Leslie a monté son horaire de travail selon la garde partagée de Ella. Elle travaille dix jours de suite, pour avoir quatre journées de congé. Après ne pas avoir réussi à récupérer sa fille à temps à l'école un vendredi, elle s'est dit qu'il valait sûrement mieux qu'elle ne travaille pas. Question de survie. Déjà que la relation avec Eve est complexe et parfois houleuse, elle essaie de lui donner le moins de raison possible pour lui en vouloir. Ça veut aussi dire être présente à cent pourcent lorsqu’Ella est à la maison. Abby finira par crier à l’injustice un jour, alors que Leslie n'a aucun problème à la décevoir bien trop souvent. Pour le moment, elle est simplement heureuse d'avoir ces quatres maigres journées avec sa mère, mais surtout avec sa sœur aînée.

« Maman, t'es encore en retard. » que Ella lui balance, à peine est-elle arrivée dans la cours d'école. C'est qu’elle est exigeante la petite. Lorsque Leslie consulte sa montre, elle a à peine cinq minutes de retard. « Mais non, ta soeur est même pas là encore. » Abby la lenteur même. Tant que ce ne soit pas parce qu’elle s'attire des ennuies qu’elle n'est pas encore là. Leslie n'en serait pas si surprise qu’elle soit retenue au bureau du proviseur parce qu’elle a poussé un camarade en classe. Ella est un enfant modèle. Abby… elle est turbulente. C'est sûrement mal de se dire que c'est elle qu’elle préférerait avoir un week-end sur deux. « C’est ma maman Leslie. » qu’elle annonce à la femme à ses côtés. Leslie n'aime pas trop quand elle la présente sur ce ton : celui qui veut prouver au monde entier qu’elle a vraiment deux mamans, que ce n'est pas le fruit de son imagination. Leslie, la maman si peu présente qu'on doute de son existence. Ella retourne jouer avec sa copine sans un mot de plus, alors que Leslie prend vraiment le temps de voir à qui elle l'a présenté. Elle fouille dans sa mémoire pour retrouver le prénom de ce visage familier. « Olivia ? En pédiatrie, c'est ça ? » Il y en a tellement des infirmières que Leslie a du mal à tout retenir. Surtout qu’elles ne travaillent pas ensemble si souvent que ça, mais elle est assez convaincue pour l'énoncer à voix haute. Elle ne veut pas avoir l'air de la médecin qui se fout du personnel, qui se croit meilleure que les autres. Ce n'est absolument pas le cas. Elle est très reconnaissante pour leur aide. Les médecins ne seraient rien sans leur principal acolyte. « C’est votre fille ? » qu’elle demande en désignant celle qui semble être l'amie d’Ella. Elle n'en a aucune idée. Leslie n'arrive jamais à retenir le prénom de ses copines de classe. Il y en a trop, et ça change sans arrêt. Un jour, elles sont amies, le lendemain, elles se disputent. Trop compliqué à suivre.

« Oui, c'est tout à fait ça ! C'est étrange de se croiser en dehors des murs de l'hôpital » qu’elle lui dit, confirmant par le même fait son identité. Leslie était presque certaine d’avoir visé juste, mais elle ne peut pas nier que parfois les prénoms lui échappent, surtout après une si longue absence. Le personnel hospitalier a tout de même un très bon roulement, alors, oui, parfois les prénoms des infirmières lui échappent. Surtout celles avec qui elle ne travaille pas souvent, comme Olivia ici présente. Elle bosse peut-être aussi dans les urgences, mais elle travaille bien plus souvent avec les pédiatres qu’avec les urgentistes généralistes comme Leslie. La rousse aurait très bien pu, elle aussi, oublié son prénom, mais Ella s’est chargé des présentations à sa place. « C’est vrai qu’on oublie parfois qu’on existe à l’extérieur de ses murs. » qu’elle lui confirme en souriant doucement. Leslie est la première à oublier qu’elle est autre chose qu’une médecin, qu’elle est aussi une mère et qu’elle a une vie personnelle. Mais bon, ça c’est un autre combat qui n’aura pas lieu entre elle et une collègue qu’elle connait à peine. Elle ignorait même qu’elle avait une fille, amie avec sa propre fille en plus. Sans doute qu’elle en a d'autres aussi si elle n’a pas encore quitté les lieux scolaires, comme elle. « Oui, c'est ma fille, Lizzie. On attend son jumeau, mais la classe n'est pas encore sortie... » Un jumeau, wow. Elle a toujours trouvé que les parents de jumeaux, triplés, etc, étaient de vrais super-héros. C’est sûrement plus facile aujourd’hui qu’ils sont plus grands. Elle est quand même passée par les débuts plus difficiles. C’est pas comme si on pouvait choisir non plus. Peut-être qu’elle aurait préféré ne pas en avoir. Elle ne le dira jamais. Les bonnes mères ne sont pas supposé dire ce genre de choses. « Des jumeaux, ça ne doit pas être évident tous les jours. » qu’elle questionne à voix haute. C’est deux filles sont si rapprochés en âge qu’elles pourraient presque passer pour des jumelles (qui ne se ressemblent absolument pas) mais Leslie a la chance de ne pas les avoir les deux en même temps si souvent que ça. « C'est marrant qu'elles soient devenues amies. Je crois qu'elles ont un an d'écart, elles ne se croisent que dans la cour. Mais peut-être que ça évite aussi des disputes ! » Peut-être. Leslie n’en a absolument aucune idée et elle s’en fout un peu pour tout dire. Elle ignore l’identité de la plupart des amies de ses filles, surtout d’Ella. Elle a l’impression que ça change à chaque fois qu’elle lui en parle. Elle a abandonné l’idée de retenir leur prénom, se contente de s’assurer du prénom lorsque l’ami en question se retrouve chez elle. « Peut-être. » qu’elle confirme en haussant les épaules. Leslie est plutôt du genre bavarde. Pourtant, le petit small talk de mère, c’est définitivement pas son truc. Elle préfèrerait nettement lui parler boulot, ou de n’importe quoi d’autre. « C’est sûrement moins pire pour un garçon, mais j’peux te dire qu’avec deux filles, j’ai l’impression de juste entendre parler de ça, des disputes. Les gamines d’aujourd’hui sont de vraies drama queen. » qu’elle confirme, en riant légèrement, parce que ça l’emmerde en réalité. Elle n’a pas souvenir d’avoir passé sa vie à se disputer avec ses copains à leur âge… mais oui, elle se rappelle bien de ses soeurs et de leur caprices de diva. C’est peut-être juste Leslie qui n’est pas comme les autres. Trop insouciante depuis toujours, oui.