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Accoudé au bar, Seth commanda son breuvage habituel : un double whisky, sans glace. Il était bientôt vingt-trois heures trente, et pour la première fois de la journée, l'archéologue trouvait un moment de répit pour souffler et prendre du bon temps. Non pas qu'il n'en prenait pas au travail, l'archéologie avait toujours été sa passion, mais l'enseignement, un peu moins. Il avait donné deux conférences à l'université dans la journée, tentant de captiver l'attention des doctorants sur les artéfacts maudits du dieu égyptien de la guerre, du chaos, des tempêtes. Dieu homonyme dont il se réjouissait de porter le nom, ce fut sans compter sur l'esprit vif des étudiants qui ne pouvaient s'empêcher de faire des comparaisons douteuses, lorgnant l'archéologue du coin de l'oeil en murmurant. S'ils avaient continué ainsi, nul doute que l'incarnation vivante du désordre leur aurait donné une bonne raison de l'affubler de pareils surnoms. Seth oublia tout dès que le nectar franchit ses lèvres, le réchauffant de l'intérieur. Il en prit une longue gorgée, vidant quasiment le verre, parce qu'il fallait au moins cette dose pour entrer dans un état primaire de décompression. L'américain était sur le point d'en commander un deuxième lorsqu'un visage connu franchit les portes du club.

Le Sixteen Antlers n'était pas son point de chute favori, toutefois le bar offrait un cadre agréable pour finir sa journée en beauté. La vue sur les toits y était magnifique, l'ambiance plutôt décontractée quoiqu'assez chic, la fréquentation relativement bonne - on y croisait aussi bien des hommes d'affaires que des jeunes femmes bien habillées pour donner le change - et surtout, sa situation au centre-ville en faisait un endroit pratique, un lieu de passage cosmopolite pour les âmes en quête d'oubli. C'était dans ce genre de lieu de perdition que Seth avait fait la rencontre de Levi, plusieurs mois auparavant, et il avait rapidement apprécié la vivacité et l'esprit joueur de l'homme, qui ne manquait jamais l'occasion de mettre un peu de piment dans les soirées qu'ils passaient à se divertir. "Salut mec.", le salua Seth tandis que son acolyte prenait place à ses côtés. "Ça a été ta journée?", s'enquit-il. Dis-moi non et je tâcherai de te changer les idées. Dis-moi oui et nous ferons en sorte qu'elle se termine aussi bien. Les yeux de l'archéologue balayait la salle tandis qu'il laissait Levi commander sa boisson. Quant à lui, il prit une seconde tournée de whisky, laissant sur le comptoir une liasse de billets, assez pour régler les boissons des deux compères.

“Desipere in loco” Levi Torres & @Seth Hill : La journée avait été plutôt calme pour Levi qui s’était octroyé quelques vacances après avoir terminé un gros projet. Il avait passé la semaine aux côtés de sa fille de 10 ans: Mia. Bien loin de ses nuits sensuelles et de ses soirées agitées. C’était là l’occasion rêvée de s’y remettre, ceci dit. Aussi, lorsque Seth lui avait donné rendez-vous au Sixteen Antlers, Levi ne s’était pas fait prier. Il adorait sa fille, bien évidemment et l’enfant n’imaginait pas à quel point cet amour pouvait être paradoxal. A chaque fois qu’elle s’en allait, Levi avait l’impression que son cœur allait exploser. Et pour autant, il retrouvait aussi un peu sa liberté, ce qui lui procurait un sentiment coupable de soulagement. Vanessa, l’ex-femme de Levi, était passée en début d’après-midi pour récupérer sa fille. Comme d’habitude, l’échange avait été courtois, mais bref. Vanessa nourrissait un ressentiment important envers Levi et depuis leur divorce, ils ne s’adressaient la parole qu’en de rares occasions. Peut-être que c’était davantage ça, qui le minait, en fait. Même s’il savait bien qu’il méritait son courroux.

Pour l’heure, il avait pris soin de se préparer. Sortant de la douche à la hâte, il enfila un jean noir et un t-shirt blanc qu’il surmonta d’une chemise rouge à carreaux noirs. Attrapant son blouson de moto, ses gants et son casque, il descendit à la hâte jusqu’au garage de sa résidence. Comme à son habitude, c’est à vive allure que la moto du jeune ébéniste remontait le flux de circulation jusqu’au parking souterrain du quartier dans lequel il se rendait.

Pénétrant dans le bar avec une attitude assurée, son regard clair balaya l’endroit alors qu’il laissait son équipement aux vestiaire, récupérant un bon qu’il glissa dans la poche arrière de son jean en même temps que son téléphone et son portefeuille. Fendant la foule, il chercha Seth du regard, le repérant au bar. Il se glissa derrière lui en lui assénant une tape dans le dos en guise de salutation.  « Hola ! Comment vas tu Seth? » Avait-il lancé d’une voix forte, en tout cas, suffisamment pour couvrir le brouhaha du lieu. Se tournant vers la barmaid pour commander un rhum arrangé, il s’accouda sur le bar, reportant son regard clair en direction de Seth.

« Oui, on peut dire ça. Vanessa est venu récupérer Mia tout à l’heure. Ton invitation tombait bien, j’avais besoin de me changer les idées.  » Admit-il; Levi affichait un sourire radieux, malgré ses paroles. Il n’était pas le genre d’homme à se laisser abattre, et pour tout dire, il était très rare de le voir faire la tête plus d’une minute. Il avait le don d’être une véritable locomotive. « Et toi alors? Un besoin de t’éclater un peu aussi?  » Déduit-il simplement, de par le lieu de rendez-vous. Ceci dit, maintenant qu’il y pensait, il était rare qu’ils voient en dehors d’un lieu de fête.

Son regard glissa sur le comptoir, duquel la barmaid venait de prélever la somme versée par seth. « Je paierai la prochaine tournée.  » Assura Levi devant lequel un verre venait d’être posé. Il leva alors en direction de Seth. « Santé!  » Scanda t-il avec entrain avant de le porter à ses lèvres.

 

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Levi était l'un de ces hommes avec qui l'on était sûr de passer une bonne soirée. Toujours souriant et propre sur lui, les femmes se retournaient souvent sur son passage. Aussi, il était le partenaire idéal pour passer un bon moment et oublier une longue journée de travail. Seth ne savait plus exactement comment leur amitié avait débuté, sans doute autour de quelques verres, mais l'homme était devenu une figure qu'il côtoyait relativement régulièrement, et toujours avec plaisir. L'australien le salua haut et fort, d'une voix qui portait et couvrait le bruit ambiant, gratifiant son camarade d'une tape sur l'épaule. Seth s'étonnait toujours de la familiarité des australiens, qui différait amplement avec la froideur des habitants de Bangor, dans son Maine natal. S'il n'avait pas autant voyagé, il prendrait tous ces gens pour des ovnis, à n'en pas douter. Levi commanda un rhum arrangé et s'accouda à côté de Seth, lui apprenant que son ex femme était venu récupérer leur enfant commun plus tôt dans l'après-midi, et que l'invitation tombait à pic car elle était le bon moyen de lui changer les idées. L'archéologue connaissait la situation de son ami, et il savait aussi que le mariage - et surtout le divorce - causait toujours beaucoup d'ennuis, aussi bien d'un côté que de l'autre. Les enfants au milieu de tout ça étaient la cerise sur le gâteau, les chaînes éternelles qui reliaient deux personnes qui souhaitaient se séparer alors qu'elles avaient fait le voeu de s'appartenir pour toujours.

Seth esquissa une grimace navrée quand il entendit les paroles de l'ébeniste. Il avait beau arborer son plus beau sourire, il ne faisait aucun doute que la façade était solide, mais que cette situation le chagrinait, bien qu'il ne l'aurait pas admis. "J'espère que ça s'est bien passé, cette fois.", se contenta-t-il de répondre, préférant ne pas orienter la discussion sur un point aussi lourd. Le but de cette soirée n'était autre que le divertissement, et Seth comptait bien en profiter, tout autant que son acolyte. Lorsque le sujet de la discussion se porta sur lui, et son besoin de s'éclater un peu aussi, il hocha la tête en guise d'affirmation. "Ouais. La journée a été longue et un peu frustrante je dois avouer, donc je me suis dit que tu étais la meilleure personne pour oublier gentiment tout ça et repartir sur de bonnes bases pour demain.", le gratifia-t-il. L'américain avait espéré faire une belle trouvaille aujourd'hui, dans les eaux de la baie de Moreton, toutefois la zone à couvrir était immense et le trésor qu'il cherchait pouvait être n'importe où. Il avait exploré des pistes qui lui avaient paru plausibles, sans succès. Le temps n'était pas son allié, mais rester sous tension trop longtemps ne lui donnerait pas la solution en un battement de cil. Autant profiter un peu de la vie.

"Santé!", trinqua-t-il, levant son verre à l'instar de Levi. Seth porta son verre à ses lèvres et prit une bonne rasade de whisky, laissant l'alcool imprégner ses veines et effacer le souvenir de cette journée peu productive. Il se tourna pour faire face à la foule, aux autres âmes venues se perdre dans l'ambiance d'une nouvelle nuit australienne. Plusieurs petits groupes s'étaient formés - comme d'habitude - et il y avait aussi bien des jeunes femmes venues s'éclater entre copines que de vieux chefs d'entreprises venus négocier avec ce qui paraissait être leurs clients. Il observait, curieux et attentif, comme si les idées qu'il avait derrière la tête pouvaient se lire sur ses prunelles émeraudes. "Partant pour un nouveau jeu?", demanda-t-il à son acolyte. Son regard parcourut la salle de droite à gauche, à la recherche d'une idée lumineuse. "Alors, qui va-t-on martyriser, duper, tétaniser, ce soir?", réfléchit-il à haute voix. Le terrain de jeu était restreint mais les possibilités immenses.        

“Desipere in loco” Levi Torres & @Seth Hill : Seth, il l’avait rencontré il y a un moment. Leur relation ne remontait pas à des années, mais le feeling était passé rapidement. Il faut dire qu’ils ne sont pas légions les gens avec qui Levi n’arrive pas à discuter. Seth, c’était un peu sa bouffée d’oxygène. Il savait qu’avec lui, il allait forcément passer une bonne soirée, quels que soient leurs problèmes respectifs. « Oui, ça a été.  » Avait simplement répondu Levi en haussant les épaules. En réalité, ça n’allait jamais vraiment bien. Même s’il n’y avait pas d’animosité dans cette “passation”. Mia en souffrait toujours, quoi qu’elle en dise. Et Levi souffrait lui aussi, de savoir que ses erreurs passées impactent directement sa fille aujourd’hui.

Mais soit, il ne pouvait rien y faire désormais. Et ce n’était pas son genre de s’apitoyer sur son sort. Des couples divorcés, il y en d'autres. Et chacun gère comme il peut. Levi avait esquissé un nouveau sourire à l’annonce de Seth. Il avait levé son verre. « Et tu ne t’es pas trompé ! Allons nous changer les idées.  » Avait admit Levi toujours avec enthousiasme. Balayant d’un revers de main fictif ses problématiques du jour et à venir.

Ils trinquèrent. Et le regard de Levi suivit celui de Seth, balayant la foule. « Martyriser Tu exagère, je suis toujours très doux.  » Avait rétorqué Levi en riant, posant son regard sur ce qui semblait être un groupe d'amis, assis à une table à l’autre bout de la pièce. Trois femme, deux hommes. Entre vingt-cinq et trente cinq ans d’après le jugement de Levi. « Si ce sont deux couples, l’une d’elle est célibataire.  » Avait amorcé Levi, observateur. « Même si les hommes sont ensemble et qu’il y a aussi un couple de femme.  » Remarqua t-il en listant dans sa tête les possibilités de cet échantillon de personne. « Je paris que je peux revenir avec quelqu’un en moins de dix minutes.  » Avait lancé Levi, très assuré. Il n’avait pas trop spécifié qui. Parce qu’en soit, il n'exclut pas non plus le fait de séduire un homme. Seth le savait, Levi n’avait pas de préférence de ce côté-là.

Espiègle, Levi s’était tourné vers Seth, lui tendant une main histoire de sceller le pacte. « A moins que tu ne veuilles jouer aussi? Voyons qui gagnerait la partie?  » Lança Levi, qui partait avec un coup d’avance en fait. A sa connaissance, Seth n’était pas attiré par les hommes. Remarque, les gens changent.


 

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Seth se trompait rarement sur les gens. Il avait passé des années sous silence à observer l'être humain et ses travers, sous toutes ses formes. Il avait préféré se taire pour mieux analyser, le ton de la voix, les expressions faciales, les comportements divers. L'archéologue avait tout de suite su que Levi, bien que doué dans l'art du mensonge, à son instar, était une bonne personne. Sans aucun doute bien meilleure que lui-même, d'ailleurs. Son sourire à toute épreuve en disait long sur ses capacités à intérioriser son mal-être pour ne rien laisser paraître à personne. Seth imaginait que la situation devait être douloureuse, pour lui comme pour son ex-femme, sans compter pour le petit être qui grandissait entre deux parents tiraillés. Mais il ne pouvait qu'imaginer la peine occasionnée, lui qui n'avait ni femme ni enfants, ni jamais eu l'intention ou le temps d'obtenir tout cela. Levi était toujours partant pour faire la fête et jouer, et ça, c'était une qualité que l'américain appréciait beaucoup chez lui. Les deux compères martyrisaient gentiment leurs victimes d'un soir. "Tu martyrises en douceur, c'est pareil!", répliqua l'archéologue, joignant son rire à celui de son ami.

Il ne fallut pas bien longtemps à l'ébeniste pour repérer un groupe de jeunes gens attablés de l'autre côté de la pièce. Il y avait deux hommes, de l'âge de Levi et Seth ou moins, et trois femmes qui elles, paraissaient plus jeunes. L'analyse rapide que son acolyte fit de la situation fit sourire Seth. Deux couples et une personne célibataire? "Ou peut-être un trouple?", enchérissa-t-il, n'excluant aucune possibilité. Après tout, les moeurs du vingt-et-unième siècle n'avaient de limites que celle de l'imagination. Cela aurait pu tout aussi bien être des collègues, ou des frères et soeurs, ou de simples amis. Tout était possible. Levi paria qu'il était capable de revenir à leur table en moins de dix minutes tapantes, accompagné de l'une des personnes de la table visée. "Pari tenu.", s'enjoua l'américain, vidant d'une traite son double whisky. Bien sûr qu'il jouerait aussi. "J'irai de ce côté-là.", affirma-t-il en mentionnant du menton le coin opposé à celui des victimes que Levi avait choisies. Les deux hommes ne pouvaient décemment pas pêcher dans le même coin, au risque de se tirer dans les pattes l'un de l'autre, et biaiser le défi.

Seth se leva, scrutant l'endroit qu'il s'était assigné pour le jeu. Quelques patrons d'entreprise, leurs femmes - ou sécrétaires, ou maîtresses - exposant fièrements leurs décolletés au-dessus de bouteilles de champagnes à cinq cent dollars la pièce. Un groupe de filles, jeunes, beaucoup trop jeunes pour être embêtées sans avoir d'ennuis. Il ravala sa salive, conscient de devoir ruser pour réussir son pari. Avant de lancer les hostilités, montre en main, Seth se tourna une dernière fois vers son ami.  "Quel gage pour le perdant?", s'enquit-il. Quel gage allaient-ils se donner cette fois? Ramener la personne en question chez soi, boire un mélange de tous les cocktails de la carte, ou faire à l'autre une dédicace romancée au micro du dj?        

“Desipere in loco” Levi Torres & @Seth Hill : Levi avait éclaté de rire à l’annonce de Seth. C’était une façon de voir les choses. « Tu exagères, je ne suis pas un bourreau non plus.  » Reprit-il faussement indigné juste avant de se lancer dans la création d’un nouveau jeu. Nouveau, pas vraiment. C’était en fait davantage une variante de ce qu’il faisait toujours en soirée. Pour tout dire, il était en fait assez rare qu’il rentre seul. Ce n’était pas franchement un hasard si Vanessa avait demandé le divorce. « Bien vu. » Avait-il finalement admis à l’adresse de Seth à l’évocation d’un possible trouple. Ça avait du sens. Mais soit. Ce n’était pas un frein pour Levi.

Son regard clair balaya la salle alors que Seth lui indiquait son propre terrain de jeu. Il se contenta de répondre d’un bref signe de tête approbateur alors que la question d’un gage se posait désormais. Une lueur espiègle apparu dans le regard de l’australien aux origines colombiennes alors qu’il réfléchissait très sérieusement à la question. Ce n’était jamais le dernier pour s’adonner à ce genre de jeu aussi puéril que revigorant à ses yeux.

De nouveau ses iris clairs balayèrent la pièces, se posant sur une femme d’environ cinquante ans, visiblement très imbibé, presque allongée sur le bar, un verre de cosmo à la main. Son maquillage semblable à un ravalement de façade presque imprimé sur l’inox du comptoir. Elle brayait des choses inintelligibles à l’adresse du barman qui semblait blasé. « Le perdant l’invite à danser. » Avait-il proposé. C’était sans doute une motivation suffisante pour ramener quelqu’un, n’importe qui d’autre. Parce qu’après tout, il n’était pas dit qu’elle prenne bien le fait d’être invitée à danser. Elle semblait en fait passablement désagréable. « Ou alors, si tu perds tu me déclare ta flamme en chanson, si je perds, c’est moi qui chante. » Avait-il reprit en une seconde option. Il venait de se rendre compte qu’il ne voulait pas avoir à inviter cette femme. Et Seth ne le sait pas, mais Levi n’est pas mauvais chanteur alors…« Choisis ton poison. » Avait achevé Levi en posant une main sur l’épaule de son compatriote du soir.

 

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Le regard de Seth suivit celui de son camarade et s'arrêta sur une vieille rombière accoudée au bar. Le gage était dur, voire cruel. Cette dame ne devait pas avoir plus d'une cinquantaine d'années et pourtant, elle en paraissait facilement vingt de plus. Ses joues fardées dissimulaient péniblement le teint violâtre de sa peau ridée, signe d'un alcoolisme avancé. Si le perdant du jeu devait l'inviter à danser, nul doute qu'il faudrait la porter, la traîner sur la piste et la soulever pour ne pas qu'elle s'écroule sur son cavalier. Sans compter qu'il fallait supporter son état d'ébriété évident, et par la même occasion, le caractère de chien qui en découlait. Est-ce qu'elle était comme ça aussi quand elle ne picolait pas? Ou est-ce que cet état était chez elle assez permanent pour devenir une normalité? Mystère. Seth n'avait pas plus envie de s'afficher avec la vieille dame que de devoir chanter une sérénade à Levi devant toute l'assemblée. Choisis ton poison. Le terme était bien trouvé, entre la peste et le choléra, mais l'archéologue avait déjà fait son choix.

"Va pour la vieille dame.", signifia-t-il à son ami. Le mot "vieille" n'avait pas sonné dans sa bouche comme le constat d'une personne âgée, mais plutôt dans le sens de "vieille fille", qui signifiait à la fois qu'aucun homme ne voudrait décemment d'un tel poltron, et aussi qu'elle faisait totalement pitié, à scander des phrases incompréhensibles au serveur. Il était excédé, le pauvre. Le choix n'avait pas été facile, pourtant l'américain le fit avec une rapidité déconcertante.  Il ne se voyait décemment pas prendre le micro, et pire que tout, il ne savait pas chanter. "Moins de dix minutes. Rendez-vous ici-même.", rappela-t-il les règles du jeu tout en paramétrant le réveil de son téléphone sur 10:00:00. "C'est parti!", souffla-t-il, tapant cul sec son verre sur le comptoir et se levant de son siège après avoir enclenché le compte à rebours sur son cellulaire. Bonne chance, et que le meilleur manipulateur gagne.

Seth se leva, expirant l'air de ses poumons en un soupir salvateur, regardant Levi se diriger dans sa propre zone de chasse. Une idée - qu'il ne savait pas encore si elle allait être bonne ou non - venait de lui traverser l'esprit. Il entreprit donc sa marche d'un pas lent et sûr de lui, son objectif dans le viseur. "Tata, arrête d'embêter les serveurs! Viens, on a du whisky par ici.", s'adressa-t-il à sa victime, proposant son bras pour qu'elle s'y accroche. La femme imbibée se trouvait dans le périmètre de jeu de Seth. Autant prendre des raccourcis, et ramener directement le gage à sa table, tant qu'à faire, Levi n'aurait plus qu'à prendre sa main pour la conduire sur la piste de danse. La dame écarquilla deux yeux tout ronds sur le visage de Seth, et elle dut lever la tête si haut pour le voir qu'elle fut prise d'un tournis. L'américain était si bien entré dans son jeu, et elle si alcoolisée qu'elle ne calcula même pas qu'il n'était pas son neveu. Elle n'était plus en état de réfléchir, de toute façon, la simple évocation du mot "whisky" avait déjà eu raison d'elle. La dame s'aggripa au bras de l'archéologue, faillit trébucher et tomber au passage, mais il rectifia le tir et mit deux bonnes minutes à la ramener au lieu de rendez-vous. Un coup d'oeil à son téléphone: il restait six minutes et trente secondes. Pas peu fier du record qu'il venait d'établir, il devait maintenant se soucier que la vieille reste à sa place s'il ne voulait pas perdre son pari. Il commanda donc un whisky pour lui et un cosmo pour elle, boisson qu'elle sirotait déjà, tout en observant les talents de chasseur de son acolyte.

“Desipere in loco” Levi Torres & @Seth Hill : L’idée qu’il avait eue n’était peut-être pas la meilleure du siècle. Mais pour l’heure, le projet n’était pas forcément de se montrer raisonnable. Seth semblait se satisfaire de sa proposition, aussi, le jeu ne tarda pas à débuter, au plus grand bonheur de Levi qui semblait ici comme un poisson dans l’eau. Il adressa un clin d'œil à son compatriote avant de fendre la foule en direction du groupe qu’il avait évoqué un peu plus tôt. Très sociable, il ne mit pas très longtemps à s’intégrer, prenant rapidement sur la banquette entre un homme et une femme comme s’il les avait toujours connu. Et sept minutes plus tard très exactement, il était de retour avec l’un des hommes de la tablée, le bras droit glissé par-dessus son épaule. Plutôt fier de sa prise, il remarqua néanmoins au loin que la vieille dame évoquée un peu plus tôt se tenait aux côtés de Seth. Il fronça les sourcils, comme si ça l’aiderait à comprendre un peu mieux qu’il venait de se faire rouler. Non loin de s’agacer, il affiche un sourire radieux, éclatant de rire à la triste vision de la pauvre femme. Une réaction somme toute pas forcément très respectueuse. Aussi, il se reprit rapidement alors que son nouveau cavalier le regardait sans comprendre.

« T’es un petit malin toi. » Avait-il lancé à l’adresse de Seth qui, à priori, n’avait pas eu à lui expliquer son stratagème. Il reconnaissait l’intelligence de son choix. Ceci dit. Glissant ses lèvres dans le cou de son nouveau cavalier, il s’adressa à lui, glissant une main dans son cou. « Et bien, il semble que je doive une dance à cette jeune femme. » Prononça t-il résigné en guise d’explication à cet homme dont il ne connaissait même pas le nom. Il marqua un temps d’arrêt, glissant un regard presque pervers en direction de Seth. « Mais il ne fait aucun doute que mon ami saura prendre soin de toi. » Avait -il lancé amusé en poussant presque le jeune homme dans les bras de l’archélogue qu’il s’avait - à sa connaissance - parfaitement hétérosexuel. Comment s’en sortirait t-il?

Il avait par la même occasion glissé sa main dans celle de la vieille dame, faisant tout son possible pour ne pas avoir l’air répugné. La pauvre devait probablement avoir une vie difficile pour en être arrivé là. « Madame? Une petite danse?. » Avait-il proposé alors qu’elle le regardait sans comprendre avec un regard vitreux. Levi se décomposa presque lorsqu’il réalisa que c’était la session des slow qui venait de commencer. Il crispa la mâchoire, l'entrainant tant bien que mal sur la piste de danse en la supportant à moitié pour qu’elle puisse marcher. Agrippée à son cou, il avait renoncé à respirer par la bouche, jetant un regard faussement accusateur à celui qui l’avait tourné en ridicule.


 

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Levi était un bien meilleur séducteur que Seth. Son côté solaire et sa bonne humeur à toute épreuve lui rendaient justice, facilitant le contact avec l'être humain, ce que l'archéologue ne possédait pas. L'américain était beaucoup plus réservé, même sous l'emprise de plusieurs verres de whisky, et il en fallait sûrement tout un litre avant qu'il ne se détende et s'ouvre partiellement à un inconnu. La drague ne faisait pas partie de ses compétences de base, tout simplement parce qu'il ne portait pas assez intérêt au genre humain pour s'adonner à ces passe-temps. Pour lui, rencontrer quelqu'un ne se forçait pas, cela se faisait tout seul. Observer l'ébeniste s'immiscer dans la conversation de tout un groupe d'inconnus et revenir avec un homme sous le bras lui rappelait toujours à quel point son ami était quelqu'un d'exceptionnel, de très ouvert et avenant. Ces qualités se lisaient sur son visage, contrairement à Seth, sous ses airs sévères et renfrognés. Il avait néanmoins réussi à ramener une personne, lui aussi. Elle était certes à la limite de l'inconscience et du comas éthylique, mais elle avait le mérite d'être venue avant les dix minutes du temps réglementaire, et cela, avant l'adversaire. C'était sans compter sur l'esprit vif de Levi, qui retourna la situation pour infliger une double punition : une pour lui, de devoir danser tant bien que mal avec la vieille femme en état d'ébriété, et une pour Seth, dans les bras duquel il venait de pousser sa nouvelle conquête.

"Ta générosité me surprendra toujours.", souligna l'archéologue, s'adressant à son ami qui s'éloignait déjà sur la piste de danse en compagnie de la dame. Il repoussa doucement le jeune homme qui s'était littéralement écrasé contre lui, pour le remettre à une distance acceptable de son propre corps. Ce n'était pas contre lui, ni parce qu'il était un homme, il aurait réagi de la même façon avec n'importe qui, même une femme. Voilà que le cavalier improvisé tentait d'orienter la discussion, pensant probablement que Seth et Levi formaient un couple de libertins. "Nous ne sommes pas...", se justifia l'américain, un peu gêné par les avances de cet homme. D'un homme tout court, d'ailleurs. "Mais si c'est lui qui te plaît" - il désigna Levi d'un hochement de tête en direction de la piste - "tu devrais aller danser avec lui.", finit-il par proposer. Le garçon hésita, dévorant littéralement l'ébeniste des yeux, qui, on devait bien l'admettre, ondulait admirablement aux bras de la vieille dame, laquelle peinait à rester debout et semblait sur le point de vomir la tournée de cosmo qu'elle s'était enfilée juste avant. Seth les observait, curieux et amusé à la fois, ravi de voir l'embarras dans lequel son ami était plongé mais également dégoûté par procuration. La punition était sévère, mais rigolote à regarder. Le promis de Levi, son cavalier esseulé, n'eut pas le temps de le rejoindre que la dame commença à tituber de plus en plus, sa tête tournoyant comme si ses épaules ne la supportait plus. Voyant qu'elle se pinçait les lèvres, les joues gonflées, Seth haussa la voix pour interpeller son camarade. "Levi, attention!", attendant que l'ébeniste comprenne son cri. "Elle va vomir, je crois.", constata-t-il, une moue cripée sur les lèvres. Levi était si bon danseur qu'il faisait tourner les têtes, et visiblement, les estomacs aussi.