@Jayden Holmes

Quelques mois plus tôt, un homme s’était présenté à la clinique avec une demande bien particulière. En fait, il voulait deux choses. Il expliqua rapidement qu’il faisait partie de la production d’une future série télé dont l’action tournerait autour d’une clinique vétérinaire. Ils avaient besoin d’un vétérinaire qui agirait à titre de consultants sur le plateau. Son rôle sera de conseiller et de guider les acteurs afin que leur jeu soit le plus réaliste possible à l’écran. C’était une chose courante que d’engager des policiers, des pompiers ou d’autres spécialistes du même genre. Ils souhaitaient également utiliser la clinique de Tessa et Min pour filmer les scènes extérieures. Évidemment les tournages se feront uniquement les weekends afin de ne pas nuire aux activités régulières. Quant aux scènes en cliniques, le tout se fera en studio dans des décors construits pour l’occasion. Ni Tessa ni Min ne s’attendaient à recevoir une telle proposition. Ils pensaient même à une blague, mais non. Après quelques discussions, il fut décidé que Min agirait à titre de consultant. Honnêtement, il aurait préféré rester à la clinique pour s’occuper de ses patients, mais en même temps, il était curieux de voir comment ça se passait sur un plateau de tournage, surtout qu’il était un amateur de série. Ça pourrait être amusant…

C’est ainsi que Min-Kyung se présenta au studio à la date convenue, étonnamment stressé par son nouveau rôle. Ce n’était pas comme si on lui demandait d’être devant la caméra, bien qu’on lui ait déjà dit qu’il était photogénique, mais il craignait de dire n’importe quoi. En même temps, qui pourrait l’accuser de dire n’importe quoi, c’était lui l’expert. On lui avait demandé de s’habiller comme s’il allait travailler à la clinique. Min portait donc un uniforme médical bleu foncé avec son nom et le nom de la clinique brodée en fils blancs sur sa poitrine. On lui donna un laisser-passer pour la sécurité et on le fit entrer dans le studio à proprement parler. À sa plus grande surprise, il y avait beaucoup de monde. Ça allait dans tous les sens, chacun jouant un rôle très précis dans la production. Min trouvait ça à la fois étourdissant et fascinant. Il avait une chaise dédiée où il pouvait s’assoir entre les tournages, pareille à celles que l’on voyait dans les séries télé, mais son nom n’était pas écrit dessus, juste consultant. Ça le décevait plus qu’il n’oserait l’avouer. On lui fit visiter les décors dont le réalisme le frappa. Il avait vraiment l’impression de se trouver à l’intérieur d’une clinique. Ceux qui les avaient construits s’étaient attardés sur les détails. Même les affiches aux murs étaient les mêmes qu’à la clinique. Ils avaient évidemment pris des photos lors de leur première rencontre, mais il ne pensait pas qu’il ferait une réplique des lieux. Ce n’était pas exactement pareil, mais s’en était pas loin.

« C’est vraiment impressionnant », dit-il en se penchant pour regarder dans un microscope. Ce n’était pas un vrai, mais c’était à s’y méprendre. Évidemment, une clinique vétérinaire ne pouvait pas fonctionner sans animaux. Pour aujourd’hui, il y avait deux chats et un chien. Ce n’étaient pas des animaux ordinaires. Ils étaient entraînés pour la télévision. Min passa un moment à discuter avec leur entraîneur tout en caressant le chihuahua le mieux éduqué qu’il ait rencontré de sa carrière. Peut-être que les chihuahuas n’étaient pas tous des démons, après tout.

Naturellement, en tant que consultant, il devait surtout travailler avec les acteurs et le réalisateur. Min n’avait pas pensé à demander qui jouerait sur la série, alors il fut surpris lorsqu’il reconnut l’un d’entre eux. C’était un acteur bien connu qui avait joué dans une série qu’il avait adoré deux ans plus tôt. Il ne pensait pas le rencontrer un jour, pas à Brisbane en tout cas et en le voyant, il se figea, son cœur palpitant dans sa poitrine. Sa réaction le surprenait. Après tout, ce n’était qu’un acteur, un humain tout simplement. Pourtant, lorsqu’il tendit la main pour se présenter, son sourire était un peu crispé et clairement gêné.

« Bonjour… Je suis Min-Kyung Ho. Je suis vétérinaire… et le consultant. On m’a demandé de vous aider. »

Min voulait disparaître sous une table et y rester jusqu’à la fin de temps.

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Min ne s’attendait pas à réagir ainsi. D’ordinaire, il approchait facilement les gens et était rarement intimidé par quelqu’un à moins que cette personne ne l’attire physiquement. Sa réaction s’expliquait peut-être par le fait que c’était la première fois qu’il rencontrait une vedette du cinéma. Il l’avait vu dans quelques rôles à la télévision et voilà qu’il se tenait devant lui en chair et en os, tout sourire et lui serrant la main. Sa propre réaction l’embarrassait et il espérait maintenant que cet homme ne le prendrait pas pour un idiot incapable de se maîtriser.

« Désolé… Je suis un peu nerveux, c’est vrai. Je suis vétérinaire, je travaille avec les animaux normalement. Ma vie est très loin des plateaux de cinéma ou de séries télé. C’est la première fois que j’en visite un. Je suis en dehors de ma zone de confort. En plus, après vous avoir vu dans quelques rôles, vous avoir devant moi, ça fait un peu bizarre. Ce n’est probablement pas la première fois qu’on vous en fait la remarque. » Ce visage venait avec des noms et des personnalités différentes. Maintenant il rencontrait l’acteur et si Min avait l’impression de le connaître à travers ses rôles, en vérité ce n’était pas du tout le cas. En tout cas, il semblait sympathique et laissait une bonne première impression. Min avait le feu aux joues, signe qu’il rougissait et lorsque ça arrivait, ce n’était jamais de manière uniforme, mais plutôt par plaque comme s’il souffrait d’une maladie infectieuse. Heureusement, maintenant que la glace était brisée, la nervosité tombait et il reprenait peu à peu de l’assurance.

Il désigna le décor d’un geste de la main. « C’est une réplique pratiquement identique de la clinique où je travaille. Là-bas, on dirait mon bureau. » Il ne manquait que des photos de Lincoln et lui et l’illusion serait parfaite. « Je suis censé vous montrer comment travailler avec les animaux. On devrait peut-être commencer si vous êtes prêt. » Honnêtement, il sera beaucoup plus à l’aise lorsqu’il aura un chat ou un chien entre les mains.

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Min-Kyung ne put s’empêcher de rougir au compliment. Pourtant, faire preuve de politesse c’était la base. Il a toujours été d’un tempérament facile à vivre et n’était pas du genre à faire de caprices, surtout pas devant une opportunité qui ne se présentait qu’une seule fois dans une vie. D’un geste de la tête, il accepta la proposition de Jayden de faire le tour du studio. Il l’avait exploré un peu de lui-même avant de le rencontrer, mais c’était toujours plus agréable de le faire en compagnie de quelqu’un qui s’y connaissait. Il pourrait répondre à ses questions et Min en avait plein.

« Pourtant, les furets sont adorables et exceptionnellement doués pour faire des bêtises. Aucune raison d’en avoir peur. Je n’en ai pas beaucoup parmi mes patients. » Il fronça les sourcils. « Il faut faire attention avec ces petites bêtes. Ils sont sensibles à la poussière et peuvent développer des maladies respiratoires si leur litière n’est pas de bonne qualité. Ils peuvent également attraper certains virus de la grippe de l’homme. Il faut donc être prudent lors des manipulations lorsqu’on est malade. » Lorsqu’il était question d’animaux, Min-Kyung était beaucoup plus à l’aise et ça se voyait à la façon dont son regard semblait s’éclairer dès qu’il en parlait. Ils arrivèrent enfin devant la seconde grande vedette de l’émission, un magnifique Maine coon qui donnait l’impression de tenir court. Il observait les environs avec une indifférence propre aux chats. Malgré l’agitation, il ne montrait aucun signe de peur. Les joies d’avoir un animal correctement sociabilisé. « Il est magnifique. » Min tendit la main pour le caresser à son tour. Il aimait beaucoup cette race et leurs chatons étaient trop adorables. Lorsqu’il vivait à Melbourne, il s’occupait des chats d’un élevage en ville. C’était toujours un plaisir lorsque l’éleveuse amenait sa dernière portée pour leurs examens de routine. « Il a raison. Les chats sont susceptibles d’être en surpoids et, comme chez l’humain, ça peut causer toute une liste de problèmes de santés. C’est très difficile de les faire maigrir. En plus, ils sont d’excellents comédiens. Ils vont travailler très fort à nous faire croire qu’ils sont en train de mourir de faim, alors que pas du tout, ils sont juste dramatique. » Il pensait à sa propre chatte, Saja, qui le faisait entendre quand son bol de nourriture était vide. Et lorsqu’il ouvrait le placard où il rangeait le sac, peu importe ce qu’elle faisait, elle venait le voir en courant.

« Les interventions ne seront pas tout à fait les mêmes selon le type de rendez-vous, mais il y en a que l’on fait systématiquement. On va commencer par le peser. C’est essentiel pour contrôler son poids, voir s’il y a une fluctuation depuis la dernière visite. Ensuite, on va l’examiner de façon générale. On va regarder ses yeux, vérifier qu’ils sont clairs. On va regarder son nez pour voir s’il n’y a pas de signes qu’il coulerait. C’est un signe qu’il a une maladie respiratoire. Ensuite, on va lui ouvrir doucement la gueule, comme ça, pour regarder l’état de ses dents. Les chats sont susceptibles d’avoir des problèmes dentaires. » Alors qu’il expliquait les différentes étapes, Min le faisait avec le pauvre Raspoutine qui se comportait admirablement bien même s’il montrait quelques signes d’impatience, surtout quand vient le moment d’examiner ses dents. « Ne t’inquiète pas, tu as un sourire parfait. On regarde dans les oreilles s’il n’y a pas des signes d’infections. On va palper le ventre. Évidemment, on va écouter le cœur. On prend aussi la température, mais là on ne va pas vous demander de le faire pour vrai. Donc ça, c’est l’examen de base. Ensuite, il y a généralement le rappel de vaccin. Pour ça, on va piquer sur le dos. Vous pouvez pincer la peau comme ça et on insère l’aiguille juste là en faisant bien attention de respecter l’angle. C’est généralement à ce moment que nos amis félins se fâchent. » Il sourit. « Ce chat est exceptionnellement bien élevé et patient. Souvent, il faut mettre de gros gants bien épais pour éviter les griffures et les morsures. Dans certains cas, nous n’avons pas le choix que de leur administrer un calmant, car ils sont un danger autant pour eux que pour nous. »

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Min-Kyung eut tout juste le temps de caresser le chat derrière les oreilles avant que celui-ci ne s’échappe à la recherche d’un endroit plus tranquille. Il sourit. « Ça reste un animal. Il peut être bien élevé et n’avoir jamais montré de signes d’agressivité, s’il a mal ou s’il a peur, il cherchera à se défendre et ça ne fait pas de lui un animal méchant. En comprenant les risques, on s’évite bien des incidents. » Min ne comptait plus le nombre de fois où l’un de ses patients avait essayé de le mordre. En général, les propriétaires connaissaient bien leur animal et leur mettaient une muselière, mais il y en avait toujours qui ne voulaient pas en mettre de peur que leur compagnon soit inconfortable. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle le soit à condition de bien la choisir. Évidemment, voir un chat avec une sorte de bulle en plastique autour de la tête était toujours un spectacle particulièrement amusant à voir.

La main sur l'épaule le surprit un peu. Il n'était pas habitué aux contacts physiques avec les étrangers. Bon, il y avait eu des exceptions, mais il préférait ne pas trop penser à cette période de sa vie où il allait dans les bars à la recherche de cette proximité. Ne voulant pas paraître impoli, Min sourit. « Je ne refuse jamais un café », déclara Min sans se départir de son sourire. Ils se dirigèrent vers un petit comptoir qui servait des rafraichissements et des repas légers aux membres de la production. Leur café en main, ils s’assirent à une table où ils pouvaient poursuivre leur conversation en attendant que le tournage commence. « J’ai obtenu mon diplôme de la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Melbourne il y a environ une dizaine d’années. J’ai travaillé dans une petite clinique de quartier, toujours à Melbourne, jusqu’à l’année dernière quand j’ai déménagé à Brisbane. Depuis, je suis à la clinique Mulligan. Je travaille avec les chats et les chiens, mais en réalité, je suis spécialisé dans les animaux exotiques comme les reptiles, les serpents et les petits mammifères autres que chats et chiens. Si vous avez besoin d’un vétérinaire pour vos furets, je peux m’en occuper. J’ai aussi beaucoup travaillé avec la faune sauvage d’Australie. Lors des gros incendies de forêt de 2019 et 2020, j’ai été volontaire pour aller soigner les animaux blessés par les feux. On travaillait dans des conditions très difficiles, mais j’ai adoré ça même si ça nous brisait le cœur de voir autant d’animaux souffrir. » Min conservait de précieux souvenirs de cette période au point que c’en était devenu une vocation. Depuis, dès qu’il y avait un événement qui impactait la faune, Min constituait une équipe et allait aider sur le terrain pour soigner les animaux qui seraient ignorés sinon. Il l’avait fait plus récemment lors des inondations qui ont touché Brisbane, dormant à la clinique pour veiller sur ses patients lorsqu’il n’y avait pas d’électricité. « Et vous, vous faites ce métier depuis combien de temps? Honnêtement, je trouve le métier d’acteur fascinant. Ça ne doit pas toujours être facile. Je veux dire, juste jouer des sentiments romantiques. Personnellement, je serais tellement embarrassé. Je sais que je ne serais pas un bon acteur… Peut-être un figurant, mais pas plus. »

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Un froid s’était soudainement installé dans la conversation. Observateur, Jayden avait remarqué son inconfort en posant sa main sur son épaule. Il s’excusa à profusion, faisant culpabiliser Min plus encore. « Ce n’est pas grave. J’ai été un peu surpris, c’est tout. C’est un truc d’Asiatique. » Il était aussi embarrassé que Jayden, surtout que c’était un geste naturel et sans arrière-pensée. Heureusement, le malaise passa et la conversation reprit son cours, cette fois autour d’un café. Min regarda Jayden verser le café dans deux tasses. L’odeur intense qui s’en dégageait noyait toutes les autres alors que la table était couverte de nourritures laissées à la disposition de l’équipe. « Je bois habituellement mon café noir, mais je vais vous faire confiance là-dessus. » Il n’ajouta pas de sucre, mais il versa du lait afin d’en atténuer l’intensité avant d’en boire une gorgée. L’odeur s’accordait avec le goût. Il était intense avec une bonne amertume. « Il n’est pas si mal. Merci pour le café. » Min en avait bu des bien pires, mais il fallait aimer le café fort.

Min lui parla de son parcours en tant que vétérinaire et lorsqu’il mentionna qu’il pourrait s’occuper des furets de Jayden, son regard s’illumina et il ne put s’empêcher de sourire en retour. L’acteur était incroyablement charismatique. « Attendez, je dois avoir des cartes sur moi. » Il regarda dans son portefeuille d’où il en tira une qu’il tendit à Jayden. Dessus, il y avait son nom avec le logo de la clinique et les coordonnées. « Quand vous téléphonerez, dites simplement que vous voulez une consultation avec moi. » Jayden parlait de ses furets avec tellement de passion. Évidemment, s’il avait pu monter des photos, il l’aurait fait. Lui-même montrait des photos de son chat dès qu’il en avait l’occasion.

Tout en buvant son café, il écouta les explications de l’acteur à propos de son métier. Min se doutait que les scènes les plus compliquées à jouer devaient être celles qui impliquait de l’intimité. Tout devait être chorégraphié au détail près, ce qui devait faciliter un peu les choses en plus d’éviter les surprises, mais se déshabiller devant toute une équipe de production… Min prenait soin de son corps et de son apparence depuis toujours. Il était même assez fier du travail accompli en salle de sport qui se voyait. Ça ne l’empêcherait pas d’être gêné s’il se retrouvait à la place de Jayden. « Je m’en doute que ce n’est pas ce qui est joué le plus, mais c’est surement ce qui marque le plus l’imagination. » Min regarda autour de lui. Ils étaient dans un coin plus tranquille, mais il entendait encore le brouhaha de l’équipe de production qui se préparait pour le tournage. Surement qu’il commencerait bientôt. « Oui, il y a beaucoup d’émotions dans mon métier, des émotions très fortes. Joie, frustration, tristesse… Quand vous parliez de vos furets, votre attachement était évident. Maintenant, imaginez que je vous annonce que l’un d’eux est très malade et que je ne peux rien faire. » Il sourit tristement. « On ne s’habitue jamais à ça. Heureusement, on ne donne pas que de mauvaises nouvelles. » Cette fois, la tristesse fit place à de l'amusement. « En vérité, la majorité de mon temps est employé à stériliser un animal ou à lui faire vomir un truc qu’il n’aurait pas dû avaler. Ce n’est pas toujours très glamour, mais j’adore mon métier. » Puis, une annonce passa, invitant les acteurs à venir sur le plateau en vue du tournage. « Oh, je crois que c’est pour nous… Enfin, pour vous. Moi je dois vous observer et voir si vous faites un bon vétérinaire. »