i’m so sorry for your loss
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@Micah Tomlinson & Jo Carter Berlin - 31 octobre 2024

Il y a déjà de l’ambiance autour de Jo. La musique est forte, l’écho des conversations l’est également, et au milieu des néons se tiennent des personnages de fiction, vampires et créatures légendaires, qui ne laissent planer aucun doute sur la date du jour : it’s Halloween, bitches. Berlin est de toute façon une ville de fête. Ce n’est pas la ville préférée de la chanteuse, mais elle comprend l’attrait qu’on certain pour l’ambiance qui y règne, et si elle n’apprécie pas la météo, elle apprécie au moins l’histoire (sombre, personne ne minimise jamais cette partie là de l’histoire du pays) qui entoure ces terres qu’elle visite pour la première fois et qu’elle apprend à découvrir au travers des visites qu’elle est son équipe font en journée, quand ce n’est pas encore l’heure de revêtir ses habits de lumière pour enchanter le public qui est venu la voir chanter. Elle apprend à aimer les musées, même si son attention ne reste focalisée que quelques minutes seulement, elle apprend dans tous les cas, et ça nourrit son esprit, c’est ce qui compte. Elle est si loin de chez elle que ça l’étourdi parfois de penser qu’ici aussi on l’écoute, qu’ici aussi on la connait — on la reconnait dans la rue, c’est officiel —, et qu’ici aussi on est en mesure de voir qu’elle est douée. Bien sûr qu’elle l’est, ce qui circule n’est pas une rumeur (pour une fois, quelle chance), et peut-être parce que son coeur est un peu plus léger depuis quelques jours, elle réussit enfin à apprécier ce qui lui arrive. Ça ne l’empêche pas d’être d’une humeur massacrante, ce soir, et ce malgré la fête qui se tient en son nom.

Absolument personne autour n’est en mesure de s’imaginer en la voyant poser ainsi devant un mur de lumière et de paillettes, une jambe relevée, ses mains sous son menton, la cambrure bien incurvée dans une posture à la Betty Boop qu’elle maîtrise comme si c’était elle qui l’avait inventée, la mine aussi facétieuse que l’est le personnage qu’elle représente ce soir (La Fée Clochette, pour ceux qui demandent), qu’il y a quelques minutes à peine, Jo a menacé chaque membre de son équipe de les mettre à la porte en les traitant de putains de traîtres, d’incompétents de merde, de sales bâtards de raclures d’enfoirés de leurs mères, et toutes ces petites tournures de phrases chantantes, d’une classe sans équivalent, qui font qu’elle est surement la poétesse la moins comprise de sa génération "Ferme-la Stefani, c’est le meilleur conseil que tu recevras jamais de ta pauvre vie, alors suis-le." Son index, raide et autoritaire, se pointe en direction de son assistante, et ses traits s’affaissent aussitôt qu’elle cesse de sourire pour l’objectif du photographe de sa tournée ; les photos seront sublimes pour les réseaux sociaux, c’est une évidence. En attendant, Jo se redresse sur ses deux pieds chaussés de Valentino customisées pour parfaire son costume, replace les mèches blondes de la perruque qu’elle porte pour compléter les critères physiques du personnage qu’elle a endossé et qui lui va à ravir, soit dit en passant, puis fixe Stefani avec une intensité certaine, des étincelles lui sortant de tous les orifices, et on ne parle pas seulement des oreilles. C’est bien la première fois depuis le début de sa tournée qu’elle renoue avec ses travers de despote, et si ça relèverait de la bonne nouvelle étant donné qu’elle a passé les trois derniers mois au trente-sixième dessous, à se dissocier de ce qui l’entoure en agissant comme un automate qui a besoin d’une pièce pour se mettre à chanter, c’est à peu près le pire qui pouvait arriver pour la cohésion de l’équipe qui la suit de près puisque, jusque-là, l’unité était de mise, et qu’elle réussissait presque à prétendre s’être trouvée une nouvelle famille. Mais ce soir, elle se sent trahie. Quelle conne, elle sait pourtant que la famille, c’est encore moins fiable que les fake news qu’on trouve sur l’Internet. Elle se déloge de l’espace photocall pour s’approcher de la jeune femme qu’elle contourne, en profite en même temps pour lui faire en dernier recours, et sans pointer son index sur elle cette fois, en étant pas moins menaçante pour autant "Si y a une seule info concernant sa présence ici qui sort avec un storytelling inventé de toutes pièces, je te jure sur la tombe de ta mère crevée que bosser pour moi sera ta toute dernière carte chance." Après ça, elle ruinera chaque opportunité dont elle sera mise au courant, et ça, effectivement, elle lui en fait la promesse sans le verbaliser à nouveau, attendant de s’éloigner assez d’elle pour enfin la quitter du regard et monter en petites foulées, ses ailes de fée scintillants en fonction de la lumière qui se réverbère sur elles, l’escalier au style industriel qui mène au carré VIP du club privatisé par son équipe pour fêter Halloween.

Sur scène, Jo a vu Micah dans la foule. Enfin dans la foule, non, le prince qu’il est n’a pas poussé le bouchon jusqu’à se fondre parmi ses sujets, mais l’effet a été le même. Elle l’a vu,  bordel de merde ; costumé, à jouer avec la consigne donnée sur les réseaux sociaux de Jo, et son sang n’a fait qu’un tour. Elle a poursuivi comme la professionnelle qu’elle est, gardant l’explosion pour la fin de son set où elle a démonté chaque membre de son équipe dans les coulisses, et bien que personne n’a véritablement compris pourquoi sa présence la mettait autant en rogne, ils ont accepté avoir commis une erreur en suivant des directives imposées par l’équipe de Micah de laisser Jo dans l’ignorance pour soi disant lui faire une surprise. Tu parles d’une surprise, c’est un nouveau truc incommodant à gérer, et elle ne veut plus de ça, alors elle entend se faire violence, même si, depuis plusieurs instants maintenant, elle a plutôt envie d’y céder, à cette putain de violence "T’aurais pu prévenir." C’est comme ça qu’elle entame le dialogue avec le jeune homme lorsqu’elle le rejoint dans le carré VIP du club où l’équipe et quelques invités se sont échappées pour profiter un peu des dernières heures de la soirée. Chacun a sorti son meilleur costume pour suivre la ligne du concert du soir qui est, par la force des choses, devenue celle de la soirée tout entière — la consigne tenait en un seul mot : spooky, ainsi Jo a enchaîné les costumes de son côté, et a gardé celui de La Fée Clochette pour cette soirée à laquelle elle participe uniquement parce que l’opportunité d’enfin parler à Micah lui est offerte. Du moins, elle préfère finalement le prendre de cette façon, plutôt que d’en faire un drame de plus.