8 novembre, 11h28.

C'est déjà la cinquième fois que Spencer fait don de son temps pour m'aider à améliorer mes compétences de croupière et mine de rien, malgré son attitude un peu revêche souvent parfois, j'ai fait de sacrés progrès en quelques mois. Je compte d'ailleurs la remercier pour sa patience aujourd'hui, pour ce qui sera notre dernière session d’entraînement. J'ai déjà bien abusé de sa patience, et même si je suis loin d’être une pro et que je n'ai ni son aisance pour mélanger les cartes ni sa fluidité pour les distribuer, je sais que je suis prête à passer à l’étape supérieure et m'inscrire à la formation proposée par le casino. Je dis ça aussi parce que j'ai enfin assez de thunes de côté pour me le permettre... même si ça va faire mal à mon compte en banque de se vider d'un coup comme ça et que j'ai occasionnellement des doutes qui me taraudent, des "et si ?" qui me torturent l'esprit en pensant à toutes les autres choses que je pourrais faire avec 3000 dollars.

Ces séances entraînement/bavardage chez Mac et Spencer sont devenues une sorte de rituel dans ma semaine, une parenthèse agréable entre mes jobs, l'occasion de socialiser avec des filles de mon âge, qui en plus, représentent un idéal auquel j'aspire secrètement. C'est bien simple : elles sont si adorables ensemble que je dirais même que ça me cause des petites crises de jalousie à certains moments, quand je compare ma vie amoureuse à la leur... ouais, autant dire que la mienne est loin de ressembler à ce modèle de stabilité et surtout, de bienveillance réciproque. Entre les meufs qui veulent ma peau, celles qui me poussent à l'auto-destruction et celles qui reviennent en rampant après avoir saccagé mon estime de moi, je me rends compte qu'il n'y en a pas une dans le lot qui pourrait m'offrir quelque chose de sain.

Ça m'a presque choquée de voir à quel point ma collègue peut se montrer différente en présence de sa dulcinée. Si elle est plutôt froide et taciturne au boulot, elle se ramollit complètement quand Mac est dans les parages. Je croirais même voir des cœurs flotter dans ses yeux quand ils se posent sur la brune. Alors je les observe avec un sourire niais aux lèvres en me disant que moi aussi, peut-être un jour, je rencontrerai quelqu'un qui me regardera comme Spencer regarde Mac. Mais je crois qu'il va falloir que je m'arme de patience, parce que visiblement, c'est pas pour tout de suite.

Arrivée sur le palier, je toque timidement, une bouteille de vin sous le bras - histoire de fêter tous ces efforts communs. Sauf que ce n'est pas ma collègue qui apparaît derrière la porte, mais sa belle, que je salue d'un sourire. "Salut, Mac ! Spence m'a donné rendez-vous à..." Je m'interromps un instant en voyant un message sur l’écran de mon portable, reçu il y a une vingtaine de minutes. Des excuses de la part de Spence, qui m'explique que son cours de boxe risque de s’éterniser encore un moment parce que son équipe veut causer de la prochaine compétition. Elle me propose de reporter notre séance. Eh merde. J'aurais dû jeter un œil à mon portable plus tôt, histoire de m’éviter un trajet dans le vide jusqu’à Logan City. "... Oh, je crois qu'elle vient d'annuler." Je lève un regard désolé vers Mac, avant de lui tendre maladroitement la bouteille que j'ai emportée. "C’était pour la remercier... enfin, pour vous remercier de toutes les fois où vous m'avez laissé squatter chez vous."