Mi-septembre 2024.

J'aurais dû me douter que m'installer avec une assoiffée d'aventure ne serait pas de tout repos. Si nos deux premiers mois passés à l'appart ont été rythmés par les cartons à déballer, les meubles à monter et les décos à installer, septembre s’annonçait enfin comme le début d'une colocation plus sereine. Après tout, n’était-ce pas ce qu'on recherchait, Kaia et moi ? Une forme de stabilité après des années à errer : moi dans la rue, au foyer, puis chez Eve, et elle, de canapé en canapé, portée par le vent de la liberté chez ses nombreux contacts en ville. Jusqu'au moment où elle m'a annoncé, il y a à peine deux semaines, qu'elle avait reçu une offre pour participer à une mission saisonnière à des kilomètres de là. Un boulot difficile mais bien rémunéré, l'occasion de combler quelques dettes et étoffer ses économies pendant qu'elle chercherait un travail plus permanent à Brisbane.

Partagée entre sa joie contagieuse et mes propres angoisses à l’idée de devoir me démerder toute seule, je lui ai clairement fait comprendre que le timing était mal choisi, mais que je la soutenais dans sa décision. Après une soirée passée à poser toutes nos options sur le tapis, on a convenu qu'il serait plus simple de trouver une colocataire pour la remplacer temporairement. De cette manière, elle pourrait conserver son fric au lieu de le dépenser dans le loyer pendant qu'elle n'était pas là. Afin d’éviter les soucis avec le proprio ou son potentiel refus à l’idée d'accepter une sous-loc' (en plus d'un animal de compagnie), on a préféré faire ça... en douce. De toute façon, ça ne serait que l'histoire de quelques mois. Qu'est-ce qui pourrait bien aller de travers en si peu de temps, hm ? Évidemment, c'est moi qui me suis occupée de mettre en ligne une annonce - fallait pas compter sur Kaia la désorganisée tête en l'air pour se charger des détails. Les réponses ont été nombreuses, et après quelques mails de pré-sélection et conversations téléphoniques avec les candidats les plus prometteurs, j'ai enfin mis le doigt sur la perle. Albane, dans la même tranche d’âge que nous, française fraîchement revenue en Australie après une longue absence.

Elle débarque aujourd'hui - avec son chat, Einstein - et j'ai passé la journée à faire la tornade dans tout l'appartement pour l'accueillir en bonne et due forme. Les bières et le soda patientent au frigo pendant que des pizzas dorent au four. J'peux être une fée du logis, quand l'envie me prend !

La sonnette retentit alors que je finis de laver la vaisselle. Pourquoi j'suis nerveuse ? J'ai aucune raison d’être nerveuse. Pas comme si j'allais partager ma piaule avec une parfaite inconnue. Hem... J'essuie mes mains sur un chiffon, manque de trébucher sur le fil de l'aspirateur qui traîne encore dans le couloir, le fourre rapidement dans le placard et le referme d'un coup de chausson, avant d'ouvrir grand la porte en forçant un sourire chaleureux sur mes lèvres crispées.

"Albane ? Enchantée, moi c'est Bel. Viens, entre. Alors... c'est le grand retour en Australie, c'est ça ? Qu'est-ce qui t'a poussée à revenir ?"

Moodboard appart: