to make some sense of what you've seen

@megan williams

lieu: logements, spring hill.
(c): harley (gif), luleaby (codage).

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Debout au milieu de la chambre, les poings posés sur ses hanches, le regard de Damon ne lâchait pas la porte de la salle de bain des dernières minutes - deux, tout au plus - écoulées. Si ses pieds restaient ancrés dans le sol avec ce qui semblait leur être une volonté propre, son esprit tentait de les pousser justement à ne pas le faire puisqu’il avait envie de traverser la pièce pour se rendre dans cette attenante à la première. Inspirant longuement et soufflant doucement, il finit par réussir à avancer, se postant devant la porte, grattant le bois de cette dernière pour s’annoncer. « Meg ? »

D’accord, la première fois ne s’était pas spécialement bien passé - et depuis maintenant, il s’en voulait. Ce n’était même pas tant la taille de l’aiguille ou l’idée même de traverser une chair, ce n’était pas tant le fait d’ajouter une dimension tant médicale à un quelque-chose qui aurait du être normalement réalisable sans cette aide là; ce n’était pas non plus le fait de tenir tout ce matériel entre ses mains qui n’étaient pourtant pas habituées à effectuer ces mouvements. C’était le fait que dans l’une de ses deux mains, sous la pulpe de ses doigts, se tenait la peau de sa chère et tendre et que d’imaginer que c’était à elle qui s’apprêtait à infliger ça… Il avait été une poule mouillée, voilà ce qu’il avait été, il n’y avait pas d’autre mot. Il avait été lâche, et malheureusement même s’il tentait de ne pas faire en sorte que ce soit le cas, il savait qu’il méritait d’être traité de cette sorte et qu’il aurait du prendre sur lui, faire en sorte de ne pas flancher, se montrer plus fort que ça. Certes, c’était sa femme et il n’était pas question à ses yeux de lui infliger la moindre peine, mais Damon avait vu dans son regard à ce moment là que même si ce n’était pas physique et que ce n’était pas voulu, il lui en avait procuré une malgré tout.

« Laisse moi entrer, s’il te plait. » La porte n’était pas fermée à clef, simplement poussée tant était qu’il voyait le liserait de lumière passer entre l’encadrement et la pièce de l’autre côté; mais par principe parce-qu’il ne rentrerait pas comme un sauvage alors qu’elle avait poussé la porte à sa suite lorsqu’elle y était entrée, il lui demandait la permission. « Je… Promis je pars pas en courant cette fois. » Ce n’était pas exactement ce qu’il avait fait, mais c’était l’image qui importait ici tant était que le résultat était le même - il s’était surtout senti mal, avait commencé à avoir des sueurs froides et avait du s’asseoir contre la baignoire un instant pour être sur de ne pas défaillir réellement. La main à plat sur la porte, il murmura les mots suivants. « S’il te plait. » Parce-qu’il lui avait promis qu’il s’améliorerait et qu’il ferait des efforts, alors il se devait de le faire.

to make some sense of what you've seen crédit gif - crédit/harley Megan Williams & @Damon Williams

Est-ce que je suis en colère ? Non. Oui. Est-ce que j’en veux pour autant à Damon ? Non. Un peu. Est-ce que c’est grave pour autant ? Non. Il n’y a rien d’insurmontable, simplement le sentiment d’avoir à gérer seule une chose déjà compliquée avec un partenaire. Lorsque le médecin nous a expliqué, nous a montré les gestes, c’était le partenaire qui était supposé les reproduire. Pincer la peau de mon abdomen entre ses doigts pour créer un repli, planter l’aiguille sans hésiter mais avec douceur. Mais Damon a eu la frousse et pris la fuite dès le premier soir où il a fallu qu’il l’enfonce dans ma chair, cette putain d’aiguille. Alors j’ai fait ce que je faisais toujours avant de le rencontrer : je me suis débrouillée toute seule. J’ai l’habitude. J’ai beau avoir désappris à le faire depuis que nous somme ensemble, ce genre de chose revient vite, surtout quand on a toute une vie d’expérience derrière soi. J’ai regardé une vidéo sur youtube, j’ai désinfecté mes mains, je me suis retroussé les manches au sens propre comme au figuré et j’ai serré les dents lors de la première injection. Puis je me suis sentie terriblement seule, et le sentiment ne m’a pas quittée tout de suite, lorsque j’ai regagné la chambre et embrassé Damon en lui disant que ce n’était pas grave avant de m’endormir dans ses bras. Au petit matin, la désagréable sensation avait disparu. Les soirs suivants, la manœuvre est devenue plus facile, mais pas l’idée que Damon était dans la pièce d’à côté, accaparé par je ne sais quoi, plutôt qu’avec moi.

« Meg ? » Au quatrième soir, sa voix me surprend. Il est derrière la porte que je n’ai même pas verrouillée, espérant comme une idiote qu’il finirait par prendre son courage à deux mains pour me rejoindre. Les trois premières piqûres ont laissé une trace bleutée sur mon abdomen, et je suis à la recherche du meilleur endroit pour éviter de tirer sur les hématomes en attrapant ma peau entre mes doigts. « Laisse-moi entrer, s’il te plait. Je… Promis je pars pas en courant cette fois. » La petite seringue n’est pas encore sortie de son emballage stérile. Moi, j’observe la porte comme pour chasser l’idée qu’il s’agit peut-être d’une illusion crée par mon esprit pour me faire voir - ou plutôt entendre - ce que j’ai envie de voir et d’entendre. « S’il te plait. » Doucement, je pose la main sur la poignée de la porte - il faudra que je les lave de nouveau - et je l’entrouvre. « C’est pas fermé. » Je lui adresse un mince sourire, avant d’ouvrir la porte un peu plus en grand. La pièce n’est pas exigüe, mais je suis attirée et j’en reste le plus proche possible sans que cela ne paraisse étrange ou inconvenant. Je n’attendais que ça, qu’il soit là avec moi, je ne risque pas de le mettre à la porte de sitôt. « Tu veux m’aider ? » Je ne tolèrerais pas qu’il n’aille pas jusqu’au bout, cette fois, je viendrai le ramener jusqu’à la salle de bain en le traînant par la peau des fesses s’il s’échappe de nouveau. « Il faut que tu te laves les mains avant. » J’ajoute, directive.

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@megan williams

lieu: logements, spring hill.
(c): harley (gif), luleaby (codage).

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Dans un autre monde et surtout dans bien d’autres situations, il serait venu pousser la porte sans y réfléchir à deux fois pour entrer à son tour dans la salle de bain et rejoindre Megan s’y tenant déjà; à d’autres moments, il n’aurait pas hésité autant avant d’élever la voix de l’autre côté de la porte non plus - mais par rapport à la manière dont il s’était comporté à son insu la dernière fois, et compte tenu de la particularité de la situation, il savait qu’il ne pouvait se permettre d’agir aussi librement et comme bon lui semblait: il se devait de respecter toutes les limites que sa femme mettrait en place si elle jugeait cela nécessaire. A son grand soulagement - il n’en doutait pas vraiment, mais une partie de lui avait tout de même imaginé un et si de cette situation -, la porte s’ouvrit sous ses yeux, ces derniers se posant sur le visage de Megan. « C’est pas fermé. » Ce qui signifiait ici qu’elle ne refusait pas sa présence, alors; sans s’en apercevoir, Damon échappa un léger soupir de soulagement.

« Tu veux m’aider ? » Il opina du chef. « Il faut que tu te laves les mains avant. » - « Je sais, je… »

Inspirant longuement, il fit quelques pas dans la salle de bain pour s’avancer jusque la baignoire et s’asseoir sur le bord de cette dernière; ses mains étaient posées de part et d’autre de lui sur ce dernier, alors que son regard se relevait vers Megan et le matériel posé sur le contour du lavabo - c’était ce dernier qui lui filait la chair de poule, il était possible de la voir sur ses avants-bras présentement. « Je veux t’aider oui, pour de vrai. » Pas qu’il voulait l’aider pour de faux avant et partir en courant, mais c’était pourtant ce qu’il avait fait et il savait que cela l’avait blessée; elle pourrait bien dire ce qu’elle voulait, il la connaissait que de trop pour ne pas savoir que c’était le cas. « Je veux dire: j’ai envie de réussir à t’aider. A faire ma part, plutôt. » Parce-que ce procédé était un quelque-chose qu’ils construisaient à deux, ils s’y étaient engagés à deux et bien sur ce soit Megan qui ait pour le moment la plus grande responsabilité Damon n’oubliait pas qu’ils en étaient arrivés là à cause de lui malgré tout. Il déglutit. « J’ai pris peur. C’est devenu si… Réel. Regarde: y’a des aiguilles dans notre salle de bain. C’est pas de cette manière là que je m’attendais à utiliser cet endroit pour te faire un enfant, si je peux me permettre. » Le petit rire soufflé par les narines manquait d’amusement, de toute évidence. Il secoua quelque peu sa tête. « C’est pas grand chose trois jours mais c’est quand même long quand j’agis comme un lâche. Je suis désolé. » Ses yeux accrochaient ceux de sa femme, alors qu’il mordait l’intérieur de sa joue. Oh, il aimerait avoir toutes les bonnes réponses et toutes les bonnes actions du premier coup, mais ce n’était pas son genre - il avait plutôt le réflexe de celui ayant peur avant de se rendre à l’évidence et de trouver le courage de faire quoi que ce soit.

« Comment tu fais pour pas avoir peur, toi ? » Damon savait que sa phrase n’était pas tout à fait juste, alors il reprit: « Comment tu fais pour surmonter si facilement ta peur, plutôt ? » Parce-qu’elle n’était pas plus rassurée que lui, mais elle avait plus de courage: il avait besoin qu’elle lui explique comment elle faisait pour s’en sortir mieux que lui, une fois de plus. « Je veux pas avoir envie de partir en courant dès que je dois enfoncer une aiguille dans ta peau. » Même si ça lui donnait des frissons à avoir presque envie de vomir: il voulait être plus courageux pour elle.

to make some sense of what you've seen crédit gif - crédit/harley Megan Williams & @Damon Williams

Damon ne se lave pas les mains tout de suite, il semble d’abord vouloir laver tout autre chose mais au sens figuré, cette fois. Il s’installe sur le rebord de la salle de main, visiblement et résolument mal à l’aise, et jette au matériel destiné à mes injections un regard qui en dit long sur le dégoût que tout ça lui procure. Sauf que tout ça, c’est la façon dont on arrivera à faire un enfant, que ça lui plaise ou non - moi non plus, cela ne m’enchante pas - il doit donc se faire à l’idée et devenir un peu plus un homme qu’un petit garçon. Je ne lui parlerai jamais aussi durement que Saül a pu le faire, et c’est l’image de ce dernier, les souvenirs de sa violence et de ses brimades et accès de violences qui m’ont poussée à ne rien dire, ces trois derniers jours, quand je mourrais d’envie de lui faire des réflexions et du lui dire que j’attendais de lui qu’il se comporte un peu plus comme un homme. J’aurais été abjecte de le faire, en connaissant son passé. Alors, même si ça m’a brûlé les lèvres, j’ai tenté de me souvenir que ce n’est pas la faute de Damon s’il reste bourré de traumatismes. « Je veux t’aider oui, pour de vrai. » J’esquisse un sourire timide, avant de repousser le matériel contre le mur pour qu’il ne risque pas de tomber par terre. « Je veux dire: j’ai envie de réussir à t’aider. A faire ma part, plutôt. » - « C’est pas une question de faire ta part. Je veux juste que tu sois là pour moi. » Et s’il ne se sentait pas capable d’enfoncer lui-même l’aiguille dans ma peau, j’aurais au moins voulu qu’il reste dans la pièce pour me soutenir. Mais je comprends qu’il ait eu honte, et je sais que, ça aussi, cela vient tout droit de son père. « C’est pas grave si t’as peur pour l’aiguille. » Ce n’est pas grand-chose au fond ; mes mouvements sont même déjà plus confiants qu’ils ne l’étaient le premier jour. Je serre toujours les dents au moment de piquer, mais la sensation désagréable qui en résulte n’est pas aussi terrible que je l’imaginais et elle se dissipe vite. « Tu verras, c’est rapide en plus. » Je me relave finalement les mains, ne sachant pas trop s’il a l’intention de tout faire lui-même maintenant qu’il est là, ou s’il préfère y aller pas à pas. Je préfère ne pas demander : j’ai pris la mauvaise habitude de toujours tirer des conclusions et de m’attendre au pire pour ne pas terminer déçue et amère.

« J’ai pris peur. C’est devenu si… Réel. Regarde: y’a des aiguilles dans notre salle de bain. C’est pas de cette manière là que je m’attendais à utiliser cet endroit pour te faire un enfant, si je peux me permettre. » Je laisse échapper un sourire amusé, avant de secouer la tête. Que je sois triste, en colère ou frustrée, Damon arrivera toujours à me faire sourire. Il a le genre auquel on donnerait le bon dieu sans confession, c’est toujours aussi surprenant que de l’entendre prouver qu’il est plus effronté que ce qu’il en a l’air. « C’est pas parce qu’ils nous permettront pas de faire un enfant qu’il faut qu’on oublie tes plans pour autant. » Au contraire, je veux que notre vie - sexuelle incluse, surtout sexuelle même - reste aussi normale que possible. Je ne veux pas que tout ce processus dans lequel nous nous sommes lancé change quelque chose entre nous ou qu’il alourdisse l’atmosphère dans laquelle nous vivons. Nous sommes toujours Damon et Megan, nous nous aimons et nous désirons toujours autant, les injections ne doivent pas devenir le centre de nos journées et notre préoccupation principale. « C’est pas grand chose trois jours mais c’est quand même long quand j’agis comme un lâche. Je suis désolé. » Je pousse un soupir avant de m’approcher de lui pour l’attirer contre moi. Tant pis pour mes mains à nouveau propres. Lui assis et moi debout, il est pile au bon niveau pour que je puisse le serrer contre moi en lui faisant poser la tête dans ma nuque, et je ne m’en prive pas. Je caresse ses cheveux avant de déposer un baiser sur son front. Il est tout pardonné, si ce n’était pas déjà clair au travers de ma façon d’agir avec lui. « Comment tu fais pour pas avoir peur, toi ? » J’ai peur. « Comment tu fais pour surmonter si facilement ta peur, plutôt ? Je veux pas avoir envie de partir en courant dès que je dois enfoncer une aiguille dans ta peau. » Doucement, je me dégage de notre étreinte pour me faire une place à ses côtés. Assise sur le rebord de la baignoire, je pose mes mains de part et d’autre de mes cuisses en m’appuyant sur le revêtement froid. « J’ai plus peur que ça rate que de quelques piqûres. » Ou plutôt, enfin ou aussi. « Et j’essaie de pas penser à ce que je suis en train de faire mais plutôt à ce que ça sera quand je serai enfin enceinte. » Des jolies images, j’en ai pleins les yeux. Bercée par une pop culture qui met la femme enceinte sur un piedestale, je m’imaginer vivre une vie plus douce que je ne l’ai jamais vécue dans les mois à venir, et je nous imagine tous les deux nous émerveiller devant chaque étape. Je veux emballer mon test de grossesse dans un paquet cadeau et le lui faire ouvrir pour voir son sourire quand il comprendra. Je veux pouvoir montrer l’échographie aux rares amies avec lesquelles je veux partager ça, je veux le regarder s'émerveiller sur mon ventre arrondi pendant des heures dans le lit, je veux qu’il pose son oreille contre ma peau pour tenter d’entendre ou de sentir quelque chose. « Et puis, j’ai beau rester optimiste, je sais surtout que ça marchera peut-être pas du premier coup. » C’est la première fois que je le dis à voix haute. La plupart du temps, j’essaie de ne rien penser de négatif pour ne pas attirer la malchance sur nous. « Et qu’il faut que je m’habitue. » Je le dis un peu moins fort, en baissant les yeux. Au fond, je me prépare déjà à ce que ce soit plus compliqué que dans mes rêves. Mais je ne me prépare pas à abandonner, jamais.