Atlas l’aurait gentiment taquiné sans que Lewis ne parvienne à lui confier le réel fond du problème parce qu’il aurait presque eu l’impression de trahir la confiance de Shiloh en le faisant. Le problème était trop intime et ç’aurait été pareil s’il en avait parlé à ses sœurs, voire pire, car à ce sentiment se serait ajoutée la certitude qu’elles l’auraient assailli de questions auxquelles il n'avait pas envie de répondre. Il n’était pas en mesure de le faire, de toute façon. Alors Lola était apparue comme la confidente idéale pour ce sujet là, parce qu’il était aussi épineux qu’important et qu’elle avait démontré à de nombreuses reprises à quel point elle était douée pour les évoquer. Lola parlait bien plus facilement que les Siede, et il y avait une sorte de certitude chez Lewis qu’elle saurait trouver les mots justes pour le conseiller voire le guider alors qu’il naviguait en eaux troubles. C’était probablement idiot, il ne cessait de se répéter qu’il était en train d’entrevoir quelque chose qui pourrait mettre en péril l’amitié la plus importante qu’il possédait mais il ne chassait pas l’idée de son esprit. Et s’il ne devait rien se passer, il souhaitait tout de même posséder toutes les cartes qui lui permettraient de se sentir plus à l’aise avec cette facette de Shiloh qu’elle-même semblait parfois peiner à saisir. C’était un travail sur lui-même qu’il entreprenait, cherchant à transformer la colère qui le rongeait en quelque chose d’un peu plus positif. A s’autoriser à chercher l’aide des autres plutôt qu’à tenter de tout gérer seul, alors même qu’il n’était pas connu pour exceller dans les relations sociales. Et si sa mère et ses soeurs lui avaient appris une chose, c’était à quel point les femmes pouvaient lui apporter. Le constat semblait encore plus évident alors qu’il s’agissait de trouver la clé pour comprendre comment réparer un cerveau tourmenté par un passé assombri par l’un de ses semblables - cela le tuait de le dire mais elle avait souvent eu peur de faire face à un copier coller de Lawrence lorsque sa maladresse l’avait rattrapé. En demandant de l’aide, de manière claire et précise, Lewis venait chercher des réponses, venait tenter de comprendre sa légitimité à vouloir conquérir le cœur de sa meilleure amie, la meilleure manière d’apaiser un cœur meurtri et comment continuer à ouvrir le sien.

Lola serait étonnée, c’était une certitude, mais elle avait eu la présence d’esprit de ne rien laisser paraître dans leur échange de messages pour ne pas le brusquer. Leur dernière conversation avait été houleuse, et si elle avait souvent tendu la main vers le petit garçon et l’adolescent, l’homme qu’il était devenu était devenu une sorte de copie conforme de son frère aîné. Têtu et borné, se complaisant dans une solitude qui n’était pas bonne et qu’il était obligé de fuir alors que les faux-pas et les problèmes s'enchaînaient dans sa vie. Les dix-neuf heures et trente minutes annoncées n’avaient pas été respectées mais c’est sans se soucier de dix petites minutes de retard qu’il était venu sonner à la porte, un brin nerveux, il ne s’en était rendu compte qu’à son sourire crispé lorsqu’elle avait ouvert la porte. « J’ai ramené de la bière parce que je t’imaginais avoir que du vin super cher mais quand même imbuvable et qu’on m’a appris les bonnes manières … et que j’aurais besoin de ça pour parler. » Un brin d’humour très mal dosé quand on connaissait les raisons de leur dernière entrevue improvisée, mais il n’était pas du genre à ressasser le passé ou à être autre chose que lui-même. Se laissant guider par son hôte, Lewis avait incliné la tête pour afficher un sourire bien plus sincère en direction de Claudia. Un visage à croquer, qui représentait pourtant tout ce que son frère avait pu perdre, et la pensée lui avait arraché le cœur et était si violente qu’il l’avait chassé en s’accroupissant devant la petite. « Salut toi, t’en fais pas, je t’ai pas oubliée, tiens ! » avait-il lancé en proposant à Claudia d’attraper le tout petit ourson en peluche qu’il avait acheté avant de venir et qui aurait justifié à lui seul un retard bien plus conséquent. « J’imagine qu’elle en a des tas, mais j’avais pas le temps de faire dans l’originalité. Et avant que tu dises quoique ce soit, je la vois pas souvent alors j’avais envie. » Et il adorait les enfants, assez pour les couvrir de cadeaux sans que cela soit réellement justifié. Bien sûr qu’un malaise était palpable maintenant que le petit frère d’Atlas, qui était un jour l’amour tout désigné de la vie de Lola, se trouvait en ce terrain chargé d’éléments qui rappelaient que rien ne s’était passé comme prévu mais il faisait de son mieux pour rester neutre. C’était difficile d’être là vis à vis de son frère, mais il avait été impossible pour les Siede de rayer Lola de leurs vies et Lewis ne pouvait s’empêcher de penser que c’était parce qu’elle avait encore un rôle à y jouer. Debout dans la pièce, il regardait autour de lui, cherchant un endroit où ses yeux auraient une logique à se poser, un bibelot à commenter mais devant le silence d’Alma et son regard qu’il savait posé sur lui sans même la voir, il avait apaisé sa curiosité. « Je voulais te demander conseil à propos de Shiloh. » Timidement, ses yeux s’étaient relevés vers les siens, et il s’imaginait n’avoir plus grand chose à dire tant tout pouvait se lire au fond de ses iris.