2 novembre 2024, 00h45

tw : alcool, vulgarité

J'ai un avis arrêté sur les bars gay. Autant j’apprécie le fait que notre communauté ait des endroits spécifiques où se retrouver, autant j'ai souvent l'impression que ce sont de vrais bordels. Entre les mecs qui se frottent les uns aux autres sur la piste de danse et les nanas qui se regardent de loin sans oser se parler... sans parler de celles que tu reconnais pour les avoir vues sur BrisBuddies, Tinder ou Hinge... ça me donne l'impression étouffante que le monde est beaucoup trop petit, et les gens beaucoup trop en manque.

Mais Mia a insisté pour qu'on vienne, et j'avais pas le cœur de lui refuser ça alors qu'elle a mis sa tenue la plus affriolante, sans doute dans le but d'attirer autant de regards que possible. Le mien s'est peut-être même attardé sur la peau hâlée de son ventre exposé sous son crop top bleu clair... juste quelques secondes, tout à l'heure, quand on dansait. Enfin, quand elle dansait. Ou plutôt, elle se déhanchait, parce qu'elle n'a aucune honte ni pudeur, Mia. Contrairement à moi, qui dois boire au moins trois verres avant d'oser foutre les pieds sur le dancefloor.

Il fait une chaleur de dingue dans ce bar, et mon T-shirt noir commence un peu trop à me coller à la peau, alors j'essaie de créer un courant d'air entre le tissu et mes omoplates en l'agitant comme un éventail. "On sort fumer ?" je lui propose entre deux halètements.

"Carrément ouais." Je sais même pas pourquoi je prends la peine de lui poser la question. Mia ne survit pas plus de deux heures sans une clope. On s'extrait de la foule, direction le coin fumeur derrière les barrières. J'inspire une goulée d'air en m'adossant au mur, attendant qu'elle sorte son paquet et me propose une cigarette - c'est jamais moi qui les achète, même si je contribue financièrement. Elle sort son paquet de son top - ça évite de devoir se trimballer un sac je suppose -, l'ouvre et sort deux clopes avant de m'en filer une. "La nouvelle barmaid est carrément canon ouais. Toi ?"

Je lâche un long "Pffff... nan." Parce qu'en comparaison d'une certaine sirène en particulier, tout le monde me paraît excessivement fade.

"Avec tout le monde qu'il y a ? J'te pensais pas si difficile."

"J'suis pas difficile, je suis... obstinée." J'allume le bout du bâton, détournant les yeux de coté.

"Obstinée ?" répète-t-elle avant de tirer une taffe.

"J'pense qu’à elle," j'admets finalement avec un haussement d’épaules.

"Elle... La nana de l'Octopus ?" Elle marque une pause. "Danaë ?" C'est quoi ce frisson à la con qui me parcourt le dos en l'entendant prononcer son prénom ? J'suis barge. J'acquiesce d'un faible "mhm" en tirant une taffe à mon tour, comme si je pouvais étouffer l'image de son visage dans un nuage de fumée.

Mia fronce les sourcils - à croire que je viens de lui annoncer que j'allais me marier avec un chippendale. "Ça te ressemble pas. T'as des sentiments pour elle, ou un truc du genre ?" Sa question me fait monter le rouge aux joues - je suis un cas désespéré, sans déconner. Je lâche un ricanement en secouant doucement la tête. "J'ai pas un cœur de pierre, moi," je la taquine en la poussant légèrement du doigt.

"Eh, pendant un temps, le fait que j'aie un coeur de pierre te dérangeait pas, hein," me nargue-t-elle en retour avant de reprendre une bouffée. "Plus sérieusement. T'as une idée de ce qu'elle en pense, Danaë ?"

Je repense à notre dernière interaction dans le stock du casino et... "Ouais. Elle m'adore mais elle veut pas l'admettre. Ça viendra." Alors que je m’apprête à lui exposer ma théorie plus en détail, mon regard est happé par celui d'une nana un peu plus loin, derrière Mia. Rousse, plutôt grande, elle me fixe avec insistance. Ou plutôt... non, c'est pas moi qu'elle regarde. Elle a les rétines fixées sur ma coloc. "Te retourne pas tout de suite mais y a une meuf qui te mate. Enfin, j'sais pas si elle te mate ou si elle a envie de te tuer."