Le taxi qui l’a conduite jusqu’ici lui a demandé environ quatre fois si elle était sûre de vouloir descendre à cet endroit précis ; le conducteur semblait inquiet de l’abandonner dans pareil endroit, surtout avec un temps aussi désastreux puisque la pluie s’est invitée à cette escapade improvisée, pour laquelle elle a été contrainte de revoir son emploi-du-temps. Pas de quoi l’affoler cependant, les gouttes tombant en cascade contre le toit de la voiture en produisant un martèlement furieux ne parvenant même pas à effacer le sourire paisible qu’elle porte sur ses lèvres lorsqu’elle se tourne vers le chauffeur, la main déjà posée sur la poignée intérieure ’’Ne vous en faîtes pas, je vais me débrouiller.’’ comment ? Elle l’ignore autant qu’elle ne se pose pas trop la question, ayant un excès de confiance qui la pousse à simplement rabattre sa capuche sur son crâne pour se protéger de la pluie, avant de s’extirper de l’habitacle en tenant un sac de voyage contre son buste, avec toute la précaution du monde. ’’Ça va aller, ne t’inquiète pas…’’ s’adressant à la petite créature blessée qui remue quelque peu dans le sac, Maeve émet un tststststs presque maternel pour tenter de l’apaiser, tout en tendant sa canne banche en avant afin de se repérer. Ou essayer, du moins.

D’abord, elle bute contre quelque chose qui semble être une clôture — du moins c’est l’impression qui découle de cette rencontre, elle pousse un petit râle agacé en sentant très bien que la pluie dégouline sur son front, le bout de son nez et ses mains glacées, mais il est trop tard pour faire marche-arrière maintenant, alors elle continue. Sa canne l’empêche de se prendre un arbre de plein fouet, mais elle manque de trébucher sur une motte de terre, ne devant sa survie qu’à son équilibre miraculeux ’’Il y a quelqu’un ?’’ évidemment, personne ne lui répond sinon l’orage qui gronde au-dessus de sa tête en la faisant sursauter ; elle rentre alors ses épaules vers l’intérieur, serre ses dents l’une contre l’autre en aspirant une fine respiration qui vise à se donner du courage, pendant qu’elle contourne la clôture pour trouver l’entrée. Du moins, c’est ce qu’elle croit. ’’C’est pas vrai…’’ elle le marmonne en lançant sa main libre vers l’avant pour rencontrer le bois de la porte, contre laquelle elle cogne trois fois avant de ramener sa main contre son corps, grelottant de froid sous la pluie battante. Il y a bien quelqu’un qui va venir lui ouvrir, non ?

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La pluie avait interrompu Nate en plein taillage des bambous. Les végétaux étaient majestueux et poussaient facilement en Australie, mais demandaient un entretien régulier et précis. Habituellement, une demi-journée lui suffisait pour couper les tiges qui ne poussaient pas droit ou dépassaient la longueur souhaitée. Cette fois-ci, il lui faudrait s’y remettre dès le lendemain matin. Il avait profité du fait d’être rentré plus tôt pour prendre sa douche sous la surveillance de Cooper. Alors qu’il venait de sortir de sa salle de bain, Nate fut interpellé par le comportement de son golden retriever qui s’était sagement assis devant la porte fenêtre et semblait observer quelque chose de bien précis. Il se déplaça jusqu’à l’ouverture pour connaître la raison de son intérêt et aperçut rapidement ce qui attirait le regard de son meilleur ami poilu. Près de l’entrée, une silhouette se déplaçait à tâtons sur sa propriété en semblant peu sûre de là où elle allait. Il se demandait bien qui avait eu l’idée de venir à la ferme par ce temps de son plein gré. Une femme - visiblement - qui portait dans ses bras un sac de sport. Avait-elle omis de lire l’intégralité de la fiche Google ? Ca lui était déjà arrivé d’être confondu avec un refuge pour personnes en difficulté ; il s’attendait donc à devoir à nouveau expliquer, confus, que sa visiteuse s’était trompée d’adresse. De là où il était, il mit un certain temps à déceler qu’elle arborait une canne blanche synonyme de problèmes de vue. Cette nouvelle information renforçait l’idée qu’elle s’était perdue en venant jusqu’ici. Etait-elle venue à pied ou bien l’avait-on déposée ? Le cas échéant, elle aurait probablement de quoi engager un procès et rafler une jolie compensation. En revenant à la situation présente, il ressentit une pointe de malaise. Toutefois, il n’eut pas le temps de penser plus longtemps puisque la femme à la canne était parvenue à rejoindre sa porte. Dès le premier coup contre la porte, il se hâta pour aller lui ouvrir. Dans la précipitation, il se prit les pieds dans Cooper qui s’était allongé sur le tapis et fit un vol plané jusqu’à atterrir la tête la première sur le plancher récemment poncé. « Merde » lâcha-t-il tout en se relevant tout penaud, le regard consterné de son chien pour commenter la scène. « Oui bah je ne t’avais pas vu » dit-il à la bête qui pesait pas loin de quarante kilos. Il se frotta le coude puis reprit son chemin jusqu’à la porte. En l’ouvrant, il découvrit une jeune femme d’une vingtaine d’années, peut-être un peu plus, dégoulinant de toutes parts. Il ne lui laissa pas le temps d’en placer une et prit les devants. « Je pense que vous faites erreur, » commença-t-il en reniflant une odeur de chien mouillé qui ne venait pas, pour une fois, de son propre golden retriever. D’un coup, il se mit à culpabiliser de devoir l’informer qu’il ne pourrait pas répondre à sa demande. « Je ne sais pas si vous avez vu, mais je tiens un refuge pour animaux donc je ne vais pas pouvoir vous aider ». Merde, il aurait pu utiliser d’autres mots s'il avait eu un peu plus de temps pour préparer son discours, mais le mal était fait. Il se ferait pardonner en lui proposant de la conduire en ville. Enfin, après lui avoir filé de quoi s’éponger.

@Maeve Mayers  

De l’autre côté de la porte, entre le tonnerre qui gronde, la pluie qui ruisselle et le vent qui souffle tel un hurlement déchaîné, Maeve se tient droite comme un poteau, une main accrochée à la bordure de sa capuche pour la rabattre autant que possible sur son front, et l’autre tenant la anse qui retient le sac sur son épaule — autant dire, donc, qu’elle est à l’affût du moindre bruit provenant de l’intérieur, et qu’elle ne comprend pas réellement ce qui s’y passe. C’était quoi, ce gros bruit ? Les sourcils froncés, elle s’apprête à toquer une nouvelle fois quand, s’ouvrant à la volée, la porte s’ouvre dans un petit grincement qui ne lui laisse même pas le temps d’en placer une, d’expliquer sa présence ou même de saluer son interlocuteur, puisque ce dernier la devance avec un « Je pense que vous faites erreur, » qui la laisse interdite, puisqu’elle se demande comment il peut formuler cette déduction sans même savoir ce qu’elle vient faire ici, sans même lui laisser le temps d’en placer une. Quel malotru, pense-t-elle en étant déjà découragée par l’attitude de son hôte, qui ne connaît visiblement pas le concept de la politesse. Soit. Elle recule son menton de quelques degrés, fronce ses sourcils et esquisse un début de rire totalement désabusé, qui meurt sur ses lèvres puisque le rustre n’a visiblement pas fini son laïus « Je ne sais pas si vous avez vu, mais je tiens un refuge pour animaux donc je ne vais pas pouvoir vous aider » - ’’C’est justement pour ça que je suis là.’’ qu’elle clame d’une voix saupoudrée d’ironie, espérant que cette phrase soit suffisamment claire pour qu’il lui laisse le loisir de s’exprimer sans tirer des conclusions hâtives, cette fois ’’Je l’ai trouvé tout à l’heure, et les deux précédents refuges que j’ai fait sont saturés…’’ elle le fait savoir d’une petite voix désolée en se penchant légèrement en avant pour qu’il puisse zieuter vers le petit chat blessé qui, enroulé dans un plaid, regarde vers le haut d’un air apeuré. Son oreille semble avoir été mordu, et son pelage sale témoigne du fait qu’il n’a pas eu la chance de connaître les bons soins de mains aimantes, alors elle espère qu’il pourra les trouver ici, même si le propriétaire ne lui fait pas bonne impression. ’’Est-ce que vous pouvez le prendre ?’’ elle ne compte pas lui refourguer de force s’il refuse, mais il est clair que ça l’arrangerait qu’il s’adoucisse un peu. Et qu’il l’autorise à se mettre à l’abri mais, comme il a l’air de mauvais poils, elle n’ose même pas lui demander la permission.

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