La journée traîne en longueur. C’est une de celles où rien ne semble vouloir démarrer. Alistair erre chez lui, sans réel objectif, le regard parfois perdu dans le vide, parfois accroché à des souvenirs qu’il préférerait éviter. Dans cette maison devenue trop grande pour lui, le seul bruit vient d’Hey, son labrador couleur chocolat. Habituellement, la simple présence du chien suffit à le calmer, à le raccrocher à un semblant de quotidien. Mais pas aujourd’hui. Hey tourne en rond, agité, gémissant par moments, et Alistair finit par réaliser que quelque chose ne va pas. Alors il le rejoint dans le coin du salon où il vient de se laisser tomber et l’appelle doucement. « Hey, viens ici, mon grand. » Le chien obéit, non sans mal. Se relever semble lui demander une dose d’énergie dont il manque. Alistair l’observe quand il se redresse, puis quand il s’approche, à pas lents. Rien de visible, mais les gémissements s’intensifient. Quand il arrive à sa hauteur, Alistair glisse une main sur le pelage de l’animal, à la recherche du problème. De la source de sa douleur évidente. C’est quand il arrive sur son ventre que le chien geint plus fort et amorce un mouvement de recul. Avant de basculer. Sa respiration est de plus en plus laborieuse. L’inquiétude s’insinue plus fort dans le corps et l’esprit de l’auteur qui attrape son téléphone. En un rien de temps, il trouve le cabinet vétérinaire le plus proche et en compose le numéro. À l’autre bout du fil, une secrétaire lui répond qu’ils peuvent le recevoir en urgence. Le temps du trajet va lui sembler une éternité. Il attrape la laisse de Hey mais ne prend pas vraiment la peine de l’accrocher à son collier. En revanche, il tente de le relever, de l’aider à avancer. Le chien en est incapable et ne fait pas vraiment d’effort. « Allez, bonhomme, on y va. Je t’emmène chez quelqu’un qui saura ce que t’as. » Sa voix se veut rassurante, mais il n’est pas sûr de qui il essaie de calmer. Il commence à paniquer, son esprit s’emballe, imaginant déjà les pires scénarios. Hey, son unique lien avec le monde extérieur depuis la perte de sa femme. S’il le perd à son tour, il n’est plus sûr de la suite des choses. Pas sûr d’avoir envie de se forcer à avancer.

C’est probablement l’adrénaline provoquée par la panique qui lui donne la force de porter le chien jusqu’à la voiture après qu’il soit allé ouvrir la portière arrière. Il pèse une tonne et ça lui demande de sacrés efforts physiques. Mais s’il faut ça ... Dans la voiture, le stress monte encore d’un cran. Hey, étendu sur la banquette arrière, semble plus abattu que jamais. Alistair lui lance de fréquents regards via le rétro intérieur, ses doigts crispés sur le volant. Chaque fois qu’Hey bouge ou gémit, son cœur s’emballe un peu plus. Son esprit, comme à son habitude, imagine le pire : une maladie incurable, quelque chose qu’il n’a pas vu venir et qu’il est trop tard pour espérer la soigner. Avec d’aussi sombres pensées en tête, le trajet jusqu’au cabinet semble interminable. La musique de fond de la radio lui paraît insupportable, mais il n’a pas la présence d’esprit de l’éteindre. Ses pensées tourbillonnent, revenant toujours à la même conclusion terrifiante : et si Hey ne s’en sortait pas ? Lorsqu’ils arrivent enfin, Alistair se gare en hâte au plus près de l’entrée, sort le chien avec précaution et le pose à terre. Ils mettent une éternité à rejoindre les portes automatiques qui s’ouvrent devant eux. À l’intérieur, la salle d’attente est étrangement calme. Une assistante vétérinaire les accueille avec un sourire professionnel et leur demande de patienter un moment. Alistair s’assoit, mais il ne tient pas en place. Son pied tape frénétiquement le sol, et il passe nerveusement sa main dans les poils d’Hey. Le chien se recroqueville un peu plus, comme s’il cherchait à se faire tout petit, à échapper à la douleur. Le temps s’étire encore, chaque minute s’apparentant à une éternité. La porte de la salle d’examen reste fermée, et les bruits de l’autre côté semblent étouffés. Puis, enfin, une porte s’ouvre et un vétérinaire apparaît. Alistair se lève d’un bond, le cœur battant, et rejoint la salle, au rythme du labrador. Il n’a qu’une seule pensée : savoir, vite, avant que ses pires craintes ne prennent racine. « Combien de temps avant que vous ne sachiez ce qui ne va pas et que vous puissiez faire quelque chose pour lui ? » Qu’il demande, aussitôt la porte refermée derrière eux. La panique dans la voix est évidente.

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