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w/ @Danaë Lescaut   ∆ crédit/tenor&x

La chasse au trésor était à la fois une course effrénée et un marathon. Il fallait réfléchir vite, bien, et de façon continuelle pendant plusieurs semaines - parfois mois ou années - pour parvenir au but ultime, la découverte. Certaines quêtes pouvaient être l'oeuvre d'une vie toute entière, mais Seth n'était pas de ces archéologues qui aimaient courir longtemps après la même biche, préférant aligner les têtes sur son tableau de trophées. Ce qui était valable dans sa vie personnelle également, d'ailleurs. On cherche, on trouve, on refourgue et on passe à la suite. Ce mode de vie avait fait de lui quelqu'un de solitaire, nomade inconfortable dans la routine et fiévreux d'aventures, qui préférait travailler seul plutôt qu'avec une équipe à qui il ne porterait de toute façon aucun crédit. Danaë était l'exception à sa règle. Il lui avait accordé sa chance, elle lui avait accordé son temps et son énergie, sans compter la passion frénétique qui animait la jeune femme. Elle s'était montré prudente, méticuleuse et surtout discrète sur leurs activités. Autant de qualités qui confortaient l'américain dans la confiance toute aléatoire qu'il pouvait avoir en elle, une confiance suffisante pour réitérer l'expérience. Ce fut donc sans réelle surprise qu'il lui proposa de l'accompagner dans les dunes du mont Sinai, dans la périphérie de Dahab, expédition que la naïade accepta.

Leur quête australienne des cargaisons perdues de Dahab avaient abouti à un trou dans le puzzle qu'ils essayaient de reconstituer. Certains éléments s'étaient perdus, évanouis dans la nature entre deux continents, et une lecture pointilleuse de quelques hiéroglyphes n'avait pas réussi à venir à bout des indices manquants. Pour permettre une meilleure lecture de ce mystère, et aussi pour réfléchir de façon plus claire, Seth entreprit donc de reprendre depuis le départ: se rendre là où tout avait commencé. Il avait pris un hôtel dans un village bédouin aux alentours de Dahab, une chambre pour deux, prétextant une lune de miel exotique pour sa nouvelle épouse et lui, afin de ne pas éveiller les soupçons. A bien y regarder, Danaë et lui n'avaient rien du couple modèle, monsieur et madame Standard, dont l'amour dégoulinait derrière eux à chacun de leurs pas. Mais deux bons menteurs ne piquaient aucune curiosité, et l'illusion avait fait l'effet escompté. L'américain avait loué deux quads, et le faux couple s'était envolé dans les dunes au soleil levant.

Le site du tombeau de Sethi, premier du nom, avait été barricadé par de hauts grillages sur tout son périmètre. Cependant, aucune garde montée n'était plus à déclarer dans les parages. L'archéologue se tourna vers son acolyte, un sourire d'excitation masqué sous son casque. Autour d'eux, le sable du désert, les dunes à perte de vue, et l'astre du jour qui se dévoilait à l'horizon. "Nous sommes arrivés, madame Hill.", plaisanta-t-il, comme un clin d'oeil rieur à ces villageois qui les couvraient de fleurs, de literie fraîche et de thé vert à la menthe, plus sucré encore que l'amour qu'ils prétendaient partager. Il se défit de tout son attirail, et jaugea les clôtures qui faisaient obstacle à l'entrée du tombeau. Trop hautes et trop lisses pour être escaladées, trop profondément ancrées dans le sol pour en mouvoir le sable. Seth sortit donc de son sac à dos une pince coupante, outil phare de tout bon pilleur de sites interdits qui se respectait, et découpa une fente de taille humaine dans les grilles de métal. Ecartant les deux bords pour ouvrir le passage, il fit un signe de la tête à Danaë. "Après toi.", l'invita-t-il. L'américain était aussi impatient de pénétrer ce tombeau que de découvrir les réactions de la naïade qui l'accompagnait, laquelle découvrait - contrairement à lui - ces émotions pour l'une des premières fois de sa vie. Il lui lança une lampe torche et en saisit une pour lui au passage, et tout deux s'engouffrèrent dans la noirceur du temple abandonné.

Ils n'étaient pas les premiers visiteurs de ce tombeau, mais ça, ils le savaient déjà. Des pierres écroulées jonchaient le sol, trahissant la précipitation de la scène qui s'était déroulée ici lorsque les émissaires saoudiens étaient venus dérober le butin. Seth pouvait presque sentir l'état d'urgence et de stress encore présent dans l'air ambiant, chargé d'une lourdeur quasiment étouffante. Il s'avança prudemment, éclairant tantôt le sol, tantôt les murs et parfois aussi le plafond, tous ses sens en alerte. "Ils n'ont pas laissé grand chose, il fallait s'y attendre.", constata-t-il, formulant à voix haute une vérité incontestable. "Mais ce qu'on cherche se trouvera probablement sur les murs, quelque part. Une gravure, des peintures, des fragments de hiéroglyphes... ou n'importe quel objet que les voleurs auraient laissé sur place.", poursuivit-il, les yeux déjà perdus dans l'immensité sombre de ce nouvel environnement. Il se détacha de cette fascination pour jeter un regard à Danaë, à quelques centimètres près de lui. "Sois prudente, on ne sait pas à quel point ce site a été endommagé.", lui conseilla-t-il. Les rapports sur ce lieu ne faisaient pas état des conditions de préservation, aussi les deux jeunes fouineurs n'étaient pas à l'abri que le plafond leur tombe dessus.

 

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w/  @Seth Hill      ∆ crédit/tenor&x

L’Égypte, l'attrait du mysticisme, la farandole des divinités, la nature déifiée, un pays qui oscille entre sa branlante évolution contemporaine, et sa longue histoire ensablée. La plupart des archéologues, spécialistes ou non de la terre des pharaons, rêvent d'y aller fouiller. C'est une destination fantasme, une allégorie semblable à l'Atlantide, une chimère mystérieuse.. à laquelle Danaë va enfin rendre hommage. Seth est une porte d'accès vers cette contrée sibylline, au charme poussiéreux, forte d'un exotisme dont se repaissent les occidentaux. En s'alliant au dieu rouge, la brunette savait que son périple pourrait la mener au bout du monde : aujourd'hui, c'est déjà chose faite.

Travailler à son côté fut comme un remède pour sa psyché meurtrie; Danaë s'y est plongée corps et âme, investissant cette mission comme si Amon lui-même était venu la trouver. Les hiéroglyphes sont sa nouvelle drogue; mélangés à l'alcool, elle les voit danser devant ses yeux, véritable manège de symboles abscons, vestiges d'un savoir qui leur échappe encore. Partir loin de Brisbane était la cerise sur le gâteau. S'éloigner des problèmes, de la silhouette fantomatique d'Amos, de son capharnaüm sentimental et plus encore, d'elle-même, était devenu une urgence absolue. En revanche, prétendre être ce qu'elle n'est pas, à savoir l'épouse égyptologue d'un éminent professeur, était totalement dans ses cordes.

La sortie en quad lui confère un fantastique sentiment de liberté, doublé du spectacle grandiose offert par le peintre céleste, étalant ses nuances sur la voûte azurée. Sa petitesse la rattrape, et lui arrache une larme sous le casque; ni vue, ni aperçue, personne ne saura qu'elle était heureuse, à cet instant là. L'authenticité de l'émotion contraste avec la mission, ainsi que sa propre nature; tout est si faux en temps normal, qu'une infime portion d'honnêteté suffit à enrayer ses orgueilleuses habitudes. Néanmoins, elle n'en laissera rien paraître. L'aridité environnante efface bien vite les traces de sa vulnérabilité, et Danaë retrouve sa stature, charisme imperturbable digne des colosses d'Abou Simbel. - Madame Hill.. ça sonne plutôt bien. Tu crois que mon père approuverait ? elle a défait son casque, réajusté le bandana qui maintient ses mèches folles en arrière, et offert un sourire joueur à son mentor-associé. C'est la première fois qu'elle l'évoque, son paternel, et cette pensée transperce sa rétine d'un éclat singulier; elle n'a jamais eu de nouvelles, jamais le moindre signe de vie. Sa question n'a rien de sérieux, mais pourrait étonnement l'être. Les semaines de travail en commun ont démontré plusieurs choses, l'une d'elle étant l'alchimie toute particulière qui les relie tacitement.

Un sac à dos sur l'épaule, Danaë se faufile par l'ouverture, avant d'être happée, rattrapée par cette impression, cette chose indescriptible qui rend l'archéologie captivante : le voyage dans le temps commence, les siècles puis les millénaires s'égrènent sous ses pieds. Le présent disparaît, supplanté par la force de l'Histoire. Le faisceau blafard observe les détails, d'une finition chirurgicale : rien n'a été laissé au hasard, et même le passage des pillards ne peut altérer cette réalité. - Ce serait peut-être ridicule, mais.. On devrait essayer d'honorer les rites de la tombe. Après tout, on est dans un temple de millions d'années. pour ne pas être seulement intéressés, mais partager avec ce lieu une sorte de communion; prononcer le nom du défunt, réciter les formules d'offrandes afin qu'il ne manque de rien. Son regard, ému, couve Seth d'une singulière affection : ils vivent quelque chose d'unique, que nul autre ne peut comprendre. Ces choses-là, il faut les vivre, s'en imprégner et les laisser résonner en soi.

- Il va falloir qu'on exploite sur place ce qu'on pourrait trouver. constate-t-elle, faisant référence aux peintures rupestres et aux symboles les entourant; sa planche à dessin attend patiemment, et sera sans conteste leur meilleur outil. - Promis chéri, je fais attention. minaude-t-elle, un sourire joueur éclairant son visage dans la pénombre. Son attention se porta au mur le plus proche, comme si les signes incrustés cherchaient à l'appeler. - J'ai un pressentiment. Un drôle de pressentiment. releva-t-elle, sans être en mesure de déterminer s'il s'agissait d'une bonne ou d'une mauvaise chose. Que pouvait bien cacher cette tombe ? Qu'avaient-ils raté ?  

 

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w/ @Danaë Lescaut   ∆ crédit/tenor&x

Madame Hill. Douce chimère, rêve avorté, fantasme dont l'idée même avait été abandonnée depuis des années. Quelle femme pour toute une vie? Quelle femme pour partager cette existence d'incertitudes, de miracles d'archéologie, de voyages effrénés, de risques à prendre? Seth s'était fait une raison depuis longtemps, son empire ne connaîtrait probablement pas de successeur. Cette vision trouble ne le taraudait plus, il préférait simuler le mariage que de sauter les pieds joints dans cette aventure infinie. La seule Madame Hill demeurerait sans doute et à tout jamais sa propre dépressive de mère. Danaë, forte de sa jeunesse et de sa curiosité, aurait fait une excellente épouse. L'américain faisait déjà presque partie de sa famille. Est-ce que le père Lescaut approuverait pour autant? A une époque, probablement. Aujourd'hui, rien n'est moins sûr. Après tout, Seth avait disparu des radars quand l'empire s'était effondré, il ne serait pas étonnant que le paternel de Danaë lui en veuille. Mais là n'était pas la question, de toutes façons. "Parce que tu lui demanderais la permission?", retourna-t-il en souriant, amusé par la question. Seth avait du mal à imaginer que la naïade ne vogue pas au gré de ses propres envies, sans se soucier des éventuelles remontrances de son géniteur. Si elle mettait autant de passion dans ses relations que dans l'exploration des vestiges du passé égyptien antique, nul doute qu'elle avait le pouvoir de mettre le monde entier à ses pieds. Et le monde entier l'admirerait pour ça.

Le silence, ce moment de flottement quasiment religieux qui planait à l'entrée du tombeau, forçait l'admiration de ce lieu suspendu dans le temps. Seth y était habitué, bien que cela procurait toujours son petit effet, mais il ne put s'empêcher d'observer les réactions de sa binôme qui, elle, plongeait dans cet univers fantastique pour la première fois. Des vieilles pierres chargées d'histoire, des inscriptions vieilles de plusieurs millénaires, l'aube de la civilisation actuelle. Il ne fut donc pas surpris d'apercevoir le regard brillant d'émotions de Danaë, qui souhaitait respecter les rites ancestraux du temple. Il avait l'habitude de prendre un moment de recueillement silencieux, version contemporaine des traditions séculaires, mais il ne trouvait pas du tout ridicule que la brune souhaite respecter l'Histoire à sa façon. Un hochement de tête acquieça l'idée de la naïade. "Les archéologues ont chacun leur façon d'honorer ou non les sépultures. A toi de choisir celle qui te semble juste.", répondit-il d'une voix grave et basse, berçant sur elle ses prunelles émeraudes. Il attendit respectueusement, se faisant discret, qu'elle prenne un temps pour accueillir ces émotions nouvelles, avant de s'engouffrer dans l'obscurité du tombeau.

Son regard balayait les couloirs désertiques, admirant paradoxalement toutes les richesses que l'édifice recelait. Et tandis qu'il sommait Danaë de redoubler de prudence, Seth se vit affubler d'un sobriquet digne du jeu d'acteurs qu'ils feintaient tous les deux à merveille. Le mot "chéri" résonna dans le vide, se répercutant en échos sur la pierre. Le sourire de l'archéologue s'étira brièvement, hilarité balayée par un nouveau silence, cette fois teinté d'un suspens inexplicable. Le calme avant la tempête, l'odeur de la pluie avant même qu'elle ne tombe. Danaë avait pressenti que quelque chose ne tournait pas parfaitement rond. Seth se raidit, dressant l'oreille pour se concentrer sur son ouïe, tentant d'analyser le moindre signe anormal. Rien. Il haussa les épaules, toujours attentif. "L'intuition féminine, entre qualité et véritable fléau.", souffla-t-il à mi-voix, un léger sourire appuyant ses dires. La naïade avait apporté à ses expéditions une touche plus légère, et les caractéristiques qui allaient avec. L'américain s'était toujours méfié de l'intuition féminine, qui s'avérait souvent justifiée. Les femmes sentaient parfois des choses imperceptibles pour les hommes, c'était ainsi. Soudain, comme pour étayer les dons psychiques de sa partenaire, un gros bruit se fit entendre, proche de l'entrée qu'ils avaient franchie quelques instants plus tôt. Instinctivement, Seth se plaça entre Danaë et la provenance du son, cachant la jeune femme avec son mètre quatre-vingt-douze et sa silhouette élancée mais robuste. "Ne bouge pas.", lui ordonna-t-il. Comme si c'était nécessaire. A quoi devaient-ils s'attendre? Vraisemblablement pas au retour de la momie, ni à un éboulement naturel de pierres, encore moins à une avalanche de sable sur les dunes. Le danger qui les guettait semblait bien plus réel, moins fantaisiste: quelqu'un de très humain s'était rendu compte de leur présence ici. Seth remonta le couloir, d'abord prudemment, mais il força le pas quand il entendit qu'une masse se déplaçait sur le seuil de la bâtisse: on était en train d'en obstruer l'entrée. Cependant, sa course était vaine, et lorsqu'il arriva, il était déjà trop tard. Des voix retentissaient à l'extérieur mais une énorme masse sombre bouchait l'issue du temple. "Holy shit! Fuck! Fuuuck!", ragea l'américain, tapant de colère la pierre de ses deux poings, simultanément.