No idea what I'm doing
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Phenix Monroe & @Eden Veliz hôpital St-Vincent

4 novembre 2024, 22h15.

Ça me plaît bien, d'être de garde. C'est le seul moment de la journée où je peux me poser plus de cinq minutes. J'aimerais pouvoir dire que j'en profite pour faire des trucs utiles une fois que les enfants sont endormis, genre répondre à des messages que j'ignore depuis une semaine, prendre enfin rendez-vous avec un plombier au lieu de continuer à me doucher entre minuit et 6h du mat' - puisque c'est le seul moment de la journée où j'ai de l'eau chaude -, faire du tri dans mes 723 emails, mais... non. Je fais défiler mon accueil instagram, parce que c'est tout ce que j'ai la force de faire avant qu'on me...

"Docteur Star..."

Ah, voilà. Je l'attendais, celui-là. Je suis infirmier - pas docteur, mais les petits s'en fichent comme de leur première chaussette. Je porte une blouse alors pour eux, je suis toubib. Quant à "Star", c'est le surnom que les plus anciens me donnent depuis qu'ils ont découvert que je suis passé à la télé. Je m'estime chanceux, sachant qu'ils ont surnommé une collègue "Docteur Souris" à cause de ses cheveux poivre et sel. Je range mon téléphone dans ma poche, désinfecte rapidement mes mains, étouffe un bâillement et entre doucement dans la salle principale où sont installés cinq de nos patients les moins critiques. Charlie le petit malin est assis dans son lit, l'air hagard.

"Hey. Qu'est-ce qui se passe, bonhomme ?" Par automatisme, je jette un coup d'œil à ses constantes sur le moniteur, avant de poser une main sur son front. Il avait un peu de température tout à l'heure, mais les médicaments ont déjà fait leur effet.

"J'ai vu une ombre."

Je le fixe en cillant, humecte mes lèvres et m'installe sur le lit - je sens qu'on va en avoir pour au moins dix minutes. "Ah oui ? Et... elle ressemblait à quoi ?"

"Ben... à une ombre."

"Et elle était où, exactement ?"

"Là-bas... près de la fenêtre," répond Charlie en pointant son index vers les rideaux. Je frémis malgré moi. Avec Halloween qui vient de passer et les films d'horreur qu'on m'a forcé à mater, je suis encore un peu sensible. On n'est jamais à l'abri d'une apparition surprise de Ghostface. Quoique, dans le coin, ce serait plutôt Chucky. "Genre... juste là ?" Il hoche la tête avec un air angoissé... mais j'suis pas né de la dernière pluie. Il a beau faire sombre, je le vois, l’éclair de malice dans son regard.

Je joue le jeu en mode Sherlock, avançant lentement jusqu’à la fenêtre. Sous les rideaux, deux pieds dépassent. Si les autres ne dormaient pas déjà, je me ferais un plaisir de les attraper. Mais puisqu'il faut être discret... je me contente de tirer sur la ficelle d'un coup, révélant la silhouette de Florence alias Flo, le clown de service, hilare. Je m'accroupis pour être à sa hauteur. "C'est un hôpital pour enfants ici, pas un manoir hanté. Je vais devoir vous escorter vers la sortie, Mademoiselle Ombre..." J'attrape doucement son poignet, mais elle proteste en riant. "Non, je suis une enfant, promis !" J'appose mon index sur ma bouche pour lui intimer de baisser la voix. Si elle réveille les autres, j'en aurai encore pour une heure.

"Zou, au lit !" Je l’accompagne jusqu’à son lit, lançant un regard appuyé à Charlie en passant. "Une ombre, hein ? Allez... bonne nuit, petits monstres."

Je retrouve mon poste dans le couloir. Un peu plus loin, une collègue est en train de pianoter sur la machine à café. Non, pas une collègue. Elle. Oh, bordel. Mes pieds s’emmêlent en décrivant un mouvement de recul pathétique, comme si sa vision m'avait causé un électrochoc. Heureusement que personne n'est là pour assister à ça - surtout pas Lennox. Il s'est déjà fait un plaisir de se foutre de ma gueule la dernière fois. Elle s'appelle Eden. Infirmière à domicile, elle ne se joint à l’équipe que de temps en temps. On s'est parlé deux ou trois fois, et à chaque interaction, je perds mes moyens. Mais elle a l'air de galérer avec la machine, qui fait encore des siennes... je vais quand même pas la laisser se battre toute seule, non ? Alors je mets ma cape de grand garçon et je marche dans sa direction, tout sourire.

"Heyyyyy Eden. Laisse tomber ce vieil engin, il bouffe les pièces sans jamais rien donner en échange - un vrai radin. On a une bien meilleure machine dans la salle de pause. Tu veux quoi ? On a du cappuccino, du chaï, du thé, noir, vert, menthe, camomille, fruits rouges... On a du chocolat chaud, aussi, les gamins aiment bien." Je fronce les sourcils, priant pour que ma bouche s’arrête de parler - en vain. "Mais j'imagine que tu veux pas une tasse de chocolat chaud, parce que t'es une adulte. Enfin, j'dis pas que les adultes ne peuvent pas aimer le chocolat chaud, moi-même j'adore ça mais... Bref. Qu'est-ce que je te prépare ?"