16 Septembre 2024, Spring hill

Mabel
Caramel machiato. Je sais pas s'ils te laisseront entrer, rapport aux NDA et tout ça, mais appelle quand t'es là.

Le message était pour le moins glacial, mais Lucas n’a pas attendu pour obtempérer. A vrai dire, il espère que le caramel macchiato commandé par l’actrice saurait réchauffer l’ambiance. Bien sûr, il comprend la réticence de Mabel à le revoir, compte tenu de leur dernière rencontre et du quasi harcèlement dont le pompier a fait preuve par message au cours des mois qui ont suivi. Il n’a pas pu s’en empêcher, son inquiétude pour elle a pris le pas sur le reste. Puis, Joshua a débarqué à Brisbane, et il s’est trouvé pris dans les visites d’appartement et de maisons, les retrouvailles avec son frère… Donnant ainsi un certain répit à la blonde, qu’elle n’a pas dû regretter, la connaissant. Mais Lucas ne peut pas s’arrêter là. Il ne peut laisser Mabel s’enfoncer seule dans l’alcoolisme, risquer que cela ne mette fin à leur amitié. Il comprend ce qu’elle doit ressentir, bien trop. Néanmoins, il serait un bien mauvais amis, s’il se contentait de simplement fermer les yeux. Ainsi, il a fait le premier pas vers elle, insistant pour qu’ils se voient. Le fait qu’elle ait repris le travail et qu’elle accepte qu’il vienne à sa rencontre l’ont rassuré quelque peu. Il se sent pourtant légèrement anxieux, une fois en bas de l’immeuble dont elle lui a indiqué l’adresse. Passer tout le cortège de sécurité n’a pas été une mince affaire, mais un simple message à l’actrice et les barrières se sont levées. Il arrive alors sur le plateau de tournage, se frayant un chemin entre les assistants de production, les accessoiristes et les make-up artists, avant de s’installer dans un coin à l’abri des regards. Sa présence ici est loin d’être habituelle et il n’a pas envie de déconcentrer son amie en plein travail. Il la voit au loin, sous les projecteurs. Il tâche de patienter en silence, tentant de deviner si elle tourne un spot publicitaire ou bien la scène d’un futur grand film à succès. Cet univers dans lequel elle est parfaitement à sa place est si loin du sien. Le metteur en scène annonce finalement une pause, que Lucas considère comme le moment idéal pour lui pour aller à la rencontre de son amie. « J’ai une livraison pour Mademoiselle Griffiths. », dit-il, avec un petit sourire au coin des lèvres. Il tente d’avoir l’air décontracté, serein, tout en la dévisageant discrètement. « Caramel macchiato, comme tu l’as demandé. » Il lui tend la gobelet encore chaud, qu’elle saisit, avant d’en boire une gorgée. « C’est sympa ici. Tu me fais visiter ? », demande alors Lucas, qui observe la pièce à la volée. En réalité, il se fiche bien de découvrir les lieux, mais cherche plutôt un endroit où lui et Mabel pourraient discuter, à l’abri des yeux et des oreilles indiscrets.

@Mabel Griffiths

Lucas observe Mabel en silence, un sourire en coin malgré lui. Elle a l'air tendue, crispée, bien plus que ce qu'elle veut laisser paraître sous son épais maquillage et ses réponses détachées. Ses yeux glissent rapidement de lui au décor, comme si le plateau de tournage était devenu un refuge pour elle. Elle donne le change, mais il sait lire entre les lignes et entre les gestes, surtout chez Mabel. Il serre son propre café entre ses doigts, sentant la chaleur du liquide à travers le gobelet. C’est peut-être la seule chose qui l’empêche de dire directement ce qu’il pense. Les semaines sans nouvelle l’ont miné, et bien qu’il se soit juré de garder son calme, de parler d’une voix posée et mesurée, son ventre est en nœuds. Il la suit à travers la fausse librairie jusqu’au faux poste de police. « On s’y croirait. », commente-t-il, observant le décor autour d’eux. Il fait glisser ses doigts sur l’un des bureaux, manipule une tasse de café vide posée négligemment sur son bord, comme pour vérifier que tout est vrai et non en papier mâché. Mabel semble s’inquiéter de son impression sur les coulisses des décors de tournage mais Lucas la rassure tout de suite. « Non, au contraire, je suis assez impressionné. Tout a l'air si... vrai. », finit-il par dire, tout en se baladant dans le poste de police, scrutant le moindre détail. Lorsqu'elle lui avait finalement proposé de venir sur le plateau, il avait saisi l'occasion, pensant naïvement que ça leur donnerait un espace neutre pour discuter. Mais à voir son visage tendu, il réalise qu'elle n’est pas plus à l’aise que lui ici. Tout semble si loin du temps où ils pouvaient parler de tout et de rien, assis sur un vieux canapé en riant à moitié de leurs propres angoisses. « Tu m’as emmené ici parce que tu voulais me faire passer un interrogatoire ? », demande-t-il alors, en se retournant vers elle. L’ancien pompier croise les bras, un sourire en coin sur le visage. Plusieurs mètres les séparent, mais il peut sentir la tension de l’actrice remplir la pièce. Il allait devoir jouer la carte de l’humour pour détendre l’atmosphère, même si ça n’a jamais été son point fort. « Je vous promets que je suis innocent, Madame. », lance-t-il, main sur le coeur. D’eux deux, c’était Mabel l’actrice, alors elle trouverait certainement son numéro ridicule, mais tant pis. Il est venu pour sauver leur amitié, à défaut de pouvoir la sauver elle. Et pour cela, il devait la dérider et lui montrer qu’il était là en ami et non en juge. « La seule chose qu’on pourrait me reprocher… éventuellement… », continue-t-il, en se rapprochant de la blonde, réduisant ainsi la distance entre eux deux. Car oui, même s’il n’avait guère apprécié son silence de ces derniers mois, il aurait peut-être dû lâcher prise, la laisser revenir vers lui une fois qu’elle aurait fait le point. « C’est d’avoir envoyé peut-être un ou deux messages. » En voyant la moue de son amie, Lucas sait qu’il allait devoir faire mieux que ça et reconnaître qu’il avait peut-être dépassé les bornes, même si c’était pour la bonne cause. « Bon, ok, peut-être, un peu plus… », finit-il par avouer, en levant les yeux au ciel. Il s’assied sur un bureau, non loin d’elle, feuilletant à la volée une pile de faux dossier qui traînait là. Il soupire. « Mais j’étais inquiet… est-ce qu’on peut vraiment m’en vouloir pour ça ? »

@Mabel Griffiths

Lucas sent une vague de froideur en entendant le ton distant de Mabel. Sa tentative désespérée de prendre les choses avec humour n'a pas fonctionné. Chaque mot l’atteint de plein fouet, mais il se force à rester calme. Il a espéré, peut-être naïvement, qu'elle comprendrait qu'il n'a agi que par amitié, sans mauvaise intention. Mais là, face à elle, il réalise que son besoin de la protéger lui a probablement fait franchir ses propres limites. Il croise les bras et penche la tête en la regardant, cherchant ses mots. « Je sais mais… » finit-il par dire doucement. « Mon rôle, c'est d'être ton ami. » Il se mord brièvement la lèvre, hésitant. « Mais je ne pouvais pas rester les bras croisés en te voyant t'enfoncer. Peut-être que je m’y suis mal pris. C’est même sûr, vu où on en est maintenant. » Il soupire, jetant un regard vers le faux poste de police, se demandant ce qu’il peut bien dire pour lui faire comprendre que, malgré tout, il tient sincèrement à elle. Il baisse les yeux un instant, le poids de ses propres erreurs lui pesant sur les épaules. C'est dur d'admettre qu'il a peut-être fait plus de mal que de bien, mais il lui doit au moins ça. « Je voulais juste t’aider. J'avais déjà échoué avec Aiden et c'est toi qui en payais les pots cassés. Je pensais que je pouvais faire quelque chose. » Car, sans lui en vouloir pour autant, l'actrice a sans doute oublié que, si elle a perdu son petit-ami, Lucas, lui a aussi perdu un ami. Il se redresse, comme pour réaffirmer son calme, même si une pointe de tristesse perce dans son regard. « Et… ouais, j’ai sans doute mal compris ce que tu voulais. » Le pompier cherche à capter son regard, essayant de voir si, derrière son maquillage et son masque de froideur, il reste une part de l'amie avec laquelle il a tant partagé. « Je sais que t’es pas obligée de me rendre des comptes, Mabel. Mais en te voyant... en voyant à quel point ça allait mal pour toi, j'ai... » Il s’arrête, cherchant les bons mots. « Je me suis dit que si je te laissais seule, si je me mettais des œillères, comme quand moi, j'étais au plus mal, j’allais le regretter. » Il fait quelques pas vers elle, s’arrêtant à une distance raisonnable, sans envahir son espace. « Si je t’ai surcouvée, c’est pas parce que je pense que tu peux pas te débrouiller seule. Tu sais bien que je te respecte et que je crois en toi. Mais cette fois, c’était différent. Et j’ai flippé. » Il fronce les sourcils, luttant contre l’inquiétude qui menace de refaire surface. « Peut-être que c’est pas ton rôle de supporter mon inquiétude non plus, et si c’est ça qui t’a pesé, je suis désolé. » Lucas se sent un peu ridicule, comme un gamin maladroit, tenant toujours son gobelet de café à moitié vide. Mais il espère qu'elle voit dans son regard qu’il est sincère. Il veut qu’elle sache qu’il ne cherchait pas à la blesser, ni à la contrôler. Juste… à être là, même si cela signifiait prendre un peu de recul. « Je te promets que je vais respecter ce que tu veux, Mabel. Si tu veux que je me retire, je le ferai. » Ses mains se crispent légèrement sur son gobelet ; l'idée qu'elle ne veuille plus de lui dans sa vie le terrifie, même s'il semble prêt à l'accepter, si c'est ce que la blonde souhaite. Il ajoute avec un sourire sincère, bien que fragile : « Mais sache que si un jour tu as besoin de moi, je serai là. Pas pour te juger, juste… pour être ton ami. » Il espère que ces mots la touchent, ou au moins qu’elle comprend qu'il n’a jamais cherché à lui faire de mal. Il est venu pour faire la paix, pas pour déclencher une nouvelle guerre.

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Les mots de Mabel tombent comme des coups de poing, chacun plus dur et plus définitif que le précédent. Lucas la regarde, un mélange de douleur et de compréhension dans les yeux. Il n’avait jamais voulu empirer les choses, et pourtant… c’est bien ce qu’il avait fait. Toujours à vouloir sauver les autres, encore plus maintenant qu’il ne peut plus le faire dans le cadre de son métier. C’est certainement ce manque qui l’a poussé à se montrer trop insistant auprès de l’actrice, bien que ça n’excuse rien. Le pompier laisse un moment de silence s’installer, cherchant à calmer les vagues de culpabilité et d’incompréhension qui le traversent. Il sait au fond de lui que la blonde a raison ; il ne peut pas empêcher les gens de faire des erreurs, même ses proches. Tout comme certaines choses ne peuvent pas être réparées. « T’as raison. Peut-être que je voulais trop t’aider. Et ouais, j’ai mal jugé la situation. », avoue-t-il. Sa voix est basse, chaque mot pesé, chaque aveu sincère. « Je crois que… dans ma tête, c’était encore comme avant. Tu sais, quand on se soutenait dans les galères, comme quand j’étais en plein dans mes propres dépendances. Tu étais là pour moi, et… je voulais te rendre la pareille. Mais j’ai fait de la merde. » Il soupire, posant son gobelet de café sur un des bureaux du faux poste de police. Cette conversation est bien plus difficile que tout ce qu’il avait imaginé, mais elle est nécessaire. « J’aurais dû te laisser faire tes propres erreurs, comme tu dis. », reconnaît-il, même si son égo et sa fierté en prennent un coup. Le trentenaire regarde autour d’eux, comme pour se donner un peu de répit. Cet environnement, factice et silencieux, semble si étrange pour une discussion aussi réelle et difficile. « Je voulais juste éviter que tu souffres davantage, vu que j’avais ma part de responsabilité là-dedans. » Lucas hésite, ses mains cherchant quelque chose à faire pour canaliser son anxiété. C’est un moment décisif, et il le sait. « Je veux que tu saches que… je suis prêt à te faire confiance, à te laisser prendre tes propres décisions. J'ai pas le droit de t’imposer quoi que ce soit. C’est juste… difficile de rester à l’écart quand je tiens à toi. », dit-il avec un faible sourire, une ombre de tristesse dans le regard. « Peut-être que je devrais prendre un peu de distance, au moins pour te laisser respirer. » Les mots sont difficiles à prononcer, mais il comprend qu’elle a besoin d’espace pour gérer sa vie. Lucas sait qu’il a peut-être perdu une partie de l’amitié qu’ils partageaient autrefois, mais il veut aussi lui montrer qu’il est prêt à faire les efforts  qu’il faut, si ça peut l’aider à aller mieux. « Alors voilà. Je te laisse tranquille, et je suis désolé, vraiment, de ne pas l’avoir fait plus tôt. Mais si tu veux me parler, un jour, je serai là, d’accord ? Sans jugement, sans insistance. Juste en ami, comme avant. » Il se relève doucement, prêt à partir s’il le faut.

@Mabel Griffiths

Le coeur de Lucas se serre quand il sent Mabel retenir son bras. Il fait volte face, lentement et croise son regard, plus vulnérable qu'il ne l'a été depuis le début de cette confrontation. Lorsqu’elle murmure qu’elle a rejoint un programme des Alcooliques Anonymes, il reste figé, pris entre la satisfaction qu’elle ait fait ce pas, et la douleur évidente qu’elle doit ressentir en l’avouant. Et son cœur se serre en davantage entendant la fatigue dans sa voix. Le brun sait ce que signifie ce combat, à quel point chaque jour peut sembler insurmontable. La solitude. Le manque. Les nuits interminables où l’on se bat contre soi-même dans le noir, tandis que chaque fibre de son être hurle pour céder. Lucas l’a vécu, et le vit encore. Il baisse doucement la tête pour capter son regard. Son expression n’est plus celle d'un sauveur trop insistant. Cette fois, c’est celle de quelqu’un qui comprend. Quelqu’un qui sait. Quelqu'un qui sait ce qu’elle traverse et qui n’a pas besoin de grands discours pour le dire. « Je sais. » répond-il doucement, la voix rauque mais stable. « C’est dur. Plus dur que ce qu’on imagine, parce que personne ne peut vraiment expliquer ce que c’est tant qu’on ne l’a pas vécu. » Il pose doucement une main sur son bras, mais sans serrer, sans forcer. Juste un geste léger, un rappel qu’il est là, mais qu’il n’envahirait pas son espace s’il n’est pas le bienvenu. « T’as fait le bon choix, Mabel, même si ça te paraît insurmontable pour l’instant. Chaque jour où tu tiens, c’est une victoire. Et même si ça peut te sembler insignifiant maintenant, crois-moi, ça compte. Ça compte tellement. » Il marque une pause, cherchant ses mots. Il ne veut pas donner des leçons ou l’accabler davantage. Ce n’est pas ce dont elle a besoin. Mais il veut qu’elle sache qu’il voit sa force, même si elle-même ne la perçoit sans doute pas encore. « Quand j’étais au plus mal, je me disais toujours que personne ne comprenait. Et la vérité, c’est que la plupart des gens ne comprennent pas. Mais toi, tu sais que je comprends. Alors je vais pas te dire quoi faire, je vais pas te forcer à quoi que ce soit. Je veux juste que tu te souviennes… que tu n’es pas seule. » Il serre brièvement sa main, juste assez pour qu’elle sente son soutien, avant de la lâcher doucement. « Si un jour tu veux en parler, ou juste être avec quelqu’un qui ne te juge pas, tu sais où me trouver. Pas pour t’interroger, pas pour te dire quoi faire. Juste pour t’écouter. » L'ancien pompier recule légèrement, lui laissant l’espace qu’elle semblait réclamer, mais pas avant d’ajouter dans un sourire un peu triste : « Et si tu veux pas parler, je peux aussi juste te tenir compagnie et t’aider à plier des montagnes de linge ou regarder des vieux films que t’aimes bien. Je me rappelle que c’était une bonne distraction, parfois. » Il hausse les épaules, visiblement un peu mal à l’aise mais sincère. « Je sais pas si ça t’aidera, mais je veux être là comme toi, tu l’as été pour moi. C’est tout. »

@Mabel Griffiths