Elie adorait Noël, synonyme de repas entre amis, en famille, mais aussi de vitrines scintillantes, de gosses heureux et de sapins à tous les coins de rue. Elle n’avait plus eu l’occasion de vraiment le fêter depuis qu’elles avaient arrêté leur road trip, mais comptait bien y remédier cette année. Et puis il faut savoir qu’en Australie, Noël pouvait être le moment de faire des bains de minuit, de manger des guimauves autour du feu et de dormir à la belle étoile. La température ne descendant en dessous de vingt-cinq degrés Celsius, fêter Noël sur ce bout de terre pouvait être très particulier. Pas pour la jolie brune qui, cela va sans dire, avait l’habitude de ce climat, mais elle trouvait tout de même drôle de tomber sur des stands de vin chaud et de marrons alors que les gens se baladaient en shorts et débardeurs… La population de Brisbane s’était donnée rendez-vous sur le marché nouvellement ouvert. Les rues étaient noires de monde en ce samedi matin et si en sortant Elie s’en doutait, elle ne s’attendait pas à ça. Ses yeux bleus brillaient d’excitation face à toutes ces guirlandes lumineuses et ces décorations hivernales. Elle commença son exploration, les yeux grands ouverts. Les odeurs étaient délicieuses, des fumées sucrées s’échappaient de partout, c’était magique. Elie s’arrêta à un stand de nourriture, il y avait trop de choix, mais tellement de bruit autour qu’elle dût presque hurler pour réussir à commander. « Je vais vous prendre ce gros coeur en pain d’épice là et cinq petits chocolats comme ça. » Elle échangea ses dollars contre ses friandises et se fraya un chemin à travers la foule. Un autre stand attira rapidement son attention et elle y arriva en se léchant les doigts, ravie de ses achats. Des guirlandes artisanales lui faisaient de l’oeil, mais elle n’était pas apparemment pas la seule à en vouloir. Elle les imaginaient déjà au dessus de son canapé et de son lit. Il lui en faillait au moins deux ! Elle se retrouva coincée entre une vieille dame qui priait presque pour s’en sortir et un couple amoureux, elle pensa donc à une stratégie de passage et en se glissant sous différents bras, elle finit par atteindre le stand. Elle recula de deux pas pour laisser passer quelqu’un et écrasa le pied de quelqu’un. Confuse, elle se tourna pour s’excuser et tomba nez à nez avec son professeur de sciences à travers la littérature. M. Headcliffe. Elle piqua un fard et se confondit en excuses. Sans savoir pourquoi, il la mettait mal à l’aise, parfois il était adorable, trop même et d’autres, il usait d’un ton froid avec elle. A n’y rien comprendre, d’autant qu’ils n’avaient pas tant d’écart d’âge que ça, ce qui rendait la situation très étrange. « Oups excusez-moi, il y a trop de monde ici… » Elle ne savait pas trop quoi lui dire aussi lui tendit-elle son sachet de pain d’épice. « Vous en voulez ? » Peut-être était-il bien luné aujourd’hui ?
Le marché de Noël était une curiosité pour moi. J'avais effectivement envie d'y mettre les pieds. Enfin quelque chose qui m'intéressait. Je ne m'attendais pas à quelque chose de grandiose mais effectivement j'espérais être surpris. Certes, à Brisbane les possibilités d'un Noël enneigé étaient proches de zéro. Mais il y avait tout de même d'autres opportunités non? Par exemple ce marché de Noël. Je craignais en arrivant de me retrouver confronté à des Pères Noël en short hawaïens et aux plaquettes de chocolat en guise de costume. Déjà, première bonne nouvelle, les faux Père Noël sont bel et bien des hommes ventriloquents avec des cheveux blancs. Petit plus: ils sont même tout aussi éméchés que ceux que l'on nous fournit en Angleterre.
J'avance de plus en plus dans ce décor absurde tant il est beau. Oui, cela me semble incohérent d'avoir un vrai marché de Noël dans un pays où l'hiver n'est pas au goût du jour! Pourtant je ne me plains pas, au moins j'ai un petit goût d'hiver. En parlant de goût j'entrevois un stand de chocolats chauds et autres boissons chaudes. En m'y rendant, une silhouette aux cheveux bruns légèrement bouclés m'écrase le pied. Je m'apprête à lui dire que ce n'est pas grave afin qu'elle me laisse continuer mon chemin quand mon regard rencontre celui de Miss Cwmytsmith. Je suis de nouveau troublé devant cet océan bleu que me révèle ses yeux. "Ce n'est pas grave Mademoiselle." J'essaie de rester formel, après tout il s'agit d'une de mes étudiantes maintenant. Elle me tend son sachet de pain d'épices et je la regarde sans comprendre. Me propose-t-elle vraiment de partager son... oui, ses mots me le confirment à l'instant. Je souris et éclate presque de rire. "Essayez-vous de m'acheter Miss Cwmytsmith?" Je prononce son nom sans aucune difficulté et j'en suis fier. J'aime beaucoup ce nom à racines anglaises. Je tends la main pour saisir un petit morceau de ce qu'elle me propose et hume le pain avant de la regarder avec une fausse sévérité. "Ce n'est pas un space pain d'épices j'espère?" Je lui adresse un clin d'oeil avant de mettre le petit morceau en bouche et de lui demander "J'allais justement me prendre une petite boisson chaude, veux-tu te joindre à moi?" J'ai adopté une formulation plus familière j'en suis conscient mais étant son prof et son aîné, je peux me le permettre.
Qu’est-ce qu’elle devait avoir l’air bête à lui présenter ainsi son pain d’épice… Pourquoi avait-elle eu l’idée de faire ça ? Il était son professeur, pas un pote. Si sur le moment aucune autre solution ne s’était présentée à elle, les yeux de l’anglais exprimaient clairement qu’elle aurait pourtant mieux fait d’y réfléchir à deux fois. Il la prenait pour une imbécile, elle en était quasiment sûre. Parfois, elle se le demandait en cours, lorsqu’il lui posait une question à laquelle elle ne connaissait pas la réponse et qu’il le soulignait devant tout le monde. Mais là, si ce n’était pas le cas avant, elle venait de se catégoriser toute seule. Pour sa défense, elle n’avait jamais eu à gérer une quelconque relation prof-élève jusque là. L’autorité n’était donc pas son point fort. Et puis cette ambiance, festive, conviviale lui faisaient presque oublier tous ces détails. Prenant conscience de tout ça, Elie ne put qu’être très gênée. La réaction du professeur la fit sourire. « Qui ne tente rien n’a rien ! » La jeune femme prit un air malicieux, d’autant qu’il restait une des rares personnes à prononcer son nom correctement ce qui lui faisait chaque fois grand plaisir. Il se servit un bout de pain d’épice un air suspicieux sur le visage. Un rire niais échappa à la jeune femme qui répondit au clin d’oeil du britannique. « Mais bien sûr que si professeur ! » Elle se demanda aussitôt si elle avait bien fait de dire ça ou non, elle ne savait jamais comment se comporter avec lui, sur quel pied danser, tant il pouvait être lunatique envers elle. Cependant, il l’invitait à boire un verre, employant un ton plus familier qu’auparavant, ce qui elle devait l’avouer était engageant. Le rouge aux joues et quelque peu intriguée, Elie songea qu’elle n’était pas la seule à se laisser porter par la foule et l’esprit festif. Peu sûre d’elle, la jolie brune jeta un regard confus au stand de guirlandes, tant pis elle reviendrait plus tard. « Euh… D’accord. » Elle le suivit donc, doutant vraiment de son choix. Des rumeurs peu agréables venant d’élèves jaloux étaient remontées à ses oreilles, mais si elle lui avait tendu la friandise, c’était lui qui proposait de boire quelque chose. Au milieu de la foule, elle dut quasiment crier pour se faire entendre bien qu’il ne fut pas loin. « Vous êtes venu jeter un oeil aux vitrines ou vous cherchez quelque chose en particulier? » Elie n’arrivait pas à savoir ce qu’elle pensait de parler ainsi à son professeur en dehors de la classe, aussi songea-t-elle à laisser faire et d’arrêter de se prendre la tête.
L'idée c'était que j'avais déjà entendu beaucoup de rumeurs comme de quoi les professeurs se laissaient parfois acheter. Surtout par des filles. Surtout pour des faveurs sexuelles. Je ne pouvais réellement penser qu'Elie cherchait à m'amadouer avec du pain d'épices, mais les mal pensants eux le pouvaient. Et sa réponse dénuée de honte me fit sourire. Que pensent ceux qui veulent penser à mal, après tout même si je fuyais la jolie brune qui se trouve devant moi, ils trouveraient à redire. La vérité étant qu'il n'y a pas moyen de faire taire ceux qui ont décidé de dénigrer les autres. "Ce n'est pas faux, ce n'est pas faux. Mais je ne savais pas que vous essayiez de me tenter." Cette petite astuce et ce jeu avec les mots m'était très familier. Cependant je n'en ai d'habitude pas usage avec mes étudiants. Mais l'humeur festive de toute cette foule autour de moi m'a quelque peu contaminé et j'aime me laisser aller au jeu. Ca me fera plus de bien que de rester grognon comme à mon habitude. De plus, j'aime beaucoup pousser à bout cette demoiselle en particulier. Du coup le changement de registre est aussi agréable qu'imprévu.
J'avale mon morceau de pain tout en la regardant me répondre avec malice. "Vous pourriez avoir des problèmes si je me retrouvais à délirer ici en votre compagnie. J'espère que vous le savez." Mon ton était faussement froid mais je sais que parfois j'utilisais cette même voix pour la gronder en cours. J'esquisse un sourire rapidement afin qu'il n'y ait pas de confusion. "Très bon ce pain d"épices, quelle saveur est-ce?" Je goûte de la cannelle et un soupçon de...citron?
Elle me suit mais je vois bien qu'elle a des réticences. "Je ne mords pas. Enfin, rarement plutôt." Je la regarde en biais vu qu'elle est plus petite que moi et lâche un petit rire. Je remarque quelques regards posés sur nous et comprends d'où peuvent venir ses appréhensions, peut-être ne suis-je pas celui qui lui fait réellement peur. "A moins que vous ne craigniez pour votre réputation? Etre vue avec un homme aussi vieux que moi..." Je me pince les lèvres et la regarde avec cet air de conspirateur qu'une de mes ex aimait tant. Je suis de bonne humeur ce soir. Je ne sais si c'est à cause de cette compagnie que je n'avais pas vu venir ou si c'est à cause de la beauté de ce petit marché de Noël. Peu m'importe, au final, ce qui compte c'est que je sois dans de bons tons. Je regarde la carte des boissons chaudes indiquées sur la devanture du stand et m'arrête lorsque j'entends la question d'Elie. Mon regard se dirige alors vers elle, pénétrant ses yeux bleus avec une profondeur que je ne peux m'empêcher d'y mettre avant de répondre lentement "Je cherche quelque chose en particulier." Je laisse un petit temps passer, la scrutant avec intérêt mais sans me détacher de son regard. Puis je regarde le vendeur et lui demande aimablement: "Pour moi ce sera un thé cannelle avec un soupçon de gin et ..." je me retourne vers elle "toi? que prends-tu?" Ce n'est pas très avisé de m'afficher ainsi avec une jeune étudiante, une jolie qui plus est et encore moins de lui payer à boire. Mais ce soir je m'en fiche. Voilà. Pour le moment en tout cas.
Elle n’essayait pas de le tenter, tenter à quoi d’ailleurs ? Elie n’allait pas poser la question, pas bien certaine de vouloir connaître la réponse. Il semblait prendre un malin plaisir à la troubler de la sorte. Elle avait l’habitude en quelques sortes, mais pas qu’il lui parle comme ça. Il n’aurait pas été son professeur, elle aurait pu s’imaginer bien des choses, ce qu’elle essayait de ne pas faire. Puis le voilà qui repart sur un ton froid, seul un petit sourire empêche la jeune femme d’être complètement perdue. Malgré tout, elle sait que la confusion se lit sur son visage. A ce moment là, son moi intérieur se gratte la tête penchée sur le côté… « Je ne sais pas qui de nous deux aurait le plus de problème... » Elle sourit brièvement avant de se retrouver piéger par sa question. Elle reprit un bout de son pain d’épice. « Je ne sais pas trop à quoi c’est en fait. A la cannelle il me semble et je pensais avoir prit celui avec des amandes, mais j’ai dû me tromper. J’ai prit celui en forme de coeur pour dire vrai... » Elle n’avait pas trop réfléchi au parfum en choisissant, celui là était mignon et seule cette raison l’avait poussé à l’achat.
Il dût lire ses hésitations puisqu’il releva le fait qu’il ne mordait que rarement. Ce à quoi Elie ne sût quoi répondre, si ce n’est en le suivant. Elle ne voulait pas non plus le vexer. Mais sa deuxième supposition la fit presque rouler des yeux, elle essaya de se justifier. « Oh mais non ! Mais vous n’êtes pas vieux ! C’est juste que… Non laissez tomber c’est pas grave. » Qu’elle était maladroite, enchaînant bourde sur bourde sans s’en rendre compte. Elle ne le trouvait pas vieux non, elle en connaissant un plus âgé qui ne sortait pas de sa tête, d’ailleurs il était revenu et elle secoua la tête pour le chasser. Elle devait l’oublier, passer du temps avec un autre professeur n’était pas forcément la meilleure façon de le faire, mais tant pis. Il la regarda d’un air qu’elle ne lui connaissait pas et elle ne put s’empêcher de penser qu’il avait beaucoup de charme. Heureusement, le sujet changea rapidement et ces idées saugrenues échappèrent à Elie qui essaya d’entretenir la discussion. Elle ne s’attendait simplement pas à ce qu’il lui réponde de la sorte. Il plongea son regard dans le sien, de sorte qu’Elie ne put détourner la tête. Il avait des yeux d’une couleur si particulière, elle aurait aimé les regarder assez longtemps pour en déterminer toutes les teintes, mais la manière dont il lui répondit la troubla d’autant plus. Elle le fixa quelques secondes de plus, avant de fuir son regard. « Ah… D’accord… » Elle se reprit cependant rapidement. « Des guirlandes ? Du chocolat ? Ou un bonnet ? Parce que oui ils vendent des bonnets… Ca m’échappe complètement ! » Ce n’était pas un temps pour porter ce genre de choses, mais qu’importe. Il la fixait toujours, puis revint à l’idée des boissons. Il passa sa commande avant de lui demander ce qu’elle voulait. Un grand sourire naquit sur le visage de la demoiselle. « Un chocolat chaud aux amandes sil vous plaît ! » Son péché-mignon. Malgré les périodes de gêne qu’elle ressentait depuis leur rencontre, elle était ravie de passer du temps avec quelqu’un de connu ici. Elle attendit que le serveur lui donne son gobelet chaud pour se retourner vers son professeur. « Merci beaucoup ! Elle marqua une pause. J’adore cet endroit, c’est magique de faire vivre noël comme ça ! »
En vérité je ne le sais pas moi non plus. Etant donné que les relations prof-étudiant ne sont pas spécifiquement interdites, je pense même que d'un point de vue éthique, ce serait elle qui risquerait d'en baver plus. Après tout, ma réputation n'en pâtirait que sur le domaine personnel, cela ne remettrait pas en question mes compétences professionnelles. Tandis que pour Elie, cela pourrait effectivement lui nuire. Ceci dit... "Mais nous ne faisons rien de mal ni d'interdit, donc les problèmes ne sont pas au goût du jour." Elle me suit presque docilement et je note qu'elle esquive certaines de mes questions. Je suis à deux doigts de lui demander si je la mets mal à l'aise mais je me retiens. Ce ne serait vraiment pas loyal de ma part. Après tout elle est mon étudiante et cette situation ne doit pas être facile à gérer, inutile que je rajoute mon grain de sel toutes les deux minutes.
Elle rougit presque lorsque je parle de ses fréquentations et de ses possibles peur. Cela me fait rire de la voir ainsi patiner et je ne peux m'empêcher à l'idée de la taquiner encore un peu "Juste que? Je vous écoute." Le large sourire sur mon visage ne dupe personne, je m'amuse énormément de la situation. D'autant plus lorsqu'elle me demande avec intérêt ce que je recherche ici. Mes yeux vagabondent de stand en stand, trop heureux de faire durer le suspens. Je retourne mon visage finalement vers mon interlocutrice avant de la délivrer de son attente "Effectivement les bonnets ne sont pas vraiment utiles ici." Je souris et vois qu'elle attend toujours ma réponse. "Ah oui, ce que je cherche. Un semblant de beauté dans ce pays insipide. Le marché de Noël me ramène à Noël et aux pays où il y a un hiver digne de ce nom. Notamment la Grand-Bretagne. Voilà ce que je cherchais, un peu de repos dans cet havre de chaleur et de superficialité qu'est l'Australie." Satisfait de ma réponse, je retourne à la liste des boissons et commande pour elle une fois son choix effectué. Mon thé parfumé arrive à point nommé et je me brûle les doigts en le prenant en main. J'hoche la tête lorsqu'Elie me remercie et réponds à sa question tout en regardant autour de nous. "Certes, c'est très joli oui. Pas aussi merveilleux qu'un marché de Noël sous la neige, mais joli." Je savoure ma boisson chaude et suis ravi de n'y goûter qu'une petite touche d'alcool, je n'aime pas quand c'est trop fort. "As-tu déjà visité un pays enneigé Elie? Déjà vu à quoi ressemblait un hiver en Europe par exemple?" Je cherche à faire la causette et surtout à en apprendre plus sur elle. "Je ne peux pas imaginer que des yeux aussi bleus que les tiens, on les dirait issus du froid de l'Antarctique, n'aient pas des racines nordiques. Je serais bien curieux d'enquêter sur ton arbre généalogique." Un homme passant derrière moi me bouscule et je renverse à moitié mon thé par terre. "Décidément! Tout le monde m'en veut aujourd'hui." Je la dévisage pour ne rater aucune de ses réactions.
Elle hocha la tête, effectivement, ils ne faisaient rien de mal, mais elle n’était pas celle à avoir parlé de space cake… Elle comprit qu’il s’amusait bien lorsqu’il soulèva ses derniers mots. Elle le regarda quelques instants interdite. « Je pensais acheter une guirlande. Mais je reviendrai plus tard. » Le sourire du professeur était limite bizarre en vue de la situation. Il devait s’attendre à une révélation plus rocambolesque, ce qui fit doucement rire Elie. Elle l’écouta donner sa réponse, perplexe. Un marché bondé de monde, le repos, ces deux mots semblaient légèrement antithétiques… « Je comprends le principe je crois… Mais dans le genre tranquille on fait mieux non ? » Elle jeta un regard circulaire sur la foule, le boucan, les enfants riant ou en larmes, en somme rien pour se reposer. « Et puis c’est vrai qu’il fait chaud, lourd par ici, mais les gens sont quand même chaleureux non ? » Alors oui, elle défendait son pays, complètement, elle n’allait pas s’en cacher, mais elle ne connaissant rien d’autre après tout. Puisqu’il semblait être passé à autre chose, elle ne s’étala pas sur le sujet, d’autant qu’il lui tendait son chocolat chaud elle n’allait pas être chiante par dessus le tout ! « C’est ce qui rend ce marché si particulier, il est si inattendu... » Elle s’imaginait l’endroit sous la neige, même si cela lui était difficile, cela aurait été féerique elle devait l’avouer. En le voyant tremper ses lèvres dans la boisson chaude, elle se souvint qu’elle avait la sienne, elle s’empressa alors de l’imiter. Le sourire lui revint aussitôt. Il était vraiment bon ce chocolat. Elle s’étonna qu’il lui pose ainsi des questions sur elle. Elle secoua la tête. « J’ai déjà vu la neige sur la côté sud, on a fait du ski avec ma sœur une fois. » Mais elle se doutait que ce n’était pas pareil. « Mais non, je suppose que c’est pas pareil qu’en Europe. » Le rouge lui revint aux joues et elle se mit à détester sa peau translucide, elle était sûre que cela se voyait pire que le nez au milieu du visage. Malgré le soleil sous lequel elle avait toujours vécu, sa peau n’avaient jamais été bronzée. Et ses tâches de rousseurs laissaient souvent place au sang qui lui montait au visage. Son professeur ne cessait de la surprendre. La manière dont il parlait de ses yeux, était complètement inattendue. « Et bien, je sais que j’ai des origines galloises. Ca doit sûrement venir de là... » Elle n’en savait pas beaucoup plus, ses parents évitaient de parler de ce genre de choses et comme elle n’avait plus aucun rapport avec eux aujourd’hui, elle allait avoir du mal à en savoir plus.
Tout à coup, elle reçu un liquide chaud sur le bout de ses chaussures. Il venait de se faire bousculer, une fois de plus et son thé s’était répandu sur le sol. « Oh ! » Dans un geste un peu désespéré de prudence que l’on a tous lorsque ce genre de choses arrivent, elle attrapa son gobelet comme pour éviter des dégâts supplémentaires. Dans sa précipitation à l’aider elle lui avait prit les mains, puis se rendant compte de son geste, elle lui tendit la serviette qui accompagnait son pain d’épices en reposant ses mains le long de son corps. « Pardon. Ca va ? Vous ne vous êtes pas brûlé ? » De ce que son gros orteil lui disait, la boisson était chaude. Elle sourit. « Cette fois-ci c’est pas moi ! » Il y avait tant de monde qu’il était vraiment difficile de se déplacer. Malgré tout, un stand attira l’attention de la jeune femme. « Oh regardez ! Un stand de fléchettes, ça fait une éternité que j’y ai pas joué, ça vous dit ? » Tant qu’à faire autant s’amuser un peu non ?
Elle ne répond pas à ma question, j'imagine que je l'incommode. Mais je ne suis pas beaucoup plus vieux qu'elle, elle a raison. Je souris quand je l'entends me parler de guirlandes. C'est ridicule au fond. Pas d'hiver donc pas de sapin, pas de sapin donc pas de guirlandes. Mais je comprends que c'est pour l'esprit de Noël et je ne l'en blâme pas. "Pour moi la tranquillité c'est un état d'esprit. Et toute cette agitation par rapport à Noël me rappelle mon pays, mes racines. C'est pourquoi je l'assimile à un calme. Cela me détend d'être dans un contexte familier." Je la regarde, pas certain qu'elle puisse comprendre. Certes nous ne sommes pas très écartés au niveau des âges mais elle est tout de même plus jeune et seules certaines expériences peuvent nous amener à saisir la profondeur des choses. Peut-être est-elle trop jeune. Mais j'aime la petite lueur qui pétille dans ses yeux justement. Je secoue la tête vivement "Non, c'est tout à fait différent en Europe oui." Je souris amèrement. Ma douce Europe. Je ne peux m'empêcher de la regarder, ce sont toujours ses yeux qui me perturbent le plus. Et je finis par commenter sans m'en rendre compte. C'était probablement déplacé. Elle me répond malgré tout bien que je voie sans difficultés que je l'ai légèrement troublée. "Peut-être bien. Ou peut-être est-ce la fée Noël qui t'a marquée du bleu du ciel." Je repars dans un ton plus léger en riant de cette petite référence aux fées de la Belle au Bois dormant.
Puis je ne gère plus rien et mon thé se renverse à moitié sur son pied. Je suis vraiment verni. Je souris à sa question mais reste légèrement paralysé en sentant ses doigts prendre ma main entre eux. Elle remarque ma gêne et les retire d'emblée. Qu'était-ce que cela? Une erreur oui, une maladresse. Mais pourquoi suis-je troublé? "Tout va bien, juste une petite brûlure. Et toi ça va?" Elle? Pourquoi n'irait-elle pas bien? Je regarde le sol et me rattrape de suite "Ton pied je veux dire." Je soupire, soulagé d'avoir rattrapé ma gaffe. Je la suis vers le stand de fléchettes sans trop savoir pourquoi. Ne devrait-on pas prendre congé l'un de l'autre? Après tout ce n'est pas normal de passer ma soirée avec une étudiante. Je viens de voir le professeur Plummer avec son épouse de l'autre côté de la place du marché et j'ai bien vu qu'il me jugeait. Probablement parce que sa femme est aussi grosse que Vernon Dudley et tout aussi masculine et que moi je suis avec une superbe jeune fille. Mais ce n'est pas ce qu'il pense, je ne flirte pas. Du moins j'essaie de m'en convaincre et j'essaie de ne pas le faire. Le gars du stand nous livre le jeu de fléchettes et je regarde en grimaçant ma partenaire. "Ca va être un massacre, je n'ai plus joué depuis que j'étais au collège!" Ce n'est pas vrai, je jouais avec Constance. J'ai un haut le coeur en y repensant. Je regarde la cible et j'y vois soudain les yeux de celle qui ne sera jamais qu'une amie. Je vise et je tombe en plein dans le centre. Mes yeux s'écarquillent et je vois Elie faire de même. "Il suffit de savoir se mettre un objectif je crois." Je lui adresse un clin d'oeil et lui tend une fléchette pour qu'elle lance à son tour.
Elle le regardait, très sérieuse et opina vivement de la tête. « Je peux comprendre. A mes yeux, le calme c’est le désert, sans rien autour si ce n’est le bruit du vent qui déplace le sable. » Elle ne pouvait peut-être pas comprendre de quoi il parlait, mais elle se demandait s’il n’était pas dans la même position qu’elle. Elie pouvait lire de la nostalgie dans son regard, est-ce que là d’où il venait lui manquait ? Ce n’était pas son cas. Elle pensait parfois à ses parents, ce qu’ils devenaient, elle avait reçu des cartes, un appel de temps à autre, mais ils ne lui manquaient pas vraiment. Elle n’osait même pas imaginer ce qu’elle serait devenue si Alice ne l’avait pas sortie de leur trou. Elle se mit à rire à la référence. « J’ai du mal à imaginer ce qu’elle serait venue faire chez moi la fée de l’hiver... » Elle se sentit vraiment gênée de lui avoir attrapé les mains de la sorte. Elle n’aurait pas dû, mais ce n’avait été qu’un réflexe, ce n’était pas prévu. Songeant qu’on avait pu les voir, elle pensa aux rumeurs qui risquaient de courir. Le plus étrange fut sa réaction à lui. Ses yeux bleus le fixèrent quelques instants sans comprendre où il voulait en venir. Mis à part son estime qui avait prit un petit coup au moment où ses mains avaient attrapé les siennes, elle allait bien, pourquoi irait-elle mal ? Il reformula sa question, elle comprit alors ce qu’il voulait dire. Elle haussa les sourcils, laissant un petit sourire naître sur ses lèvres. « Oh il va bien merci ! » Elle secoua le bout de sa chaussure comme pour signifier qu’il n’y avait pas de blessé. Pour éviter de rester sur cet étrange échange, était-ce à cause de la relation prof-élève ou autre chose, elle n'aurait sût dire, elle n’eut pas d’autres idées que de montrer le stand de fléchettes. Dire qu’Elie était maladroite en relations humaines aurait été peu dire. Elle était catastrophique. Elle songea qu’il en avait sûrement marre d’elle et qu’il restait sûrement plus par politesse qu’autre chose. L’idée qu’elle allait également le revoir en cours lui revint en tête, et alors qu’elle le regardait viser droit dans le mille, la gêne s’installa sur son visage. Elle l’applaudit vivement suite à son exploit. « Pour quelqu’un qui n’a pas joué depuis si longtemps, chapeau ! » Elle se mit à son tour face à la cible. La dernière fois remontait à leur dernière escale dans une ville, elle avait battu deux mecs alcoolisés qui avaient comme but de la mettre dans leur lit. Elie ne se souvenait plus trop de la fin de soirée, mais Alice devait y avoir mit son grain de sel, pour sûr ! Elle saisit une fléchette et jeta un œil à son professeur. « J’ai la pression du coup ! » Elle se concentra, puis visa. La pointe vint se planter à la limite de la ligne du centre et du dernier cercle. Elle fit un grand tour sur elle-même en balançant les bras. « Raa presque ! » Un éclat de rire lui échappa. Le forain décrocha les fléchettes et leur demanda s’ils voulaient continuer. Elie répondit négativement de la tête. Puis l’homme du stand déposa un petit sachet rempli de nougats sur le comptoir comme récompense, qu’il dit. Elie laissa son compagnon de jeu le récupérer puis croisa ses bras sur sa poitrine, plongeant son regard dans le sien. « Bon… Je crois que je ferai mieux d’y aller. C’était sympa ! » Elle attendait sa réaction. Elie était en pleine bataille intérieure. Elle n’était pas certaine de vouloir partir et se maudissait de toujours trouver du charme aux hommes « interdits ». Ne pouvait-elle pas trouver Nathan attirant ou d’autres hommes que des professeurs ? Bon sang, elle s’agaçait vraiment toute seule…
Comprenait-elle ou était-elle juste polie? J'avoue que je ne suis pas vraiment l'homme le plus facile à suivre. J'ai ma vision des choses et le pire est que je n'en démords pas. Ou alors il faut me forcer. Elle se défend de mes petites attaques taquines. Certes je parlais d'une fée pour ses yeux comme un compliment mais je savais aussi que cela ne la mettrait pas à l'aise. J'aime un peu jouer avec ses nerfs. J'avoue qu'elle a aussi le don de jouer avec les miens. Sans que je ne sache exactement pourquoi non plus. J'ai l'habitude d'être tantôt gentil tantôt acerbe avec l'australienne. Je me demande si elle l'a remarqué ou si elle pense juste que je suis mal luné comme professeur. Tellement mal luné que je me retrouve troublé devant ce geste anodin qu'elle fait. Elle a probablement voulu retenir la tasse ou m'empêcher de me brûler. Cela ne change rien au fait qu'elle m'a touché et que cela m'a perturbé. J'évite de prolonger ce moment délicat et la suit sans trop savoir pourquoi au stand de fléchettes. Je vise dans le mille et réalise que visualiser Constance en tant que cible est révélateur. "Merci!" Je suis vraiment content d'avoir atteint ma cible. Etonné mais content. Elle se lance aussi et rate. Je m'attendais à ce qu'elle essaie à nouveau, tente de se rattraper, s'acharne telle une jeune. Je m'apprêtais même à la guider un peu tout en sachant que c'était une démarche dangereuse mais elle me fait signe de prendre les nougats. Game Over Professeur Heathcliff. Je la regarde un instant sans répondre. Elle a raison, on devrait mettre un terme à cette entrevue inattendue. C'est avec regrets que j'opine de la tête. "C'était sympa oui. Veuillez ne pas penser que cela m'influencera en ce qui concerne vos résultats à mon cours." Mon ton est redevenu froid, distant. Je dépose les nougats dont je n'ai que faire sur le bord du stand de fléchettes avant de me retourner vers mon étudiante et de lui souhaiter une bonne fin de soirée. Je suis un tantinet frustré. Mais je n'avais rien à espérer de cette rencontre, c'était un simple moment avec une étudiante. Un moment qui m'a distrait un peu. Mais en vérité, je pense que ce qui m'agace c'est le rejet. Je m'éloigne du marché de Noël avec le visage de Constance en tête. Le sien et celui d'Elie. Je vois Elie rire aux éclats et je vois Constance se prendre une de mes fléchettes. Je secoue la tête en essayant de les chasser toutes deux de ma tête. Je ne dois pas laisser ce défaitisme s'emparer de moi.
Ce n’était pas désagréable ce temps passé avec lui. Elle s’amusait bien, le trouvait assez drôle, très intéressant, enfin elle passait un bon moment en somme. Pourtant, cette histoire de tasse l’avait troublée, c’est vrai il était charmant, mais il était avant tout son professeur et elle allait devoir l’affronter mardi matin dans sa salle de classe. Même salle où il n’hésitait jamais à la descendre devant les autres élèves ou au contraire à la féliciter grandement toujours devant ses camarades. Ce qui attisait des jalousies et sa curiosité à elle. Comment ne pas trouver ce genre de comportements bizarre ? Et surtout comment allait-il se comporter après ça ? Ces réflexions poussèrent Elie a écourter ce moment. Au fond, elle espérait presque qu’il la retienne, désignant les nougats d’un air nonchalant, attendant peut-être qu’il les lui tende. Mais elle n’était pas dans un de ces films de fille que l’on regarde cachée sous une couette, un pot de glace en main, un paquet de mouchoirs dans l’autre, comme un plaisir honteux. Son regard auparavant lumineux s’assombrit aussitôt, il la fixa quelques instants sans rien dire, était-ce de la déception, de l’agacement ? Elie n’aurait sut dire. Elle voyait en direct ces changements d’humeur qu’elle prenait parfois à la figure. Avait-elle dit quelque chose de déplaisant ? Il ne lui semblait pas, d’autant qu’il n’était pas prudent pour lui d’être vu avec une élève, elle en avait conscience. Aurait-elle dû continuer à s’amuser comme s’ils s’étaient donnés rendez-vous ? Il la faisait tourner en bourrique et si une poignée de minutes plus tôt cela était volontaire, elle n’était pas sûre qu’il s’en rende compte à ce moment là. Sa prise de paroles fini de l’achever. Son ton était redevenu froid, distant. Il posa le paquet de nougats sur le comptoir et dans un dernier regard lui souhaita une bonne soirée. Elle tenta un petit sourire et n’eut même pas le temps de lui retourner la politesse qu’il s’était déjà fondu dans la foule. Elie décontenancé resta bras branlants à le chercher du regard, se demandant si cela n’influerait pas au contraire ses résultats dans le mauvais sens... Elle finit par récupérer le paquet de friandises les glissant dans son sac en haussant les épaules face au regard interrogateur du commerçant. Un sourire amusé naquit sur son visage. Il était tout de même particulier. Elle avait pourtant dit qu’elle devait partir et il avait prit ses jambes à son cou la plantant là comme une idiote… Elle fit un tour sur elle-même, plus très sûre de ce qu’elle voulait faire, tant pis pour les guirlandes, elle ferait ça une autre fois. Esquivant la foule qui se dirigeait majoritairement vers le futur feu d’artifice, elle prit le chemin du retour, pour une soupe devant sa série du moment. Le sourire collé au visage en repensant à ce moment innatendu avec Gabriel...