merveilles et l’avait laissé dès qu’il avait eu ce qu’il voulait. Et malgré tout, Greta devait admettre qu’elle n’aurait jamais cru Izan capable de se comporter de cette façon.

« Mais tu te tapes tout Londres pour devoir demander ? » il devrait s’écraser pour passer sous les radars de sa colère, montrer patte blanche pour prouver sa bonne foi mais, comme Izan n’a pas été conçu dans le modèle de la tempérance, il se contente de répondre un ’’J’ai un emploi-du-temps trop chargé pour me le permettre.’’ d’une voix laconique, qui prouve qu’il ne prend pas vraiment au sérieux ce qu’il se passe entre eux, puisqu’il sait pertinemment qu’il n’a rien fait de mal et qu’il n’a donc aucune raison de s’inquiéter du chapelet de piques acerbes qu’elle déverse sur lui, même si ça commence à doucement l’irriter d’être ainsi incriminé. « Avoir une amie qui m’appelle en pleures parce qu’elle croyait que “le pianiste canon” serait le bon, c’est pas quelque chose qui me plaît pour démarrer la journée. » commençant à entrevoir un début d’explication à toute cette machination de fausseté, il affute ses paupières en envoyant la pointe de sa langue contre ses dents du fond, complètement sidéré par le discours qu’elle lui pond. Il a l’impression de subir une réelle injustice, le genre d’accusation dont il ne peut guère se défendre parce qu’il sait par avance que ce sera sa parole contre celle de Cordelia, et sa compagne d’une nuit a surement l’avantage de connaître Greta depuis bien plus longtemps que lui, ayant un passe-droit de confiance et de crédibilité qu’il n’a pas. Quoiqu’il dise, il est foutu, n’est-ce pas ? « Et des pianistes canons, j’en connais pas des centaines. » s’il avait été moins amer, il aurait sûrement rebondi avec malice sur le fait qu’elle le trouve canon mais, là, tout de suite, il n’a même pas envie de faire cet effort qu’il devine stérile. Il émet alors un ricanement aigre en baissant le menton de quelques degrés, véritablement déçu qu’elle ne lui laisse même pas le bénéfice du doute. « Mais ça te dispense pas de te comporter correctement, t’es au courant de ça ? » il est clair, par les mots et le ton employés, qu’elle ne cherche pas à obtenir confirmation de sa part : elle n’a pas besoin qu’il le fasse parce qu’elle est déjà convaincue de détenir la vérité, et il n’a pas envie de se battre pour laver son honneur. ‘’C’est vraiment ce que tu penses de moi ?’’ bien sûr que ça l’atteint, plus qu’il ne veut bien le laisser transparaître d’ailleurs, puisque ça vient assurément remuer des choses qu’il voulait garder enterrés, ravivant des blessures et des manquements qu’il s’efforce de combler depuis des années. Ce n’est pas comme si c’était la première fois qu’on l’accusait d’un crime qu’il n’a pas commis, n’est-ce pas. ’’Je vois.’’ qu’elle ne changera pas d’avis, qu’elle a déjà proclamé sa sentence et qu’il est le grand méchant de l’histoire ; soit. ’’Pour info, je n’ai jamais rien promis à ta pote. Rien de plus que ce qu’il s’est passé, c’était très clair entre nous.’’ il ne sait pas trop pourquoi il s’emmerde à se défendre, ce n’est pas comme si elle allait soudainement lui accorder la présomption d’innocence ’’J’vais y aller.’’ parce qu’il n’est pas obligé de rester après sa représentation, alors il lui lance un dernier regard avant de tourner les talons, pas franchement disposé à se faire pourrir davantage.

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Ils ne pouvaient pas se permettre d’être autre chose que discrets, malgré l’envie de Greta de lui crier tout ce qu’elle était en train de lui dire. Elle l’assaillait de reproches, là, au milieu des convives, sans réellement savoir pourquoi elle avait pris pour argent comptant les dires de son cœur d’artichaut d’amie. A bien y réfléchir, elle ne connaissait pas assez Izan pour le juger, se trouvait même profondément étonnée de devoir lui allouer un comportement qu’elle n’aurait jamais pensé être le sien. Et peut-être que sa colère n’était que le résultat de sa déception à l’idée d’avoir perdu l’un de ses alliés dans ce monde de paraître et de faux-semblant dont elle le détachait initialement. Était-il devenu une pâle copie de tous ceux qui les entouraient ?  ’’J’ai un emploi-du-temps trop chargé pour me le permettre.’’ Cette remarque avait eu pour effet de lui laisser échapper un rire bref, alors qu’elle n’arrivait pas à saisir si cette excuse en était réellement une ou s' il confirmait justement le passage de nombreuses personnes dans son lit. Finalement, ce point ne la regardait pas, elle s’en contre fichait même, sauf lorsque l’une de ses personnes était une bonne amie avec une fâcheuse tendance à tomber amoureuse au moindre battement de cils - le domaine de prédilection du pianiste. Alors elle avait tenté de lui expliquer, lui laissant la chance d’en faire de même à son tour, sans réaliser qu’Izan ne lui devait rien, ils étaient des connaissances, des amis tout au plus, et ces moments passés ensemble durant les galas n’accordaient aucune légitimité à l’héritière. ‘’C’est vraiment ce que tu penses de moi ?’’ Ses pupilles l’avaient sondé un instant, alors qu’elle réalisait que, justement, son avis sur sa personne avait toujours été positif et que c’était probablement une autre raison de sa colère. « Non, c’est pas l’image que j’avais de toi, c’est pour ça que je suis déçue. » Quelque chose dans son attitude lui laissait entrevoir la possibilité que Cordelia n’était pas la victime qu’elle avait indiqué être, parce qu’il aurait continué à user et abuser de son arrogance si tel avait été le cas. Ici, il abandonnait, sans même tenter de se défendre et Greta se retrouvait là, seule avec son flot d’accusations. ’’Je vois.’’ Il était las, baissant les bras devant une bataille perdue d’avance. ’’Pour info, je n’ai jamais rien promis à ta pote. Rien de plus que ce qu’il s’est passé, c’était très clair entre nous.’’ La nonchalance dont il faisait preuve et la justesse de ses mots, pourtant étrangement banal, avaient laissé Greta prendre conscience de son attitude, un peu trop tard. ’’J’vais y aller.’’ « Sérieux, Izan ? » Elle n’avait pas l’habitude qu’on la laisse en plan, le moment était extrêmement vexant, et elle imaginait assez bien ce que Cordelia avait pu ressentir, même si Izan ne lui avait rien promis comme il venait de l’affirmer et malgré ce qu’elle suggérait. Elle aurait pu le retenir, mais aurait sûrement aggravé la situation. Alors elle attendrait qu’ils aient l’occasion d’en reparler, parce que ce n’était pas un lien sur lequel elle souhaitait tirer un trait et ce malgré ses doutes que la fuite d’Izan n’avait pas permis de dissiper totalement.