Il ne dirait pas qu’il l’a reconnue au premier coup d’oeil, mais Izan n’a pas eu besoin de beaucoup s’attarder sur sa silhouette pour être certain de son identité. C’est presque le destin — ou quelque chose qui en a l’allure, qui les a réunis dans ce bar huppé puisque, le matin même, il pensait justement à la contacter. Non pas pour quelque chose qui le concerne lui personnellement, mais plutôt parce qu’il sait que sa meilleure amie, qui entretient des relations plutôt noueuses avec sa soeur, n’a probablement pas daigné partagé le deuil qu’elle se doit d’affronter en cet instant : l’effondrement de son mariage. Elle donne le change, Helen, fait mine de traverser cette perte immuable avec la force qui la caractérise toujours mais, dans le fond, le pianiste sait pertinemment que cet échec sentimental lui pèse bien plus qu’elle ne veut l’avouer, à elle et aux autres. Il a essayé de gratter le vernis reluisant qu’elle s’efforce de maintenir pour sauver les apparences, il lui a tendu la main pour qu’elle se confie, qu’elle libère sa parole sur ce qu’elle ressent mais, comme d’ordinaire, elle encaisse avec une force admirable qui, cette fois, l’inquiète plus qu’autre chose.

Si bien que, lorsqu’il aperçoit le visage d’Aly à quelques mètres seulement, alors qu’ils sont chacun de leurs côtés entourés de quelques amis, il n’hésite pas bien longtemps à abandonner les siens avec un ’’Je reviens’’ lancé à travers la musique vibrante, attrapant simplement son verre avant de quitter sa table pour traverser le bar afin de rejoindre celle d’Alyson, se foutant pas mal de savoir si ou non il interrompt quelque chose d’important ; pour lui, le chagrin d’Helen est plus important que tout le reste et il doit en être de même pour Alyson, pas vrai ?

Il sait par avance que Helen le tuerait pour ce qu’il est en train de faire mais, il n’est pas décidé à la regarder sombrer dans sa tristesse inavouable simplement par orgueil mal placé ; elle a besoin de soutien, elle a besoin qu’on l’entoure et qu’on enterre Sam avec elle. Façon de parler, bien sûr. ’’Mademoiselle Cartwright,’’ qu’il balance en étant face à elle, de l’autre côté de la table, ses yeux plantés dans les siens sitôt qu’il arrive à capter son regard, l'auréole d'un sourire courbant ses lèvres finement dessinées ’’Je peux te parler ?’’ parce qu’il ne va peut-être pas étaler la vie privée d’Helen devant d’illustres inconnus. Il risque déjà sa peau pour le faire avec sa petite soeur...

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@Izan Da Silva ☆ Alyson

Sortir pour « oublier » ce que je crois avoir découvert il y a peu de temps. Sortir pour se changer les idées. Sortir pour éviter d’exploser ma main valide dans un autre sac de frappe à la salle de boxe. Sortir surtout parce que les copines de la zumba m’ont invité. Ce sont des copines, pas des amies – j’en ai très peu des vrais amis – mais la soirée est plutôt sympa et ça fait beaucoup trop longtemps que je ne suis pas allée au Sixteen Antlers alors je profite de ma soirée. Quelques pas sur la piste de danse avant que je ne sois de retour près du bar. Je commande un cocktail que je sirote en compagnie des filles sans vraiment écouter leurs conversations. Je suis distraite, je regarde autour de moi et bientôt mon regard couleur chocolat se pose sur un groupe de mecs qui se déhanchent lascivement. L’un d’eux me sourit et j’ai bien envie de les rejoindre.

Une voix que je ne connais que trop bien me sort de ma contemplation. ’’Mademoiselle Cartwright,’’ Mon regard rencontre le sien, noir de jais et je ne peux m’empêcher de lui sourire malicieusement, « Monsieur Da Silva » lui répondis-je d’une même voix chaude tout en posant mon menton contre le plat de ma main valide, « Quelle bonne surprise. » Il va s’en dire que je préfère le voir lui que ma sœur … ’’Je peux te parler ?’’ Je lève un sourcil, mon sourire s’effaçant légèrement. Son ton m’intriguait. Me parler ? Mes copines de la zumba me jettent un regard interrogateur du genre tu connais cet apollon ? et me poussent vers lui. « D’accord pour parler mais tu me dois une danse. Tu viens de griller mes chances de danser avec le groupe de bogosses sur la piste ! » Mon regard dévie sur le groupe en question qui a déjà invité une autre jeune femme toute aussi séduisante qu’eux ! Je pousse un soupir de frustration que j’essaie de calmer en prenant une nouvelle gorgée de mon cocktail. Izan avait l’air sérieux alors je nous guide jusqu’à une banquette, un peu à l’abris du bruit ambiant et y pose mes fesses. « Je t’écoute, tu voulais parler de quoi ? » l’interrogeais-je.

411 mots

En le voyant flanqué devant la table qu’elle occupe avec ses amies, Aly a un sourire malicieux, le genre de petit rictus qui éclaire son visage en le rendant irrésistible, et il y trouve une vision suffisamment familière et réconfortante pour sourire à son tour, sans même s’en rendre compte. Depuis combien de temps ne se sont-ils pas vu et pas parler ? Dans la tempête des relations entre les frangines Cartwright, Izan n’a pas choisi de camp à proprement parler mais, il est clair que son lien tout particulier avec Helen ne l’a pas encouragé à se partager, sans que son affection pour la cadette n’en prenne ombrage. « Monsieur Da Silva » sa voix quelque peu enjôleuse lui fait plisser les paupières avec amusement tandis qu’il accentue la courbe de son sourire, sans la quitter des yeux. « Quelle bonne surprise. » surprise oui, il ne s’attendait pas à croiser la jeune femme dans ce bar mais, bonne, cela reste encore à prouver. Le petit bond effectué par ses sourcils semble vouloir dire « attends de voir le sujet qu’on va aborder », mais pas de quoi tarir le sourire qu’il porte. Pas encore, peut-être.

Il l’invite à s’extirper de son groupe pour s’éloigner avec lui mais, s’il ne sent pas de la résistance à proprement parler, il voit bien qu’elle hésite… Ce qui, sur le moment, l’étonne un peu. À moins qu’elle sache déjà pour le divorce d’Helen et Sam, et qu’elle n’ait pas franchement envie de se lamenter sur le sort de son aînée ? C’est ce qu’il déduit de son expression de méfiance, et il accorde un simple sourire courtois aux autres demoiselles qui l’encourage à le suivre. « D’accord pour parler mais tu me dois une danse. Tu viens de griller mes chances de danser avec le groupe de bogosses sur la piste ! » suivant son regard de ses billes dorées, il hausse les sourcils en se retenant de dire qu’ils ne sont pas aussi beaux que ça — et puisqu’il est aussi attiré par les hommes, il a le droit d’avoir un avis éclairé sur la question ’’Si tu n’as pas peur que je t’écrase les pieds.’’ ce n’est pas une menace mais bien un message de prévention qui est presque d’utilité publique, mais il ne vérifie pas qu’elle l’ait bien entendu au travers de la musique et la suit plutôt docilement jusqu’à la banquette, où il se laisse tomber à son tour en déposant son verre sur la table devant lui. « Je t’écoute, tu voulais parler de quoi ? » prenant une fine inspiration, Izan tourne son menton vers Aly en passant la pointe de sa langue sur ses lèvres, ne sachant pas tellement comment aborder la chose — surtout que la chose en question n’est clairement pas son sujet de prédilection, et que la moindre parole de trop pourrait pousser l’écrivaine à se refermer complètement. ’’Helen.’’ sa lippe inférieure s’étire vers le bas dans une grimace qui semble dire « je sais », et il reprend aussitôt pour ne pas lui laisser la moindre chance d’emprunter une porte de sortie ’’Elle t’a annoncée la nouvelle, n’est-ce pas ? T’es déjà au courant ?’’ bon, il vend à demi-mots qu’il se passe quelque chose de grave mais, avec sa réaction de tout à l’heure, il pense réellement qu’elle est déjà informée du divorce.

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@Izan Da Silva ☆ Alyson

J’avais toujours eu une affection particulière pour Izan. C’était le meilleur ami de ma sœur depuis la nuit des temps mais contrairement à elle, il n’y avait jamais eu aucune compétition entre nous. Il y a avait aussi cet énorme secret entre nous, cette relation qu’on avait eu quand on était adolescents… Personne n’était au courant, pas même Helen. De toute façon, elle me tuerait si elle apprenait ça un jour. Izan c’était chasse gardée. La curiosité fut la plus forte et je le suivis à travers la foule. J’ignorais encore de quoi il comptait me parler. J’espérais juste que ce n’était pas de ma sœur parce que notre dernière entrevue à l’hôpital m’avait laissé un goût amer. Je digérais encore les informations , je me rendais bien compte que c’était bizarre d’avoir la même tâche de naissance que le prêtre de notre paroisse mais je me refusais encore à mettre des mots sur ça. ’’Si tu n’as pas peur que je t’écrase les pieds.’’ J’haussais les sourcils avec étonnement, « Tu t’es toujours pas amélioré ? » me moquais-je gentiment, « Tu voudrais pas venir à la zumba avec moi, je suis certaine qu’on rigolerait tous les deux et ça m’a fait vachement relativiser mon niveau en danse ! » argumentais-je en riant.

Je trouve une banquette de libre un peu à l’écart du bruit ambiant et m’y installe, suivi rapidement du brun. Je me saisis de ma paille avec laquelle je joue dans mon père tout en lui demandant ce qu’il voulait me dire. ’’Helen.’’ Son ton hésitant me fait autant grimacer que d’entendre le prénom de ma sœur aînée. Aucune porte de sortie possible si ce n’est prendre une gorgée de mon cocktail alcoolisé alors je suis obligée de subir la suite de son discours. Qu’est-ce qu’elle peut avoir ma sœur ? Elle a son parfait et connard de mari et son job super prestigieux qui fait frétiller la barbe de papa quand il en parle à ses amis. ’’Elle t’a annoncée la nouvelle, n’est-ce pas ? T’es déjà au courant ?’’ Je fronce les sourcils et essaye de capter le regard du brun. « Quelle nouvelle ? » Lui demandais-je sérieusement avant d’essayer de détendre l’atmosphère, « Au cas où tu aurais toujours pas compris Izan, ma sœur me dit jamais rien. » ajoutais-je avec ironie en essayant deviner ce que peut être la nouvelle, « Attends, laisses-moi deviner : elle s’est pris la tête avec les parents ? Avec notre frère ? Bienvenue au club ! ça m’arrive tous le temps et ça m’empêche pas de vivre tu sais. » J’étais, bien sûr, à des kilomètres de la vérité. « Lâches le morceaux Da Silva, » lui intimais-je en approchant mon visage du sien pour planter mon regard dans le sien, couleur noir de jais.
528 mots

« Tu t’es toujours pas amélioré ? »  ça dilapide son expression joviale comme un vent glacial venu souffler sur son visage, et il abaisse ses sourcils en les rapprochant de ses paupières, dont le regard se fait presque outré quand ses facultés rythmiques sont aussi cruellement remises en cause ’’Tu plaisantes ? J’aurais pu faire concurrence à John Travolta.’’ qu’il argue avec certitude en hochant son menton de haut en bas pour être sûr qu’on prenne sa réponse comme une unique vérité, même s’il sait déjà que la Cartwright ne lui fera pas ce plaisir — John Travolta non plus, c’est clair ’’Je dansais très bien, à l’époque.’’ du lycée, mais il n’a pas besoin de le préciser puisqu’ils n’ont jamais été proches après leur brève relation qui n’en était pas réellement une, davantage une sorte d’anathème ô combien séduisante qu’ils se plaisaient à braver pour flirter avec l’interdit — sortir en secret avec la soeur de sa meilleure amie avait quelque chose de terriblement excitant et, pour l’adolescent qu’il était, c’était suffisant pour se croire au-dessus des lois imposées par Helen (c’était le cas) « Tu voudrais pas venir à la zumba avec moi, je suis certaine qu’on rigolerait tous les deux et ça m’a fait vachement relativiser mon niveau en danse ! » l’idée n’est guère alléchante mais, en basculant son menton sur le côté pour zieuter en direction des accompagnatrices d’Alyson, il est davantage convaincu de rester loin de ces monstres biberonnées au thé matcha et aux pratiques foireuses qu’il nomme « yoga » parce qu’il n’a pas la décence de s’y intéresser davantage ’’J’apprécie l’invitation mais…’’ écarquillant légèrement ses yeux, il prend une fine inspiration nasale avant de conclure, d’une voix qui n’ouvre guère la voie aux tractations ’’…Non.’’ le refus ne l’empêche pas de sourire, en revanche, mais il le perd quand il traverse la salle à la suite de l’écrivaine à succès, puisque la tension se noue de nouveau dans sa nuque et dans ses épaules. Il se sait parfois trop brutal dans ses mots, incapable de museler son propos pour le rendre moins abrupt. Mais comment évoquer le divorce d’Helen sans être certain que sa soeur en est déjà informée ? « Quelle nouvelle ? » Alyson vient involontairement de confirmer que la séparation avec Sam n’a pas été portée à sa connaissance, et il se sent soudainement très mal-à-l’aise sur cette banquette, dans laquelle il s’enfonce en levant brièvement les yeux vers le plafond — encore la preuve qu’il faut réellement qu’il apprenne à se taire, parce qu’il a bien conscience qu’il ne peut plus échapper à cette conversation, maintenant « Au cas où tu aurais toujours pas compris Izan, ma sœur me dit jamais rien. » lui, en revanche, en a trop dit et pas assez à la fois, mais il mord le coeur de sa lèvre inférieure en se décollant de la banquette pour attraper son verre, délaissant la paille pour boire une longue gorgée, sans trop savoir comment il va se sortir de ce pétrin, et encore moins comment il va échapper à la future tentative d’homicide de sa meilleure amie — elle est médecin, elle doit connaître au minimum une bonne centaine façon de le tuer sans se faire choper, non ? « Attends, laisses-moi deviner : elle s’est pris la tête avec les parents ? Avec notre frère ? Bienvenue au club ! ça m’arrive tous le temps et ça m’empêche pas de vivre tu sais. » - ’’Non, non… C’est pas ça…’’ il le marmonne d’une voix penaude en tournant un visage affligé en sa direction, en espérant qu’elle comprenne que c’est bien plus grave qu’une pauvre querelle familiale qui est au coeur de leur conversation ’’Je n’aurais pas demandé à te voir pour ça.’’ même si, là, tout de suite, il préférerait que ce soit pour une raison aussi insignifiante « Lâches le morceaux Da Silva, » il n’a pas peur de soutenir son regard, puisqu’il craint davantage de provoquer la colère d’Helen par des confidences qui ne devraient pas être révélées de sa bouche, plutôt que les injonctions faites par Aly. Il ne peut pas le dire, Izan, il n’a même aucunement le droit d’être celui qui abat une telle sentence, qui déploie le décret de séparation entre les deux époux, mais il ne peut s’empêcher de penser que la chirurgienne a besoin d’être entourée, et sa soeur devrait être comprise dans le lot du soutien. ’’Tu me promets de pas le dire à tes parents ? Je ne crois pas qu’elle leur ai dit, alors…’’ faisant nerveusement rouler ses lèvres l’une contre l’autre, il fait tourner son verre vide dans sa paume en poursuivant ’’Et si elle te l’annonce, tu devras faire comme si tu ne savais pas, non plus. Je te le dis parce qu’elle a besoin de toi, elle a besoin de nous tous.’’ il n’y a plus aucune trace d’amusement ou de gaieté sur son visage, seulement la gravité de la situation qu’il s’apprête à lui révéler, sans trop savoir s’il fait le bon choix ou non — pour changer ’’Helen et Sam divorcent.’’ il ne se sent guère plus léger maintenant qu’il l’a dit, ce serait même l’inverse.

(909 mots)

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