Lily était en pleine effervescence derrière le comptoir, jonglant entre les commandes et les clients tout en gardant un sourire éclatant. Son café, un petit havre de paix au cœur de la ville, avait toujours une atmosphère accueillante, remplie des arômes de café fraîchement moulu et de pâtisseries sortant du four. Elle aimait ces moments de frénésie, le rythme effréné qui lui permettait d'oublier les tracas du monde extérieur. Alors qu’elle servait un cappuccino à un homme en costume, elle remarqua Poppy entrer, les bras chargés de livres et de matériel de dessin. Un sourire se dessina sur son visage, illuminant ses traits. Poppy était comme un rayon de soleil, même lorsqu’elle était chargée comme un baudet. La pauvre, elle devait se traîner toute cette charge ! Mais quel bonheur que cette jeune femme soit encore capable de sourire après ses journées chargées, se dit Lily alors que Poppy s’approchait du comptoir. « Poppyyyy ! » s’exclama-t-elle en débordant d’enthousiasme. Elle fit rapidement le tour du comptoir pour aller la serrer dans ses bras, ignorant tous ceux qui attendaient en ligne avec une touche de malice dans les yeux, comme si elle se moquait gentiment de leur impatience. « Ça fait une éternité, ma chérie ! » Elle se recula pour lui faire face, les yeux pétillants, et laissa un petit rire franchir ses lèvres. « On dirait que t’es partie faire le tour du monde avec tout ce que tu portes là ! » gloussa-t-elle, en jetant un coup d'œil amusé au sac lourdement chargé de Poppy à sa table. « Allez, laisse-moi te préparer quelque chose de bien réconfortant. »

Tout en s’activant derrière le comptoir, Lily choisit soigneusement une théière en porcelaine ornée de motifs délicats. Elle appréciait les petits détails qui rendaient les choses plus spéciales, et servir le thé dans une théière qui ressemblait à une œuvre d'art était tout à fait dans ses habitudes. Elle remplit la théière avec des feuilles de thé au jasmin et la déposa précautionneusement sur un plateau. Puis, après une petite hésitation – car elle aimait bien faire durer le suspense – elle choisit une généreuse part de son fameux gâteau au citron et pavot, bien moelleux et recouvert d’un glaçage légèrement sucré, qu’elle installa à côté de la théière. « J’ai justement une part de gâteau au citron qui n'attendait que toi. Un gâteau pro-di-gieux, tu vas voir ! Aussi léger qu’un nuage. Parfait pour apaiser les esprits d'artistes tourmentés. » Elle lui adressa un sourire complice et espiègle en posant délicatement le plateau sur le comptoir. Puis, avec une exagération amusée, elle posa ses mains sur ses hanches, se penchant légèrement pour observer le visage de Poppy. Il y avait quelque chose de plaisant dans l’idée de deviner l'état de ses visiteurs au simple éclat de leurs yeux ou au pli de leur sourire. Et chez Poppy, Lily ne manquait jamais de remarquer les petites traces de fatigue ou de stress qu’une longue journée de cours pouvait laisser.

Elle s’accouda nonchalamment au comptoir, et lança, d’un ton plus doux : « Ça a l'air d’avoir été une sacrée journée, hein ?  » Lily observait Poppy avec une tendresse complice, notant les cernes discrètes sous ses yeux pétillants. Elle avait toujours admiré cette détermination à poursuivre ses passions, mais elle se demandait combien de temps encore son amie pourrait jongler avec tous ces défis sans s’accorder une pause bien méritée. En tant que propriétaire de café, elle savait qu’une bonne tasse de thé et un gâteau moelleux pouvaient faire des miracles. « Allez, va. Un peu de repos bien mérité d'abord, et ensuite on s'attaquera au monde de l'art ! » Lily se redressa, adoptant une pose théâtrale, les mains sur les hanches. « Directement plonger dans ces livres compliqués à peine arrivée… Ca serait un crime, ma chère ! » Elle lui lança un sourire chaleureux, heureuse de pouvoir offrir un petit répit à l’adorable étudiante.

Lily se laissa doucement glisser en arrière contre le comptoir, observant Poppy avec un sourire en coin. Elle avait un regard bienveillant, mais aussi un brin de malice qui pétillait dans ses yeux. Elle se sentait parfois comme une sorte de petite sorcière bienveillante dans son café, distillant un peu de magie dans la journée des gens sans qu'ils ne s'en rendent toujours compte. Et avec Poppy, c'était encore plus vrai. Poppy, cette jeune femme qui semblait capable de tout porter sur ses épaules sans jamais se laisser totalement abattre. Elle portait la fatigue comme une vieille amie, mais une vieille amie qu'elle repoussait sans cesse, comme si elle pouvait l'oublier d'un coup de baguette magique. Mais Lily savait, oh, elle savait bien, que la fatigue de Poppy ne faisait que se cacher sous ses sourires éclatants et ses petites blagues. Quand Poppy avait mentionné l’idée de partir en voyage et d’envoyer des cartes postales, Lily avait failli éclater de rire. L'idée d'une collection de cartes postales accrochées sur un tableau dans le café l'enchantait instantanément. Ça serait... marrant. Et un peu kitsch aussi, non ? Mais dans le bon sens du terme. Si elle pouvait ajouter une touche de folie comme ça à l’endroit, elle le ferait sans hésiter. Après tout, un peu de décalage, de l'humour dans un café, ça ne pouvait que faire du bien. « Ooooh mais c'est une super idée, ça ! Et je les exposerais toutes au café ! T'imagines ? Un grand tableau en liège rien que pour elles ! » Lily s’imaginait déjà, l’esprit en ébullition. Une jolie collection de petites cartes colorées, un patchwork de voyages, d’histoires et de souvenirs, juste là, dans son café, pour que tous les clients puissent les admirer. Elle en rêvait presque. Elle se retrouva ensuite à regarder Poppy avec une tendresse presque inattendue en entendant ses compliments sur son gâteau.

Ah, comme elle aimait quand ses créations étaient appréciées, même si elle n’était pas du genre à se vanter. Lily était le genre de personne à faire des choses avec amour, pour l’effet que ça pourrait avoir sur l’autre, pas pour recevoir des remerciements. Pourtant, entendre Poppy, si sincère et enthousiaste, l’avait fait sourire d'une manière un peu plus grande. « T'es trop mignonne, merci ! Je fais de mon mieux, voilà tout. » Elle haussait les épaules avec un sourire humble, comme pour signifier qu’elle ne faisait qu’apporter un peu de douceur aux autres, sans rien attendre en retour. Mais en vérité, elle adorait voir le bonheur sur le visage des gens, surtout ceux de ses clients devenus amis, comme Poppy. Ça avait quelque chose d'innocent et de rafraîchissant, presque comme si, pour un instant, le monde extérieur n'existait plus. Et ce n’était pas négligeable, quand on passait ses journées à être confrontée à des clients de plus en plus pressés, voire exigeants. Mais Lily savait aussi quand il était temps de reprendre son rôle, celui de l'amie, celle qui essayait de faire comprendre à Poppy qu'il était important de se donner des pauses. « C'est bien ! Pas sûre que tes profs approuveraient mes méthodes, mais ton estomac, lui, si, et c'est ça le plus important, de toute façon. » Elle se permit de rigoler, amusée par sa propre remarque. Poppy avait cet air concentré, déterminé, mais parfois Lily ne pouvait s’empêcher de se dire qu’elle pourrait bien se laisser aller un peu plus souvent à profiter des petites choses. Les gâteaux au citron de Lily, par exemple. Et ce thé. Le temps qu’elle passait dans son café était une parenthèse à la fois réconfortante et revitalisante.

Une fois Poppy retournée à sa table, Lily se remit au travail, mais n’en oubliait pas pour autant la présence de sa jeune amie. Elle l’observa quelques instants, un sourire en coin se dessinant sur ses lèvres. Poppy semblait être un peu ailleurs, absorbée dans ses pensées, et Lily se demanda si tout allait vraiment bien. Les gens comme Poppy avaient cette façon de dissimuler leurs tracas derrière des sourires éclatants, mais Lily savait repérer les signes. Elle attendit patiemment que l’agitation du café diminue avant de s’approcher de sa table. Une fois la vague de clients calmée, elle se glissa hors du comptoir, sa démarche légère, et se dirigea vers Poppy, un rayon de soleil dans ses gestes. Elle s’installa tranquillement en face d’elle, tout en croisant les bras sur la table, ses yeux brillant d’une douceur bienveillante. « Alors, Poppy… comment ça va, vraiment ? » demanda-t-elle avec un sourire sincère, mais son regard perça toute la façade. Elle n’était pas du genre à demander par simple politesse. « T’as l’air… un peu fatiguée, non ? Tu t’en sors, tout va bien à l'école ? » Elle se pencha légèrement en avant, attentive, son sourire maintenant teinté de préoccupation.