Les danseurs étaient dans la place. Raffaele détestait de plus en plus ce job. Et pourtant il était assez gratifiant de se voir comme une friandise sur laquelle les femmes bavaient. Les hommes ne pensaient pas comme elles. Ils aimaient se savoir désirés. Mais il manquait le côté intime des préludes. Raff avait toujours adoré danser. Mais maintenant, alors qu'il se trémoussait devant une jeune rousse qui cherchait désespérément de l'argent dans son sac pour l'enfiler dans son pantalon, il se demandait si tout cela avait bel et bien un sens. Lorsque les lumières reprirent leur couleur normale, lorsque tous se joignirent aux professionnels pour danser sur la piste, il se sentit respirer à nouveau. Il était danseur dans un bar branché où les clientes n'avaient pas le droit de le toucher. Ce soir, cet enterrement de vie de jeune fille, c'était une faveur qu'il faisait à un pote danseur qui ne supportait pas l'idée qu'un autre mec vienne s'exhiber devant sa fiancée. Il avait accepté à contre-coeur et contre une grosse somme d'argent. C'est pourquoi le soulagement était grand de voir son job arriver à sa fin.
Bien qu'ayant désormais officiellement le droit de partir, Raff savait qu'il serait malpoli de déserter trop rapidement. Il devait rester et faire la causette aux demoiselles présentes qui souriaient toutes à s'en arracher les dents. Certaines étaient même jolies et ça n'était pas pour lui déplaire. Ce qui lui déplaisait c'était qu'il avait promis à Amy, une des amies de la future mariée, de rester pour la raccompagner. Amy vivant dans une quartier mal fâmé, il était plutôt conseillé d'avoir un mec musclé à ses côtés pour la ramener chez elle en plein milieu de nuit. Seulement la jeune femme était très occupée à parler préparatifs baptême ou autres foutaises inintéressantes et Raffaele s'ennuyait gravement. Regardant autour de lui, il repéra une serveuse qui semblait s'ennuyer autant que lui et prit sa direction. "Où sont cachées les bouteilles de vodka?" Elle semblait tenter de résister à la tentation de lui montrer l'antre de la soirée mais finalement capitula. Il prit une bouteille au hasard parmi les cadeaux qui avaient été amenés à la mariée et se décida à sortir dehors pour boire seul, le temps que les minutes passent. Une fois dehors, la triste réalité s'imposa à lui, une cohorte de filles en délire papotait joyeusement et commença à glousser en le voyant arriver. Il fit demi-tour rapidement et retourna à l'intérieur, cherchant à vite les semer. Une sorte de petit range-tout se cachait près du bar, une pièce d'entrepôt assez serrée qui pourrait lui faire office de refuge s'il manoeuvrait assez vite. Il passa près de la serveuse qui contemplait un mur avec des autographes en tout genre et dans un geste spontané, lui attrapa la main pour l'entraîner avec lui dans le débarras. La pièce était tellement petite qu'ils furent instantanément collé l'un à l'autre. Il ferma la porte derrière eux et soupira en agitant la bouteille devant elle :"Il est deux heures du matin, ton service est fini! T'as envie d'une petite goutte?" Il se laissa tomber au sol pour s'adosser au mur en position assise. "Décontracte-toi, je ne te ferai rien. C'était un enfer pour toi aussi là-bas, je l'ai vu dans tes yeux. Et j'avais besoin de compagnie. . . Enfin de compagnie décente." ajouta-t-il en buvant une gorgée de l'alcool amer avant de pointer son menton vers les délurées restées dans la pièce principale.
Appuyée contre un mur, Elie se demandait de plus en plus si elle ne ferait pas mieux d’écouter Alice, lui donner raison ferait bien trop mal à son ego, mais reprendre les études dans l’optique de trouver un job moins… Plus… Enfin un métier quoi, peut-être était-ce le mieux à faire. La soirée n’était pas déplaisante en soi. Surtout pas à ce moment même où de beaux danseurs en tenue légère faisaient leur show. Cela laissait à Elie un moment de répit. Les furies invitées à la fête se déchaînaient face aux messieurs, hurlant, sautant, bavant aussi, elle en était sûre. C’était sa sœur qui l’avait mise sur cet événement, sûrement pour se débarrasser d’elle le temps de la soirée, elle faisait ça souvent, n’appréciant pas de l’avoir dans les pattes. Elle n’allait pas se plaindre, les soirées du genre étaient souvent mieux payées. Mais quitte à choisir, la jolie brune aurait préféré s’amuser aussi et pas proposer des coupes de champagne à la future mariée et ses amies. En réalité, Elie avait fini son service depuis plusieurs minutes, mais elle avait pour obligation de rester jusqu’à la fin, pour ranger le bar. Même si cela voulait dire se fondre dans la tapisserie jusqu’à six heures du matin. L’horreur personnifiée. Un changement de musique lui indiqua que l’heure de gloire des beaux apollons prenait fin. L’ambiance redevint bonne enfant et les fêtardes se mirent à danser entre elles, de grands éclats de rire accompagnant leurs discussion. La plupart avait à peine deux ou trois ans de plus qu’elle et Elie songeuse, se demandait si sa vie serait pareille à leur âge. Elle en doutait fort, jamais sa vie n’avait ressemblé à une autre, pourquoi maintenant ? Elle poussa un long soupir de fatigue, d’exaspération et d’ennui lorsqu’un des danseurs s’approcha d’elle. Il cherchait à savoir où se trouvaient les bouteilles. Le front de la demoiselle se fronça, elle ne pouvait pas lui dire. Mais après tout, personne ne se rendrait compte de cette petite disparition et puis vu le nombre indécent de cadeau que la future mariée avait reçue, ce n’était pas un de moins qui changerait la donne. Elle lui désigna la petite porte donnant sur le bar et la poussa du bout des doigts avant de le regarder partir. Elie se mit en quête de quelque chose, n’importe quoi pour s’occuper. Un mur où les filles avaient écrit des petits mots attira son attention. Elle se mit à lire ces niaiseries de manière distraite. Une jeune femme lui accrocha le bras pour lui demander un verre. « Sur le bar, moi j’ai fini. » Bon sang, ce que ça pouvait l’agacer… Elle sentit une main agripper la sienne et commença à s’énerver, parce que mince alors, elles pouvaient se servir toutes seules non ? Sauf qu’elle se retrouva dans un débarras, celui où elle avait rangé son sac, seulement éclairé par une ampoule nue au plafond et collée au danseur à la bouteille. Surprise, Elie s’était figée, le regardant fixement. Elle n’avait pas l’intention de passer à la casserole ce soir, pas avec cet inconnu certes très mignon et surtout pas ici au milieu des balais… Elle le regarda s’asseoir d’un air si décontracté que s’en était agaçant. Mais il la rassura et à vrai dire, elle s’ennuyait tellement qu’elle n’était pas contre ce moment de détente d’autant que la compagnie était loin d’être mauvaise. Elle s’assit en position tailleur face de lui, la pièce étant si étroite qu’elle dut faire passer ses jambes sous celles du jeune homme, une position assez bizarre à partager avec quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Elle attrapa la bouteille, buvant à même le goulot et en grimaçant elle prit enfin la parole. « Elie. Tu fais souvent ça aux soirées où tu bosses ? » Elle lui tendit la main. Puis un rire amusé lui échappa. « Puis qu’est-ce qui te dis que je suis de compagnie décente ? » Elle avait mal aux pieds dans ces talons de travail et mourait d’envie de les enlever, mais ne voulait pas asphyxier le beau blonde, c’eût été dommage ! Elle attrapa son paquet de cigarette dans son sac juste au dessus de la tête de son "kidnappeur" et lui en proposa une.
Raffaele regardait autour de lui dans le petit débarras, cherchant s'il pourrait trouver quelque chose pour rendre leur confinement plus intéressant. Certes, il voulait échapper aux gazelles désespérées de l'autre côté de la porte mais s'il pouvait tuer le temps c'eut été une bonne idée aussi. La jeune demoiselle à ses côtés ne semblait pas trop s'offusquer de s'être ainsi faite embarquer dans cet huis-clos sans issue. Il trouva une petite ampoule que l'on allumait en tirant sur une cordelette et en jouant avec, laissa la lumière les éclairer faiblement avant de tirer à nouveau dessus pour les plonger dans la pénombre. Il répéta le geste deux ou trois fois avant de sonder sa partenaire d'infortune. "Ouais, t'as raison, on est mieux dans le noir." Il sourit faiblement, heureux de pouvoir être narquois en la compagnie de quelqu'un. Elle se décida à lui adresser la parole et lui tendit la main pour faire une sorte de pacte-connaissance. Il saisit fermement cette petite main féminine et la serra avant de répondre avec un sérieux qui dénotait gravement avec leur situation "Raffaele. Non, d'habitude je me contente d'étriper les chastes petites filles, je ne les enferme pas pour boire un coup avec moi avant." Il l'entendit rire d'un éclat de voix assez intéressant et relâcha sa main tandis qu'elle portait la bouteille à ses lèvres. Il la dévisagea alors qu'elle semblait le provoquer. "La soirée devient soudain très intéressante Elie. Es-tu..." il cherchait les mots dans cette langue qui n'était pas la sienne "indécente?" Raffaele avait une manière de draguer très à part. Il aimait jouer avec le feu mais il pouvait tout aussi bien sauter quelques étapes parfois. Quel que soit le procédé, il finissait toujours à un moment où à un autre par montrer ses dents, des dents de carnassier. Il prit le paquet de cigarettes de la jeune femme et le fit tourner entre ses doigts avant de dire sur un ton très calme "Quand tu as dit que tu n'étais pas forcément de bonne compagnie, je m'attendais à quelque chose de plus envoûtant qu'une simple fumeuse." Il sortit une clope du paquet et l'alluma avec celle déjà aux lèvres d'Elie. Il ne fumait pas, d'habitude en tout cas. Mais il avait ce don de s'adapter aux situations, de faire ce qui lui semblait requis pour tirer avantage de n'importe quelle circonstance. La cigarette qui pendouillait à ses lèvres laissait de la fumer s'échapper et il réalisa qu'ils allaient s'asphyxier s'ils fumaient dans ce petit endroit déjà trop peu fourni en oxygène. Il prit la cigarette d'Elie sans lui demander la permission, la joignit à la sienne et ensuite les écrasa sous sa jambe qui appuyait sur celles de la jeune australienne. "Si on veut se priver d'oxygène, j'ai une bonne dizaine de méthodes plus intéressantes que l'asphyxie à expérimenter." dit-il en caressant son bras de son coude comme si c'était involontaire. Plongeant son regard dans les yeux de la demoiselle qui n'étaient qu'à quelques centimètres de lui, il continua la conversation plus en avant "Et donc... que fait une fille comme toi dans un débarras avec un danseur à moitié nu? Des recherches pour des cours peut-être? Tu es étudiante?" Il commençait enfin à savoir comment il allait s'orienter pour arriver à ses fins. Le jeu ne prenait un sens que lorsqu'il en trouvait la trame. Il aimait être le chasseur et chasser sa proie était toujours un plaisir. Un plaisir qu'il prenait le temps de savourer. Elle lui avait offert une opportunité, une piste elle-même, pourquoi l'aurait-il refusée?
Ainsi plongés dans la pénombre, Elie se sentait prise au piège et pourtant elle n’était pas sûre que cela lui déplaise. Un sourire amusé avait prit place sur son visage. Il était italien ce qui expliquait mieux le pourquoi du comment. A ce stade là, cette déduction n’était construite qu’à base de clichés venus de la bouche de sa sœur. Les italiens, ces grands dragueurs… Un frisson parcourut son échine lorsqu’il parla d’étriper les petites filles. Pour autant, elle préféra en rire, s’il disait vrai, elle voulait mourir sans avoir trop conscience que cela arrivait. Et puis elle chassa ces idées débiles de sa tête, il n’allait pas la tuer. Il faisait de l’humour, ce qu’elle pouvait s’agacer parfois. Elle le regarda chercher ses mots et ouvrit grand ces deux billes bleus se rendant compte que ses mots pouvaient être pris de manière complètement différente de ce qu’elle entendait alors. Encore une fois Elie la gaffeuse avait frappée. Combien de fois pouvait-elle se mettre dans des situations embarrassantes de la sorte ? Et puis Raffaele ne semblait pas perturbé le moins de monde par ses paroles, au contraire il avait l’air de s’en amuser, d’en jouer. Elle sourit, gênée, mais ne répondit pas à sa question. Elie n’était clairement pas habituée à ce genre de situation. Il lui arrivait de se faire draguer, mais généralement, elle passait tellement à côté que le gars en question finissait souvent par lâcher l’affaire. A l’instant présent il n’y avait guère de place pour le doute, l’homme en face d’elle s’était transformé en fauve en quête de sa proie. Mais la jolie brune qui sentait pourtant que l’ambiance changeait légèrement n’en avait pas vraiment conscience. Au fond Alice n’avait pas tord de hurler face à l’innocence de sa cadette. Le regardant écraser sa cigarette d’un œil peu ravi, elle se demanda ce qu’il lui voulait. Toutes les jeunes femmes à l’extérieur tuerait pour être à sa place à l’instant, alors pourquoi l’avait-il entraîné là ? Elle sentit le coude du jeune homme la frôler et se demanda si cela était volontaire ou non. Après tout, dans si peu d’espace, difficile d’échapper au contact physique. Il était tout près d’elle à présent. Le rouge lui monta aux joues, merci la peau translucide, lorsqu’il posa sa dernière question. Elle le fixa quelques instants, avant de lui reprendre la bouteille des mains. Inconsciemment, elle plongeait tout droit dans son piège, portée par le plaisir de se faire séduire par un aussi beau garçon. Après quelques gorgées, elle reposa la bouteille et du bout des doigts remonta du milieu du torse dénudé de son acolyte jusqu’à la base du cou avant de caresser brièvement sa joue. « Mais oui bien sûr étudiante en anatomie et à chaque soirée je fais semblant de m’ennuyer pour que de beaux garçons m’embarquent dans des placards... » Son visage était tout proche du sien à présent. Le regard vif et surtout le coeur battant à la chamade. Une excitation toute nouvelle naissait en elle, celle d’un jeu dangereux dont elle ne connaissait même pas les règles. Elie ne se retrouvait pas dans cette manière d’agir, était-ce l’alcool qui lui montait déjà à la tête ou simplement le fait d’être là, à l’abri des regards, elle se surprenait par ses actes. Malgré tout, bien que nerveuse face à la suite des événements, elle s’amusait bien. Elle se recula brusquement et reprit un ton normal, laissant de côté la voix douce et sensuelle qu’elle expérimentait encore deux secondes auparavant. « Non, tu vois je suis serveuse. Hyper passionnant ! » Son ton était ironique bien évidement. « Et toi ? Stripteaser, donc ? »
Jouer avec les coeurs ce n'était pas tant une passion, c'était plus une conséquence immédiate de ses actes. Il avait tendance à oublier que derrière chaque paire de cuisses qu'il écartait, se trouvait une âme certainement aussi humaine que la sienne. Un coeur qui souffrait de rejets, de malheurs, de tas de choses communes. Des coeurs brisés, il n'en était pas le plus inconséquent. Certes, il avait beaucoup souffert à cause d'une jolie blonde. Mais depuis, il avait quelque peu réussi à surmonter cela. Et il ne cherchait pas à s'en cacher. Chaque femme qu'il séduisait était une peste qu'il punissait. Une représentation de l'Elena infidèle, de la vilaine qui n'avait pu se tenir sagement et se laisser aimer de lui tout simplement. Alors il en aimait d'autres. Pour un soir du moins. Mais il les aimait comme un homme aime une femme: avec force et fureur. Pour ainsi panser les blessures de son coeur. Avant Elena il couchait avec des tonnes de demoiselles pour combler sa solitude. Maintenant c'était pour oublier qu'il n'avait pas toujours senti ce vide en lui. Il était à Brisbane parce qu'il avait trouvé l'espace de quelques mois, une fille qui lui avait fait croire qu'il pouvait se remettre de ses maux. Mais elle aussi elle l'avait délaissé pour un autre. Un autre qui aujourd'hui se permettait de lui mettre son poing dans la figure et de lui interdire de revoir Kaecy. Bref, Raffaele n'était pas un doux agneau. Il était le loup et ce soir, sans le savoir, il avait ramené une brebis dans son antre. Ou peut-être plutôt une gazelle au vu de l'allure de la demoiselle. Peu importait au final vu qu'elle risquait d'être sacrifiée pour apaiser ses démons.
La toisant et sondant son âme au travers de ses yeux bleus, il l'interrogeait plus en avant sur ses activités et sur ses intentions en même temps. Pleine de répondant, l'indécente créature qui n'avait pas daigné répondre à son appellation, posait les doigts sur le torse du jeune homme tout en remontant de manière très provocatrice jusqu'à son cou. "C'est intéressant tout ça." dit-il en ravalant sa salive, décidé à la laisser jouer avec son anatomie autant qu'elle le souhaiterait. Il sentait qu'elle le menait en bateau mais en même temps, il avait posé la question à cet escient même: pour lui tendre une perche de ce style. Seulement elle ne semblait pas suffisamment confiante car elle arrêta le jeu brusquement, s'éloignant de lui alors que c'était ridiculement impossible vu la taille de la pièce. Raffaele sourit en réalisant que l'agneau sentait venir l'heure du sacrifice et qu'il commençait à douter de ses résolutions. Esquissant un sourire mauvais "Ce soir j'ai été stripteaseur pour dépanner un pote qui ne voulait pas qu'un inconnu danse devant sa fiancée. Mais ne parlons pas de ce que je suis. Là maintenant, je ne suis plus Raff' le danseur, je suis..." Il réfléchit un moment pour trouver quelque chose. Il avait prévu de se prétendre étudiant en médecine mais elle l'avait devancé. "...je suis un riche explorateur venu à Brisbane revendre des diamants sur le marché noir. Et là ce soir, je suis enfermé dans une pièce obscure avec la fille d'un membre de la mafia, une jeune étudiante en anatomie. Je pense qu'elle est ici avec moi pour essayer de me soutirer des informations pour son père. Quoiqu'il en soit, nous allons bientôt être traînés par les pieds en dehors de cette pièce et être interrogés sur nos actes." Elle l'écoutait attentivement, semblant aussi se moquer légèrement de lui et de ses idées saugrenues. Voyait-elle où il cherchait à l'emmener avec ce jeu de rôle? Penchant le visage légèrement il lui demanda "Puis-je te dire un secret avant qu'on ne nous sorte d'ici?" Il pencha le visage davantage, caressant son oreille de ses lèvres avant de murmurer "Il n'y a pas de secret, je cherchais juste un moyen de me rapprocher de ton cou." Lentement il caressa la gorge de la jeune femme avec ses lèvres, sans l'embrasser, la caressant juste.
Elie ne se reconnaissait pas. Qu’était-elle en train de faire ? Elle, qui n’avait jamais eu de relation, pas même physique, en train de fricoter avec un inconnu dans un placard à balai ? Rien que ça était trop gros pour que quiconque la connaissant puisse y croire. Et pourtant, elle était là, collée à ce mec à moitié nu. La honte commençait à crier dans une partie encore assez éloignée de son cerveau ; l’adrénaline qui s’était emparée d’elle redescendait peu à peu alors qu’elle prenait conscience de ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle n’était clairement pas prête et surtout contre que sa première fois se passe avec un inconnu. Pourtant, l’idée de le faire une bonne fois pour toute, même avec le premier venu lui était déjà passé par la tête. Elle avait vingt-cinq ans et elle se doutait que l’homme de ses rêves, celui à qui elle pensait depuis trop longtemps déjà avait déjà eu plusieurs relations. Marius. Pensait-il au moins encore à elle ? Elle en doutait tellement, l’imaginant dans des draps humides avec une belle créature à côté, leur petite fille dormant à poings fermés dans la pièce voisine. Cette idée lui donnait des maux de ventre. Aussi, lorsqu’il recommença ce petit jeu, elle décida de s’y prendre et puis rien ne l’empêcherait d’y mettre fin lorsqu’elle qu’elle le désirerait. Elle rit face à l’appellation qu’il lui donnait. Il racontait vraiment n’importe quoi et pourtant, rien ne trahissait une quelconque ironie, il s’était lancé dans un jeu de rôle apparemment et la jeune femme ne pouvait s’empêcher de trouver ça drôle. Elle l’écoutait attentivement, s’intéressant à son accent qui rendait beaucoup plus sexy qu’à l’accoutumé cette langue qui était la sienne. Il roulait légèrement les "r" et avait une manière de détacher les syllabes qui le rendait presque fragile. Elle s’imagina une bande d’italiens, style Le parrain derrière la porte en train de surveiller ce qu’ils faisaient et rit de plus belle. Au moins, il ne manquait pas d’imagination. Mais elle se figea en le voyant s’approcher, consciente du jeu dangereux auquel elle jouait. Avait-elle vraiment envie d’y prendre part ? Il traquait sa proie de manière si délicate que s’en était effrayant. Elle craignait le moment où ses lèvres posées sur son cou se transformeraient en crocs acérés pour la dévorer. Elie devait trouver un moyen de lui faire comprendre qu’elle ne le suivrait pas jusqu’au bout dans son manège. Mais une boule se forma dans son estomac. Et s’il la forçait à participer, contre son plein gré ? Elle ne voulait même pas imaginer ça. Il n’avait pas l’air méchant et puis à aucun moment dans la soirée elle ne lui avait fait comprendre qu’elle désirait quoi que ce soit de lui alors… Elle osa espérer que ce n’était pas ce genre de prédateur et tâcha de se détendre. Il continuait sa progression à la base de ses cheveux, virevoltant entre sa nuque et son cou et elle devait l’avouer il s’y prenait bien. Alors, certes elle n’avait pas vraiment de base de comparaison puisque jamais même avec Marius ils n’avaient eu de rapports physiques très poussés. Deux semaines leur avait à peine laissé le temps de se connaître. Et en une soirée, l’italien avait déjà la tête dans son cou… Elle posa sa tête sur l’épaule du beau blond, le laissant continuer malgré un sentiment bizarre grandissant en elle. Ses mains vinrent se poser à la base de ses reins où la peau dénudé semblait vibrer sous ses doigts. Ce n’était peut-être que son imagination. Il passa ses lèvres sur son oreille et cela lui arracha un soupir très étrange et surtout inconnu à son bataillon, un petit rire gêné lui échappa. Elle avait l’impression de voir deux adolescents maladroits, sauf que d’habitude à cet âge là, les deux n’ont pas d’expérience, or elle sentait bien que le jeune homme avait bien plus l’habitude de ce genre de choses qu’elle. Ses petites mains passèrent sur le devant de son corps, caressant du bout des doigts des muscles bien dessinés qui lui firent monter le rouge aux joues une fois de plus. Elle se sentait vraiment comme une enfant découvrant un monde inconnu jusque là. « Tu veux dire que la mariée est en fait un homme déguisé qui n’attendait qu’une chose, nous voir disparaître dans ce placard ? Tout ça était donc prémédité ? Raa je me suis fais avoir ! » Sa voix était bien moins assurée qu’elle ne l’aurait voulu, elle se sentait gauche sous tous les aspects.
Raffaele avait un sixième sens en ce qui concernait les femmes. Il savait ce qu'elles désiraient, il savait comment s'y prendre, comment les séduire et comment les combler. Toujours à l'écoute, il était le prototype de ce qu'on ne s'attendait pas à avoir lorsqu'on imaginait le macho italien. Mais il était jeune et il savait qu'une réputation se construisait aussi en sachant manier les rumeurs et ce que les femmes racontaient après votre passage. Bien qu'étant un éphèbe passionné, il était aussi un amant attentionné. Et en l'occurrence, ici, dans ce petit cagibi, il sentait que la demoiselle était réticente par moments. Bien qu'elle semblait désirer le corps de son camarade, elle semblait aussi hésitante dans ses démarches. A chaque petit sursaut de la belle, il marquait une pause pour savoir s'il devait continuer ou s'arrêter. Bien que cela semble altruiste, c'était avant tout pour se protéger lui-même. Il ne voulait pas s'emballer et se retrouver avec une frustration bien plus difficile à gérer une fois qu'il s'était laissé exciter par la situation.
Les lèvres remontant dans sa gorge, il sentait le pouls d'Elie s'accélerer. Cette pulsation anodine ne l'était pas tant que ça pour lui. C'était la confirmation de son propre effet sur celle qu'il souhaitait toucher plus en avant. Alors qu'il entrouvrait ses lèvres pour délicatement en poser la partie charnue dans la base de la gorge de sa proie, elle posait ses mains dans son dos, dans les creux de ses reins. Cet appel à ce qu'il se rapproche d'elle fut accueilli d'un léger son gutural tandis qu'il laissait sa langue vagabonder dans son cou. Mais elle n'était pas à l'aise et il le sentit dès qu'elle reprit la parole. D'habitude, lorsqu'une femme s'abandonne, elle ne parle plus, ou en tout cas elle ne parle pas de choses aussi inconséquentes que les gens en dehors du couple en ébat. Il savait tout cela. Il s'interrompit donc lentement pour la regarder droit dans les yeux, sans répondre à la petite blague qu'il ne trouvait même pas drôle, ni très cohérente d'ailleurs. "La question est, veux-tu te faire avoir?" Il avait une voix séductrice mais rassurante. Il lui laissait le choix. Il lui offrait aussi une porte de sortie. Caressant lentement son bras de ses doigts agiles, il remontait jusqu'à son épaule. "Crains-tu quelque chose? Quelqu'un? Tu as un petit copain?" soupira-t-il tout en analysant les réactions des pupilles de la belle. Se penchant vers elle, il la saisit par la taille avant de la poser sur lui, s'arrangeant pour qu'elle l'enfourche de façon à être assise en plein sur ses parties intimes. La manoeuvre était surtout destinée à la ramener face à lui, sur le côté il risquait le torticoli. Et aussi à la voir directement et à exercer une autre sorte d'influence sur elle, leurs membres ainsi collés. "On peut tout aussi bien ne pas aller jusqu'au bout. Ou y aller, mais sans vraiment y aller." Il avait une idée dans la tête et tandis qu'il attendait une réponse d'Elie, il la dévisageait sans aucune honte. Il tira sur la petite cordelette pour rallumer la lumière et la détailler lentement, chaque partie de son corps. Lorsque ses yeux se posèrent sur la poitrine de la jeune fille, sa virilité se contracta à l'idée de s'en rapprocher. "Il te suffit de fermer la lumière pour me faire comprendre que tu me fais confiance. Sinon, on peut... " il grimaça "... s'ennuyer ensemble j'imagine." D'habitude il n'était pas aussi galant. Mais il s'ennuyait vraiment et celle qu'il devait raccompagner n'avait pas fini sinon elle l'aurait téléphoné. Donc Elie était une manière intéressante de passer le temps quoiqu'il arrive.
La pauvre était complètement perdue, son corps lui criait de toutes parts de se jeter sur le beau blond alors que sa tête hurlait pour qu’elle cesse ses bêtises. Il était doux, délicat, attentionné même, puisqu’il lui demandait son avis, loin donc, des idées qu’elle avait pu avoir quelques minutes plus tôt. Elle se laissa soulever sans aucun problème, hésitant sur ce qu’il allait faire, le résultat final lui échappant un grognement de surprise et de contentement mêlé. Elle sourit gênée par ses questions. Si elle voulait se faire avoir ? De plus en plus, oui. Il ne la posait pas, mais si elle était prête ? Elle n’en était pas sûre… Elle voyait déjà Alice crier au scandale, voir venir toucher un mot au jeune homme si quoi que ce soit venait à se produire. Elle omit de répondre à la première question, posant ses mains sur sa poitrine pour garder l’équilibre. La droite remonta délicatement avant de se perdre dans la chevelure de Raffaele, une manière de se rassurer peut-être ou bien de détourner sa propre attention de ce qui se passait à présent dans son bas ventre. Mauvaise stratégie par ailleurs, puisque chaque contact déclenchait une slave de frissons chez la jeune femme. Si elle avait un petit-ami ? En voilà une drôle de question qu’il mettait sur la table peut-être un peu tard. Jamais Elie ne se serait laissée embarquer ainsi si elle avait eu quelqu’un dans sa vie et ne serait certainement pas à califourchon sur un inconnu. Non, elle ne craignait pas les représailles de qui que ce soit, le seul homme qui eut de l’importance à ses yeux semblait l’avoir oublié, alors pourquoi ne pas faire pareil de son côté ? Ce dont elle avait peur était bien plus profond, plus viscéral. Celle que sa première fois ne se passerait pas comme prévu. Elle secoua la tête, alors qu’il la sondait du regard et sursauta lorsque la lumière se ralluma. Ce qu’il lui proposait prévoyait d’être plein de surprises, ce qui attisait sa curiosité qui commençait clairement à prendre le dessus sur la crainte. Depuis qu’ils étaient enfermés là, il n’avait eu aucun geste déplacé – dans la mesure où il l’avait tout de même assise sur lui – ni de propos bizarre, au contraire et Elie se demandait de plus en plus pourquoi il faisait ça comme ça. Elle plongea ses yeux bleus dans les siens, cherchant une manière confiante de dire ce qu’elle voulait. « Non… C’est que… Je suis, enfin, je n’ai jamais... » Ce n’était pas très clair, pourtant elle était certaine de s’être faite comprendre, il n’y avait pas mille autre possibilité que ce qu’elle sous-entendait clairement. Mais elle découvrait à quel point le corps humain était fait pour ce genre de choses et aux vues de comment le sien réagissait, elle semblait tout autant destinée aux ébats corporels que les autres. Chaque mouvement réveillait un peu son bas ventre et elle sentit l’intimité du jeune homme presser un peu plus contre la sienne alors que les derniers mots que Raffa prononçait avec une grimace, venaient contredire ce qui se passait physiquement. Elle pencha la tête et le regarda un peu avant de laisser découvrir un sourire coquin, amusé et gêné à la fois. La lumière s’éteint et Elie en profita pour remuer un peu, s’amusant à découvrir ces sensations qu’elle avait toujours ressentie seule et qui à présent lui arrachait des soupirs incontrôlés. La lumière se ralluma. Elle espérait en fait, faire comprendre par ce moyen là, qu’elle avait bien envie de découvrir un peu plus ce genre de choses, mais qu’à la fois, elle n’était pas prête pour aller trop loin non plus. Sondant son regard, elle s’assura que le message soit bien passé avant d’éteindre à nouveau. Sauf qu’une fois dans le noir, elle se retrouva à nouveau comme une enfant qui apprend à jouer, démunie. Elle décida alors d’essayer une approche pour tester l’influence qu’elle pouvait avoir. Copiant les gestes qu’il avait eu quelques minutes plus tôt, elle glissa sa tête dans son cou et vint du bout des lèvres papillonner autour de son oreille. Pour voir ce que ça donnerait.
Si tout cela n'avait été qu'un jeu, cela aurait été plus facile à gérer. Mais Elie venait de ramener Raffaele sur terre. Alors qu'il lui proposait un jeu léger, sans réelles conséquences, elle lui faisait part d'une confession qui le paralysait. Bien qu'habitué à avoir face à lui des gazelles peu expérimentées, il ne prenait aucun plaisir à les rouler dans de la farine. La plupart d'entre elles savaient qu'il n'était là que pour une nuit, que pour une satisfaction éphémère. Du coup, apprenant que celle qui se trouvait désormais à califourchon sur lui pouvait être vierge le mettait mal à l'aise. On n'ôte pas ainsi sa vertu à une inconnue. Pas sur un coup de tête. Certes il y avait quelque chose d'excitant dans l'idée qu'il serait le premier à la toucher aussi intimement mais... mais il n'avait pas l'intention de recommencer. Et les femmes s'investissaient différemment quand on venait à parler de ces choses-là. Raffaele la vit éteindre la lumière et cela ne le rassura pas le moins du monde. Puis elle rouvrit, jouant avec lui mais gaffant en même temps sans même le savoir. Il était totalement pris au piège de ses propres principes. En tant que séducteur, il assumait son statut de connard italien. Mais comme tout délinquant qui se respecte, il avait des limites. Et parmi celles-là, évidemment, on ne touchait pas aux filles qui n'avaient pas encore été touchées. Du moins pas comme ça, pas sans les connaître, pas sans les sentir à fond dedans. Il se pinça les lèvres lorsqu'elle coupa le courant à nouveau et inspira profondément en sentant les lèvres de la jeune femme se promener dans son cou. Bien qu'embarrassé par son désir d'homme, il n'arrivait pas à chasser les derniers mots qu'elle avait prononcés. "Jamais?!" Il finit enfin par répondre. L'incrédulité et l'agacement s'entendaient dans sa voix. Il tira sur la cordelette pour rallumer la lumière. "Comment est-ce possible? Tu dois bien avoir au moins 22 ou 23 ans non?" Finies les papouilles dans le noir, il n'avait plus la tête à ça. Et il avait le sentiment d'être le sujet d'une mauvaise farce. Se frottant le front, il analysait ses options. Il plongea son regard dans celui d'Elie avant de prononcer de manière lasse "Je suis désolé mais je n'y arriverai pas." Il se dégagea de la semi étreinte qu'ils avaient de par leurs positions et prit le paquet de cigarettes de la jeune femme qui s'était écrasé sous lui pour le lui tendre. Puis il but une grande gorgée de l'alcool qui lui irrita la gorge de façon assez agréable.
Une douche froide. Voilà ce qu’elle venait de se prendre en pleine tête. Incapable de savoir ce qu’il avait touché au fond d’elle. Sa dignité, son envie, sa bêtise. Elle aurait mieux fait de faire comme chaque fois qu’un homme cherchait à obtenir ce qu’elle gardait précieusement pour le bon. Fuir. Comme le lui avait appris sa sœur qui au fond n’avait jamais tort. Les hommes, quels qu’ils soient finissaient toujours par devenir vils. Malgré ce grand sentiment de honte qui s’emparait d’elle petit à petit, faisant monter le rouge à ses joues et des larmes qu’elle tentait tant bien que mal d’empêcher de couler, elle était soulagée. Consciente qu’elle n’avait pas envie de faire quoi que ce soit avec lui, qu’elle n’avait essayé que pour garder cette image de fille sûre d’elle et peu farouche qu’il semblait avoir perçu au début. Une colère sourde commença à grandir en elle en entendant le son de sa voix. Il semblait agacé, comme si elle lui refusait ce qui semblait lui revenir de droit. Elle se doutait qu’il n’avait pas l’habitude de se voir interdire ce genre de choses, mais elle n’allait pas feindre d’être tout à fait à l’aise pour son simple plaisir. Après tout des demoiselles prêtes à venir prendre sa place, ce n’est pas ce qui manquait à l’extérieur du placard. Elle s’en voulait de s’être laissé embarquer là-dedans, elle n’était pas prête pour une humiliation de ce genre. Il l’avait entraînée là, il s’était mis à la papouiller sans se demander si elle avait un petit-ami ou bien encore si elle était d’accord pour ce genre de choses, il avait éteint la lumière, il devait donc cesser de faire comme si son amour propre en prenait un coup. Elle serra les dents, en entendant sa question qui sonnait clairement comme une accusation. Il ne la connaissait pas et voilà qu’il s’en prenait à une des choses les plus intimes que l’on puisse avoir. Chose qu’elle avait songé quelques instants à lui offrir. Elle se félicita d’avoir été plus maligne que ça. Elle avait envie de lui hurler dessus, mais se retint, ce n’était pas son genre d’être hystérique. Un rire mauvais lui échappa quand même. « Et oui Don Juan, désolée de te décevoir, des filles vierges à vingt-cinq ans ça existe toujours. » Comment était-ce possible ? Comme si une fille avait l’obligation de coucher avant un certain âge pour faire bien en société. S’il vivait dans ce genre de monde, elle préférait l’y laisser tout seul. Elle fut bien heureuse de savoir qu’il ne pouvait pas. Comme si elle avait encore envie de quoi que ce soit à présent. Elle attrapa le paquet de cigarettes qui lui donna. Perdue, elle ne savait plus comment réagir, que dire, que faire. Devait-elle partir ? Un coup d’œil à sa montre lui indiqua qu’elle n’avait pas tout à fait fini d’attendre, mais préférait-elle le faire dehors, toute seule ou en sa compagnie qui si elle avait été agréable jusque-là semblait ne plus l’être à présent. « Merci. » Elle se surprit elle-même. Elle avait parlé sans y avoir songé au préalable. Plus sincèrement que jamais donc. Face au regard surprit de son compagnon d’ennui, elle se justifia. « De ne pas avoir insisté. J’aurai jamais dû… » Mais ce qui était fait ne pouvait être effacé. Elle lui attrapa la bouteille des mains, songeant que s’il disait quoi que ce soit d’autre de désobligeant, elle sortirait. Car après tout, elle était encore libre de ses choix.
Raffaele était perplexe et en même temps frustré. Il avait des sens futés d'habitude. Et c'était rare qu'il se lance dans une expédition qu'il ne pouvait finir. Ici, la situation l'avait dépassé. Légèrement exaspéré il avait demandé à Elie comment cela se faisait qu'elle soit toujours vierge à son âge et dans les yeux de la demoiselle, il put lire qu'elle n'était pas contente. Prenant un peu de recul, il réalisait qu'il n'avait pas été très fin dans sa manière de la repousser. Mais il fallait dire qu'il avait été choqué d'apprendre qu'elle... enfin. Elle répondit, cherchant à dissimuler sa hargne contre lui derrière un ton légèrement narquois. Il haussa un sourcil sans comprendre ce qui lui valait cette soudaine animosité. Don Juan? Décevoir? Il reprit une gorgée d'alcool avant de répondre lascivement "Je ne vois pas pourquoi tu le prends ainsi. Je dis juste que c'est étonnant. C'était pas un jugement. Limite c'était plus un compliment qu'autre chose..." Il tourne son visage vers elle et la contemple dans la pénombre. "En gros, une fille jolie qui n'a pas eu l'opportunité ou l'envie de faire l'amour, ça me semble bizarre. Pas dans le sens mauvais. Juste pas habituel quoi." Il n'aimait pas se justifier mais il sentait bien qu'elle n'était pas de bon poil et il n'avait aucunement envie de s'en faire une ennemie. Bien que, après réflexion, il réalisait que son avis ne changerait pas sa vie. "Enfin, pense ce que tu veux..." Il s'enfonça dans le meuble qui servait d'étagère et chercha à étendre un peu plus ses jambes qui commençaient à se sentir à l'étroit maintenant que son attention n'était plus détournée. Au bout d'un moment, alors qu'il s'était plongé dans ses pensées, il entendit Elie le remercier. Tournant le visage vers elle, il afficha un air perplexe, se demandant si c'était de l'ironie. Puis elle précisa le fond de sa pensée et il haussa les épaules. "Y a pas de quoi..." Il boudait tout de même un peu de sa propre galanterie. "Mais tu devrais faire attention. J'ai des scrupules à m'abandonner à la passion avec une fille qui n'en a pas envie mais un autre à ma place n'aurait pas forcément fait attention à tes sentiments." Et il le pensait. Même lui parfois se laissait entraîner par ses pulsions. "Tout à l'heure si j'ai été brutal dans ma façon d'être, c'était parce que j'avais envie de toi. Je sais que t'as pas d'expérience, maintenant je le sais, mais tu dois savoir que freiner un mec c'est pas comme freiner une caisse. Une voiture tu peux la contrôler, un mec... c'est moins certain." Il ne la regardait pas. Elle l'agaçait un peu en fait. A vouloir être sympa depuis le début de la soirée, il s'était transformé en bon samaritain. Il voulait se changer les idées et pas s'enfermer avec une enfant qui visiblement ne connaissait pas grand chose de la vie. Elle semblait lui en vouloir de ne pas avoir profité d'elle ou d'avoir essayé, il n'en savait rien. Alors que pour lui, une fille qui jouait aussi dangereusement avec le feu, devait savoir qu'elle risquait de se faire brûler.
Elle le regarda sans rien dire. Incapable de savoir d’où provenait cet agacement, du rejet qu’elle venait de subir ou de ses questions à la noix. Elle aurait pu se lancer dans une explication laborieuse du pourquoi du comment, lui faire comprendre qu’avec une vie comme la sienne on a difficilement l’occasion de découvrir les plaisirs charnels. Il y aurait pu y avoir son meilleur ami, mais jamais au grand jamais elle n’aurait considéré cette option. Ou encore Marius, mais leur temps ensemble avait été bien trop court. Enfin, elle aurait pu s’offrir au premier mec venu, elle n’avait jamais manqué de propositions. Le fait est qu’elle n’avait choisi aucune de ces options. Mais elle n’avait pas envie de lui expliquer tout ça. Pas certaine qu'il puisse comprendre avec tous ces à priori débiles. Aussi se contenta-t-elle de le fixer, muette comme une carpe.
Le silence s’installa entre eux. L’ennui qu’ils étaient censés faire passer ensemble avait pris toute la place restante dans la pièce. Elle finit par le remercier, d’une part parce que ses mots sortirent tous seuls, d’une autre parce qu’elle voulait couper court à ce silence qui commençait à lui devenir pesant. Si elle crut un instant, qu’il allait être sympa, et que peut-être la conversation allait reprendre normalement, elle déchanta rapidement. Il lui faisait une leçon de morale, comme on en fait à un gosse. Elie soupira avant de s’étirer. Elle ne l’écoutait même plus, lasse de ce genre de discours. Elle en entendait de toutes parts, de sa sœur, de lui. Il ne la regardait même pas, comme si elle n’avait pas été là ou bien qu’elle l’agaçait. Penchant plus pour la deuxième option, la jeune femme se pencha vers lui pour ranger son paquet de cigarettes dans son sac. Sa tête vint alors se poser contre la porte à côté d’elle. Incapable de dire où en était la fête, elle passa vigoureusement ses mains sur ses jambes avant de se lever avec précaution. Elle en avait ras la casquette d’être ici et préférait encore s’ennuyer dehors qu’avec lui. Elle le regarda brièvement avant d’ouvrir la porte. « Bonne fin de soirée du coup, à une prochaine peut-être, pour ma part je vais m’ennuyer toute seule. » Elle retrouva l’ambiance de la fête et offrit un sourire à une jeune femme qui la regardait bizarrement. Elle pensa à se recoiffer et à replacer ses vêtements correctement en priant pour qu’il ne sorte pas tout de suite après.
Assise derrière le bar, elle songea qu’elle se fichait bien en réalité de ce que pouvaient penser les autres, ils n’avaient rien fait de toute façon. Mais surtout, elle se demandait quand est-ce qu’elle pourrait avoir une manière de vivre normale, cohérente avec son âge et cesser de paraître pour une gamine un peu simplette. Avec l’impression d’avoir laissé filer le temps et de ne pouvoir le rattraper, elle se mit en quête de ranger alors que les dernières invitées quittaient le bar.
Bien que la situation fut embarrassante, les deux jeunes gens restèrent encore un moment cloîtré ensemble. Raffaele essayait tant bien que mal de communiquer avec celle qu'il avait vexée mais elle ne daignait plus lui répondre. Pourtant elle le fixait sans ciller. S'amusait-elle d'ainsi le faire parler sans but? Il finit par capituler, lui dire presque qu'au fond, ce qu'elle pensait n'avait pas d'importance pour lui. Alors qu'en vérité, il était très soucieux de l'image qu'il donnait de lui. Pas toujours mais parfois. Par exemple avec Serena il évitait de parler de ses occupations nocturnes, considérant que cela le dégraderait de lui avouer qu'il était danseur de charme.
Finalement il lui fit la morale et une lueur désagréable brilla dans les yeux de la belle. Elle n'aimait visiblement pas se faire remonter les bretelles et d'ailleurs elle le lui fit savoir assez explicitement en décidant de quitter leur repère. Il la regarda partir sans sourciller puis bondit à sa poursuite, décidé à l'humilier une dernière fois vu son comportement hautain et désagréable avec lui alors qu'il avait tout fait pour la mettre à l'aise. Il sortit sur ses talons, réarrangant sa chemise de la manière la plus visible qui soit, sous les yeux de toutes ces célibataires en dérive. Il leur sourit d'un petit air entendu et s'approcha d'Elie par derrière en posant un petit baiser sur sa joue tout en articulant bien un "Merci pour cette soirée. On remet ça quand tu veux!" Il lui fit un clin d'oeil avant de sortir du bar. Tant pis pour sa camarade, si elle ne se pointait pas de suite il se barrait sans elle. Elle arriva en trombe lui demandant quelle était l'urgence et il soupira sans répondre à sa question "Je te ramène ou pas?" Elle secoua la tête et il démarra la voiture, partant sans celle pour qui il avait tant traîné ce matin.