Elle se baladait, tranquillement, le long du fleuve. Elle le faisait souvent quand elle avait terminé sa journée au collège. Ca lui permettait ... de réassembler ses pensées. De penser à des choses et d'autres. Ca lui permettait d'évacuer le stress de la journée, enfin, elle était pas si stressée que cela mais bon. Certaines journées étaient plus dures que d'autres. Certaines journées étaient plus difficiles. Certains cours, certains groupes, c'était compliqué. Parce que les collégiens n'étaient pas toujours ... gentils. Oh, c'était compliqué quand ils avaient décidé de foutre le bordel. Ils étaient intenables et là, Jessy avait du mal à les ramener à la raison. Enfin, elle se disait que c'était peut-être bien la dernière année qu'elle enseignait au collège. Pourquoi ? Parce qu'elle avait reçu cette lettre. Qu'elle tenait entre ses mains. Projets d'avenir. Elle en avait parlé avec Enzo. Elle lui avait dit qu'elle songeait à passer à autre chose. Qu'elle enseignerait pas toute sa vie au collège. Alors, elle avait postulé pour un job qui était plus dans ses cordes, si on pouvait dire cela comme ça. Passer au stade supérieur, ouais ... C'était sans doute une bonne chose. Mais fallait qu'elle ouvre cette enveloppe. Et fallait qu'elle lise cette lettre. Cette réponse qu'elle attendait. Comment elle était sûre que c'était ce à quoi elle s'attendait ? A cause de l'adresse de l'expéditeur au dos de la lettre. Appuyée légèrement contre la rambarde, elle poussa une lente inspiration. Elle rangea la lettre au fond de son sac. Elle l'ouvrirait plus tard. Ou pas. Elle resta pensive durant quelques instants. Et alors qu'elle allait se remettre en route et qu'elle venait de se tourner, elle croisa le regard d'une personne qu'elle ne connaissait que trop bien. Ils se voyaient, de temps à autre. Mais elle lui en voulait encore un peu. Par rapport au fait qu'il avait entraîné sa soeur dans un job plus que dangereux. Il était pas le seul responsable, puisque Emily avait pris sa décision. Mais elle se doutait qu'il n'avait rien fait pour l'en dissuader. "En promenade mister Brown à ce que je vois ?" en vint-elle à lui dire.
Quelques secondes après avoir pris un selfie pour le mettre sur mon compte instagram et faire partager ce superbe paysage, je contemple mon œuvre. L'appareil photo n'est pas un professionnel donc la qualité de l'image n'est pas top, cependant je m'améliore... tout mon visage est dans le cadre, c'est un progrès non ? Quand je dis ça à mon petit frère il se marre. Allez savoir pourquoi... Pourtant je suis doué d'habitude, avec les ordinateurs et tout appareil électronique. Il y a juste que les selfies, ce n'est pas mon truc.
En observant l'image de plus près je regarde les gens qui y apparaissent. Ça vous est déjà arrivé de regarder une photo de vous et d’apercevoir un inconnu à l’arrière plan ? On ne peut pas s’empêcher de se demander combien d’inconnus nous ont en photo à l’arrière plan, et dans combien de vies on a fait une apparition. Est-ce qu’on a traversé la vie de quelqu’un au moment ou il a réalisé son plus grand rêve ? Ou au moment ou sont plus grand rêve est mort ? Est-ce qu’on a fait exprès de traverser cette vie, comme si d’une certaine manière on était destiné à y faire une apparition ? Ou est-ce que le flash nous a capturé par surprise ? Réfléchissons, on pourrait avoir une place de choix dans la vie de quelqu'un sans même nous en douter... ça a une dimension effrayante quelque part, le monde est immense. Là en arrière-plan je zoome sur une brunette aux cheveux courts en train de fixer la ligne de l'horizon en tenant une enveloppe. Peut-être que celle-ci va changer sa vie à tout jamais, et que je suis en train d'assister à un moment important sans même le savoir. Mais quand je lève les yeux elle a déjà remis l'enveloppe dans son sac et s’apprête à quitter la rambarde. Cette jeune femme, je la reconnaîtrais entre toutes. Parce que c'est la jumelle d'Emily, mais aussi parce que nous avons partagé de merveilleux moments lorsque nous étions enfants. J'étais toujours fourré avec Emily donc, immanquablement, Jessy était de la partie quand nous imaginions des aventures et des jeux tous plus fous les uns que les autres.
Après notre rapatriement à Brisbane elle m'en a voulu, c'est inutile que je le lui demande. Pourtant je n'ai en rien obligé notre amie commune à choisir la même carrière que moi. Nous sommes identiques, comme des siamois. C'est aussi pour cela que lorsque nous nous sommes revus, j'ai su ce que quelque chose n'allait vraiment pas. Jessy doit m'en vouloir parce que c'était mon idée... pourquoi n'aurais-je pas pu choisir un métier moins dangereux où entraîner ma meilleure amie ? Moi aussi, parfois, je culpabilise. Elle a fait son choix, cependant je n'y suis pas pour rien. Personne ne saurait dire si elle aurait voulu faire partie des SEALs si elle ne m'avait pas rencontré ou si je n'avais pas choisi cette voix. La culpabilité, c'est quelque chose qui vous ronge petit à petit, comme un lent poison qui s'insinue dans chaque partie de votre être. Et avant que vous ne vous en rendiez compte, il a pris le contrôle de vos émotions. "En promenade mister Brown à ce que je vois ?" me lance-t-elle après que je me sois avancé vers elle. Je décide de mettre ces pensées négatives de coté pour me concentrer sur elle. « En effet miss Bush. J'ai décidé de sortir ma carcasse de mon appartement avant de m’encroûter. » lui dis-je en riant de bon cœur. Elle semble épanouie. Ses traits sont un peu tirés, comme ceux de sa sœur lorsqu'elle a une décision à prendre ou qu'elle a un problème. Ces deux là ne sont pas jumelles pour rien... Enfin je fais un pas de plus dans sa direction, l'enlace et lui donne une petite tape dans le dos. « Salut toi, comment tu vas depuis le temps ? Toujours aussi belle, en tout cas. » J'adopte un ton léger en la taquinant comme si elle faisait partie de ma famille. En fait, elle en fait partie. Emily en fait partie aussi...
Elle lui en voudrait. Sans doute toute sa vie. Parce que Emily avait décidé de le suivre. Alors oui, elle savait très bien qu'Emily était grande. Qu'elle avait décidé toute seule de s'engager chez les Seals. Qu'elle avait décidé de son propre chef. Néanmoins, Jessy aurait aimé que ... Et bien, qu'Ethan lui montre, lui prouve que c'était trop dangereux pour elle. Elle aurait sans doute aimé qu'il prenne leur parti et qu'il fasse tout ce qui était en son pouvoir pour la dissuader. Mais ce n'était pas ce qui s'était passé, et ce bien malheureusement. Il avait laissé Emily s'engager. Il n'avait rien fait pour l'arrêter. Et elle s'était ... Elle s'était retrouvée en danger. Et maintenant, il y avait des moments où Jessy ne reconnaissait même pas sa soeur. Et ça la terrifiait. Elle avait l'impression de l'avoir perdue. Alors, oui, elle en voulait à Ethan. Mais il n'était pas l'unique responsable de tout cela. Et elle ne pouvait pas lui en vouloir éternellement. Ils avaient été proches une bonne partie de leur enfance. Un peu moins peut-être en grandissant dans le sens où elle était souvent avec Justin, elle. Mais oui, ils avaient toujours été proches. Et elle ne pouvait pas laisser cet incident les éloigner plus que cela. Cette mauvaise histoire avait déjà fait assez de mal. Et il était temps de tourner la page. Une bonne fois pour toute. Son frère avait réussi, après tout, à lui pardonner quant au fait qu'elle avait couché avec son fiancé de l'époque. Henry avait eu du mal à tourner la page. A passer à autre chose. Mais il avait réussi à le faire. Alors, elle aussi, elle arriverait à le faire. A ne plus penser à tout cela. Du moins, elle espérait. Alors, Jessy allait passer outre tout cela. Et elle aurait une conversation civilisée avec lui. Ou du moins, elle allait essayer. Jessy eut un sourire tandis qu'il lui disait qu'il devait traîner, de temps à autre, sa carcasse dehors et faire un peu d'exercice. "C'est une bonne idée. Ca fait du bien de sortir. Même si t'es loin de t'encroûter." Il était jeune. Il était joli garçon. Et elle était pratiquement sûre et certaine qu'il faisait pas mal de sport. Donc, il risquait pas trop de s'encroûter. Enfin, selon elle. Il en était venu à lui faire un rapide câlin afin de la saluer de manière convenable, si on peut dire cela ainsi. "Merci pour le compliment." avait-elle dit dans un sourire. "Et bien, ça va plutôt bien. Y'a des jours avec. Y'a des jours sans. Mais ça, je pense que c'est pour tout le monde pareil à dire vrai." Ouais. Il était vrai que c'était pas toujours évident. Que c'était pas toujours marrant. Mais c'était normal. C'est la vie après tout. Des hauts. Des bas. Et on n'y peut pas grand chose. "Et toi alors ? Le boulot ?" Ca devait aller. Mais c'était histoire de faire un peu la conversation.
Wow... c'est vrai que j'y suis allé un peu fort en disant que je m’encroûtais. Mais c'est ce qui arrive vite quand on ne bouge pas pendant de longues semaines. D'ailleurs j'ai eu beaucoup de mal à récupérer des mois qu'ont duré ma captivité. Rester immobile a ankylosé tout mes membres, raidi mes articulations, crispé mes muscles... après ça j'avais l'impression d'avoir quatre-vingt ans. Sans parler de la malnutrition et des divers sévices que nous avons subi. Ils avaient l'imagination très fertile... mais au bout d'un temps on se fichait juste de ce qu'ils allaient faire, du moment que la fin était proche. « C'est ce que tu dis... j'ai l'impression d’être un vieux croulant plein d’arthrose parfois. Enfin je n'ai pas de quoi me plaindre, par rapport à d'autres. C'est juste une impression. » Je m'accoude à la rambarde à coté d'elle.
"Merci pour le compliment." Cela doit faire cinq ou six ans qu'elle ne m'a pas adressé un tel sourire... un qui semble sincère. « Avec plaisir. » fais-je aimablement en lui adressant un signe de tête. Elle a raison sur toute la ligne quand elle dit qu'il y a des jours avec et des jours sans. « Ouais, t'es dans le vrai. » Un petit rien suffit parfois à gâcher une journée ou à la rendre merveilleuse. Si vous gagnez au loto vous êtes surs d’être euphorique pendant plusieurs jours voire plus longtemps alors que si vous découvrez que votre maison est bâtie sur une zone inondable c'est l'effet inverse qui se produit. On pourrait assimiler ça au karma, bien qu'en parler revient à dire qu'on croit en une force supérieure qui décide du destin de chacun. Je préfère souvent penser que l'on est maître de notre destin, capitaine de notre âme. Imaginer une force supérieure permet de se détacher de la réalité et de lâcher prise quelques instants... c'est presque rassurant, avant que l'on se rende compte de notre impuissance. Non, nous pouvons chacun décider de ce que nous deviendrons. « Ça va a peu près... j'ai envie de faire une formation, changer d'air... l'armée me manque mais je ne pourrais plus refaire ça alors je suis en train de voir ce qui me conviendrait le mieux. Ce n'est pas le boulot qui manque ici, les criminels sont souvent de sortie. » dis-je en riant à moitié. J'ai pu voir le meilleur comme le pire dans ce boulot, et j'ai récemment appris que Jessy avait été agressée. Ça m'a retourné, de savoir qu'une fille si gentille ai pu être la victime de personnes malfaisantes. « Et toi ? Est-ce que ton boulot te plaît toujours autant ? » je lui demande après m’être retourné vers elle pour la regarder dans les yeux. Enfin, je lui pose la question qui me taraude d'un ton empreint d'une grande sympathie : « J'ai entendu dire que... que tu avais été agressée. Il y a un moment déjà. Tu t'en sors depuis ? »
Elle se mit à rigoler tandis que Ethan poursuivait sur le fait qu'il pensait vraiment être un vieux croulant et que c'était pas vraiment la grande forme. "Mais non, mais non. T'es pas un croulant. Et si tu penses en être un, fais donc un tour à la salle de sport avec Enzo." Zozo bossait chez les Stups mais avec un peu de chance, ils devaient se connaître tous les deux. Ou du moins de vue, comme ça, de loin. "Tu vas voir. Il va vite te remettre en forme." Oh pour sûr. Jessy en était certaine. "Tu m'connais. J'suis pas une grande sportive ... j'en prends plein les dents quand je vais faire du sport avec lui." Elle souffrait. C'était certain. Il serait capable de rester des heures et des heures à la salle de sport. Alors qu'elle, tout ce qu'elle voulait, c'était ... rester une demie-heure. Une heure à tout casser. Elle n'aimait pas rester longtemps. Elle n'aimait pas le sport. Elle n'était pas comme Emily. Mais c'était pas grave. En tout cas, y'avait des jours avec. Des jours sens. Jessy connaissait très bien cette sensation. Elle n'avait pas vécu autant de choses qu'Ethan. Ou bien que sa jumelle. Mais avec son agression, oui, elle comprenait ce sentiment. Bien que c'était bien moins grave que ce qu'ils avaient pu vivre eux. Et elle n'irait jamais oser imaginer ce qu'ils avaient pu vivre. C'était pour ça qu'elle ne pouvait pas trop lui en vouloir pour avoir emmené sa soeur loin d'elle. Parce que c'était moche. Tout simplement. Ethan lui confia que ça allait. "Mais c'est pas la grande forme." De ce qu'elle pouvait comprendre. Elle comprenait. Enfin, pas tout. Mais elle comprenait. L'armée lui manquait. Il ne pouvait pas y retourner et songeait à faire autre chose de ses dix petits doigts. "Non, c'est vrai que y'en a un peu partout." La décadence. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'on trouvait des criminels à tous les coins de rue. Mais oui. Y'en avait. Et ils foutaient en l'air la ville. Enfin, c'était pas comme si Brisbane était la ville avec le plus de crimes mais bon. C'était pas toujours calme une ville. Et c'était normal. Y'avait peut-être que dans des dictatures, une polique de la peur, où éventuellement, c'était plus tranquille. Et encore. Quand il lui parla de boulot, elle lui montra la lettre. "Toujours autant. Mais j'ai peut-être d'autres opportunités. Enfin, quand j'aurais décidé d'ouvrir cette lettre." Ce qui était pas gagné d'avance. Peut-être ce soir là. Peut-être plus tard. Faudrait bien qu'elle l'ouvre à un moment ou à un autre. Ethan aborda un sujet ... qu'elle aurait préféré éviter. Elle passa une main dans ses cheveux. L'air ennuyé. "Ca remonte à un petit moment maintenant, oui." Presque un an. "J'pense que t'es bien placé ... pour savoir ce que ça fait." Il avait vécu ce genre de choses. Enfin, pas les mêmes choses. Mais c'était grave quand même. "J'ai longtemps gardé ça pour moi parce que ... j'pouvais pas embêter Henry avec ça. Il a assez de s'inquiéter pour Emily." Elle avait pas voulu en rajouter. "J'préfère embêter Enzo. Ou le psy." dit-elle en haussant les épaules. "Mais ça va." Elle y pensait plus trop maintenant.
Enzo ? Je fronce les sourcils en me demandant comment elle peut bien connaître Enzo, et si c'est bien du Enzo que je connais dont elle parle. « Enzo Valentine ? L'agent des stups ? » J'attends qu'elle me réponde à la positive pour reprendre : « Comment tu connais Enzo, dis donc ? » A l'entendre parler, elle le connaît bien. Peut-être plus que bien, qui sais ? Un instinct de protection me prend les tripes alors que ce n'est même pas ma sœur. Henry tient déjà ce rôle à merveille, celle du grand frère protecteur... même si les choses ne sont pas parfaites entre eux ils pourront régler ça. Leur famille tient la route, comme les Brown. Depuis peu je vois Emily autrement que comme ma sœur de cœur. Un changement qui n'est pas passé inaperçu d'ailleurs. Cependant Jessy reste comme ça, notre camarade de jeu, notre 'sœur' et notre amie. Il faudra que j'ai une petite conversation avec Enzo, si j'arrive à suffisamment l'épuiser à la salle de gym pour lui tirer quelques confessions.
Finalement le sujet de la lettre qu'elle fixait tout à l'heure se dévoile : d'autres opportunités. Elle aussi a envie de changer d'air et je ne peux que comprendre cette envie. Le changement, on aime pas ça. Parce que ça implique de ne plus avoir nos petites habitudes, ça fait peur, ça nous plonge dans l'inconnu. Mais on ne peut pas empêcher les choses de changer. Soit on s'adapte, soit on reste en arrière. Si on vous dit que ça ne fait pas mal de grandir, de changer, c'est un mensonge. Mais parfois le changement a du bon, il est la clef d'un avenir meilleur et nous ouvre des perspectives jamais imaginées auparavant. « Je peux l'ouvrir à ta place si tu veux. » je propose gentiment à la jolie brune. Un peu d'aide peut aider à faire passer le cap, je l'espère.
Depuis que j'ai appris pour son agression je n'ai cessé de me demander comment elle l'avait vécu. Sa sœur se remet difficilement d'un traumatisme qui remonte à quatre ans, son frère doit encore combiner avec le fait que Jessy a couché avec son ex... une situation pas évidente. Même si ça remonte à quelques temps, cela n'efface en rien les souvenirs que l'on peut avoir. Je me raidis imperceptiblement lorsqu'elle parle de ma propre expérience. Ce n'est pas quelque chose dont j'aime parler sauf si cela peut aider quelqu'un, ou m'aider moi-même. Je ne suis pas altruiste au point de ne retirer aucun bienfait de ça. « Ouais, on peut le dire. Mais ça ne minimise en rien ce qui t'es arrivé. » Peut-on vraiment caractériser des traumatismes selon leur gravité ? Pas vraiment. Ce qui change c'est la façon dont on le vit, et cela dépens de chacun de nous. « Chacun doit composer avec ses propres expériences. Un jour je me suis réveillé et je me suis dit « Hé mec, t'es une loque, arrête de t'apitoyer sur ton sort et recommence à vivre ». Je te jure, je me parlais à moi-même la plupart du temps. Je suppose que c'est parce que quand on était... captifs... au bout d'un moment on se parlait à soi-même. Le psy dit que c'était normal, un mécanisme de repli ou un truc du genre, jargon de psy quoi... j'ai continué comme ça un moment après. » fais-je en riant lorsque j'évoque mes paroles auto-proclamées. « Mais ce n'est pas pour autant que je suis schizophrène, parole de scout. »
Au début j'affirmai à qui voulait l'entendre que j'allais bien même si ce n'était pas le cas, en espérant que e pourrais suffisamment y croire. Je ne voulais pas embêter mes frères avec mes problèmes, me contentant de rire à leurs blagues douteuses. « Tu es sure que ça va ? Il n'y a pas de honte à dire qu'on ne va pas bien. Enfin... je ne veux pas dire que tu ne vas pas bien. Tu as l'air en forme, un peu fatiguée peut-être. » La maladresse de mes propos me saute aux yeux, cependant je ne voyais pas comment le dire autrement. « Bon alors, Enzo... tu me donnes des détails ou je te tire les vers du nez ? » dis-je sur le ton de la plaisanterie, allégeant l'atmosphère de notre conversation précédente.
Apparemment, le nom d'Enzo lui disait quelque chose. Est-ce qu'ils se connaissaient ? Peut-être qu'ils se connaissaient de vue. Ou bien de réputation. Jessy n'en savait rien. Elle eut un hochement de la tête, répondant par la positive à la question du policier. "Oui, c'est bien l'agent des stups. Tu le connais toi aussi ?" Son regard avait quelque peu changé depuis qu'il savait qu'elle connaissait, à présent, Enzo. Enzo était pas méchant. Bien au contraire. Jessy l'appréciait beaucoup. Il était sympathique. Et il la boostait quand ils allaient au sport. Bon, elle n'aimait pas le sport. Mais ça lui faisait du bien. Ca lui faisait beaucoup de bien. Elle n'irait pas jusqu'à dire que ça lui permettait d'évacuer sa frustration ou un truc dans le genre. Mais oui, ça allait bien mieux quand elle faisait un peu de sport. En tout cas, quant à la question d'Ethan sur comment elle le connaissait, Jessy avait carrément éludé la question. Non, ce n'était pas fait exprès. Elle avait juste pensé à autre chose. Et une chose en entraînant une autre, oui, elle avait oublié la question qu'il avait pu lui poser. Jessy lui avait parlé de cette lettre. Des opportunités qui pouvaient s'offrir à elle. Du fait qu'elle pourrait peut-être changer de boulot si jamais ... On lui laissait la chance de le faire. Seulement, fallait qu'elle se bouge le cul. Et qu'elle ouvre la lettre en question. Et qu'elle vérifie ce qu'on lui proposait ou ce qu'on ne lui proposait pas. Peut-être qu'elle avait un refus entre ses mains. Un tentez votre chance ailleurs ou un truc dans le genre. Elle redressa la tête tandis que le policier lui proposait, si elle le désirait, qu'il ouvre l'enveloppe. Elle pencha la tête sur le côté. "Non, c'est gentil, merci. J'dois le faire. J'peux pas avoir peur d'une pauvre petite lettre qui annonce soit une bonne nouvelle, soit une mauvaise nouvelle." avait-elle dit dans un sourire. Ouais. Après, y'avait pas l'obligation à ce qu'elle l'ouvre tout de suite. Elle pouvait attendre qu'elle soit tranquillement chez elle pour l'ouvrir. Ca pourrait être bien. Ouais. Sans doute qu'elle ferait ça. Ethan lui demandait comment ça allait. En rapport au fait qu'elle avait été agressée et que ça n'avait pas été un événement facile à oublier. Jessy tentait de relativiser les choses. Parce que sa soeur et lui avaient vécu des choses encore bien plus difficiles. "Je sais que ça ne minimise pas ce qui m'est arrivé. Mais c'est différent. Et j'me dis que certains ont vécu des trucs pires que moi." Elle avait penché la tête légèrement sur le côté. Quand Ethan parlait de ce qu'il avait pu vivre, et du fait qu'il avait consulté un psy pendant un moment, ouais, ça lui faisait quelque chose quand même. Elle avait eu un léger sourire tandis qu'il ajoutait qu'il n'était pas schizophrène pour autant. "Tant que tu restes bien dans tes baskets, c'est tout ce qu'il faut." Elle avait également eu un hochement de la tête. Ca allait. Enfin, c'était ce qu'elle se répétait sans cesse. Se dire que c'était derrière elle. Que tout allait bien. Et qu'elle n'avait pas à s'inquiéter de tout ça. Bien sûr, parfois, on lui demandait si elle allait réellement bien ou si elle n'enfouissait pas les choses au fond d'elle pour éviter que ... Et bien, pour éviter d'inquiéter les autres. "Ca va, t'inquiète pas. Tu m'aurais posé la question y'a un an. J't'aurais dit que ça va mais je l'aurais pas du tout penser." dit-elle en secouant la tête. "Tu m'aurais reposé cette même question y'a six mois, ça aurait été pareil je pense. J'aurais souri et j'aurais fait semblant." Elle avait évolué. Comme un Pokémon. "Maintenant, j'le pense vraiment. J'suis arrivée à faire la part des choses. Bon, j'ai été obligée de consulter. Et j'en suis à mes dernières séances." Elle était un peu comme une alcoolique qui ne voulait pas d'aide. Sauf qu'elle ne voulait pas couler. Et elle avait été obligée de demander de l'aide. Sans quoi, elle n'aurait pu garder la tête hors de l'eau. Elle cligna des yeux. Ethan en revenait à Enzo. "Ah oui. Enzo. Euh ... Et bien, j'l'ai connu à la salle de sport en fait. On est à la même. J'crois que ça l'ennuyait que j'me bouge pas assez sur les machines. Maintenant ... Et bin ... J'le considère comme un bon ami. Une sorte de grand frère que j'peux embêter mais qui n'est pas de ma famille."
« Hum oui, je le connais un peu. On est dans le même secteur et j'ai eu l'occasion de lui parler quelques fois, je ne sais pas si il se souvient de moi par contre. » On ne sait jamais l'impact que l'on peut avoir sur les gens. Enzo m'avait laissé une impression assez mitigée. Rigoureux, il ne laissait rien au hasard. On l'aurait presque cru froid et insensible. Mais l'attitude qu'il avait à la salle de sport et au poste étaient tout autre. Jessy avait besoin de douceur, pas d'une armoire à glace avec un cœur en béton armé. Je la sous-estimais probablement, elle était plus forte qu'elle en avait l'air. Et puis ce n'est qu'en tenant compte des préjugés que j'avais que je me suis fait cette image d'Enzo. Finalement il m'apparaissait sympathique et bien avec ses collègues. Rigoureux dans son travail aussi, ce qui était indispensable. « Vu comment il s’entraîne, j'imagine bien qu'il t'a mise sur les rotules. » Je pars d'un rire amical en la prenant par les épaules, lui offrant un peu de réconfort vis-à-vis de cette lettre qu'elle devait ouvrir. Avoir peur, c'est aussi avoir quelque chose à perdre. Ici cette lettre serait déterminante pour son avenir. J'aurais bien ouvert cette lettre à sa place si cela pouvait l'aider d'une quelconque manière. Jessy refuse net et je vois en elle cette force de caractère que j'aimais tant lorsque nous étions adolescents. Emily la retrouvera bientôt, j'en suis persuadé. « Tu n'as pas peur, tu appréhendes c'est tout. Il n'y a pas de mal. Ce n'est pas pour ça que tu es une mauviette ou quoi que ce soit d'autre. Et puis... c'est une bonne chose d'avoir peur, parfois. » Elle nous maintient en vie, nous pousse à rester vigilants, à nous dépasser. Elle peut aussi être si intense qu'elle nous paralyse entièrement. Il faut trouver le juste milieu, et c'est là toute la difficulté. « Donc, quelle serait cette opportunité dont tu parles ? » fais-je en ne cachant pas ma curiosité.
Voir le prénom de Jessy sur un rapport m'avait beaucoup trop troublé il y a quelques mois pour que je passe à coté. Je m'étais dit que je devrais aller la voir, tout en sachant qu'elle ne prendrait pas bien cette incursion dans sa vie privée. Je me devais donc d'attendre le bon moment tout en gardant un œil sur elle. Il n'y avait pas eu de grosses répercussions, même pas de blessures nécessitant une hospitalisation d'après ce que je savais. Jessy en avait pourtant bien bavé. Pendant pus de six mois elle m'appris qu'elle mentait à son entourage, qui n'était sans doute pas dupe, sur son état. A présent que ça allait mieux un sourire se répandait sur son visage, me laissant croire à un mieux pour elle. « C'est génial. Je suis content que tu ailles mieux et que tout ça sois derrière toi. » Après quatre ans je savais qu'une rechute était possible n'importe quand. Emily s'en sortait par intermittence d'après ce que j'avais compris. Heureusement que leur frère était là pour chacune d'elle. « Si jamais, tu sais que tu peux toujours m'appeler ou passer à l'appart'. Même si nos relations ces dernières années n'ont pas vraiment été un exemple d'amitié, je me souviens qu'on était proches avant que tout ça n'arrive. » Le choix d'Emily ; Jessy pensait qu'il avait été motivé par moi. Étais-ce vrai ? Non, mais le fait que je sois dans les seals avait peut-être poussé Emily à s'inscrire dans cette branche bien plus dangereuse que les autres plutôt que d'intégrer l'armée de terre, de mer ou de l'air. « Mon appart' est juste en face de celui d'Henry, en plus. Je ne le savais même pas avant de le croiser sur le palier il y a deux mois. » C'était assez pratique de se trouver à quelques pas de l'endroit où créchait Emily. Ca me rassurait d’être tout près d'elle, aussi stupide que ce soit.
Je hoche la tête en l'entendant parler d'Enzo. Avoir quelqu'un à qui parler c'est important, quelqu'un qui ne vous juge pas et avec qui vous pouvez rire sans avoir peur de quoi que ce soit. Mes frères ont été mon pilier pendant ces mois qui suivirent mon sauvetage. Sans eux je ne serais plus là et je leur suis redevable à vie. Bien sur ils l'ont fait par amour. Ca c'est un peu un truc de nana, ou d'Harry Potter, mais c'est sans doute ce qui qualifierait le mieux ce qu'il s'est passé.
Ils devaient se connaître tous les deux. Enzo et Ethan. Certes, ils n'étaient pas dans la même branche. Enzo était chez les Stups. Ethan était un simple inspecteur de police. Ils ne travaillaient pas ensemble. Mais ça ne devait pas les empêcher de se voir, de se croiser assez souvent, non ? Du moins, c'était ce que Jessy ses disait. Et Ethan en vint à le lui confirmer. Le fait qu'il le connaissait. A son entente, ils ne se connaissaient pas plus que cela tous les deux. Oui, ils n'avaient pas élevé les cochons ensemble, si on pouvait dire cela ainsi. Si ça se trouvait, ils ne se parlaient pas vraiment. Voire peu. C'était possible. Oh, Jessy n'allait pas s'en mêler. Hein, s'ils se connaissaient pas plus que cela, elle s'en fichait. Elle, elle les connaissait. Tous les deux. Ethan depuis plus longtemps sans doute. Même si ... elle n'était plus aussi proche que lui que par le passé. Elle le regrettait. Mais c'était comme ça. "Je sais pas." en vint-elle à répondre à la question qu'il venait de poser. Enfin, c'était pas vraiment une question d'ailleurs. "J'lui demanderais la prochaine fois qu'on s'verra. Ou pas." avait-elle ajouté dans un sourire. Elle lui parla un peu d'Enzo. Lui fait qu'elle allait à la salle de sport avec lui. Et Ethan en vint à supposer qu'elle devait être souvent fatiguée d'aller au sport avec lui. Elle haussa quelque peu des épaules. "Ouais, un peu. Enfin, au début surtout. J'avais mal partout !" Elle hocha la tête. "C'était juste l'horreur. Maintenant, çe me gêne moins." Ouais, elle avait fini par s'y habituer, en quelque sorte. Même si Jessy n'aimait pas trop souffrir. Ca lui arrivait encore d'avoir quelques courbatures de temps à autre. Mais bon, c'était plus rare maintenant. Jessy lui parla de la lettre. Du fait qu'elle avait un peu peur quand même. Pour Ethan, c'était pas de la peur. De l'appréhension. Elle redoutait la décision. Elle fronça des sourcils en le regardant. "D'où que tu parles de mauviette toi ?" Ouais, d'où ça venait ? "Tu serais pas en train de me traiter de mauviette, hein ?" Elle savait bien que non. Elle le charriait. Un peu. Beaucoup. Elle avait le droit, non ? "Un place d'enseignante. A l'université. C'est mieux que d'enseigner les arts plastiques à des enfants qui n'en ont rien à foutre." avait-elle dit dans un hochement de la tête. "Et cette petite lettre doit donc me dire si c'est pour la rentrée 2016. Pour plus tard. Ou jamais." Elle espérait que, si c'était reporté, que ça soit pour l'année d'après. Et pas plus tard. Elle saurait bien assez rapidement de toute manière. Ouais. Une fois que Jessy aurait décidé de ... d'ouvrir la lettre. Ils échangèrent un peu tous les deux sur ... sur le fait qu'elle aille bien. Oui, il fut un temps où elle était obligée de mentir quand on lui posait la question Elle préférait dire qu'elle allait bien alors que ce n'était clairement pas le cas. Elle était obligée de faire semblant. Maintenant, c'était plus le cas. Maintenant, elle n'était plus obligée de faire semblant. Maintenant, ça allait bien. Ethan en vint à lui dire des choses gentilles. Qu'il était heureux pour elle. Et que si ça n'allait pas, elle pouvait toujours passer. Il lui avoua, volontiers, que leur relation n'était plus que l'ombre de ce qu'elle avait pu être par le passé. "J'm'en souviens aussi." avait-elle dit dans un hochement de la tête, l'air mélancolique. Elle se souvenait de quelques sorties qu'ils avaient pu faire à quatre. Ethan, Emily, Justin et elle. Ils étaient partis. Les uns après les autres. Ethan en premier. Puis Emily. Ils étaient tous les deux revenus. Sans être réellement revenus. Et puis, Justin aussi. Est-ce qu'il allait revenir ? Jessy espérait que oui. Son meilleur ami lui manquait. Terriblement. "J'ai l'impression que c'était dans une autre vie." Et pas qu'un peu. C'était loin derrière eux. Cette proximité. Et il était clair que si ça n'allait pas, il ne serait pas forcément le premier qu'elle viendrait voir. Ethan en vint à lui dire une chose étonnante. Le fait que ... Et bien que Ethan vivait pas loin d'Henry. En face de lui même. "Non, sérieux ?" Elle était étonnée. Et pas qu'un peu. "On s'est vus l'autre jour et il ne m'en a pas parlé." En même temps, ils ne parlaient pas d'Ethan quand ils se voyaient. Ce qui était normal qu'Henry n'ait rien dit.
On se souvient tous de notre première séance de sport « intense ». Certains vivent ça très jeunes parce que leurs parents les ont inscrits à un club de sport ; d'autres attendent plusieurs années avant de vraiment se mettre au sport. Ce n'est pas par souci esthétique que j'ai débuté le sport intensif à quatorze ans mais plutôt par envie de me dépasser, je suis heureux que Jessy connaisse cet euphorie que l'on ressent en testant nos limites, la libération de l'adrénaline et des endorphines est capitale. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle « l'hormone du bonheur ». « Ça s'appelle l'endurance ma belle ! » je lance en lui donnant une tape amicale dans le dos.
Je ne crois pas un instant qu'elle prenne au sérieux le mot maudit, mauviette. C'est très subjectif, je regrette de l'avoir employé puisqu'il est aussi négatif, mais elle a compris l'idée et c'est le principal, la jolie brune ne s'en offusque pas. « Absolument pas ! J'étais en train de dire que tu es superwoman qui s'habille en... pantalon et tee-shirt. » fais-je avec un geste de la main qui désigne sa tenue. Dans ma tête je peux imaginer sans problèmes Jessy en mode superhéroine : les collants bleus, la cape rouge, et tout l'attirail de l’héroïne des temps modernes. La connaissant elle chercherait à moderniser un peu tout ça, quand même. Ce serait marrant de voir quelle héroïne elle pourrait être pour sa ville. Peut-être qu'elle agirait en secret, sous le couver de son poste d'enseignante à l'université. La lettre qu'elle a reçue va l'informer quand à ce poste qu'elle veut briguer. Je la comprends, être enseignante à l'université c'est beaucoup plus important qu’être en maternelle. Non qu'enseigner en primaire soit dégradant, au contraire. « A l'université ? Waow c'est énorme ça ! Quand tu l'aura ouverte il faudra qu'on fête ça. » Car je ne doute pas qu'elle l'aura. Si ils ne l'acceptent pas c'est qu'ils font une belle erreur. Il y a tant de gens que ça à Brisbane qui veulent être professeur à l'université ? Si elle doute à ce point c'est que la sélection doit être difficile...
"J'ai l'impression que c'était dans une autre vie." Un hochement de tête confirme ses dires. Déjà quatre ans que nous sommes revenus de mission et que je suis inspecteur de police. J'ai gravi quelques échelons, c'est vrai, cependant le fait qu'elle me dise cela me rappelle à quel point le temps passe vite. Elle ravive aussi cette envie de faire davantage, de me former pour monter en grade. Ça ne doit pas être si compliqué que ça, j'espère pouvoir suivre ces modules de formation en parallèle du boulot pour ne pas devoir arrêter complètement. Aider les autres et se sentir utile sont mes moteurs chaque jour. Je pense être dans le vrai quand je dis qu'il y a plus de rebondissements dans ma vie professionnelle que dans ma vie personnelle. « Moi aussi. C'est passé super vite. C'est comme si tu prenais un train, t'as six ou sept ans t'as encore rien vu de la vie, et t’arrive dans l'age adulte avec son lot de joies et de malheurs. Être adulte parfois, ça craint. » A vingt-sept ans beaucoup de mes amis sont en couple, voire déjà mariés, ils pensent à avoir un enfant... je n'ai rien de tout ça. Avant aujourd'hui je n'étais pas entièrement conscient de l'importance que ça avait pour moi. « Quand je vais sur facebook en ce moment je ne vois que des annonces de fiançailles ou de grossesse, ça me fou un coup de blus à chaque fois. Merde, j'ai vingt-sept ans quand même. »
Devrais-etre surpris qu'Henry n'ai pas communiqué l'information à sa sœur concernant la localisation de mon appart' ? Non. Cela s'explique assez bien, comme j'essaie de l'expliquer à Jessy : « Oui, ce n'est pas quelque chose dont il va se vanter je pense. On s'est expliqués, malgré ça je crois qu'il a du mal a se faire à l'idée que je n'ai pas poussé Emily a s'engager. »
Ethan lui avait donné une petite tape. Pas de quoi lui faire mal mais bon. Heureusement qu'elle n'était pas en sucre et qu'elle faisait un peu de sport avec Enzo. Sans quoi, oui, elle aurait pu se faire un peu mal dans l'histoire. "Ouais, et bin, l'endurance, c'est moche." en vint-elle à lui dire dans un hochement de la tête. "Et j'en ai pas trop. Et j'aime bien que ça reste comme ça d'ailleurs." Jessy n'était pas une sportive. C'était un fait. Elle n'avait pas envie d'en devenir une. Mais alors pas du tout. Oui, faire un peu de sport, à droite, à gauche, pourquoi pas ? Ca ne la dérangeait pas. Au contraire. C'était sympa. Mais tout le temps, non. Hors de question. Le sport et elle, ils ne seraient jamais de grands amis. Du moins, Jessy ne pensait pas. Enzo faisait tout pour qu'elle s'y intéresse. Et elle en faisait un peu, oui. Mais elle n'en ferait pas plus. Faire du sport pour faire du sport, merci, mais non merci. Elle préférait ... peindre par exemple. C'était mieux. C'était sympathique. C'était chouette, y'avait pas à dire. La peinture, c'était mieux que le sport. Et elle risquait moins de se faire mal à dire vrai. Elle ne risquait pas de se péter un bras ou un truc dans le genre. Pour sûr. Enfin, passons. Ethan lui avait lancé une petite pique sans le vouloir et elle avait répondu au quart de tour, ou presque. Alors oui. Elle avait fait semblant d'être vexée. Juste un quart de seconde. Parce qu'elle ne faisait pas sérieuse après tout. Ca se lisait sur son visage d'ailleurs. "Ouais, ouais, mon oeil. J'ressemble en rien à une héroïne qui se déguise." Elle secoua la tête. Non, c'était pas son genre. Venir en aide à la veuve et à l'orphelin, non pas qu'elle ne le ferait pas. Mais elle ne pouvait pas le faire. C'était pas son truc. C'était pas ... Oui, c'était pas quelque chose qu'elle ferait facilement. Si elle pouvait aider, oui. Mais de là à se mettre en danger pour aider quelqu'un. Non, pas son genre du tout. Elle n'était pas courageuse. Ce n'était pas elle. "Et puis, les tenues moulantes ... Non. Tu peux oublier." Emily, peut-être. Il fut un temps. Avant qu'elle ne s'en aille faire face au danger. Maintenant, sans doute moins. Elle avait vécu des choses pas drôles Emily. En tout cas, Jessy en vint à lui dire que ... Et bien oui, elle avait postulé pour l'université. En tant que professeur là-bas. Et elle espérait, au fond, que cette petite lettre allait lui dire que c'était bon pour elle. Elle avait ouvrir d'ouvrir la lettre. Comme elle n'avait pas envie de le faire. Elle eut un hochement de la tête. "On fera ça, pas de souci." Peut-être un truc à quatre. Genre Emily, Ethan, Henry et elle. Elle aurait bien convié Justin mais comme il avait quitté Brisbane ... Ca serait difficile de le faire venir. Ouais. C'était une autre vie. Sa proximité avec Justin. Avec Ethan. Ils avaient grandi. Les choses avaient changé. Ils s'étaient éloignés. Pas par choix. Mais c'était comme ça. Et elle n'y pouvait pas grand chose. Est-ce qu'elle pourrait retrouver cette proximité avec Ethan ? Elle n'en savait rien. A voir. "J'suis tout à fait d'accord. Ca craint parfois. Et pas qu'un peu." Mais c'était ça le comble. D'être un enfant et de se dire que ... Et bien, de se dire qu'on ne voulait qu'une chose. Grandir. Pour faire les choses autrement. Pour faire les choses par soi-même. Et quand on était grand, on avait envie de revenir en arrière. C'était comme ça. Ethan lui parla des réseaux sociaux. Du fait que ses potes étaient en couple, ou bien qu'ils se mariaient. Ou encore qu'ils attendaient un bébé. "Bah écoute. Ca pourrait être pire. Tu pourrais avoir la trentaine passée." Oui, Jessy essayait de relativiser les choses en quelque sorte. "On en reparlera quand t'auras quarante ans. Tu seras peut-être en couple et heureux." Ou pas. Elle n'en savait rien. Elle-même ne savait pas où elle en serait à trente ans. Alors, à quarante, c'était encore loin. Très loin. Ils en vinrent à parler du lieu de vie d'Ethan. Sur le fait qu'Henry n'avait rien dit à ce sujet. "Elle s'est engagée parce que tu l'as fait. Après, si tu l'avais pas fait ... je sais pas si elle l'aurait fait quand même ou non. Mais j'pense qu'indirectement, ça a un lien." Elle n'allait pas l'accuser et lui dire que c'était de sa faute mais bon.
Entendre parler Jessy, à son tour, de tenues moulantes me rappelle cette robe qu'Emily avait enfilée pour le bal de l'escadron. Nous y étions allés ensemble, c'était normal pour deux meilleurs amis d'arriver au bras l'un de l'autre au bal. J'étais comblé d'avoir un canon à mes cotés et de rendre les autres jaloux. Les femmes chez les SEALs c'est comme l'or chez les pauvres ; c'est rare. A l'époque ça ne faisait que deux ans que la formation était ouverte au sexe féminin, alors forcément... j'étais un sacré veinard d'etre accompagné. « Dans un peu plus de deux ans j'aurais la trentaine, deux ans Jessy. » soufflai-je en me rendant compte de la chose. Officiellement je suis « retraité » de chez les SEALs, le mot retraite m'avait fait frémir il y a quatre ans. Mais je savais que je ne pourrais plus partir en mission comme ça. En revanche comme je lui avait dit, j'aspirai à faire évoluer ma carrière en entrant dans les forces spéciales, probablement. « En couple, heureux, deux enfants. Le parfait homme domestiqué. » je ris avec elle. C'est une plaisanterie que tous sortent lorsqu'ils ont vingt ans, ils refusent de se caser et d'intégrer la routine avec leurs petites amies. En revanche leur discours change quand ils rencontrent la femme de leur vie, celle qui fera battre leur cœur à cent à l'heure et qui leur fera changer d'avis. Cette vie là ne me fait pas si peur que ça. Si j'avais une petite-amie – ou une femme – et des enfants, je n'oublierai pas pour autant mes ambitions. Être « domestiqué » n'est pas forcément une mauvaise chose, c'est un terme subjectif que je n'aime pas beaucoup d'ailleurs. Ce qui compte, c'est d’être heureux.
"Elle s'est engagée parce que tu l'as fait. Après, si tu l'avais pas fait ... je sais pas si elle l'aurait fait quand même ou non. Mais j'pense qu'indirectement, ça a un lien." Je ne sais pas si c'est de la rancoeur que je perçois en elle ou juste une lassitude. Le sujet de conversation est déjà tombé, avec à chaque fois les memes réponses d'un coté et de l'autre. « Peut-etre. Peut-etre pas. Elle a fait son choix, ce serait bien de la traiter comme si elle avait choisi elle-meme plutot que pour suivre quelqu'un quelle aimait. Quand elle m'a parlé de son envie de nous rejoindre je lui ai expliqué les risques et je lui ai fait montrer des films vraiment gores qui auraient fait flipper n'importe qui. Tu sais quelle a été sa réaction ? » Non, bien sur que non. Pour eux je suis toujours celui qui a mis en danger leur sœur. Et putain, à chaque fois c'est énervant. « Elle a pointé les erreurs que les gars avaient commises dans leur mission et a demandé où elle devait signer pour limiter les pertes, civiles ou militaires. » Personne ne peut mesurer le nombre de vies que nous avons sauvées pendant les quelques années qu'ont durées nos missions. Mais le nombre est considérable, c'est ce qui me pousse à avancer chaque jour, à ne pas me replier sur moi-meme suite à cette mission foireuse. « Si c'était à refaire, je le ferais sans hésiter. Si tu l'avais vue le jour où elle a sauvé un groupe d'otage pour la première fois... je pense que tu comprendrais. » J'essaie de trouver un exemple qu'elle pourra comprendre plus facilement, parce que je pense qu'elle n'envie pas beaucoup notre métier. « C'est comme quand un enfant revient te voir plusieurs années après et te dit que tu as changé sa vision des choses, que tu l'as rendu heureux pendant l'année où tu l'a pris en charge... c'est indescriptible. T'as changé la vie d'un etre humain, et c'est un sentiment indescriptible. »
Ca faisait flipper certaines personnes d'atteindre la trentaine et de se prendre une décennie de plus dans le visage. Ce que Jessy pouvait en penser ? A dire vrai, aller sur ses trente ans, ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Parce que tout le monde grandissait. Que ça soit en bien. Ou bien en mal. Elle espérait juste qu'elle réussirait bien sa vie. Et qu'elle finirait par se mettre avec quelqu'un qui pourrait l'aimer. Et avec qui elle pourrait fonder une famille. Mais avec sa malchance en amour, elle ne savait pas trop si ça se produirait. Et quand ça se produirait surtout. Elle s'était toujours dit qu'il y avait quelqu'un pour chaque personne dans ce monde. Mais si elle s'était trompée ? Et si elle finissait seule ? Bah, c'était pas bien grave. Elle s'en sortirait quand même. Tant qu'elle avait une vie heureuse, ou bien un semblant de bonheur, pourquoi pas ? "Et alors ?" en vint-elle à lui demander en penchant la tête sur le côté. "Tu auras trente ans et alors ? J'veux dire. D'accord, tu vas passer un cap. Mais j'vois pas en quoi c'est grave. Faut pas en faire toute une histoire pour rien." Elle secoua la tête. "Et puis, t'as le temps de voir venir. C'est que dans trois ans. C'est pas comme si c'était le mois prochain." Elle essayait de lui faire relativiser les choses, d'une certaine manière. Il se voyait, en tout cas, en couple. Avec des enfants. Avoir une belle petite vie. "Et bien, si tu veux ça dans trois ans, va falloir que tu commences tout de suite alors." avait-elle dit dans un hochement de la tête. Et fallait qu'il se trouve une copine. "Tu me présentes à la future mère de tes enfants ou tu la cherches encore ?" Jessy le cherchait un peu. En fait, elle essayait de retrouver cette proximité qu'ils avaient lorsqu'ils étaient plus jeunes. Avant que tout ne parte en sucette quand il avait décidé de ... Et bien, quand il avait décidé de s'engager. Emily l'avait suivi. Oui, longtemps, elle en avait voulu à Ethan. Peut-être qu'elle lui en voulait toujours un peu. Emily était revenue. Oui. Mais elle avait l'impression que sa soeur ... n'était plus vraiment la même depuis qu'elle était revenue. Une personne différente. Qu'elle connaissait en même temps. C'était peut-être étrange. Une étrange sensation. En tout cas, ce sujet là, que Jessy avait ramené sur le tapis sans réellement le vouloir, elle vit très bien que ça gonflait un peu Ethan. Et pas qu'un petit peu d'ailleurs. A sa manière, il tentait de lui faire comprendre les choses. A sa manière, il tentait de lui faire voir comment c'était. Pourquoi surtout. Alors, elle l'avait écouté. Elle l'avait écouté sans l'interrompre. Parce qu'elle avait toujours cherché à comprendre. Pourquoi lui. Pourquoi elle. Pourquoi ils avaient décidé de partir. Quelle cause avaient-ils décidé de soutenir ? Pourquoi se lancer dans une telle aventure alors que c'était ultra dangereux ? Est-ce qu'elle serait convaincue par cette explication ? Difficile de le dire. Mais au moins, peut-être que ça permettrait d'arrondir les angles. Et qu'elle arrête de lui en vouloir. Ou pas. "C'est quelque chose que vous partagez. Toi et elle. Je pense que tu auras beau tenter d'essayer de m'expliquer, j'suis pas certaine que j'arriverais à comprendre ce que vous avez pu ressentir face à ça." Au moins, elle était honnête. Non pas qu'elle ne voulait pas essayer de comprendre. Elle n'était juste pas certaine qu'elle pourrait comprendre toute l'étendue de leurs actes. Et pourquoi ils avaient décidé de s'engager sur cette voie.
Le cap des trente ans... ça me fait flipper. Jessy l'a très bien compris et trouve ça risible, ce que je conçois. Du haut de ses 25 ans elle a encore le temps de voir passer, quelque part... je n'ai que deux ans de plus qu'elle, ce n'est pas beaucoup. Relativiser, c'est en effet le maître mot qu'elle emploie. « Pas dans trois ans mais... un jour, tu vois ? Pas trop tard non plus. » Il me fallait déjà trouver la future Mrs Brown, et ça c'était tout un programme. Ado je me disais que j'avais tout le temps que je voulais, je ne cherchais pas particulièrement et il m'arrivait d'avoir de brèves aventures. Maintenant que j'ai une vie plus ou moins stable, que je ne suis pas constamment en train de courir à droite à gauche, je réalise que ce n'est pas en conservant cette attitude que je me retrouverais en tant que personne. Le soir où j'ai failli coucher avec cette blonde pulpeuse je me suis rendu compte que ça ne me mènerait à rien. Et je n’arrêtais pas de penser à Emily, qui plus est.
C'est vrai que sa jumelle ne comprendrait probablement jamais ce qu'il y avait entre nous, le pourquoi du comment de notre engagement... mais j'essayais de lui faire comprendre combien c'était grisant de sentir que vos actions ont un effet sur le monde. « J'apprécie quand même que tu m'écoutes, je sais que la situation est un peu tendue mais il n'y a pas de raisons que ça se passe mal. On est des gens civilisés. » dis-je en ponctuant la fin de ma phrase d'un rire sonore. C'est bien de terminer une conversation sur une note d'humour qui laisse un bon souvenir, car c'est ce dont j'ai besoin avec Jessy en ce moment. Ma montre me rappelle à l'ordre avec de petits « bip » que j'aurais aimé ne pas entendre aujourd'hui, saleté de timing. Mon rendez-vous chez le kiné n'attendra pas, malheureusement. « Je suis désolé, j'ai un rendez-vous dans une demie-heure et il faut que j'aille me préparer. » Je la prends dans mes bras, lui offrant une accolade amicale « Je suis content de t'avoir vue, dis-moi quelle est la réponse concernant cette enveloppe ! Et prends-soin de toi miss Bush. » fais-je avant de partir sur un clin d'oeil jovial.
Il avait envie d'avoir une famille. Ca se lisait sur son visage. Il allait devoir s'y mettre. Rapidement. Ou pas. Trouver la future Madame Brown, c'était la première étape. "Un jour, c'est vague. Fixe-toi un objectif." Genre, être papa avant d'avoir la trentaine, ou un truc dans le genre. Elle aimerait bien pouponner, elle, avant d'avoir la trentaine. Mais elle était un peu dans la même situation qu'Ethan. Notre Jessy cherchait encore le futur papa. Ele avait eu quelques relations. Des choses qu'elle aurait pensé sérieuses alors que ce n'était pas du tout le cas. Elle ne savait pas si ... Et bien, elle ne savait pas si elle devait continuer à chercher ou bien si ça finirait par lui tomber dessus. Elle n'en savait rien. Elle avait le temps de voir venir. Quant à oublier toute cette histoire ... Quant à oublier le fait qu'Emily était partie et qu'elle s'était engagée sur une voie dangereuse ... Oui, sans doute qu'elle trouverait qu'Ethan avait une part de responsabilité. Sans doute qu'elle ne pourrait jamais oublier. Elle pouvait essayer de comprendre, mais sans réellement y parvenir à dire vrai. Pour le moment, c'était encore trop tôt. Oui, bon, ça faisait un moment qu'Emily était rentrée maintenant. Et oui, sa soeur allait bien. Mais fallait qu'elle accepte. Plus facile à dire qu'à faire. Au moins, elle avait écouté l'explication d'Ethan. Elle n'avait pas tout rejeté en bloc. "Heureusement qu'on est des gens civilisés. On ne vit pas dans des grottes après tout." Et encore. Certaines personnes pouvaient vivre dans des taudis, cela ne voulait pas dire pour autant qu'ils n'étaient pas civilisés. Jessy espérait qu'au fond, elle oublierait. Et elle passerait à autre chose. Elle ne savait pas quand elle le ferait. Elle ne savait pas si ça se produirait ou non. Mais elle voulait essayer. Au moins pour retrouver cette amitié qu'elle avait pu avoir avec Ethan. Certes, ça ne serait, sans doute, pas comme avant. Et ça serait difficile les premiers temps. Mais Jessy ferait des efforts. Pour laisser ça derrière elle. Une bonne fois pour toute. Il lui fallait juste du temps. Encore. Et oui, Ethan devrait se montrer patiente avec elle. Un bip se fit entendre. Ethan avait rendez-vous. Dans pas longtemps. Elle eut un hochement de la tête. "Ca serait bête que je te mette en retard." Il l'avait serré dans ses bras. Un câlin pour la saluer. "Prends soin de toi également." dit-elle dans un hochement de la tête. Quant à cette enveloppe, sans doute qu'elle aurait le courage de l'ouvrir. Parce qu'après tout, fallait bien qu'elle sache ce qu'elle renfermait.
J'ai déplacé ^^ Quand tu veux pour un prochain RP ♥