J’aurais dû reprendre du poil de la bête. Combien de temps était-ce normal d’être déprimée d’une rupture pour une relation d’à peine quatre mois ?! J’étais incorrigible, je le savais. Combien de fois pouvais-je écouter en boucle les albums d’Olivia Rodrigo en pleurant, comme si j’étais une adolescence de 19 ans ? Mais je me trouvais des excuses parfaites : j’avais été amie avec Andy deux ans, ce n’était pas juste une rupture, c’était pas treizième, et puis passée la trentaine, les hormones étaient différentes, peut-être que je ne contrôlais pas tout ? La vérité était peut-être en réalité plus simple : j’étais triste. J’étais perdue. Je ne savais pas ce que je valais ni ce qui m’empêchait apparemment d’être heureuse en couple, c’était sûrement moi, au fond, le problème, mais je ne savais pas comment me changer. Le tournage ne se passait pas très bien, parce que je passais la moitié de mes pauses à pleurer dans mon trailer ou à m’engueuler avec Mac ou à essayer de flirter discrètement avec Dina, et que je me rendais compte que je n’avais pas envie d’être là, pas envie de me lancer dans la tournée médiatique, qu’on s’arrête dans la rue pour me pointer du doigt comme si j’étais un animal de zoo, se jetant sur moi pour un selfie sans me dire bonjour.

Au moins, en allant chez Mabel, j’étais certaine de retrouver quelqu’un qui comprendrait. Nous étions toutes les deux dans une période difficile, et je n’avais pas besoin de faire semblant devant elle. Mes émotions étaient à vifs, les siennes aussi, et si nous avions toujours été différentes dans l’expression de ce qui nous agitait, je savais qu’il y avait une forme de compréhension, d’entente tacite entre nous. Peut-être parce qu’on avait grandi ensemble, ou que nos vies étaient étonnemment semblables dans leurs différences.

Arrivée devant la porte, je sonnai, mon sac sur l’épaule et une bouteille à la main. J’entendis de l’autre côté un petit raffut avant finalement que finalement la porte ne s’ouvre sur Mabel, et Rosie dans ses bras. « Bonsoir les stars ! » M’exclamai-je, en me penchant pour les prendre dans mes bras. Je posai un baiser sur la joue de Mabel, puis sur celle de Rosie, et je pinçai le bout de son nez. « Ta maman m’a dit que tu avais été teeeeellement sage aujourd’hui, tu vas être sage ce soir aussi ? » Elle demande innocemment, essayant de l’amadouer. Je me tournai à nouveau vers Mabel et agitai la bouteille de vin blanc dans ma main. « J’ai retrouvé un vin d’un vignoble californien que j’adore ! » Je fis un grand sourire, ravie de ma trouvaille. « T’as besoin que je fasse un truc en cuisine pendant que tu couches Rosie ? »

@Mabel Griffiths

Toute contente de moi, j’agitai la bouteille de vin encore fraîche dans ma main. L’étiquette était colorée, tout donnait envie, et j’avais hâte d’un grand verre frais qui m’aiderait probablement à me relaxer. Avec Mabel, tout était toujours plus simple quand on partageait quelque chose à boire - ce n’était peut-être pas très sain, certes, mais c’était la vérité. « C'est gentil, mais j'ai une migraine depuis ce matin, alors je vais éviter de boire », m’avoua Mabel avec une moue. « Oh ! » M’exclamai-je, un peu surprise. Une personne plus altruiste aurait peut-être proposé à Mabel d’annuler le dîner, pour qu’elle se repose, et ne pas la déranger. Malheureusement, j’étais plutôt le genre à m’imposer, et j’attendais ce dîner avec ma cousine depuis le début de la semaine, et si elle ne m’avait pas proposé d’annuler, c’est qu’elle était en état, pas vrai ?

« Si tu peux juste sortir l'entrée du frigo, histoire que tout ne soit pas trop froid tout à l'heure. » « Yes chef ! » M’exclamai-je d’un ton qui voulait rappeler les répliques de The Bear, avant de me rappeler que Mabel était probablement un peu trop une maman pour avoir le temps de suivre les aventures de Carmine et Sydney en cuisine.

Un bisou soufflé à Rosie plus tard, et j’étais dans la cuisine, occupée à sortir l’entrée du frigo. Je remis la bouteille de vin dans mon sac, de me dire que je la boierais dans un contexte plus festif, c’était une bonne bouteille que je n’avais pas envie d’ouvrir pour un ou deux verres et ne pas la terminer. Même si, bon, pour être honnête, je pouvais totalement boire une bouteille à moi toute seule, ces derniers temps. Je regardais le contenu du frigo, me disant qu’une bouteille déjà ouverte traînerait peut-être - j’agissais chez Mabel comme si j’étais chez moi, un peu trop habituée à vivre dans le même espace qu’elle. Pas de vin en vu, pas même une bière, tant pis. Je me laissais tomber sur une chaise et scrollais tumblr en attendant le retour de Mabel, qui ne tarda pas trop. Rosie avait donc suivi mes recommendations d’être sage !

« Tu veux boire quelque chose pour l'apéritif ? Je crois qu'il ne me reste pas grand chose en alcool, la femme de ménage a fait tomber le bar hier et je n'ai pas eu le temps de racheter quoi que ce soit. » Si j’avais à peine relevé l’histoire de la migraine, la phrase de Mabel me fit tiquer, et je fronçai les sourcils, avant de radoucir mon visage, essayant de ne pas avoir l’air trop suspecte. Parce que Mabel l’était, elle. Je ne savais pas trop comment l’expliquer, mais son histoire était… Peu crédible ? Pas après cette histoire de migraine. « On est pas obligé de boire de l’alcool. T’as pas une limonade ? Une tisane ? » Je demandai, d’un ton innocent. Par quel bout prendre la conversation ? Je ne pouvais pas acculer Mabel, mais je n’étais pas sûre de comprendre ce qui se jouait. « Et puis ça nous fera du bien de lever le pied, non ? Depuis la rupture, j’enchaîne les gueules de bois ! » Plaisantai-je. « Ta femme de ménage a vraiment cassé ton bar ou tu veux juste faire un dry january en avance ? » Ajoutai-je avec un clin d’oeil.

@Mabel Griffiths