Ça fait longtemps que je ne suis pas venue ici. Des années maintenant, il faut dire que je n'étais pas là et plus dans les clubs ayant les grâces de la chaîne. Cependant je sais qu'ils leur arrivaient de citer mon nom de temps à autre, juste parce que je suis d'ici et que même si bon nombre de grands surfeurs sont Australiens, et bien je reste du cru.

Bien sûr je suis habillé pour l'occasion. La marque street wear d'un de mes sponsors et pour le maquillage ça sera finalisé sur place. On m'a juste demandé d'être coiffée. J'ai un peu le trac il faut l'avouer, je n'ai jamais été des plus à l'aise dans ce genre d'occasions, je me trouve toujours la plus sotte du lot, et ne résiste que mal aux feux des projecteurs.
Assise sur une chaise, je me contente de me tenir droite en me regardant dans le miroir pendant qu'une assistante pose un peu de blush sur mes joues et enfin de l'eyeliner sur mes yeux.

- Aaron ?

Sans prendre gare au cri de stupeur de la petite blonde je me retourne rapidement alors que dans le miroir j'ai vu une silhouette connue. Ou plutôt quelqu'un que je ne pensais pas revoir de sitôt. Mais il faut croire qu'on ne m'épargne rien depuis que je suis revenue, c'est comme si je subissais mon propre chemin de croix et que je devais faire pénitence. J'étais partie pour fuir et c'est comme si j'étais restée ici finalement.

Cependant il se peut encore que j'ai tort et que ça ne soit pas Aaron Fowler. Et si c'est le cas. Que fait il ici ? Mais vu la tête de l'assistante, j'ai peu de doute que ça soit vraiment lui. En fait tu ne saurais pas si elle est surprise que tu le connaisses ou si ça semble évident que ça soit lui. Elle doit avoir l'habitude que ses clients du moment ne soient pas très attentifs et elle reprend son maquillage malgré le fait que j'essaie de m'enfuir de cette torture pour voir un ancien ami.

Outfit

- Le lycée ? C'est clair

Les lèvres pincées je souris quand même amusée par ma propre réplique. Mais oui, ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus. Très longtemps, il faut dire que nos vies ont pris des chemins différents. C'est sans doute de ma faute. Je réponds à son étreinte un sourire plus franc accroché sur mes lèvres. Je fais une moues d'excuse à la maquilleuse qui nous fusille du regard. Je me réinstalle convenablement fans mon siège. Même si je dois me prêter régulièrement à ce genre d'exercice, on ne peut pas dire que ça soit la chose la plus facile pour moi. Rester en place, ne pas bouger. Cependant il faut bien que je réponde à Aaron non ?

- J'imagine que c'est moi oui.

Je suis presque entrain de me dire que l'ardoise est effacée. Je doute aujourd'hui que notre histoire ait encore des répercussions sur sa vie, et la blessure n'a pas dû être si béante. C'était une histoire d'adolescent... Même si pour moi, il reste le premier garçon avec qui j'ai été, mais malheureusement pas le seul.

- Tu travailles ici ?

Je le regarde dans le miroir car la jeune femme a repris son travail. J'imagine qu'il travaille ici d'après ce qu'il a dit, ça semble logique. Maintenant que j'y pense je crois que ça me dit quelque chose. C'est peut être mon frère qui m'en a parlé. Journaliste ? Oui c'est possible. Est ce que je l'ai déjà vu à la télé ? Non ça m'aurait marqué, mais on ne peut pas dire que je sois très assidu aux programmes diffusés. Et j'ai une autre excuse, je n'étais plus dans le coin depuis longtemps. Ça ne fait que peu de temps réellement que j'ai commencé dans le club, j'en suis encore à chercher mes marques. L'acclimatation à ma ville d'origine est étrangement plus dur que je ne l'aurais cru. J'ai toujours l'impression de voir les choses de l'extérieur c'est étrange, un peu comme si ce n'était pas totalement ma vie.

- Ça va aller je pense. J'ai déjà fait pas mal de conférence de presse sur pourquoi j'ai quitté mon club etc.

Je finis par hausser les épaules. J'ai appris tôt que surfer était une partie du travail et que l'autre était en rapport avec l'image et les sponsors. Ça n'a pas été qu'une source de bonheur dans ma vie malheureusement. Ce n'est pas facile de faire la part des choses, de se protéger.

- Oh cool !

Je n'ai pas le temps de lui demander ce qu'il fait exactement que déjà il rebondit en disant que c'est lui qui va mener l'interview. Voilà qui est intéressant. Sans doute aussi stressant. Peut être autant pour lui que pour moi. Maintenant ça me fait me demander si notre passé commun ne sera pas un problème. On s'est quittés sur une note négative, et je crois qu'il avait juré qu'il ne me parlerait plus. Je peux difficilement le blâmer pour ça, mais je pense qu'il y a des choses dont on a pas discuté. L'époque c'était difficile de trouver les mots, aujourd'hui ça serait peut être nécessaire ? Je décide donc de prendre ça sur un ton léger.

- Ça c'est une première pour moi par contre ! Tu vas pas me poser de questions pièges si ?

Je l'interroge du regard toujours dans le miroir. Est ce qu'il peut vraiment y en avoir ? A moins qu'il me pose des questions sur mon orientation sexuelle... Mais j'en doute. Ça serait clairement déplacé et je ne suis pas sûre que son travail fasse long feu si il s'amuse à faire ce genre de chose.

- Tu continues à faire du surf toi ?

C'est une question qui semble revenir sans arrêt dans ma bouche mais ça m'intéresse.

- Ça va plutôt bien.

Je ne compte pas confier mes problèmes et inquiétudes à un journaliste, on m'a mieux appris que ça. Je sais me défendre, je sais anticiper ce genre de problématique car comme dit, je ne suis pas tout à fait novice en matière d'interview. Les journalistes ne sont pas toujours bienveillants, voire même souvent ils vont gratter l'écorce jusqu'à avoir l'information qui les intéresse. Ils ne pensent pas aux conséquences, ou plutôt si, s'en font toute une joie si ça peut faire couler de l'encre et faire parler de leur scoop autant que d'eux. Je ne sais pas encore à quel point je peux faire confiance à Aaron, et quand même bien, ce n'est ni le lieu ni l'endroit pour parler de ça.

Je préfère continuer de mener une discution simple, légère. Je le regarde lire ses fiches le sourcil légèrement relevé montrant mon intéressement. Je lui renvoie un sourire timide.

- Ca, ça dépendra des qualifications.

Je choisis sciemment de ne pas répondre aux questions précédentes, principalement parce que je le ferais pendant l'interview.

- Très bien monsieur le journaliste. Merci pour les tuyaux, je tâcherais de répondre du mieux possible.

De ne pas le mettre dans la panade. Mais j'imagine que sur ce point là, c'est donnant donnant.
Aussi je lui renvoie la balle sur le surf, m'intéressant au fait qu'il continue le surf ou non. De mémoire, il ne se débrouillait pas si mal que ça, même plutôt bien, mais c'était sans doute quand il avait le temps de pratiquer tous les jours cette passion. Je ne sais pas si aujourd'hui il a encore beaucoup de temps pour ça. Tu regardes son coude en pouffant légèrement.

- Ça arrive même aux meilleurs. Je t'épargne le nombre de bleus et d'écorchures que j'ai.

Oui heureusement que mes jambes sont recouvertes d'un jean, car clairement souvent je me dis qu'elles ne sont pas présentables.

- Hésite pas si jamais tu veux passer au club !

Je pourrais m'inventer prof, et en l'occurrence je sais que je me débrouille bien pour ça, mais je ne lui ferais pas l'affront de me proposer.

- Ca va être à vous dans quelques minutes. Aaron tu es prêt ?

La jeune femme qui vient d'arriver semble surprise de trouver Aaron là lui sourit et repart. Je suis un peu plus nerveuse à present mais ça ira. La maquilleuse touche ton épaule pour te faire signe qu'elle a finit et fait signe à Aaron qui doit aussi y passer.