You can't take back what you said, I know, I've heard it all before, at least a million times. I'm not one to forget, you know, I don't believe it. You left in peace, left me in pieces. Too hard to breathe, I'm on my knees now. I'm so sick of that same old love, that shit, it tears me up. I'm so sick of that same old love, my body's had enough Δ
« Dis-moi Heidi, je peux te demander un service s’il te plait ? » me demanda Kaecy en entrant dans mon bureau. « Bien entendu » « Est-ce que tu peux te rendre à l’université de Brisbane pour récupérer le nouveau chapitre d’un de nos auteurs : Matthew Higgs. Il est professeur de littérature là-bas. Ca lui économisera un timbre et ça nous évitera de devoir attendre que la poste nous dépose son enveloppe dans la boîte aux lettres. » ajouta-t-elle de son habituelle voix douce. « Pas de problème, je finis d’organiser tes rendez-vous et j’y vais. » Comme promis, quelques instants plus tard, j’appelais un taxi pour me rendre à l’université. Université à laquelle je n’avais jamais été mais que je connaissais relativement bien. Je me souvenais que lorsque j’étais en Terminale j’avais eu un petit ami qui y étudiait et nous avions passé pas mal de temps à flâner dans les couloirs de celle-ci. Après avoir repéré où se trouvait le département littérature, je me dirigeais vers là-bas en espérant croiser Monsieur Higgs rapidement.
Ce fut au détour d’un couloir que je le croisais. Voilà maintenant un an que je ne lui parlais plus, au départ simplement pour tenter de mettre le plus de distance entre la mort de mon frère et moi puis parce que je l’avais jugé coupable de haute trahison. J’avais fini par oublier qu’il enseignait ici la biologie maintenant (ou peut-être était-ce volontairement sorti de mon esprit). Soren. Un prénom peu commun pour un garçon peu commun que j’avais eu pour habitude de respecter et d’apprécier fut un temps. Mais les choses avaient changé. La mort de Matteo avait bouleversé mon existence entière. Je baissais alors les yeux, espérant qu’il ne me reconnaîtrait pas en me croisant alors que j’allais en direction du département des lettres. « Heidi ? » « Eh merde » jurais-je aussitôt en relevant le regard pour planter mes yeux sombres dans les siens. Je lui lançais alors un regard meurtrier que je pouvais être sûre et certaine de n’avoir jamais lancé à personne encore. « C’est pas le moment, j’ai un rendez-vous » lui répondis-je d’un ton glacial alors que je le toisais du regard. « Pourquoi tu me regardes comme ça ? » dit-il presque sur le ton de la plaisanterie. Je manquais de m’étouffer avec ma propre salive face à ce que je percevais comme un affront. « T’es sérieux là ? T’ose vraiment me poser cette question ? »
La situation était terriblement compliquée. Parce que je lui en voulais mais qu’une partie de moi voulait cesser de lui en vouloir. Soren et moi avions partagé beaucoup de moments ensemble, grâce à la grande complicité que j’avais toujours eu avec mon grand frère. Il était même devenu mon ami à moi aussi au cours de toutes ses années. Il avait même été un amant à l’occasion d’un soir où j’étais venue apaiser ma peur de perdre Matteo dans ses bras. Il m’était même arrivé plusieurs fois de repenser à cette nuit-là, même lorsque j’étais avec Dean. Pourtant aujourd’hui, tout ce que Soren m’inspirait était un profond mépris. Voilà un peu plus d’un an que je pleurais mon frère disparu, que je peinais à joindre les deux bouts et à trouver la force de me lever le matin alors que lui s’amusait gentiment avec l’ex-fiancée de mon frère. Soren vivait aujourd’hui la vie qu’aurait dû avoir Matteo. Il vivait sous le toit de la femme de la vie de mon frère, partageait son lit et ses nuits, comme si tout cela était parfaitement normal. Comme si Matteo n’avait jamais existé. Et c’était plus que ce que je ne pouvais en supporter. Si Soren comptait faire comme si Matteo n’avait jamais existé, je comptais bien me charger de le lui rappeler régulièrement.
« Heidi, allez… » tenta-t-il avant de s’interrompe. Sûrement avait-il perçu dans mon regard que s’il prononçait un mot de plus, sa joue ne tarderait pas à rentrer en collision forcée avec ma main. « Je t’interdis de me parler comme si j’étais une gamine ok ? Je t’interdis même de me parler tout court, t’as perdu ce droit le jour où t’as choisi d’oublier que Matteo avait existé. Tu me dégoutes. » lui crachais-je alors avec un mépris des plus total qui était en contradiction nette avec les yeux brillants (presque au bord des larmes) que j’avais à cet instant. Rejeter Soren de la sorte n’était pas non plus facile, parce que j’avais conscience d’être seule aujourd’hui, à l’exception de mon amie de toujours : Kaecy. Soren à l’instar d’Elio avait été durant toute mon enfance et mon adolescence une de mes références en matière d’homme : privée d’un père dès mes 5 ans, je n’avais en suite eu de cesse de m’entourer d’hommes pour tenter de combler ce vide. Ainsi je m’étais beaucoup attachée à Elio et à Soren, autant que ma relation avec Matteo en avait été renforcée.
« Tu passerais voir le match à la maison ce soir Soren ? » Il relève la tête en entendant son collègue, Matthew, lui parler. Il était perdu dans ses pensées mais tente de revenir à la réalité pour lui donner une réponse cohérente. Ce n'est pas une grande amitié qu'il y a entre les deux hommes, loin de là, Soren a perdu son véritable seul ami, si on peut dire, un an auparavant. Mais il est vrai qu'ils leur arrivent de temps à autres de se faire un match avec une pizza en guise de dîner, passer le temps avec d'autres personnes fait aussi parfois du bien. « Nan désolé, pas ce soir, on a prévu de passer une soirée tranquille avec Cléo, mais la prochaine fois je viendrai ! » Ils échangent deux ou trois banalités par la site avant que Matthew reparte en direction de son bureau. Soren finit par sortir du sien peu de temps après, voulant passer acheter des fleurs à Cléo. Il aime faire des petites attentions de la sorte aux personnes qui ont de l'importance pour lui. Ce n'est pas grand chose, et pourtant ça donne un sourire en moins de temps qu'il le faut pour en demander un. Sortant dans le couloir, une élève - qui le suit un peu trop à son goût, par moments -, vient le voir pour lui poser quelques questions auxquelles Soren sait qu'il a déjà répondu en cours. Mais enseigner étant sa passion première, ou peut-être secondaire après la musique, il ne peut s'empêcher de lui répondre tout de même. Jusqu'au moment où, relevant la tête, il la voit là, dans ce couloir. De suite, il reconnaît cette petite bouille malgré le temps qui a pu passer depuis la dernière fois qu'ils se sont vus. Après tout, il ne peut l'oublier, vu le temps qu'ils ont passé ensemble jusqu'à l'année dernière. Elle continue d'avancer dans sa direction comme si elle ne le voit pas, Soren congédie alors son élève rapidement avant qu'Heidi soit à sa hauteur. « Heidi ? » « Eh merde » C'est une réaction de sa part qui a le mérite d'être claire, même si Soren ne comprend pas pourquoi elle réagit aussi fortement alors qu'ils ne se sont pas vus depuis trop longtemps. Il écarquille rapidement les yeux lorsqu'elle vient planter son regard noir dans le sien. Lui qui se souvenait d'une Heidi douce et gentille, sa réaction le laisse perplexe. Il sait qu'elle ne s'est pas remise depuis la mort de Matteo, il n'a pas besoin de lui demander pour le savoir, personne ne s'est remis de cette nouvelle. Que ce soit Cléo, lui ou la famille Hellington. Mais de là à avoir complètement changé de comportement, il n'y pense pas. Il essaie donc de se remémorer les dernières fois où il a pu voir Heidi, pour savoir s'il a fait quelque-chose qui a pu la déranger, mais en vain. « C’est pas le moment, j’ai un rendez-vous » « Pourquoi tu me regardes comme ça ? » Il tente de prendre un ton plus léger pour destresser Heidi et l'atmosphère qui se forme autour d'eux. Il n'aime pas ça, lui qui a l'habitude, ou plutôt qui avait l'habitude, d'être naturel en présence d'Heidi, il ne sait sur quel pied danser en ce moment même. « T’es sérieux là ? T’ose vraiment me poser cette question ? » Les paroles vont de paire avec le regard. Froides. Non seulement, il ne s'attend pas à retrouver une Heidi de la sorte, surtout dans un moment aussi inopiné que celui là. Elle est devant lui, à l'université de Brisbane alors qu'elle devrait être à Adélaïde. Soren a souvent pensé au moment où il allait revoir Heidi. Mais il n'a jamais imaginé que ça se passerait comme ça. Et alors qu'avec n'importe quelle personne, il aurait répondu sur un ton sec comme son interlocuteur venait de le faire, il est trop confus face à Heidi, et même il ne se permettrait jamais de lui répondre aussi sèchement. Avec elle, il ne peut pas. Elle reste toujours cette femme un peu fragile qu'il a connu toute sa vie, et même si elle réagit de la sorte en ce moment, il sait que ce n'est pas elle, vraiment elle, qui voudrait réagir comme ça. Reste à savoir qu'est-ce que, au fond d'elle, fait qu'elle soit poussée à le faire. « Heidi, allez… » Il avance sa main en direction de l'épaule de la jeune femme, pour pouvoir lui faire un geste de réconfort, pour lui montrer qu'il est là, devant elle, pour de vrai, et qu'elle a le droit de ne pas être bien avec lui, qui ne lui en voudrait pas si c'était le cas. Mais à la vue du regard qu'elle lui jette une fois de plus, il finit par laisser tomber son bras contre son corps, s'interrompant et attendant que la bombe au sien de la jeune femme explose. C'est le mieux à faire pour le moment, et ça ne tarde pas à arriver qui plus est. « Je t’interdis de me parler comme si j’étais une gamine ok ? Je t’interdis même de me parler tout court, t’as perdu ce droit le jour où t’as choisi d’oublier que Matteo avait existé. Tu me dégoutes. » Il est scotché. Ces paroles sont arrivées pleines de rancoeur et sont allées droit au coeur de Soren. Frappé en plein coeur, il est, en ce moment même. Comment la vision d'Heidi à son propos a pu se dégrader de la sorte ? Pour qu'elle dise des choses pareilles ? Il reste là, bouche bée, à tenter de comprendre alors qu'il sait qu'il ne peut pas, que des éléments sont encore inconnus pour lui pour qu'il puisse comprendre ce que ressent Heidi en ce moment même. Et la voit s'énerver contre lui, les larmes aux yeux, ça n'arrange pas les choses, car Soren voudrait la prendre contre lui et lui dire que tout ira bien, sauf qu'il sait qu'elle va l'envoyer voir ailleurs s'il tente quoi que ce soit. Il laisse alors le silence s'installer, une minute, puis deux, puis il arrête d'essayer de savoir combien de temps ils sont restés comme ça comme deux idiots à se regarder, elle énervée, lui déboussolé. Il finit par se ressaisir tant bien que mal. Il le faut, ils ne peuvent pas rester comme ça indéfiniment. « Qu... Pourquoi tu dis ça, Heidi ? Comment tu peux dire que j'ai oublié Matteo ? » Sa voix tremble légèrement.
You can't take back what you said, I know, I've heard it all before, at least a million times. I'm not one to forget, you know, I don't believe it. You left in peace, left me in pieces. Too hard to breathe, I'm on my knees now. I'm so sick of that same old love, that shit, it tears me up. I'm so sick of that same old love, my body's had enough Δ
« Qu... Pourquoi tu dis ça, Heidi ? Comment tu peux dire que j'ai oublié Matteo ? » reprit alors Soren d’une voix presque tremblante en brisant d’un coup le silence pesant qui s’était installé entre nous deux. J’aurais largement eu le temps de partir, de laisser Soren, planté là comme un idiot au milieu de ce couloir plutôt que de le regarder en chien de faïence. Mais c’était plus fort que moi. Les sentiments contradictoires que j’éprouvais à l’égard de Soren m’empêchaient de couper court à la conversation. Mais c’était précisément ces sentiments contradictoires que j’éprouvais à son égard qui me poussaient à lui en vouloir d’autant plus que je n’aurai normalement dû lui en vouloir. Son air béat d’incompréhension m’horripilait et me donnait presque envie de le frapper. « Ne te fais pas plus bête que tu ne l’es » Mais à nouveau, Soren ne semblait pas comprendre de quoi je voulais bien parler. Je levais alors les yeux au ciel avec exaspération comme si le simple fait de me trouver en sa compagnie était un supplice. « Vraiment ? Tu ne vois vraiment pas de quoi je veux bien parler ? Allez voyons, Soren fait un effort, sinon c’est bien la preuve que vraiment t’as tout oublié de l’existence de Matteo. » Je tremblais tellement la colère bouillonnait en moi. Cette colère était en moi depuis tellement de mois qu’aujourd’hui, lorsqu’elle explosait elle semblait décuplée. La colère que je ressentais actuellement fonctionnait comme un aspirateur : elle phagocytait tous les autres sentiments que je pouvais bien ressentir. Au fond, je savais pertinemment que je venais de mettre le doigt sur un sujet sensible. Je savais très bien, à la voix tremblante de Soren, qu’il redoutait la réponse à la question qu’il venait de ma poser, justement parce qu’il la connaissait au fond de lui. Mais je n’étais pas prête à le laisser s’en tirer sans lui présenter la réalité telle que je la voyais : je voulais le forcer à se confronter à ses erreurs. « Tu n’as pas l’impression de vivre la vie qu’il aurait dû vivre lui ? » Et BIM ! Ca y était, je venais d’attaquer le cœur du problème de la pire façon qui soit. J’en aurai mis ma main à couper que cela allait blesser Soren, mais c’était comme si c’était ce que je cherchais : le blesser comme il m’avait blessé en agissant de la sorte. « Comment tu peux te regarder encore dans un miroir alors que tous les matins tu te réveilles dans son lit, à côté de celle qui aurait dû être sa femme, hum ? » J’étais d’autant plus remontée contre Soren que contre Cléo, parce qu’elle avait de véritables circonstances atténuantes : elle avait perdu l’homme de sa vie (du moins c’était ce qu’elle prétendait que Matteo était avant qu’il ne disparaisse) à l’aube de son mariage. Soren lui n’avait pas perdu l’amour de sa vie, le futur père de ses enfants, il avait certes perdu son meilleur ami mais selon moi cela ne justifiait pas qu’il profite de l’absence de mon frère pour lui piquer la vie qu’il aurait dû avoir. Il aurait pu se trouver n’importe quelle nana pour passer à autre chose, mais il avait fallu qu’il choisisse Cléo. J’étais tellement en colère contre lui que j’avais presque envie de vomir. « Je ne pensais pas que tu pouvais lui faire ça. Je ne pensais pas que tu pouvais me faire ça. » Parce que je lui en voulais surtout de m'obliger à le détester. Je devais me concentrer pour contrôler le tremblement dans ma voix, du coup mes yeux flirtaient avec le sol, où j’observais un coléoptère qui passait pas là, à mes pieds. Lorsque je relevais les yeux vers Soren, je remarquais aussitôt qu’il semblait particulièrement touché par mes propos que j’avais prononcé de façon volontairement blessante. Et face à son air dépité, presque au bord d’avoir les larmes aux coins des yeux, je me sentais fondre aussitôt : je me décomposais telle une patate douce. J’avais essayé de le blesser et ma méchanceté me revenait en pleine tronche tel un boomerang. J’avais cru être capable d’être cruelle avec Soren, sans en souffrir et sans le regretter mais j’avais tout faux. Voir Soren si mal me déstabilisait. J’avais tenté de lui glisser une quenelle, en le tournant en dérision pour lui exposer ses torts au visage, et je me révélais incapable de supporter sa réaction. Un nouveau silence de plomb s’installa entre nous deux alors que quelque part, depuis une salle non loin dans l’université, un air de hautbois me rappelant vaguement la chevauchée de Walkyries de Wagner retentissait dans le couloir. Silencieusement, les yeux presque remplis de larmes que je cherchais à retenir, je me rendais compte que le plus dur dans cette histoire c’était de me rendre compte que Soren n’avait rien du super héros que j’avais longtemps cru qu’il était : tel Iron Man, super héros adulé par les ménagères de moins de cinquante ans. Il n’était pas parfait, ni même aussi fort que ce que j’avais cru. Et je m’en rendais une fois de plus compte maintenant que je venais de lui lancer ces reproches à la catapulte, ne prenant pas les moindres pincettes pour lui expliquer ce que je pouvais bien ressentir. Et une petite voix, au fond de moi se chargeait de me rappeler pourquoi je lui en voulais autant : je n’arrivais pas à digérer le fait qu’il était allé trouver réconfort auprès de Cléo, pas uniquement parce que Cléo était la fiancée de mon frère, mais aussi parce que je ne pouvais m’empêcher d’être jalouse des sentiments que Soren semblait avoir toujours éprouvé à l’égard de la jeune femme.
« Ne te fais pas plus bête que tu ne l’es » Elle est donc réellement en colère, plus en colère qu'elle ne l'a jamais été envers lui. Soren ne peut s'empêcher d'avoir une expression d'incompréhension sur le visage lorsqu'elle lui sort ces paroles. Après tout, oui, il sait très bien de quoi elle veut parler. Mais il a toujours du mal à l'admettre. Oui, il s'en veut. Oui, il sait que dans le fond, il a merdé grave. Mais il ne peut pas s'empêcher de vivre, the show must go on, comme on dit. « Vraiment ? Tu ne vois vraiment pas de quoi je veux bien parler ? Allez voyons, Soren fait un effort, sinon c’est bien la preuve que vraiment t’as tout oublié de l’existence de Matteo. Tu n’as pas l’impression de vivre la vie qu’il aurait dû vivre lui ? » « Arrête, Heidi, s'il te plait... » Les émotions que Soren tente de contrôler à chaque instant au quotidien font refont toutes surface d'un coup. Comme un coup de poing qu'on aurait pu lui donner, violent et efficace. Au moins, il sait maintenant clairement ce qu'elle lui reproche, et il ne peut lui en vouloir. Combien de personnes pouvaient penser ça de lui aujourd'hui ? Combien de personnes pouvaient se dire, lorsqu'ils les voient, Cleo et lui se promenant au parc ? Ou aller au restaurant en tête à tête ? Cependant, les autres gens, il ne les connait pas personnellement. Heidi, c'est différent et entendre ça d'elle lui fait deux fois plus mal. Il détourne alors son regard de la jeune femme, sinon il sent qu'il va être encore plus à deux doigts de pleurer comme une fillette en plein milieu du couloir de l'université où il enseigne. Ce serait fâcheux comme situation. Surtout que Heidi semble de ne pas avoir fini de déverser sa colère sur Soren, et elle reprend la parole de nouveau, des paroles qui ne laissent pas le jeune homme dans un meilleur état. « Comment tu peux te regarder encore dans un miroir alors que tous les matins tu te réveilles dans son lit, à côté de celle qui aurait dû être sa femme, hum ? Je ne pensais pas que tu pouvais lui faire ça. Je ne pensais pas que tu pouvais me faire ça. » Il regarde maintenant au dessus d'Heidi, le regard vague cependant, tentant d'intégrer correctement les paroles d'Heidi sans que l'émotion ne le submerge de trop. Il est cloué, scotché, dépité par les paroles qu'elle peut lui sortir. La gentille Heidi a donc définitivement disparue, apparemment. Cependant, Soren est toujours le même homme qu'avant, que quand Matteo était toujours là, et il ne peut s'empêcher de se dire qu'il mérite en quelques sortes qu'elle soit en colère contre lui. Il a toujours été proche d'elle, toujours été là quand elle en avait eu besoin. Et maintenant que son frère n'est plus là, il passe du bon temps avec sa fiancée à lui, ne se préoccupant presque que de son bien et de celui de Cami. Mais a t-il réellement eu le choix ? Allait-il refouler ses sentiments, qui ont toujours été forts à l'égare de Cleo, et faire comme s'il n'avait pas été touché par sa situation ? Est-ce qu'il aurait vraiment laissé celle qu'il avait toujours considéré comme une meilleure amie seule dans ses épreuves. Non, il n'aurait pas pu. C'est d'ailleurs pour toutes ces raisons là qu'aujourd'hui parfois il arrive à ne pas s'en vouloir. Il a fait ce que son coeur lui dictait, c'était tout. Alors, après de nouvelles minutes de silence où il a repris plus ou moins sur lui, il descend de nouveau son regard vers Heidi. Sa voix reste tremblante et douce lorsqu'il lui parle, malgré toutes les vacheries qu'elle vient de lui dire. « Et toi, Heidi... Que t'ai-je fait pour que tu sois comme ça avec moi ? Je sais que je n'ai pas fait les meilleurs choix, mais si tu te mets à ma place, juste un instant... Je sais que tu peux comprendre, Heidi. Je sais que... Tu as souffert aussi, mais Cleo aussi. J'ai souffert aussi, tu sais. Je n'ai pas oublié Matteo, loin de là, jamais je pourrai l'oublier. Mais Cleo... Tu sais très bien que pour elle, ce n'est pas nouveau, moi. Et elle était là... J'avais juste envie de faire des choses bien pour elle, c'est tout... » Il ne sait pas pourquoi il se met à parler autant à coeur ouvert tout à coup. Lui qui n'aime pas généralement se confier, là il fait une grosse entorse à la règle. Mais Heidi a remué un sacré couteau dans la plaie toujours ouverte, elle l'a mis à fleur de peau, alors il ne peut s'empêcher de se laisser aller, pour une fois. Avec Cleo, il doit être forte pour qu'elle puisse le rester elle. Ils doivent être forts pour Cami. Mais avec Heidi, doit-il vraiment l'être ? Elle est peut-être la seule autre personne vivante qui le connait aussi bien, car il a presque rejeté toutes les autres lui aussi après la mort de Matteo. Tout ce qui l'importait à l'époque c'était le bonheur de Cleo, sa grossesse. C'était tout. Mais maintenant qu'il se retrouve face à Heidi, il comprend lui aussi qu'il a merdé en laissant tout ce beau monde à la porte. Alors oui, elle est en colère contre lui, mais il ne l'est pas contre elle, alors il ne changera pas son comportement envers elle aujourd'hui. Il baisse finalement le regard lorsqu'il a compris qu'il a trop parlé pour le moment, se contentant de regarder le sol à présent. « Je comprends que tu m'en veuilles, maintenant s'il te plait comprends moi aussi... Essaie tout du moins.... Je vais partir là, vu que tu sembles déterminée à me détester pour le reste de la journée. C'est con, ça aurait été bien de pouvoir parler à quelqu'un, réellement... Passes une bonne journée ma belle. » Alors, sans lever le regard de nouveau vers Heidi, Soren commence à marcher en direction de l'opposé du couloir, mettant assez rapidement de la distance entre Heidi et lui. Il est vraiment déçu de cette rencontre, il en aurait attendu plus s'il avait su la voir aujourd'hui. Mais parfois, les choses ne sont pas comme on les attend, il en sait une rangée sur cette foutue loi de Murphy. Il soupire alors qu'il arrive à l'embranchement d'un autre couloir, espérant qu'Heidi retrouve rapidement ses esprits.
You can't take back what you said, I know, I've heard it all before, at least a million times. I'm not one to forget, you know, I don't believe it. You left in peace, left me in pieces. Too hard to breathe, I'm on my knees now. I'm so sick of that same old love, that shit, it tears me up. I'm so sick of that same old love, my body's had enough Δ
J’entendais au fond de moi, une petite voix qui me poussait à me calmer, à respirer un grand coup avant de déverser tout mon venin sur Soren. Après tout, je n’avais jamais laissé ni à Soren ni à Cléo le temps de s’expliquer, de se justifier, je leur avais interdit toute présomption d’innocence, partant directement du principe qu’ils étaient en tort et que par conséquent, je n’avais aucun intérêt à écouter ce qu’ils pourraient bien me raconter. Au fond, tout au fond de moi, je savais certainement que si je leur avais laissé le bénéfice du doute, peut-être aurais-je pu comprendre ce qui avait pu les pousser à agir de la sorte. Mais je n’étais pas prête, pas prête à les écouter se justifier, se mettre en position de victimes. C’était moi, la victime dans l’histoire, c’était moi qui me retrouvait seule au monde : Cléo avait Soren, Elio avait Kaecy. J’avais renoncé à la seule personne au monde qui aurait pu me suivre partout, quand bien même j’aurai eu totalement tort : Dean. J’étais seule au monde, avec seul mon chagrin pour me tenir compagnie et je n’étais pas prête à accorder le droit à Soren et Cléo de souffrir autant que moi de la perte de mon frère, d’une part de moi-même. Voilà plus d’un an que je tâchais de vivre sans une partie de moi-même, depuis que Matteo n’était plus de ce monde, je n’avais jamais réussi à me reconstruire totalement, c’était comme si une part de moi était morte avec lui ce jour-là. Alors aujourd’hui, que je regardais Soren me regarder avec ses yeux de chien battu, comme s’il était réellement affecté par mes propos cruels, j’avais envie de le frapper. Je me sentais bouillonner de rage, mes mains tremblaient et je devais serrer les poings pour les contrôler. J’étais d’ailleurs à peu près certaine qu’à cet instant même mes yeux lançaient des éclairs et que Soren aurait pu trépasser d’un seul coup d’œil : je le voyais qui peinait à soutenir mon regard dur. « Arrête, Heidi, s'il te plait... » Aaaah ! C’était dur pour lui ? Bien fait pour lui, ça lui ferait les pieds. Parce que c’était exactement comme je me sentais depuis la disparition de mon frère : misérable. A quoi s’attendait-il ? Que je lui tombe dans les bras comme une imbécile ? Que je fonde face à son air triste et sa détresse apparente ? Mais pour qui me prenait-il au juste ? Il ne m’en fallait pas plus pour repartir de plus belle. Ce n’était pas très fair-play, on n’attaquait pas quelqu’un qui était déjà au tapis, mais pour le coup je me fichais bien d’agir de façon sportive ou non. Tout ce que je voulais, c’était cesser d’avoir mal comme j’avais mal en ce moment. Peut-être que déverser tout mon mal-être sur Soren, qui au fond n’y pouvait rien, m’aiderait à aller mieux. Peut-être que si je lui faisais mal comme moi j’avais mal cela m’aiderait à passer le cap ? J’en doutais, au fond de moi, mais je ne parvenais pas à penser autrement. Je me sentais coincée, acculée sans aucune issue favorable, et j’agissais selon mes instincts les plus primaires. Peu importait qui j’esquintais sur mon chemin pourvu que je parvienne à ne pas sombrer.
« Et toi, Heidi... Que t'ai-je fait pour que tu sois comme ça avec moi ? Je sais que je n'ai pas fait les meilleurs choix, mais si tu te mets à ma place, juste un instant... Je sais que tu peux comprendre, Heidi. Je sais que... Tu as souffert aussi, mais Cleo aussi. J'ai souffert aussi, tu sais. Je n'ai pas oublié Matteo, loin de là, jamais je pourrai l'oublier. Mais Cleo... Tu sais très bien que pour elle, ce n'est pas nouveau, moi. Et elle était là... J'avais juste envie de faire des choses bien pour elle, c'est tout... » Je m’étais tue un instant, pour reprendre mon souffle et tenter de me calmer, nous étions dans un lieu public et bien que j’étais littéralement folle de rage contre lui, je ne pouvais pas me donner en spectacle, ni le ridiculiser totalement sur son lieu de travail. Il avait alors saisi cette occasion pour tenter de parler, de se justifier. Et si au final ses arguments étaient valables, je n’en attendais pas raison pour autant. Au contraire, il semblait que les paroles de Soren m’énervaient encore plus contre lui. Etait-ce de la jalousie qui me faisait crisper la mâchoire en entendant ce que j’avais toujours su au fond de moi ? Il était assez difficile de mettre un mot sur ce que je ressentais. Mais oui, c’était évident, ça avait toujours été évident. D’aussi loin que je pouvais me le rappeler Soren avait toujours regardé Cléo d’une façon dont il ne regardait aucune autre fille, même pas moi, même quand elle était avec Matteo. C’était quelque chose qu’on avait tous toujours su, sans jamais le dire tout haut. Je restais persuadée au fond, que même une part de Matteo savait bien que Cléo ne laissait pas Soren indifférent, mais pour préserver leur amitié, il était évident que Matteo avait décidé de fermer les yeux. J’étais certaine que Cléo savait très bien l’effet qu’elle avait sur le meilleur ami de mon frère. Ca ne m’avait pas échappé, même si j’avais tout fait pour l’oublier. Mais sans savoir d’où cela me prenait, ça me mettait en colère que Soren m’avoue qu’il avait toujours craqué pour Cléo. Il n’y avait pourtant jamais eu de compétition entre Cléo et moi. Elle était avec Matteo et Soren et moi n’avions jamais rien entreprit tous les deux, si l’on omettait cette nuit-là où nous avions couché ensemble. Alors pourquoi diable ne parvenais-je pas à desserrer la mâchoire ?
« Je comprends que tu m'en veuilles, maintenant s'il te plait comprends moi aussi... Essaie tout du moins.... Je vais partir là, vu que tu sembles déterminée à me détester pour le reste de la journée. C'est con, ça aurait été bien de pouvoir parler à quelqu'un, réellement... Passes une bonne journée ma belle. » J’étais restée là, à le fixer de mes yeux noisette sans parvenir à articuler le moindre mot. Que pouvais-je bien dire ? Je n’allais tout de même pas le laisser croire que je pouvais être jalouse de l’attention qu’il partait à Cléo. Je n’étais même pas sûre d’être réellement jalouse de ça. Tout ce que je savais c’était qu’il y avait dans mon cœur, un poids que je ne parvenais pas à faire disparaître. J’écoutais un instant Soren, sans réagir non plus. Je le regardais s’éloigner sans un regard pour moi. Soudainement, je me mettais à lui courir après. « Soren attends ! » J’attrapais sa main, in extremis, en me plantant devant lui. Je restais un instant sans rien dire, à le regarder. Puis comme si je reprenais mes esprits, je lâchais sa main. Je mordillais ma lèvre inférieure, nerveusement, vieux toc que je me trimballais depuis des années maintenant, à la recherche de ce que je voulais lui dire. « Ecoute, ce n’est pas parce que je suis littéralement furieuse contre toi, que tu ne comptes plus, que tout ce qu’on a vécu ne vaut plus rien. Je… J’ai besoin de temps. » Mes yeux n’avaient pas quitté les siens du regard, et doucement, j’avais fait un pas pour me rapprocher de lui. Je m’étais mise sur la pointe de mes pieds, posant un instant une main sur son torse alors que je venais embrasser sa joue, juste à la commissure de ses lèvres, avant de m’éloigner à mon tour, dans la direction opposée. Je savais que je n’étais pas prête à affronter tous mes démons intérieurs, toutes mes relations passées, toutes ses personnes si étroitement liées à Matteo. C’était bien plus que ce que mon petit cœur était prêt à supporter pour le moment.