En commençant ses études de médecine, Izan avait naïvement pensé que rien ne pouvait être pire que la charge de travail qu’on leur imposait et que jamais, au cours de sa future carrière, il ne connaîtrait un stress comparable à celui éprouvé avant les examens. Tout cela, maintenant, lui semble bien futiles, presque dérisoires, sans importance. L’imagination se cantonne aux champs de la connaissance : il n’avait jamais pensé pouvoir se retrouver sur une île infesté par des créatures qui ne devraient pas être là. ’’Ça fait combien de jours ?’’ il a l’impression de perdre la notion du temps. L’océan qui les entoure est inéluctable, et l’île ressemble à un bateau en perdition, sans terre sur laquelle accoster. Il ne sait pas depuis combien de temps ils sont là, depuis combien de temps il entend les cris des oiseaux dans les hauteurs, le chant du vent entre les feuilles, le fracas des vagues sur le sable… Parfois, au coeur de la nuit, il y a un hurlement strident qui perce la forêt et il se redresse en sursaut, sans savoir si c’est dans son esprit ou si quelqu’un, tout près, est en train de lutter pour sa survie. En entendant les récits des survivants de catastrophes, on pense toujours, avec notre esprit volontaire et arrogant, que nous ferions les actions les plus louables : la vérité est que lorsque notre survie est menacée, plus rien ne compte sinon la préserver.

Ici, l’héroïsme consiste à ne pas se laisser mourir.

’’Il faut qu’on trouve à manger.’’ Pragmatique, il passe sa main sur son front en sentant que sa peau est sèche contre ses doigts entaillés, victime des affronts du soleil mais, surtout de la déshydratation. Le corps est intelligent, pour palier à l’absence de nourriture, il puise dans ses réserves ; le manque de glucides, d’eau et de sel sont les besoins qu’il cherche à combler en premier, pour assurer le fonctionnement cellulaire. Ensuite, Izan le sait, son corps commencera à pomper dans les réserves de graisse et dans les muscles ; son rythme cardiaque va diminuer et sa tension artérielle va s’effondrer. À la fin, il ne restera que les protéines, autrement dit, le corps va dégrader ses tissus. ’’On va voir si on trouve quelque chose ?’’ soupirant, il ravale sa salive en se tournant vers Helen, la seule présence qui lui est rassurante en ces lieux.

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« Ça fait combien de jours ? » Alors qu'elle fouille dans les valises éparpillées sur le sable, dans l'espoir de trouver quelque chose d'intéressant, Helen se redresse pour jauger le sérieux d'Izan. « Jours ? ça doit faire six heures qu'on s'est crashé, non ? » Est-ce qu'elle-même perd la notion du temps ? Si c'est le cas, ce n'est pas vraiment bon signe. Le paysage qui les entoure se ressemble à chaque pas parcouru, entre l'océan d'un côté et la végétation de l'autre. La faim les tiraille. La faim, et la soif, aussi. Elle qui a cru passer un séjour idyllique aux côtés de l'homme qui la fait secrètement vibrer depuis des mois, c'est raté. Adieu les bikinis, bonjour l'instinct de survie. « Il faut qu’on trouve à manger. » - « Personne ne s'est dit que ça pouvait être utile de faire quelques réserves dans sa valise ? » Raille-t-elle alors qu'elle continue de fouiner sans ménagement dans l'intimité des autres passagers, sortant le contenu des valises. Au bout d'un moment, elle tombe sur une paire de lunettes de soleil, qu'elle glisse sur le bout de son nez. Au moins, le soleil arrêtera de lui faire mal aux yeux. « On va voir si on trouve quelque chose ? » S'éloigner du camp soigneusement monté par des personnes plus braves et talentueuses qu'eux ? Est-ce que c'est vraiment l'idée du siècle ? Helen réfléchit quelques secondes, avant de rétorquer : « D'accord, mais tu me promets de me protéger si on croise une de ces bestioles ? Tu m'as l'air musclé, tu vas à la salle d'habitude ? » Elle lui adresse un large sourire : le draguer, avant de se faire manger, ça paraît être une bonne idée, ça. Et bien sûr qu'elle le sait musclé, ce n'est pas comme si elle ne fantasme pas continuellement sur ses biceps quand il est en tee-shirt, ou sur ses larges épaules quand son vêtement est trop près du corps. « Tu le dis à personne, mais j'ai trouvé un couteau, tout à l'heure. On pourrait en avoir besoin, mais je ne veux pas que ça se sache et qu'on me le prenne. » Égoïste ? Oui, encore une fois. Mais elle partage l'information à l'homme qu'elle voudrait bien croquer pour l'heure, alors pas si égoïste que ça, finalement ?

« Jours ? ça doit faire six heures qu'on s'est crashé, non ? » il fronce lentement ses sourcils en entendant cette réponse, étant presque sûr qu’ils se sont écrasés sur cette maudite île voilà bien plus longtemps ; sans repère temporel pour statuer précisément ce n’est pas facile de trancher mais, d’instinct, il dirait que ça fait au moins 36h. ’’Helen…’’ assis sur le sable jusqu’ici, il se lève pour fouiller dans les débris des valises, jusqu’à trouver une petite lampe de poche sur laquelle il lorgnait depuis tout à l’heure. ’’Viens ici…’’ l’inquiétude se propage comme une onde sur son visage, et il glisse une main sous le menton de l’étudiante pour le redresser en sa direction, lui permettant tout d’abord d’observer ses pupilles sans sollicitation particulière, autre que l’éclairage modéré de cette fin de journée ’’T’as mal à la tête ? À la nuque ? Aux épaules ?’’ pendant qu’elle lui répond, Izan enclenche la lumière de sa lampe pour la diriger dans un oeil puis l’autre, évaluant  la réaction de la pupille sous la stimulation lumineuse : le diamètre, la symétrie mais aussi la réactivité sont concernés, et puisque les résultats obtenus sont réconfortants, il note le réflexe photomoteur comme un élément rassurant. De prime, elle ne semble pas souffrir d’atteinte neurologique mais, sans possibilité d’effectuer des examens complémentaires, il subsiste toujours un doute qu’il ne parvient pas à s’ôter… De toute façon, si c’est bel et bien le cas, que pourra-t-il faire ? Rien, et c’est ce qui le terrifie, bien plus qu’il ne veut se l’avouer d’ailleurs.

Esquissant un sourire qui se veut rassurant, il glisse la lampe poche éteinte dans sa poche en la laissant retourner à ses fouilles, un voile anxieux passant alors sur son visage pendant qu’il suggère d’aller chercher de quoi se nourrir ailleurs, puisque de toute évidence, ce n’est pas ici qu’ils trouveront quelque chose. Mais l’idée ne semble pas réellement emballer la belle brune qui, évaluant les risques et les avantages, finit par dire : « D'accord, mais tu me promets de me protéger si on croise une de ces bestioles ? Tu m'as l'air musclé, tu vas à la salle d'habitude ? » elle lui adresse un sourire presque mutin et, la regardant, il oublierait presque l’endroit où ils se trouvent. Comment fait-elle pour garder son espièglerie dans pareilles circonstances ? Il est fasciné par l’éclat de sourire et la douceur qu’elle dégage, puisque lui n’est pas tellement capable de faire preuve d’autant d’optimisme. En réalité, si les survivants parlent des secours qui ne sauraient tarder, lui a plutôt l’impression que personne ne viendra les chercher. ’’Je faisais beaucoup de sport, oui, pour le stress.’’ c’est qu’il est cousin de l’angoisse, Izan, et ses études de médecine ne l’ont que rarement épargné — avoir des facilités ne suffit pas pour être le meilleur, n’est-ce pas ’’Tu me diras, courir pour survivre ça doit être une bonne façon d’entretenir son cardio…’’ qu’il marmonne en commençant à s’enfoncer dans les broussailles, repoussant les feuilles d’une main pour ouvrir la voie à celle qui le suit « Tu le dis à personne, mais j'ai trouvé un couteau, tout à l'heure. On pourrait en avoir besoin, mais je ne veux pas que ça se sache et qu'on me le prenne. » elle a sûrement raison de se méfier des autres, mais qu’elle lui fasse confiance alors qu’ils ne se connaissent pas tant que ça le touche, et il courbe ses lèvres avec douceur ’’Tu penses que les autres pourraient te le voler ? Beaucoup étaient blessés, sans nous, ils seraient morts en se vidant de leur sang au milieu de la plage…’’ donc ils leur étaient redevables, c’est ce qu’il sous-entend : ce serait vraiment des tocards de se retourner contre leurs sauveurs — il ne se prend pas pour un héros mais presque. ’’On aurait dû faire nutritionniste pour savoir quoi bouffer comme plantes…’’ mais tout se ressemble dans cette putain de forêt alors qu’ils continuent de s’enfoncer dans la végétation, jusqu’à ce qu’un drôle d’arbre, comparable à un palmier, attire son attention. ’’C’est pas un… Merde, j’ai plus le nom.’’ il le pointe de l’index avant de claquer des doigts, comme si son produit par ses phalanges allait l’aider à s’en souvenir miraculeusement ’’Tu vois ce que je veux dire ?’’ peut-être est-ce lui qui a un traumatisme crânien, qui sait.

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Le choc altère forcément leur notion du temps ; pendant le vol, l'étudiante s'est imaginée en train de se dorer la pilule avec ses plus beaux bikinis dénichés au centre commercial rien que pour l'occasion -et surtout, rien que pour se donner toutes les chances de se faire remarquer par Izan. Mais rien de tout cela va être possible, Helen a acheté ses maillots de bain pour rien. « Helen… Viens ici... » - « De quoi ? »Sa voix la fait frémir, elle s'exécute sans broncher, évidemment. Il lui demanderait n'importe quoi, elle est capable de le suivre, de le faire. Bref, l'étudiante est beaucoup trop sous son charme. Au contact de sa main sur son menton, c'est un nouveau frisson qui la parcourt. Elle espère que son corps ne la trahit pas, lorsqu'elle plante son regard dans le sien. « T’as mal à la tête ? À la nuque ? Aux épaules ? » Au même moment, il lui examine la réactivité de ses pupilles, ce qui la surprend. Pourquoi fait-il cela ? Elle apprécie tellement ses doigts contre sa peau qu'elle ne rechigne cependant pas, se laissant totalement faire. « Tout va bien, je t'assure. Et toi, tu te sens comment ? » Demande-t-elle, même si elle ressent une certaine angoisse au fond de son regard sombre, qu'elle est prête à apaiser s'il le faut.

Izan est vraiment la personne en qui elle a le plus confiance ici ; enfin, rectification : c'est la seule personne en qui elle a confiance. Alors elle cherche à le garder apte à faire face au danger, en allégeant un peu cette atmosphère lourde et mystérieuse qui se dégage de cette île et qui les écrase de trop à son goût. Helen lui adresse un sourire espiègle, un peu dragueur, il faut l'admettre, mais elle est persuadée que ça va permettre à Izan de s'écarter des mauvaises ondes que son esprit veut imprimer à cause de ce terrible crash ; quoi de plus normal, d'un côté. « Je faisais beaucoup de sport, oui, pour le stress. Tu me diras, courir pour survivre ça doit être une bonne façon d’entretenir son cardio… » C'est le moment, ils commencent à s'enfoncer aux abords de la jungle qui se présente sous leurs yeux. « Tu crois que tu serais capable de me porter si on se faisait courser ? Je ne suis pas très bonne sprinteuse, il faut que tu le saches. » Monter sur son dos, elle n'est absolument pas contre, au contraire... Elle espère que, même si elle dit cela sur le ton de l'amusement, qu'Izan serait malgré tout prêt à le faire. Qu'il ne brise pas cette confiance qu'elle place en lui ; cela l'invite par ailleurs à lui avouer pour le couteau qu'elle a trouvé, et qu'elle ne veut pas qu'on lui prenne, pour une quelconque raison. « Tu penses que les autres pourraient te le voler ? Beaucoup étaient blessés, sans nous, ils seraient morts en se vidant de leur sang au milieu de la plage… » Elle acquiesce vivement, avant d'ajouter : « Quand c'est une question de survie, l'affect ne rentre plus vraiment en jeu. Ils oublieront très vite qu'on les a sauvé, s'il faut choisir entre eux et nous, c'est certain. » Elle dit cela sérieusement, parce qu'elle le pense véritablement. Elle n'a pas hésité une seule seconde à soigner ceux dans le besoin au moment du crash, mais ils restent tous des inconnus pour autant : rien de garantis qu'ils les remercieront en se laissant eux-mêmes croquer par des bestioles si le risque grandit. « On aurait dû faire nutritionniste pour savoir quoi bouffer comme plantes… » - « Il me semble qu'on a eu des cours sur le poison, non ? Tu te souviens pas ? » En tant que médecin, ils se doivent d'avoir certaines bases sur le sujet, non ? Mais l'étudiante n'a pas trop de souvenirs là-dessus... elle s'apprête à l'admettre, mais Izan s'arrête et pointe du doigt un bananier. « C’est pas un… Merde, j’ai plus le nom. Tu vois ce que je veux dire ? » - « Oui, un palmier ? » Répond-t-elle en fronçant les sourcils. « Il est grand temps que tu manges... » Elle s'empare de son avant-bras, pour l'inviter à la suivre jusqu'au fameux palmier, impatience de voir s'il y avait des bananes en haut de celui-ci. « Izan, il y a des bananes !!! » S'exclama-t-elle lorsqu'elle aperçoit le fruit à quelques mètres au-dessus de leurs têtes. Elle a déjà l'eau à la bouche : « On fait comment ? Tu me fais la courte-échelle, ou tu te sens de grimper tout seul ? » Elle est prête à affronter la peur du vide pour manger, la faim recommence beaucoup trop à la tirailler pour évincer l'idée si c'est la seule solution pour eux de remplir leurs estomacs.

Si les premières constatations sont rassurantes, elles n’effacent pas totalement l’inquiétude qu’il éprouve vis-à-vis de celle qui est son unique repère ici. Il a bien sûr échangé avec les autres personnes qui ont constitué le camp de fortune, mais rien de comparable avec le lien qui s’est établi avec Helen depuis qu’ils ont échoué ici ; sa présence le rassure, le raccroche à la vie qu’ils ont laissé derrière eux, et lui donne sûrement l’espoir qu’ils pourront sortir de cet enfer. Le plus vite sera le mieux, même si Izan est de moins en moins optimiste concernant leur avenir commun ; il a beau se forcer à croire que leurs familles respectives les cherchent activement de l’autre côté de l’océan, il a le pressentiment qu’il va finir ses jours ici, en échouant dans les archives d’un documentaire qui relatera cette terrible tragédie pour quelques curieux qui ne retiendront même pas leurs noms. Des avions qui disparaissent et qu’on ne retrouve jamais, il y en a des tas, n’est-ce pas ? « Tout va bien, je t'assure. Et toi, tu te sens comment ? » il pourrait lui communiquer le fond de sa pensée, lui dire qu’il redoute que personne ne vienne à leurs secours, qu’il a peur qu’il lui arrive quelque chose, qu’elle meurt, là, entre ses bras, et qu’il ne puisse rien faire pour empêcher ça mais, en la regardant, il se rend compte qu’il ne peut pas déverser aussi simplement son inquiétude sur elle, et il hausse alors les épaules en répondant, d’une voix qui se veut rassurante : ’’Un peu secoué mais, ça va.’’ il ne peut pas non plus lui vendre le parfait paysage du bonheur, alors une réponse mitigée semble être le meilleur moyen d’endormir sa méfiance : ne pas lui communiquer son angoisse est sa priorité absolue, considérant qu’elle doit suffisamment se débattre avec la sienne.

Essayant tant bien que mal de chasser ces sombres idées de son esprit, il s’enfonce dans la forêt en compagnie d’Helen, sans trop savoir ce qu’il espère de cette expédition. La nourriture est une denrée rare, mais le couteau de l’étudiante pourra très certainement leur être utile à l’avenir alors, il accueille la bonne nouvelle avec un sourire enjoué, bienheureux qu’elle lui fasse suffisamment confiance pour le mettre dans la confidence, même si cela ne le rassure pas vraiment concernant les monstres qui peuplent l’île « Tu crois que tu serais capable de me porter si on se faisait courser ? Je ne suis pas très bonne sprinteuse, il faut que tu le saches. » il souffle un petit air amusé en se retournant brièvement vers elle, évaluant très rapidement l’ossature de son corps pour conclure : ’’Je pense que je pourrais, oui.’’ mais il espère ne pas avoir à le prouver, puisqu’il apparaît très clairement que la situation ne serait pas à leur avantage. Mais elle ne l’est jamais depuis qu’ils sont ici, donc… « Quand c'est une question de survie, l'affect ne rentre plus vraiment en jeu. Ils oublieront très vite qu'on les a sauvé, s'il faut choisir entre eux et nous, c'est certain. » de quoi lui faire regretter de s’être épuisé à la tâche après le crash de l’avion — la pensée est furtive et disparaît aussi rapidement qu’elle est apparue, puisqu’il n’est pas suffisamment mauvais pour se désintéresser du sort des autres, surtout pas quand il est en mesure de porter secours. C’est bien pour cette raison qu’il a choisi cette voie,  et il se félicite d’avoir pu être utile aux autres mais, il lui apparaît nettement qu’il n’avait pas envisagé que les autres survivants puissent se retourner contre eux ; heureusement qu’Helen est davantage visionnaire que lui à ce sujet. ’’Génial.’’ qu’il marmonne avec aigreur en repoussant des branches épaisses pour libérer le passage, grimaçant à peine lorsque des plantes irritantes lui griffent le mollet ’’Va falloir qu’on reste sur nos gardes, alors.’’ Mais jusqu’à quel point pourront-ils se défendre ? Ceux qui ont juré de sauver les autres peuvent-ils devenir ceux qui causent des blessures ?

Il préfère ne pas trop envisager cette possibilité, alors, il se concentre plutôt sur les mots de son amie, même s’il se dit qu’il aurait dû écouter plus attentivement les cours qu’ils ont reçu — il ne pourrait même pas dire en quelle année tellement il n’en garde aucun souvenir « Il me semble qu'on a eu des cours sur le poison, non ? Tu te souviens pas ? » une grimace coupable passe sur son visage pendant qu’il se tourne vers Helen pour soudoyer son indulgence, même s’il ne tarde pas à avouer : ’’J’avoue que ça ne m’intéressait pas trop,’’ étrangement, maintenant, ça l’intéresse beaucoup ’’Je savais déjà quelle spécialité je voulais, alors j’avais peut-être un intérêt sélectif.’’ le principal est qu’il le reconnaisse, non ? Il n’est pas capable de répéter les poisons mais, l’arbre qui se trouve à quelques mètres, il le remarque sans difficulté aucune, même s’il n’est pas capable de le nommer « Oui, un palmier ? » - ’’C’est ça !’’ l’identification de l’arbre le remplit de joie, si bien qu’il claque des doigts afin de pointer Helen de son index « Il est grand temps que tu manges... » ça calme aussitôt le sourire victorieux qui ornait ses lèvres, mais il se laisse volontiers traîner en direction du palmier « Izan, il y a des bananes !!! » elle est ravie et il est réellement ravi qu’elle le soit, mais il n’a pas vraiment l’énergie nécessaire pour lui en faire la démonstration — elle a raison, il est vraiment tant qu’il mange quelque chose « On fait comment ? Tu me fais la courte-échelle, ou tu te sens de grimper tout seul ? » machinalement, il lève la tête pour apercevoir l cime de l’arbre, en plissant légèrement ses paupières ; ce simple geste lui donnerait presque un vertige, alors, il entame : ’’Je peux essayer, mais…’’ mais il a comme le pressentiment qu’il n’arrivait pas en haut sans tomber inconscient ’’Est-ce que toi tu te sens, si je t’aide ?’’ de toute évidence, il lui reste bien plus de force qu’à lui. ’’On le dit aux autres ou…?’’ ou on garde le précieux sésame pour nous, c’est la fin qu’il n’ose pas dire parce qu’il ne pensait pas être confronté à pareille situation un jour, et que cela contredit tout ce en quoi il croit.

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S'il lui atteste que ça va, Helen n'a aucune raison de croire le contraire ? Izan est en étude de médecine, comme elle, il connait le risque de prétendre que tout va bien, si ce n'est pas le cas ? Plus la prise en charge est rapide, et plus les chances de survie le sont aussi. Helen préfère alors endosser le rôle de la nana enjouée, et pas angoissée pour un sou, alors qu'elle flippe à mort intérieurement. Elle sourit, de toutes ses dents, pour dédramatiser la situation -et pour le charmer aussi, faut pas se mentir. « Je pense que je pourrais, oui. » Elle n'en doute pas une seule seconde, Izan a l'air suffisamment musclé pour la soulever et s'enfuir avec son corps posé sur son épaule, ou en la laissant s'accrocher dans son dos. Même si Helen espère sincèrement que ça n'arrivera pas, car cela voudrait dire qu'ils sont coursés par une bête qui n'est pas nécessairement la bienvenue à leurs côtés, l'idée d'être collée contre son dos ne la dérange absolument pas. Aujourd'hui, et les autres jours où ils ne sont pas échoués sur une île, il n'y a qu'Izan à ses yeux. Alors lorsqu'il sous-entend que les autres survivants réfléchiront à deux fois en voulant les laisser sur le carreau parce qu'ils les ont sauvé, Helen lui fait comprendre qu'il se fourre le doigt dans l'œil. « Génial. Va falloir qu'on reste sur nos gardes, alors. » - « J'en ai bien peur. » Déclare-t-elle gravement, en soupirant, et en laissant ses épaules s'affaisser sous l'embarras.

Pour l'heure, la chose à laquelle il faut penser, c'est trouver à manger ; ils ne peuvent pas choisir n'importe quoi, auquel cas ils risquent de s'empoisonner avec des baies non-comestibles, par exemple. Helen est persuadée qu'ils ont eu un cours anti-poison des semaines avant ce crash, mais ses souvenirs lui font certainement défauts, puisqu'elle n'arrive pas à se remémorer le contenu du module en question. « J’avoue que ça ne m’intéressait pas trop. Je savais déjà quelle spécialité je voulais, alors j’avais peut-être un intérêt sélectif. » - « Tu as choisi quoi, comme spécialité ? » Comme si c'est le plus important, à cet instant, de savoir quelle spécialité il a choisi. En plus, elle ne fait que prétendre ne pas savoir, alors qu'elle l'a déjà entendu en parler à la fac. Encore une technique pour montrer qu'elle s'intéresse à lui, à sa personne, mais Izan repère rapidement un arbre qui va certainement être à même de les rendre plus lucides : un palmier. Helen l'attire alors au pied de celui-ci et s'extasie en apercevant les fruits les narguer au-dessus de leurs têtes. L'étudiant est bien plus grand qu'elle, il doit être capable de monter à l'arbre en deux trois mouvements pour atteindre les bananes, c'est sûr. « Je peux essayer, mais… Est-ce que toi tu te sens, si je t’aide ? » Il n'a pas l'air confiant sur sa propre capacité à réussir, alors Helen n'a pas d'autres choix que d'acquiescer, sans grande conviction non plus... « J'ai jamais réussi à monter à la corde... mais je peux essayer, un arbre c'est pas comme une corde, hein ? » Mais le sentiment de vertige, lui, doit être le même. « On le dit aux autres ou…? » - « On s'est bougé pour les trouver, on les garde. » Déclare-t-elle, sans réfléchir bien longtemps, puis elle ajoute pour terminer de le convaincre : « Ils vont faire comment si les deux seuls médecins du camp tombent dans les pommes ? On les mange, et on ne dit rien, point. » Elle se montre un peu autoritaire, sans vraiment le vouloir, mais elle ne pense qu'à leurs peaux, pas à celles des autres, en réalité. « Comment je fais ? Je monte sur tes épaules, pour que tu puisses me hisser le plus haut possible ? » Qu'il lui dise, c'est indéniablement lui le plus sportif des deux.

« Tu as choisi quoi, comme spécialité ? » cette demande dénote un peu dans le paysage sauvage de la jungle qui recèle mille dangers, mais le pianiste accueille cette discussion légère avec tout autant d’insouciance, heureux de pouvoir tenir un discours autre que celui de leur survie, des monstres qui peuplent l’île ou encore la façon dont ils vont devoir se défendre si les autres survivants les attaquent. ’’Cardio.’’ les plus têtus de tous les chirurgiens paraît-il — Izan ne parvient pas à se souvenir lequel de leurs professeurs a tenu ce discours, mais il a probablement su à ce moment précis qu’il était destiné à rejoindre les rangs de cette spécialité. ’’Et toi ?’’ il le demande sans se retourner vers elle, restant dans le sens de la marche pour pouvoir surveiller l’horizon de leur environnement, craignant qu’une bête surgisse de nulle part, une scène malheureusement trop commune depuis qu’ils ont échoué ici.

Mais ils auraient dû écouter davantage en cours ; c’est le constat qu’ils font en s’enfonçant de plus en plus dans la forêt, s’éloignant du campement qui est à peu près le seul endroit où ils sont en sécurité sur cette maudite île — peut-être ne devraient-ils pas prendre ce risque inconsidéré, du moins pas s’en avertir ceux qui restent, mais la faim est plus forte que la lucidité dont ils font habituellement preuve. En tant que médecins, ils sont baignés dans le pragmatique ; ils savent très bien que la faim est un signal d’alarme, une information donnée par le corps qui ne permet pas d’être ignorée. Mais encore faut-il qu’ils puissent trouver quelque chose pour satisfaire leur appétit, et encore plus, pouvoir y accéder. Ce qui n’est pas vraiment le cas avec l’arbre devant lequel ils plantent depuis quelques minutes déjà, à envisager toutes les possibilités pour atteindre le fruit qu’il porte. « J'ai jamais réussi à monter à la corde... mais je peux essayer, un arbre c'est pas comme une corde, hein ? » elle cherche confirmation auprès de lui, mais il lève d’abord les yeux vers la coupole de fruits qui les narguent en hauteur ’’J’ai jamais fait ni l’un ni l’autre’’ qu’il avoue en passant la pointe de sa langue sur ses lèvres sèches, frustré d’avoir de la nourriture presque à porter de mains, mais étant tout à fait incapables de la saisir. « On s'est bougé pour les trouver, on les garde. » elle l’a appuyé sans réfléchir, Helen, et Izan n’a pu réprimer le regard étonné qu’il a pointé sur elle, comme s’il s’était attendu à ce qu’elle fasse mine d’étudier la question avant d’y répondre « Ils vont faire comment si les deux seuls médecins du camp tombent dans les pommes ? On les mange, et on ne dit rien, point. » ça ne lui fait pas plaisir d’être réduit à un tel stade d’égoïsme mais, il sait, au fond, que l’étudiante a raison. ’’Ok, ok…’’ il capitule sans trop de résistance, sans nul doute poussé par la faim qui l’anime depuis de longues heures déjà « Comment je fais ? Je monte sur tes épaules, pour que tu puisses me hisser le plus haut possible ? » heureusement, dans cette affaire, qu’il est largement plus grand qu’elle ’’On fait comme ça.’’ de toute façon, ce n’est pas comme s’ils avaient le choix, et il est hors de question d’abandonner un source de victuailles sans essayer de s’en emparer ’’Allez, grimpe…’’ il s’agenouille pour qu’elle puisse plus facilement prendre place, attendant qu’elle soit installé et stable avant de dérouler ses jambes pour se remettre debout, en apportant ses deux mains sur l’avant de ses chaussures afin de l’aider à s’équilibrer. Il lève ensuite le menton, prêt à la réceptionner si elle tombe — ou à essayer, disons. ’’Ça va le vertige ?’’

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« Cardio. Et toi ? » - « Neuro. » Elle n'hésite pas l'ombre d'une seconde, elle sait parfaitement que son choix est le bon depuis le moment où il s'est installé dans sa tête. Ils se répondent avec leur jargon de futurs chirurgiens, et la conversation fait plaisir à tenir, puisqu'elle les tire quelques instants du danger palpable de cette île, sur laquelle ils ont échoué. Mais la faim les tiraille ; Izan et elle cherchent vainement de quoi manger, car ils savent qu'ils ne tiendront pas longtemps sans remplir décemment leurs estomacs. Le brun trouve un bananier, et la chance leur sourit entièrement puisqu'ils lèvent le nez vers des bananes en arrivant au pied de l'arbre. Il faut absolument qu'ils les cueillent, et qu'ils les savourent pour se donner des forces. « J’ai jamais fait ni l’un ni l’autre. » - « Je vais essayer alors. » Elle prétend ne pas avoir le vertige, mais c'est pourtant le cas ; elle se donne le genre courageux devant Izan, juste pour lui en boucher un coin, qu'on se le dise. Helen lui propose alors de monter sur ses épaules, pour pouvoir attraper ENFIN ces fichues bananes. Elles ne vont clairement pas tomber toutes seules, hein. « On fait comme ça. Allez, grimpe... » L'étudiante ne se fait pas prier, et vient s'asseoir sur ses épaules, en veillant à garder son équilibre pour ne pas pencher en arrière lorsqu'il se redresse. La proximité entre eux est plaisante ; le rouge aux joues, Helen intime aux battements de son cœur de s'apaiser pour qu'Izan ne comprenne pas ô combien ça lui plait d'être sur ses épaules. « Ça va le vertige ? » - « Oui ça va... j'ai pas... le vertige. » Assure-t-elle, d'une voix très peu assurée pourtant, alors qu'elle baisse les yeux vers le sol pour croiser le regard d'Izan. Le mouvement lui fait tourner la tête, et elle s'agrippe malencontreusement aux cheveux d'Izan pour se maintenir droite, avant de se rendre compte de son geste ; dans l'embarras, elle fait glisser ses mains sur ses yeux, ce qui prive un instant le brun de la vue, et l'équilibre risque donc de lui manquer. « Ohh... mince... désolée... » Souffle-t-elle, sans savoir où fourrer ses mains, qu'elle place alors sur ses clavicules. Elle se sent bête, à agir comme une lycéenne. « Excuse-moi, j'ai regardé trop vite vers le bas... » Et tes cils m'ont fait perdre la tête, a-t-elle envie d'ajouter. « Approche-toi de l'arbre, que je puisse m'y accrocher. » Elle tente de masquer son trouble dans l'objectif qu'on lui a assigné deux minutes plus tôt : attraper les bananes. C'est avec bien des difficultés qu'elle arrive à avancer sur son palmier ; on aurait pu aisément la comparer à un paresseux, tant elle entoure l'arbre de ses bras et de ses jambes. Izan, lui, doit avoir une vue surprenante sur ses fesses, de là où il est. L'idée ne lui déplait toujours pas, en réalité. Elle s'écorche la peau des jambes et de ses avant-bras, avec l'écorce rugueuse et saillante du palmier, mais tant pis, elle veut vraiment ces bananes. « J'y suis, tu les attrapes ? » Elle n'ose pas baisser le nez, de peur d'être de nouveau saisie de vertige. Sans attendre la réponse d'Izan, la brune donne un coup dans les bananes pour les faire tomber, bavant déjà d'avance d'en savourer le goût.

« Neuro. » même si elle se tient dans son dos, Helen peut constater que la nuque de son interlocuteur s’étire vers le bas quand il hoche son menton de haut en bas, sans l’ombre d’un doute ou d’une quelconque hésitation. Il sait que la médecine regorge malheureusement d’hommes qui pensent que les spécialités les plus pointues leur reviennent de droit, mais ce n’est pas le cas de l’hispanique — avoir grandi avec une soeur aînée lui a sûrement donné le goût de ne pas questionner la  place des femmes, c’est clair — et puisqu’il surveille de très près le tableau des performances, il sait très bien qu’Helen n’a plus à faire ses preuves pour qu’on la prenne au sérieux. ’’T’as déjà fait ta candidature pour l’internat ?’’ certains diraient qu’ils cherchent à savoir où elle va aller l’année prochaine, et il y a peut-être un peu de vrai dans cette théorie, mais il feint, sur l’instant, de croire que c’est seulement pour avoir une conversation normale, pour parler d’autre chose que de cette maudite île, de ces foutus monstres et du fait qu’ils vont sûrement crever d’ici quelques jours, voire quelques semaines pour les plus chanceux. Sont-ils chanceux ? C’est la question qu’il évite soigneusement de poser, même à sa propre réflexion, de peur que la réponse ne lui convienne pas.

Même si la chance semble leur sourire avec la découverte de cet arbre inespéré, qui porte en ses hauteurs des fruits qui leur permettront de ne pas souffrir de la faim pendant quelques heures — cela semble peu, sur papiers, mais quelques heures dans ces conditions sonne comme une éternité. Reste à savoir comment les atteindre et, plus périlleux encore, comment les décrocher. « Je vais essayer alors. » la mise en place de leur pyramide sportive n’est pas sans danger, mais la présence des fruits est trop alléchante pour être balayée au moindre obstacle ; en outre, la fatigue et la faiblesse ne sont pas assez fortes pour les empêcher d’essayer. ’’Fais attention, quand même…’’ qu’il lui souffle en l’aidant à se hisser sur ses épaules, son menton effectuant un mouvement de recul instinctif quand ses doigts agrippent ses boucles brunes, sa bouche traduisant un petit inconfort avec un arrrrg qui s’étire en longueur, et qui disparaît lorsque la main agressive glisse sur ses paupières pour le plonger dans le noir — ça, ça lui arrache un petit rire tout à fait incontrôlable, mais il a la présence d’esprit de s’immobiliser pour ne pas risquer de la faire tomber « Ohh... mince... désolée... » - ’’C’est pas grave…’’ qu’il rassure entre deux éclats de rire, une hilarité qu’il pense déployée par la fatigue écrasante, si bien que son esprit n’a peut-être plus la réaction adéquate « Excuse-moi, j'ai regardé trop vite vers le bas... » - ’’Tout va bien.’’ il le répète en mordillant le coeur de sa lèvre inférieure, levant ses longs cils vers Helen pour croiser son regard, puisque l’instant de fragilité qu’ils partagent lui semble être une bulle d’oxygène. « Approche-toi de l'arbre, que je puisse m'y accrocher. » il s’exécute en levant le menton pour suivre ses gestes, tâchant de lui faciliter la tâche même si, dans les faits, c’est bien moins aisé qu’il n’y paraît. Grimaçant légèrement, il retrousse sa lèvre inférieure en suivant de yeux Helen qui, avec une grande dextérité — du moins en apparence, fait tomber le précieux sésame. ’’J’ai !’’ il récupère les régimes de bananes en soupirant de fatigue, les réunissant au pied de l’arbre avant de lever le nez vers Helen ’’Redescends, je t’attrape…’’ elle hésite, Helen, et c’est normal avec son vertige, surtout que l’homme qui offre ses bras a beau être musclé, les traits d’épuisement qui courent sur ses traits n’ont rien de rassurant. ’’Allez, fais-moi confiance…’’ elle finit par céder, redescendant de quelques degrés pour se jeter dans ses bras, l’étudiant la réceptionnant en courbant les genoux tant son corps n’est pas capable d’un tel effort. ’’Je te tiens, je tiens…’’ une phrase pour elle, une phrase pour lui. Il la tient. Elle est là. Indemne. ’’T’es prodigieuse.’’ qu’il lui assure en l’aidant à se remettre sur ses pieds, partageant un sourire de complicité avec elle lorsque leurs yeux se croisent.

Au moins, ils ont trouvé de quoi à manger, et c’est le ventre apaisé qu’ils retournèrent au camp. Ensemble.

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