Fin novembre 2000
Leo & @Kayna Anderson ☆ crédit/giphy

Les portes de l’université sont closes depuis quelques minutes, la fin du dernier cours ayant sonné le glas de vacances scolaires. Pour cette année, pourtant, il n’y aura pas de repos pour moi. J’ai réussi à me dégoter un stage sur l’une des chaînes de télévision régionales, un succès que je dois en grande partie à mon culot, les heures passées à camper devant leur porte ayant fini par porter leur fruit. Toutefois, avant le stage, j’ai le droit à deux semaines de vacances bien méritées, qui sont pour le moment envisagées uniquement en termes de farniente, plage, piscine et sortie entre amis. Ces derniers mois, il faut dire que les occasions de sortie ont été un peu restreintes : entre les examens et la recherche d’un stage, je n’ai pas vu la bande depuis un petit moment. Une bévue qui sera très vite corrigée.
 
C’est Anna qui a proposé l’idée. « Et si on allait camper ce week-end pour fêter le début des vacances. » Je ne peux pas le nier, je ne suis pas tout à fait un gars de la nature, j’ai bien fait les scouts pendant deux années, mais  le confort de mon lit et de mes toilettes ont primé sur mes envies d'hommes sauvages. Pourtant, si je pouvais encore avoir des doutes, quand Kay a accepté, non sans me lancer un de ses regards dont elle a le secret. J’ai tout de suite évalué que c’était une excellente idée. Kayna Anderson, cette fille, j’en rêve la nuit, le jour, tout le temps en fait depuis qu’elle est rentrée dans ma vie il y a quelques mois. Une amie commune qui a fusionné nos deux groupes d’amis pour n’en faire plus qu’un, depuis elle est partout et ce n’est pas pour me déplaire. Malheureusement, le timing n’a pas permis que nous nous retrouvions ailleurs qu’au sein de l’université, environnement peu propice à un peu de lâchée prise. Mais les simples regards que nous échangeons ont suffi pour faire monter ma tension et s’emballer mon palpitant. Bien qu’il y ait eu à peine quelques mots d’échangés. 
 
Je compte bien remédier à ça ce soir. 
 
Je ne vais pas mentir, la séduction n’est pas exactement mon domaine de compétence. Jusque-là, si j’ai réussi à me dégotter une ou deux copines, on ne parle pas de moi comme du Don Juan de la classe, mais l’électricité qui semble planer entre nous quand elle est dans la même pièce me faire pousser des ailes, c’est nouveau et plutôt grisant, alors je suis bien décidé à prendre mon courage à deux mains. Armé de ma tente, mon sac de couchage et quelques denrées à griller, j’arrive sur le camp de base avec à peine quelques minutes de retard sur l’horaire exposé par Anna. Le soleil décline déjà. Dan et moi nous montons la tente que l’on va partager sans trop attendre. Les sardines nous donnent un peu de fils à retordre, mais au final, elle est plus ou moins droite. Occupé à mon propre travail, je n’ai pas vu que Kay était arrivée, elle-même affairée à monter sa tente. Je lui proposerais bien un coup de main, mais elle semble s’en sortir mieux que nous. Notre tente ressemblait plus à un vieux chamallow qu’à chapiteau. Nous allons ensuite nous occuper du feu, allumé en peu de temps, il nous amène un peu de lumière. Juste à temps, car nous sommes déjà presque dans le noir. Il y a finalement une bonne quinzaine de personnes, plus que je ne l’avais projeté, et les conversations vont bon train, ne me laissant pas vraiment l’occasion de me rapprocher de Kay. Un simple signe de main et quelques regards entendus ayant été nos seules interactions jusque-là. Alors que la viande grille sur le feu, je me retourne pour enfin voir un créneau. L’amie de Kay vient de la quitter. Je me rapproche d’elle, plantant mon regard dans un sien alors que deux sourires viennent se loger sur nos visages respectifs. « T’es bien trop populaire, Kay, j’ai cru que ça ne serait jamais mon tour. » Je me poste à côté d’elle, nos regards sur le feu. « T’en veux un peu ? » Je lui tends ma fiasque. « Rhum. » Évidemment, difficile d’imaginer la soirée sans un peu d’alcool pour agrémenter la fête. « C’est cool que tu sois venue, je crois que c’est la première fois qu’on se voit ailleurs qu’à l’uni. » J’en suis sûr en réalité, mais je n’ai pas envie de paraître trop désespéré. D’après Dan, il faut se faire désirer. Pas sûr que ça soit mon fort. 

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 « Au camping t’es sérieuse ? » Anna est parfaitement sérieuse, et elle a l’air d’avoir tout prévu. Assise à califourchon sur ma chaise, je la regarde tourner dans tous les sens alors qu’elle m’annonce le planning et tout ce qu’elle a prévu pour ce week end particulièrement festif. Je dois bien admettre que ces dernières semaines d’examens ont été particulièrement intenses, d’autant qu’on le sait tous, la première année de droit ne pardonne pas. Je suis passée in extremis entre les mailles du filet, et je n’ai plus qu’à continuer sur cette lancée l’an prochain. Loin de moi l’idée de bosser comme une acharnée pendant les vacances, je compte bien profiter de ce temps pour me vider la tête. Alors ce week end à la campagne me semble tout indiqué. Elle précise tout de même qu’il y aura l’autre partie de la bande de potes. Depuis que Johan et Mila sont ensemble, il a été presque évident que nos deux groupes d’amis finissent par se fusionner, d’une certaine façon.

Lorsque je déboule sur le terrain à l’adresse donnée avec Lennon, je vois que presque tout le monde est déjà affairé à monter sa tente. Il est clair que ce n’est pas après quelques verres d’alcool qu’on arrivera à quoi que ce soit, même si certains ont l’air d’avoir déjà commencé les festivités. Je fais le tour pour saluer un peu tout le monde, sauf ceux un peu trop perdus dans le montage de leur propre tente, emberlificotés dans les toiles à tendre de tous les côtés. Avec ma meilleure amie, nous sommes efficaces et pour cause, ce n’est pas la première fois que nous montons cette tente toutes les deux. Nous n’en sommes pas à notre première escapade en pleine nature, au milieu de randonnées plus ou moins difficiles.

La soirée débute dans la bonne humeur, autour d’un feu qui nous apporte lumière et chaleur. Tout ce petit monde se mélange assez naturellement je dois dire, et c’est assez agréable de côtoyer de nouvelles personne. Lenny s’éclipse pour aller gérer un début de conflit un peu plus loin, alors que je reste assise sur mon tronc. Mais je ne reste pas seule longtemps puisque je suis rejointe par un joli sourire qui appelle immédiatement le mien. « T’es bien trop populaire, Kay, j’ai cru que ça ne serait jamais mon tour. » Je ris, amusée de l’entendre me penser populaire, alors que je ne pense pas l’être particulièrement. Il s’installe près de moi puisque la place est libre, et je ressens immédiatement une chaleur qui n’est pas celle procurée par le feu à quelques mètres de nous. Le jeune homme me propose sa flasque en précisant qu’il s’agit de rhum. Pas ce que je préfère, mais je m’en contenterai. « Merci. » lui dis-je dans un sourire alors que je me saisis de la flasque et en bois deux bonnes gorgées, non sans grimacer. « C’est cool que tu sois venue, je crois que c’est la première fois qu’on se voit ailleurs qu’à l’uni. » Je le regarde et arbore un léger sourire. « On s’est croisés à la fête de Johan y’a deux semaines. » Je ne sais pas pourquoi je précise ça, sans doute pour lui signifier qu’il n’est pas passé inaperçu, et avec cette conviction qu’il fait semblant de ne pas s’en souvenir. Je me souviens très bien de ces regards échangés, ces sourires, déjà. Je ne sais pas pourquoi son sourire me met dans des états pas possible. « Tu étais peut-être trop bourré pour t’en souvenir. » lui dis-je, amusée, tout en lui donnant un coup d’épaule. « En tout cas moi je m’en souviens, t’étais mignon avec ta petite chemise. » Il était même super classe, ça changeait de ses éternels t-shirts d’adolescent.