La soirée a été organisée pour les porte-monnaies - c’est comme ça que Scarlett les surnomme, dans sa tête, évidemment, jamais à haute-voix - ceux qui donnent de l’argent pour soutenir des campagnes politiques. Il y a toujours des éléctions à suivre, à préparer, à conclure, à célébrer, et les évènements politiques rythment la vie de Scarlett autant que ceux de l’industrie du cinéma ou de la chanson. Son portefeuille de clients est vaste, son agence s’est développée avec une certaine polyvalence qui fait aujourd’hui son succès. Ce soir, c’est un énième gala, pour soutenir un candidat dont Scarlett n’a que faire. Elle est là pour serrer des mains et échanger des banalités, un ou deux sourires peut-être. Elle aide à la campagne de plusieurs conseillers municpaux de Brisbane, mais elle n’a pas d’allégance particulière à ces derniers - affilés au Labor Party, elle les trouve au mieux idéaliste, au pire complètement hors-sol. Mais ça lui est égal, de manière générale, elle a travaillé avec des gens pour qui elle ne voterait jamais, et inversement. Loin d’être loyale, Scarlett est surtout férocement pragmatique, et un peu trop cynique. Il y a deux ans, elle travaillait avec le maire de Brisbane, du parti opposé, et qui sait ce qu’elle fera encore dans quelques années. Peu importe, on l’engage pour son professionnalisme, pas pour ses propres idéaux.

Vêtue d’une robe satinée rouge et près du corps, elle est là pour faire bonne figure, mais surtout pour observer les comportements de donateurs, voir les points d’adhésion et ceux qui restaient à travailler. Femme de l’ombre, elle est aussi utile pour quelques discussions, ayant petit à petit un certain réseau, et sachant assez manier l’art de la conversation pour ne pas servir de plante verte au milieu des autres invités. Elle aime bien briller en société, Scarlett, elle a adopté tous les codes nécessaires. Personne ne pourrait se douter d’où elle a grandi. Elle joue le rôle du caméléon à merveille, verre de tonic à la main, son gloss à peine dérangé par le petit four qu’elle glisse sur sa langue.

Au milieu des visages familiers, Scarlett remarque au loin Ambrose, en pleine discussion avec une jeune femme et deux hommes - elle reconnaît l’un d’eux, elle a déjà bossé avec l’un de ses collaborateurs. Elle ne se souvient pas d’un contact particulièrement plaisant, se rappelle d’avoir trouvé le jeune homme lent et un peu stupide, du moins trop stupide pour la politique. Scarlett ne lui adresse donc pas un regard, mais fait un petit signe de la tête avec Ambrose, et lève son verre en sa direction, un bonjour lointain. Ils échangent un petit sourire entendu, puis retournent à leurs occupations, leurs discussions.

Ce n’est qu’un peu plus tard, qu’une occasion se créé, une discussion se termine, une ouverture du côté de Scarlett, Ambrose pas loin, et elle arrive à sa hauteur, les yeux pétillants, curieuse de le recroiser dans un autre contexte. « Bonsoir Constantine », elle ouvre le bal poliment, et lève son verre pour qu’ils trinquent brièvement. « Alors, les donateurs mordent à l’hameçon ? » Elle demande, les yeux plissés. Elle regarde autour d’eux, un peu curieuse. « Tu es venu seul ? Mavis n’a pas encore le privilège d’être la trophy girlfriend ? » Elle n’y pas par quatre chemins, Scarlett, et offre à Ambrose un élément précieux : révéler ce qu’elle sait déjà, abattre sa seule carte, pour qu’ils partent sur un - quasi - pied d’égalité.


@Ambrose Constantine  

Il avait hoché la tête quand son regard a croisé celui de Scarlett, et il se retrouve désormais sincèrement heureux de la retrouver pour une discussion qui peut réellement en être une, au-delà d’une simple et brève réponse physique. La soirée a été longue ; utile, intéressante, mais longue. Une pause à ses côtés est particulièrement bienvenue. « Bonsoir Constantine. » - « Bridgers. » Une salutation sincère mais non moins sincère qui vient ponctuer le tintement de leurs verres. « Alors, les donateurs mordent à l’hameçon ? » Des informations qui n’ont pas à se répandre, même auprès d’une femme en qui il a une certaine confiance - elle est nécessaire, dans la mesure où elle sait pour lui et Ruben. Qu’elle ose lui demander pousse Ambrose à avoir un sourire amusé, qu’il cache à peine derrière le verre dans lequel il boit brièvement. « Comme toujours avec un peu d’arguments. » Il se permet d’insinuer qu’il a toujours les bons arguments en question, sans que cela puisse évidemment être une vérité générale. Scarlett n’est pas là pour lui tirer les vers du nez à ce sujet, de toute évidence, et elle lui en donne la preuve à l’instant même où elle change déjà de sujet pour se concentrer sur ce qui semble réellement l’intéresser.

« Tu es venu seul ? Mavis n’a pas encore le privilège d’être la trophy girlfriend ? » Elle sait, donc. L’entrée en matière le fait sourire une nouvelle fois, sans qu’il ne cherche cette fois-ci à le cacher. « Elle m’accompagne parfois mais à ce qu’il paraît son métier n’a pas des horaires concordants avec les meetings. » Il n’a pas d’horaires concordantes avec grand chose, en réalité, mais puisqu’elle est celle qui vit avec Ruben alors elle connait à son tour ses horaires de vie hasardeuse. « Il a jugé nécessaire de t’informer qu’il avait été trahi, donc. » Le prénom n’est même pas utile ; la ponctuation d’interrogation l’est tout aussi moins. Il note à voix haute des évidences : il n’y a que Ruben qui aurait pu l’informer de leur couple, non pas parce qu’il est le seul au courant mais bien parce qu’il est le seul que cela prend autant aux tripes. « Il a poussé le mélodrame à quel point ? » Parce qu’il est doué dans le rôle de la pauvre victime trahie dont tout le monde se joue, Ruben, et ça Ambrose le sait notamment parce qu’il est tombé dans le piège à de nombreuses reprises et a fini par y rester volontairement, pour ses beaux yeux. « C’est une question pour la science, évidemment. » Non pour son plaisir purement personnel d’être informé de faits qui le regardent de moins en moins maintenant qu’il comprend de plus en plus que Ruben ne peut pas être la personne aussi parfaite et bienvenue dans son quotidien qu’il aimerait le croire ; et qu’il continue justement encore de croire de temps à autres. « Tu as attendu toute la soirée pour me dire que tu savais ? » Qu'il finit par lui demander avec un amusement certain face à une Scarlett s'étant particulièrement prise au jeu, vraisemblablement.

Sans Ruben comme lien, Scarlett n’aurait probablement pas pris le temps de s’arrêter sur Ambrose, à part peut-être pour espérer passer un peu de bon temps. Du reste, elle n’a jamais apprécié les politiciens, elle les trouve imbus, avec des égos insupportables, et surtout un délire de grandeur, un idéalisme d’enfant roi. Même si, bon, ils ont parfois plus de conversations intéressantes que les acteurs, qui ont les exacts mêmes défauts - mais les acteurs, eux, ont cette fibre chaotique qui au moins anime les soirées. Ambrose, en plus de tout, a fait le choix politique de l’idéalisme (le labor party) et si Scarlett peut y reconnaître certaines idées intéressantes, elle les trouve souvent optimistes voire complètement hors sol. Mais par la force du destin* (*Ruben et ses tromperies, à peu près aussi inévitables et inarrêtables que la loi du destin, effectivement) Scarlett et Ambrose ont dîné ensemble, et elle l’a trouvé intéressant, charismatique, pas totalement dénué de jugeote malgré ses goûts plus que questionnables en matière de dating. « Elle m’accompagne parfois mais à ce qu’il paraît son métier n’a pas des horaires concordants avec les meetings. » Scarlett a un sourire en coin. « Ah, les fameux horaires, hmm », elle hoche la tête d’un air entendu. Les horaires qui ont d’ailleurs assuré à Ruben de pouvoir retrouver Ambrose - et Mavis - sous couvert d’être de garde, de bosser, et autres petits mensonges bien pratiques. Scarlett aurait presque de la peine pour Nina et l’immensité de l’humiliation qu’il lui a fait subir, mais une part d’elle ne peut s’empêcher de se dire qu’elle aurait dû voir les signes, se protéger.

« Il a jugé nécessaire de t’informer qu’il avait été trahi, donc. » « J’aurais plutôt utilisé le terme doublé, personnellement, mais je ne lui ai pas précisé », elle réplique en haussant les épaules, reprenant une gorgée de son tonic, le regard scannant toujours un peu discrètement la pièce. Elle est toujours en alerte, Scarlett, surtout lorsque les conversations dérivent sur le personnel dans un endroit public. « Il a poussé le mélodrame à quel point ? » Scarlett penche la tête, pince les lèvres. « C’est une question pour la science, évidemment. » Ah, évidemment. Elle esquisse un sourire. « La science serait surprise de constater qu’il n’a pas été aussi mélodramatique que prévu », avoue Scarlett. « Principalement abattu. » Elle précise assez factuellement, ne cherchant pas à faire culpabiliser Ambrose, loin de là. « Mais je ne l’ai pas vu, ces derniers temps, il a peut-être amené le mélodrame ailleurs », elle suggère avec une certaine honnêteté, surprise elle-même de révéler un minuscule bout de sa vie - et de l’absence de Ruben, ces deux dernières semaines.

« Tu as attendu toute la soirée pour me dire que tu savais ? » Scarlett a un petit rire. « Ne te flatte pas autant, Ambrose », elle corrige tout de même, recoiffant distraitement ses cheveux derrière ses épaules. « Mais j’avoue que j’étais curieuse d’entendre un autre son de cloche. » Parce que Ruben tourne toujours tout à son avantage. « Est-ce que c’est insultant si je te demande si c’est sérieux entre vous ou simplement pour le faire chier lui ? » Parce qu’elle sait que les gens peuvent vite monter sur leurs grands chevaux quand il s’agit des relations romantiques et de les défendre.


@Ambrose Constantine  

« Ah, les fameux horaires, hmm » Et même s’il porte une certaine amitié à la jeune femme, le regard qu’il partage avec elle l’encourage malgré tout à ne pas dépasser les limites. Il la respecte, ça oui, mais le respect connaît rapidement ses limites quand d’autres se retrouvent franchies sans qu’il n’ait été question de prévenir d’une quelconque manière. Ruben est la première chose qui les lie, et sans doute la seule ; il la sait intelligente pour ne pas oublier ce point et risquer d’aller de trop loin. « J’aurais plutôt utilisé le terme doublé, personnellement, mais je ne lui ai pas précisé » Paradoxalement, l’audace de cette réponse en particulier lui vaut un sourire. Lui ne pense pas avoir doublé Ruben, pas alors qu’il a eu des mois entiers pour nouer une véritable relation avec Mavis - et presque la possibilité de fonder une famille, soit dit en passant. Ce qu’il pense, et ce qu’il sait, c’est que Ruben désapprouve fortement le rapprochement entre lui et Mavis, un fait qu’il n’a même jamais tenté de cacher tant il s’en montrait incapable. « L’un comme l’autre, il déteste. » Et la nuance du mot à utiliser n’est pas leur problème, en réalité. Les faits sont ainsi et la désapprobation de Ruben ne change rien à leur existence. L’un comme l’autre, surtout, il a jugé nécessaire d’aller pleurer dans les jupons de Scarlett, et une attitude qui aurait pu attendrir Ambrose il y a peu encore se retrouve à l’agacer passablement aujourd’hui même. « La science serait surprise de constater qu’il n’a pas été aussi mélodramatique que prévu » Un aveu qui semble étonner pleinement les deux protagonistes, sans doute justement parce qu’ils connaissent bien assez Ruben pour savoir que cela n’a rien d’évident comme réaction venant de lui. « Principalement abattu. » Il se pince imperceptiblement l’intérieur de la lèvre. Ce n’est pas ce qu’il voulait entendre ; ce n’est pas non plus ce qu’il comptait entendre. Il veut vivre sa propre vie et apprendre à déployer ses ailes sans demander la permission à Ruben pour cela, mais il ne veut pas le faire à ses dépens, encore moins en le rendant triste ou, pire, abattu.

Ce qu’elle ajoute et précise pousse rapidement Ambrose à accorder son attention sur un point différent. « Mais je ne l’ai pas vu, ces derniers temps, il a peut-être amené le mélodrame ailleurs » Deux points suscitent son attention sans qu’il ne sache lequel prioriser dans ses questions. Primo, pourquoi ne l’a-t-elle pas vu dernièrement alors qu’elle est sa seule maison ? Secundo, non, bien sûr que non il n’a personne d’autre qu’elle à qui parler de ses dix-sept amants et pseudo remords - ou tout du moins il l’espère, parce qu’il n’a pas envie d’être davantage connu comme l’avant du chirurgien. « Il était où ? » La voix est calme, posée. Il ne s’inquiète pas - non, bien sûr que non, pourquoi s’inquiéterait-il pour le stupide Ruben ? « Tu crois vraiment qu’il a osé raconter cette histoire à plus de personnes ? » Lui est convaincu que non, mais sans doute ressent-il le besoin d’en avoir la confirmation formelle de la part de Scarlett. Ils sont déjà bien trop au courant de cette histoire pour que cela soit une bonne chose. Histoire qui n’aurait jamais dû commencer pour que ce soit une bonne chose, oui, évidemment, mais il est trop tard depuis trop longtemps pour continuer à se blâmer de ce point.

« Ne te flatte pas autant, Ambrose » Il étire un sourire, aimant malgré tout beaucoup l’idée de s’auto flatter, surtout sur des points aussi insignifiants que celui qu’ils sont en train de soulever sur l’instant. « Mais j’avoue que j’étais curieuse d’entendre un autre son de cloche. » Une idée qu’il peut tout à fait comprendre, même si au fond de lui il pense aussi que la curiosité joue un rôle important dans la discussion qu’ils sont en train d’avoir sur l’instant. « Est-ce que c’est insultant si je te demande si c’est sérieux entre vous ou simplement pour le faire chier lui ? » C’est insultant, oui, mais ce n’est pas pour autant qu’elle compte renoncer à obtenir une réponse. Et parce qu’il ne veut pas qu’elle s’oriente vers le mauvais chemin, il l’aiguille. « Mes choix de vie ne sont pas dictés par Ruben, ni même contre lui. » Quoi que l’un ou l’autre puisse en penser. Il y a de ça, à n’en pas douter, mais il n’y a pas que de ça, surtout en ce qui concerne ses relations amoureuses. « On se connait depuis qu’on est gamins. On avait déjà eu une histoire à l’époque. Une amourette. » A leur âge, il ne peut pas parler de véritable et grande histoire d’Amour, mais il y avait bien eu un petit quelque chose qui leur avait plu à tous les deux, peu importe l’étiquette à apposer. « C’est une personne intelligente. » Et évidemment belle, mais sur ce point il n’y a pas besoin d’enfoncer des portes ouvertes : Scarlett l’a sans aucun doute déjà vue, ne serait-ce qu'en photo. « Il joue avec les limites quand il est question de protéger ce qui lui appartient. » Son regard vacille autour d’eux, ses paroles se retrouvent être un brin moins explicites et pourtant Scarlett comprendra sans doute que “ce qui lui appartient” n’est rien de moins que son harem, composé de Mavis autant que d’Ambrose, et de sa femme qu’il a trompé avec le tout Brisbane. Le regard d’Ambrose s’assombrit, le souvenir de l’intrusion de Ruben chez eux et de sa crise de colère n’ayant rien d’amusant. « Il devrait faire attention avec ça. Un jour il finira vraiment par aller trop loin. » Il serait du genre à décider que s’il ne peut pas avoir une chose - une personne -, alors personne ne peut l’avoir et Ambrose mentirait s’il disait que cela ne lui fait pas peur, parfois. De ça, pourtant, il ne peut en parler qu’avec Scarlett, et là encore cela se fait avec parcimonie.

Scarlett préféra volontiers se jeter sous un train que d’avouer qu’elle est contente de parler de Ruben, même avec Ambrose et leur passif si particulier, même si elle n’a pas parlé à Ruben depuis maintenant deux semaines ; elle ne dirait pas qu’il lui manque, ce n’est pas le genre de mots qui sortent de bouche, ou même que son cerveau peut conceptualiser, mais ce n’est pas exactement faux pour autant. « Il était où ? » Ambrose essaie d’avoir l’air détaché, désintéressé, et Scarlett aimerait lui dire que s’il veut réussir en politique, il lui faudra apprendre à concilier un peu plus. Mais elle a l’impression que Ruben est tout simplement son talon d’Achilles. « On ne s’est pas encore partagé nos agendas », elle répond, sarcastique. Elle fait preuve d’une certaine mauvaise foi, elle le sait. Elle devrait savoir où il est, parce qu’il est son colocataire accidentel depuis quasiment six mois, qu’il est son.. Ami, apparemment. « Tu crois vraiment qu’il a osé raconter cette histoire à plus de personnes ? » Scarlett secoue la tête. Si elle ne sait pas où il est, elle est bien certaine d’une chose, il ne se vantera pas de ces choses-là à qui que ce soit. Elle se dit souvent qu’il ne lui a raconté que tout ça parce qu’il sait que sa propre éthique à elle est flexible, qu’il s’imagine qu’elle ne le jugera pas comme d’autres le feraient. Il a raison, de toute évidence. « Non, je pense qu’il ne s’en vante pas, effectivement. Du moins je l’espère sincèrement pour lui », elle admet, parce que si Ruben tient à sauver sa réputation, il va falloir qu’il fasse un peu plus d’efforts.

La conversation se tourne naturellement vers Mavis, et les raisons de leur relation. Scarlett ne passe pas par quatre chemins, laissant sa curiosité naturelle l’emporter, totu en laissant poliment une porte de sortie à Ambrose, s’il considère qu’elle va trop loin. « Mes choix de vie ne sont pas dictés par Ruben, ni même contre lui. » Scarlett penche la tête. Elle se permet de douter de cette affirmation, mais ne dit rien. Si Ambrose était si libre de ses choix, pourquoi serait-il de toute évidence coincé dans des sentiments pour Ruben depuis autant de temps ? Bien sûr que Ruben influence ses choses, c’est le propre des relations romantiques, c’est bien ça que Scarlett déteste, d’ailleurs. « On se connait depuis qu’on est gamins. On avait déjà eu une histoire à l’époque. Une amourette. » Scarlett ne peut pas s’empêcher d’avoir un petit rire. « Mon Dieu, Ruben sait vraiment choisir les bonnes personnes », elle ironise. Non seulement il a trompé Nina avec une interne, causant des risques à son travail,, et avec un politicien, avec une personnalité publique, mais en plus il s’avère que les deux se connaissaient. Elle ne peut pas s’empêcher de trouver ça un brin hilarant. « C’est une personne intelligente. » Scarlett a un sourire. « Ah, ça doit te changer de l’autre, alors », elle plaisante. Ils savent tous les deux que c’est faux, Ruben est intelligent, c’est bien ça qui est rageant, de le voir se comporter comme un tel imbécile. « Et elle, elle l’a oublié ? » Elle demande, jouant à nouveau avec les limites de ce qui est poli de demander, mais elle essaie de comprendre les motivations de chacun des protagonistes.

« Il joue avec les limites quand il est question de protéger ce qui lui appartient. » Scarlett hoche la tête, c’est triste, mais bien résumé. Ruben est possessif, jaloux, et s’il est conscient de ses propres défauts, il n’a pas encore trouvé de solution pour ne pas les laisser gagner sur sa raison. « Il devrait faire attention avec ça. Un jour il finira vraiment par aller trop loin. » Scarlett penche la tête. « Est-ce que ce n’est pas déjà un peu le cas ? » Elle demande, sincère. « Je crois que le vent commence à tourner pour lui. » Elle ne s’inclue pas vraiment dedans, mais dans les faits, elle l’a bien mis à la porte. « Et j’ai bien peur que ça ne fasse pas sortir la meilleure version de sa personnalité, effectivement. »


@Ambrose Constantine  

« On ne s’est pas encore partagé nos agendas. » Un point sur lequel il ne la croit pas le moins du monde. Il est évident qu’elle tient à Ruben, d’une façon assez singulière et unique pour ne pas s’ajouter à sa liste d’amants - aux dernières nouvelles, du moins - et il ne pense pas un seul instant que Ruben quitte sa maison sans qu’elle ne sache où il se rend. Sans doute même qu’elle aimerait ne pas connaître les détails de ses coucheries et de ses lamentations, de ça il ne douterait pas, mais il ne croit pas un seul instant que Scarlett n’est pas une mère poule capable de le laisser vagabonder sans connaître ses intentions. Le silence d’Ambrose est la preuve muette qu’il ne la croit pas, un mensonge sur lequel il se laisse glisser sans se plaindre, cette bataille n’étant certainement pas en capacité de lui être bénéfique. Il n’a tout simplement rien à y gagner à lui donner tort, et plutôt tout à y perdre. « Non, je pense qu’il ne s’en vante pas, effectivement. Du moins je l’espère sincèrement pour lui » Ils tombent néanmoins d’accord sur le sujet suivant. De son côté, Ambrose espère sincèrement qu’il a su tenir sa langue pour lui-même bien plus que pour Ruben. Après tout, il est déjà proche de divorcer. Ambrose, lui, a encore bien trop de choses à accomplir qui demandent une bonne image de sa personne. Ruben n’a pas besoin de ça pour sauver des vies, il peut être détesté et toujours un merveilleux arrogant chirurgien comme le monde en fait tant.

L’histoire qui le lie à Mavis n’est pas un secret, si bien qu’il en parle ouvertement avec Scarlett, sans que ce soit une confession gagnée grâce à une quelconque soirée passée chez elle. Cela n’a rien à voir, pas alors qu’Ambrose nourrit l’espoir simple - mais ô combien pratique - de pouvoir avoir un jour l’opportunité de raconter que leur amourette d’adolescents n’avait finalement été que les prémices de bien davantage. L’histoire ne sera jamais aussi merveilleuse, douce et parfaitement imaginée que celle qui le liait à Cassie mais peu importe. Elle permet de sauver les pots cassés, en partie du moins, et surtout elle le rend heureux et lui donne un certain équilibre malgré les disputes. « Mon Dieu, Ruben sait vraiment choisir les bonnes personnes. » Et si un résumé devait être fait de la situation, c’est sur cette même idée qu’Ambrose se rangerait à son tour. Ils ont tous un foutu talent pour se retrouver liés sans le vouloir, et il ne comprend toujours pas comment l’ego des deux protagonistes les empêche tous les trois d’essayer de former une équipe, une vraie. Ils méritent mieux que de se tirer dans les pattes. Ils méritent plus, aussi. « Faut croire qu’on a tous un type en commun. » Il ajoute à son tour avec le même sourire calme, comme s’ils ne parlaient pas d’adultère et de relations particulièrement malsaines et malvenues. Leur type en commun, à tous les trois, s’appelle bien “les problèmes”. « Ah, ça doit te changer de l’autre, alors. » La balle perdue touche Ruben en plein cœur sans qu’Ambrose cherche à le défendre. Il est un foutu génie, mais il l’est autant qu’il est un imbécile. « Et elle, elle l’a oublié ? » - « Invite-la à une soirée snack pour en discuter. » Comme elle l’a fait avec Ambrose, qui a sauté à pieds joints sans se battre. Il y a fort à parier qu’avec Mavis, ce serait une toute autre histoire. Scarlett ne serait pas déçue du voyage, même s’il imagine déjà que cette soirée snack n’existera pas, et ce pour une infinité de raisons. La vérité, c’est qu’il ne veut pas avoir à davantage de demander la question de si oui ou non Mavis l’a oublié, parce qu’au fond de lui il reste persuadé que la rage qu’elle nourrit à son encontre doit trouver son égal ailleurs, dans un sentiment qui anime en lui une certaine jalousie latente qu’il déteste. Parce qu’il n’y a rien dont il devrait être jaloux, parce que quand bien même il y aurait un “quelque chose”, il a été le premier à clamer les bienfaits de la poly-quelque chose.

« Est-ce que ce n’est pas déjà un peu le cas ? Je crois que le vent commence à tourner pour lui. » Il comprend les craintes de Scarlett mais n’a aucune arme à sa portée pour la rassurer. La vérité, c’est qu’il pense effectivement qu’il pourrait aller bien plus loin encore et qu’il le fera invariablement un jour. « Et j’ai bien peur que ça ne fasse pas sortir la meilleure version de sa personnalité, effectivement. » - « Honnêtement, entre toi et moi, je pense qu’il devrait se reconstruire ailleurs. » Sydney cherche des médecins, Canberra aussi. N’importe quelle ville de quelle foutue pays le voudrait, et il pourrait reconstruire sa réputation tout en continuant à faire fleurir sa carrière. Il devrait faire du foutu volontariat, engrosser une autre bénévole qui n’avorterait pas, et raconter le merveilleux coup de foudre à qui veut l’entendre. Il n’en faudrait pas moins pour redonner un peu de semblant à son image, même si Ambrose pense sincèrement que Brisbane n’a plus rien à lui apporter - et ce alors même que l’idée de le voir s’éloigner lui brise le cœur. « Avoue, t’es ravie de pas l’avoir en client celui-là. » Il rétorque avec humour. Ruben est un cas perdu, un client qui n’écouterait rien ni personne ; en somme, un véritable enfer. « Pourquoi il n’est pas rentré ? Tu l’as vexé ? » Et il ne rejette pas la faute sur Scarlett, ça non : ils savent tous les deux à quel point l’homme au centre de leur conversation a un don certain pour prendre la mouche au moindre mot qui lui déplait ; mot qui n’a pas toujours un aspect négatif, soit dit en passant. Du Ruben tout craché, à faire des montagnes à partir de rien et à finalement inquiéter ses proches alors qu’il se contente de jouer au gamin vexé.

C’est le karma de Ruben, décider de tromper sa femme avec non pas une mais bien deux personnes, et que ces dernières se connaissent et partagent même un passé romantique. Scarlett se demande si Nina connaît ce détail, mais se doute que dans tous les cas, elle aurait dû mal à trouver ça cocasse ou amusant. « Faut croire qu’on a tous un type en commun. » Scarlett hoche la tête et reste assez polie pour ne pas préciser que ce type en commun semble surtout d’avoir mauvais goût, ou plutôt un bon goût ruiné par les complications. Mavis est magnifique, Ambrose est charmant, Ruben est mignon (ne lui répétez pas !) et ils sont trop personnes intéressantes et intelligentes. Mais apparemment pas assez intelligentes pour éviter de se fourrer dans un triangle amoureux si bancal. « Je n’arrête pas de lui dire qu’il devrait être plus moderne et se lancer dans le trouple, mais il n’a pas l’air très récéptif », elle signe avec un sourire en coin, bien qu’elle soit toute à fait sérieuse sur le sujet.

Elle se demande ce que Mavis pense de tout ça, elle, c’est la partie de l’équation que Scarlett connaît le moins. Est-ce qu’elle aime vraiment Ambrose ? A-t-elle été amoureuse de Ruben ? Scarlett a du mal à comprendre ses motivations, si ce n’est qu’elle doit apprécier le secret et le jeu, y trouver son compte dans la tension et l’interdit. « Invite-la à une soirée snack pour en discuter. » Scarlett a un petit rire et secoue la tête pour chasser l’idée. « Je suis déjà bien trop impliquée dans cette histoire », elle fait remarquer pour décliner poliment - même si en vérité, elle se ferait un plaisir d’essayer de mieux connaître et comprendre la jeune femme, ne serait-ce que par curiosité. Elle imagine déjà la tête de Ruben si elle en venait à discuter avec Mavis, et cela l’amuserait presque.

Ruben s’est enfoncé dans un piège qu’il s’est construit, et la situation est maintenant bien trop complexe pour être réglable facilement. Scarlett ne sait même pas comment il pourra s’en sortir, elle se doute qu’il y perdra quelques plumes. Mais Ruben s’en sortira, elle a confiance ; malgré son habitude de bouder comme un gamin, il a de la force de caractère. « Honnêtement, entre toi et moi, je pense qu’il devrait se reconstruire ailleurs. » Scarlett lève un sourcil, un peu surprise. Elle ne répond pas immédiatement, ne sachant même pas ce qu’elle pense de l’idée. Comme par réflexe, elle n’aime pas la proposition. Puis elle se demande si ce n’est pas simplement qu’elle n’aime pas imaginer Ruben vivre ailleurs que dans un radius de 20km d’elle, et cette pensée lui donne une vague nausée. C’est pas croyable, elle est si attachée à lui que ça ?! Hors de question !! « Hm, je ne sais pas si la fuite est vraiment une stratégie payante ? » Elle demande. « Déjà que sa fierté est sacrément attaquée », elle fait remarquer. Elle a du mal à voir Ruben se mettre dans une telle position de faiblesse et de honte, en partant, mais peut-être qu’elle calque sa propre vision à elle.

Elle est surprise, néanmoins, qu’Ambrose suggère que Ruben s’éloigne. N’est-il pas du genre à ne pas tenir loin de lui plus de quelques semaines ? « Avoue, t’es ravie de pas l’avoir en client celui-là. » Scarlett soupire. C’est étrange de parler de Ruben avec quelqu’un qui comprend à quel point il est agaçant et attachant à la fois. Elle voudrait répondre ”et il n’est pas ravi de m’avoir comme patiente” mais elle n’avouera jamais à haute voix avoir fait appel à ses services de neurologue. « Et il ne paie même pas bien », elle ironise d’un ton qui proteste. « Pourquoi il n’est pas rentré ? Tu l’as vexé ? » Scarlett porte son verre à ses lèvres, laissant quelques secondes de flottement où elle se demande si elle a envie d’être honnête ou non. Ce n’est pas son genre de se confier, encore moins à des quasi inconnus comme Ambrose l’est pour elle, au fond. Mais c’est aussi la seule personne qu’elle connaît qui connaît aussi bien Ruben, et elle se demande s’il pourrait être de bon conseil. Si seulement elle savait quoi demander. « Je crois qu’on s’est vexé mutuellement », elle répond, un peu cryptique. « Tu sais, il a débarqué chez moi en demandant l’asile pour quelques jours, et ça va faire six mois qu’on est quasiment colocataire. Et je suis quelqu’un qui n’aime pas beaucoup partager mon espace », elle souligne. « J’ai demandé un peu d’air après un désaccord, quelques jours seulement, et il est parti, et depuis il est distant même par message. » C’est un résumé très simpliste qui joue en la faveur de Scarlett, elle le sait, elle n’est pas très honnête. « Tu fais quoi, quand vous vous disputez ? Tu le laisses bouder dans son coin jusqu’à qu’il revienne ? » Elle demande, curieuse. « Vous êtes encore en contact, depuis le Mavis-gate ? »


@Ambrose Constantine