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 Sahel + Nothing left but picture frames

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Message(#)Sahel + Nothing left but picture frames EmptyLun 28 Déc 2015 - 13:17

nothing left but picture frames

sahel fawkes + eliott hemmings

Sahel + Nothing left but picture frames Tumblr_inline_n6cioqa2ul1r437ocLe trajet se fait dans le silence, depuis que nous avons quitté l’hôpital. Silencieux, Sahel conduit sans prononcer un seul mot, le regard rivé droit devant lui, sur la route. Je ne l’ai pas entendu articuler le moindre son depuis qu’il a adressé ses adieux au médecin m’ayant suivi ces dernières semaines. Quant à moi, je ne vaux guère mieux. Les pupilles perdues dans le vide, je laisse ma tête reposer contre la vitre. Le paysage nocturne et désert de cette soirée automnale défile devant mes iris comme un film lassant. La lumière des réverbères, la démarche des personnes déambulant dans les rues, les feuilles aux teintes cuivrées qui virevoltent au gré du vent. Tout est sans saveur, sans couleur. Seul un goût amer en accord avec mes pensées macabres me chatouille la langue, me donnant presque la nausée.
J’ai tout perdu. Un accident. Une seconde d’inattention qui m’a tout coûté. C’est fou comme un simple trou de mémoire peut nous arracher toute une vie. L’homme qui est à mes côtés m’a rapporté les moindres détails de mon existence, mais aucune anecdote ne m’a semblé familière. C’était comme entendre le récit d’un autre, comme lire la biographie d’un parfait inconnu. Seul le prénom de Britanny m’a tiré une vraie réaction. Je me souviens parfaitement d’elle, de sa chevelure dorée qui soulignait la beauté de ses yeux couleur ciel, de son rire cristallin qui éclatait à mes oreilles au moindre instant de complicité. Je me rappelle de chaque instant passé avec elle, cette jeune femme, ma meilleure amie. Mais je ne me souviens pas l’avoir tuée. Je ne me souviens pas d’avoir rencontré la trajectoire d’un camion en la conduisant à l’aéroport. Et je ne me souviens pas non plus avoir partagé ces trois dernières années en sa compagnie et en compagnie de notre fils.
Lucas. C’est son prénom. Sahel m’en a beaucoup parlé, me racontant la réticence avec laquelle j’avais d’abord accueilli cet enfant pour progressivement me transformer en un père aimant, voire même complètement gaga. Il m’a évoqué tout ce que j’appréciais faire avec lui, allant du simple contage d’histoire avant le coucher jusqu’aux heures interminables passées à jouer avec lui. Il m’a rapporté toutes nos habitudes, notamment celle que j’avais de le surnommer Spiderman en référence à mon comic et à son héro préféré. Pourtant, il a eu beau m’en parler, rien ne m’a semblé familier. Les photos qu’il a pu me montrer ne m’ont en rien évoqué un visage que je connaissais. Et pourtant, les faits sont là. Il est mon fils et je suis la seule famille qui lui reste. Je dois à présent faire avec ça, m’en occuper et l’élever comme j’ai pu le faire ces dernières années. Et ça m’angoisse. Cette peur me colle à la chair comme une ombre, faisant battre mon cœur démesurément et accentuant cette envie de vomir qui irrite mon palais.

Nous arrivons enfin à destination. Une jolie maison familiale dans le quartier de Toowong. Encore une fois, cela ne m’évoque aucun souvenir. Rien ne me revient en mémoire, pas même lorsque je passe le pas de la porte pour découvrir une demeure parfaitement entretenue qui respire la chaleur familiale. Sans un mot, le cœur au bord des lèvres, je m’avance timidement en direction du salon, Sahel sur mes talons. Déposant mon sac près du canapé, je laisse mes yeux vagabonder au-travers de la pièce, essayant en vain de me raccrocher au moindre détail qui pourrait me rappeler quelque chose. La panique va en s’agrandissant à mesure que les secondes s’écoulent. Pour ne rien laisser paraître, je continue à me déplacer avec lenteur, mes jambes me portant à peine. M’approchant d’une bibliothèque, je passe au crible les photos qui y trônent, nombreuses et déstabilisantes. Une bouffée de chaleur me prend lorsque mes pupilles s’accrochent à un cliché nous représentant tous les quatre, Sahel, Britanny, Lucas et moi, tous souriant et respirant la joie de vivre. Sans réellement me rendre compte de mes gestes, j’attrape le cadre et, le tenant de mes deux mains tremblantes, je le fixe. Je déglutis au moment de passer l’un de mes pouces sur le visage angélique de la jeune femme. Rien de tout ça n’existe encore. Cette famille qui était heureuse est à présent brisée, et je n’ai pas la moindre idée de ce que je dois faire pour pouvoir recoller les morceaux.
Je sens le regard inquiet de Sahel peser sur mes épaules. Il m’épie depuis notre arrivée, je le sais, je le sens. Je ne peux pas l’en blâmer, bien que cela soit gênant pour moi de le sentir me traquer de la sorte. Alors, pour tenter de dissimuler le malaise qui m’étourdit depuis de longues minutes, je tourne ma tête dans sa direction, captant son regard afin de lui montrer la photo.
- Ça remonte à longtemps ?
Je regrette amèrement ma question à la seconde même ou je la termine. Mais que puis-je dire d’autre ? Sahel est un parfait inconnu pour moi, alors que je sais pertinemment qu’il était loin de l’être avant l’accident m’ayant arraché mes souvenirs. Je n’ai pas la moindre idée de ce que je peux lui dire dans de telles circonstances.
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Message(#)Sahel + Nothing left but picture frames EmptyLun 28 Déc 2015 - 18:32

Je l’ai voulu en entier.
Avec lui, il n’a jamais été question d’amour par intermittence, d’amour occasionnel, d’amour par période. Il m’a appartenu dès la première seconde, dès le premier regard, dès le premier sourire.
& aujourd’hui, je suis fatalement & tristement amoureux d’une étoile filante, insensible à mes sentiments, hermétique à mon contact, à mes caresses & à ma chaleur. Il a perdu la mémoire, & moi j’ai perdu mes repères. À l’hôpital, ils auraient  dû me filer une boussole, ou une carte, qui m’indiquerait un peu où je suis supposé aller, dans quelle direction je suis censé nous amener. Parce que là, je suis perdu. Dans les dédales de mon esprit décousu voyagent mes idées idiotes, mes envies démesurées & déraisonnables. Autant dire que la frénésie mentale dont je souffre contraste avec la dérangeante forme inerte de mon corps. Je conduis, mais mes gestes sont mécaniques. Je fixe la route. Je pense à nous, je pense à notre passé, & à notre futur complètement chamboulé. Je pense à ses sourires – qui ne seront plus jamais les mêmes. Je pense à ses je t’aime – qui ne sont maintenant plus que l’écho d’un lointain souvenir. Je pense à ses mains sur mon corps, à ses étreintes passionnées. Notre éloignement comme une alarme assourdissante retentit dans mon crâne. Les images de notre union perdue s’invite sous mes paupières, lorsque je les rabats sur mes yeux ternes. Elio n’est qu’à quelques centimètres de moi, il me suffirait de tendre la main pour toucher sa peau, mais nous sommes pourtant si loin.

À l’intérieur de notre maison, l’émotion me gagne. J’ai les larmes qui montent mais je les ravale aussitôt & les enferme dans une petite geôle où elles finiront sèches. Y a le fantôme d’Elio qui erre dans le salon. Ses yeux vagabondent. Son âme décharnée se heurte à la mienne, pleine d’espoir. & je crois que je n’ai plus qu’à jeter mes illusions dans le vide-ordures. Rien ne se passe. Alors que j’avais tant espéré qu’il se souvienne.
Qu’il se souvienne m’avoir aimé. C’est tout ce que je demande.
Aucun souffle nouveau.
Pas même lorsqu’il attrape cette photo. Il se tourne vers moi, & je me plonge dans ses pupilles ternes.
- Ça remonte à longtemps ?, qu’il me demande.
J’ai le cœur au bord des lèvres. Un gout de bile rampe sur ma langue. J’ai envie de vomir ma rancœur, ma haine & ma frustration. Au lieu de ça, je m’approche un peu. Nos épaules se frôlent quand je prends possession du cadre. Une pluie de frissons désordonnés s’abat le long de ma colonne vertébrale, se répercute sur mes joues qui rougissent, & se fracasse dans mes poumons, rendant mon souffle plus court.
J’observe nos visages qui rayonnent, nos éclats de rire qui scintillent, nos yeux qui brillent. & la mélancolie fait trembler mes doigts. Je donnerais tout pour revenir à cette époque. Pour que Britanny revienne & qu’elle rende la mémoire à Elio. La voleuse. Elle s’est tirée en emportant tout sur son passage. C’était pas prévu au programme.
C’était il y a un an environ. commencé-je en posant mes fesses sur le dossier du canapé. On venait de se disputer, comme souvent lorsqu’il s’agissait de Britanny. J’avais envie de passer ma journée avec toi & le petit. Mais tu as insisté pour qu’elle vienne. & tu as bien fait, on a passé un super moment. Ça se voit d’ailleurs, tu trouves pas ? dis-je en lui tendant de nouveau la photo.
J’évite d’ajouter que le soir-même, il s’est montré très taquin avec moi. À coup de « je te l’avais dit qu’on s’amuserait, non ? », accompagné de baisers contre ma peau nue, de caresses audacieuses & de mots obscènes dans le creux de mon oreille. J’ai essayé de lui résister ce soir-là (avec très peu de volonté), mais on a fait l’amour aussitôt.
Mon regard trouve le sien, & un soupir passe l’orée de mes lèvres. Avant, je parvenais à lui voler quelques battements de cœur avec un seul de mes sourires. Aujourd’hui, il n’y a plus rien qui lui culbute le cœur. Plus rien. Je ne suis qu'un inconnu.
J’aurais aimé que tu tombes amoureux de moi une deuxième fois. Tout d’un coup. Juste en me regardant. C’est pas possible que tu aies oublié la violence avec laquelle on s'est aimé.
Je passe une main dans mes cheveux argentés, & je me relève. Il n’a pas besoin d’entendre ça maintenant. Je ne suis qu’un putain d’égoïste. & le pire, c’est que je n’en ai même pas honte.
Excuse-moi. C’est pas le moment. Je vais préparer à manger, tu peux monter tes affaires dans la chambre en attendant, si tu veux. À l’étage, première porte à droite, je suppose que tu ne t’en souviens pas. ajouté-je, la voix triste & tremblotante.
& pendant que le repas mijote, je jette un œil à mon téléphone portable. « Lucas va bien, il a hâte de retrouver son papa, & il vous fait des bisous. Moi j’espère que tout se passe bien avec Elio » ; c’est ma mère qui m’a envoyé ce texto. Mais je n’ai pas la force de lui répondre immédiatement.
Parce que non.
Tout ne se passe pas bien.
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Message(#)Sahel + Nothing left but picture frames EmptyLun 28 Déc 2015 - 19:19

Reportant mon regard sur la photo, je la détaille d’avantage. Elle a l’air heureuse, cette famille. Certes, sa composition exposant deux pères et une mère pour un seul enfant peut paraître étrange. Mais les sourires qui illuminent les traits de leur visage, ce n’est pas anodin. On ne trouve pas de famille heureuse comme celle-ci dans tous les coins de rue, encore moins lorsqu’elle est configurée de la sorte.
Mes pupilles se perdent sur les traits enfantins du petit garçon. Riant visiblement aux éclats, il s’accroche à moi tandis que sa mère semble vouloir le tirer vers elle. Les coins de mes lèvres s’étirent à peine, stimulés par une vague de chaleur qui envahit mon estomac pour disparaître aussitôt que je regarde le visage de Sahel. Il a l’air tellement heureux. Il ne ressemble en rien à l’homme qui se trouve juste derrière moi. Il est à des années lumières de cet être désemparé et désespéré qui espère secrètement que ma mémoire se ravive par je ne sais quel miracle. Je pince les lèvres, retenant un soupir. Je ne prends pas la peine de détailler les traits de Britanny. Son souvenir est encore là, vif, détaillé. Et elle est la seule à ne pas être là, à ne pas pouvoir se battre pour m’aider à me sortir de l’océan tumultueux dans lequel je me débats, à bout de souffle. Je regarde alors ce jeune père qui, tenant son fils dans ses bras, semble trouver je ne sais quelle force dans le contact qui l’unit à celui qu’il aime. Cet homme, il est heureux. Il a une vie. Une famille. Il a tout.
Mais moi, je n’ai plus rien. Je ne suis pas lui. Je ne suis plus lui.
Je sens Sahel qui se rapproche de moi. Mon cœur se crispe, comme à chaque fois que je le sens trop près. Heureusement, il prend possession du cadre et s’installe contre le dossier du canapé, me permettant d’expirer en toute tranquillité (ou presque).
- C’était il y a un an environ. On venait de se disputer, comme souvent lorsqu’il s’agissait de Britanny. J’avais envie de passer ma journée avec toi & le petit. Mais tu as insisté pour qu’elle vienne. & tu as bien fait, on a passé un super moment. Ça se voit d’ailleurs, tu trouves pas ?
J’acquiesce d’un signe de tête tout en récupérant la photo, sans pouvoir détourner mes yeux de son visage. J’en aspire tous les détails dès que j’en ai l’occasion, dans l’espoir brisé de trouver la moindre trace d’un souvenir enfoui sous le manteau impénétrable de mon amnésie. Je me fais bien plus de mal qu’autre chose. Plus j’insiste, moins je me souviens. Et moins je me souviens, plus j’ai mal. Ce trou béant qui disloque ma poitrine, il n’est pas là par hasard. Une partie entière de ma personne manque, égarée sur une route, quelque part dans cette ville. Je le sens, ce gouffre qui se creuse davantage chaque jour. Et je prie les cieux de m’offrir de quoi le combler entièrement.
Ses yeux trouvent le mordoré des miens. Je suis obligé de déglutir pour tenter de faire disparaître la boule qui obstrue ma gorge, m’empêchant de respirer. Comment ai-je pu oublier la profondeur de ces iris noirs ? Comment ai-je pu l’oublier lui ?
- J’aurais aimé que tu tombes amoureux de moi une deuxième fois. Tout d’un coup. Juste en me regardant. C’est pas possible que tu aies oublié la violence avec laquelle on s'est aimé.
Je fronce les sourcils, abattu en plein cœur par un poignard invisible.
J’aurais pu tomber amoureux une seconde fois au premier regard. Je l’ai frôlé ce love at first sight dont tous les romans et toutes les séries télévisées à l’eau de rose parlent. Mais j’ai été incapable de le laisser entrer, car je sais que je suis censé le connaître depuis des années déjà. Comment tomber amoureux d’un inconnu que l’on sait ne pas être si inconnu que cela ?
- Excuse-moi. C’est pas le moment. Je vais préparer à manger, tu peux monter tes affaires dans la chambre en attendant, si tu veux. À l’étage, première porte à droite, je suppose que tu ne t’en souviens pas.
Je le laisse disparaître, sans un mot. Immobile, il me faut plusieurs secondes avant de pouvoir bouger. Reposant la photo à sa place initiale, je récupère mon sac et me dirige à l’étage comme indiqué, retrouvant une chambre chaleureuse dont je n’ai, une fois de plus, aucun souvenir. Je ne m’y attarde pas, sentant mes nausées me reprendre de plus belle.
Refermant la porte derrière moi, je vagabonde entre les murs de l’étage supérieur tel un fantôme traquant son passé. Et au fil de ma quête, je découvre finalement le sanctuaire enfantin que je devine être celui de Lucas. Y pénétrant, je m’imprègne de l’ambiance qui y règne, sentant un calme surprenant me bercer. Tendant l’oreille, je crois reconnaître le rire innocent d’un enfant qui galope autour de moi. Mes yeux s’émerveillent devant le monde de super-héros majoritairement marvelien que représente cette chambre d’enfant. Et sans même m’en rendre compte, de fines larmes viennent troubler ma vue. Poussant un soupir, je pince l’arrête de mon nez, de sorte à chasser toute preuve de mon chagrin. Puis je quitte la pièce.
Je n’ai aucune envie d’affronter Sahel. Pourtant mes pas me guident jusqu’à lui. M’appuyant dans l’encadrement de la porte donnant sur la cuisine, bras croisés, je l’observe qui s’occupe du repas dans un silence pesant. La tension émanant de son corps me donne envie de tout fracasser.
- T’es injuste, Sahel, lui lance-je, surpris moi-même par la tonalité froide et déchirée dont s’est imprégnée ma voix.
Il se retourne pour me regarder, posant sur moi ses yeux noirs remplis de chagrin et d’incompréhension. Mon visage se renfrogne pour ne rien laisser transparaître. J’ai toujours été comme ça, à jouer les durs à cuir même dans la plus pénible des souffrances.
- J’donnerais n’importe quoi pour tomber à nouveau amoureux de toi. J’donnerais n’importe quoi pour simplement me rappeler t’avoir aimé un jour.
Je sers les poings en prenant soin de les dissimuler. Mes sourcils froncés parlent pourtant pour la totalité de mon corps et de mon esprit réunis.
- J’donnerais tout, absolument tout pour récupérer ces putains de souvenirs. Mais est-ce que c’est possible ?, demande-je, amer. Non. Non, c’est pas possible. Alors arrête de me faire comprendre que tu souffres. Tu crois que je ressens quoi, moi ?
Je m’essouffle, mais je tiens bon. Même si ma vue se brouille encore de ces perles scintillantes contre lesquelles je lutte.
- On m’a enlevé quatre ans de ma vie. Quatre ans. On t’a arraché à moi, on m’a arraché Lucas, on m’a tout pris. Comment je suis censé vivre alors que j’ai l’impression de voir un parfait inconnu au-travers de mon propre reflet ?
Je ne sais pas d’où ces mots me sortent. J’en parle comme si j’avais conscience des biens que l’on m’a volés. Ce n’est pas vraiment le cas. Je ne voudrais même pas évoquer le sujet avec lui d’ailleurs, pas maintenant, pas ce soir. Mais il a commencé, et je ne peux plus retenir ce tsunami qui fracasse tout en moi depuis des semaines.
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Message(#)Sahel + Nothing left but picture frames EmptyMar 29 Déc 2015 - 6:43

J’ai le sourire meurtri & le cœur anesthésié.
J’essaye de survivre, de vivre avec le fantôme de mon amour perdu. Mais il est parti, Elio. Dans le sourire de Lucas. Dans les yeux des autres. Entre mes doigts. Dans chaque battement saccadé de mon cœur amputé. Dans les mots des uns, & le soutien des autres. C’est difficile de vivre à travers le souvenir de l’homme que j’aime.
Au boulot, ils me demandent tous : ‘au fait, ton mec, y a du progrès ?’ & moi j’ai juste envie de leur dire, eh, foutez-moi la paix. Vous avez vu ma gueule ? Est-ce que j’ai l’air d’un type qui respire la joie de vivre ?
Elio & moi, ça n’a surpris personne. L’évidence nous a sautés à la gueule. On s’est aimé violemment, brutalement, tout d’un coup. Je lui ai donné mon cœur en même temps que mon corps & je lui ai simplement interdit de s’en débarrasser. Je lui ai promis l’éternité. Mais il s’est tiré ailleurs, dans un autre monde où je n’existe pas, où le souvenir de notre passion a été volé, dérobé. Un monde éclaboussé de possibilités. Mais ça, je ne peux pas l’envisager. Elio, il n’a pas le droit de m’abandonner, il n’a pas le droit d’effacer l’odeur de notre tendre passé.
Son sinistre destin a arraché les rêves, le réel. Mais tant pis si je l’use, tant pis si j’en crève ; on va passer des nuits à redessiner nos éclats de rire, à se raconter la douceur de nos caresses, à évoquer les sentiments dans nos regards. & Elio se souviendra de ce nous, qu’on a créé à partir de lui & moi.

Les secondes s’étirent & je me laisse dévorer par l’ennui, par la mélancolie. J’entends le rire de Lucas, j’entends son père qui chahute, j’entends mon cœur qui se noie dans un tourbillon d’émotions exacerbées. & puis, le réel reprend ses droits.
Les pas de mon amour envolé se rapprochent, & je tourne mes yeux ternes dans sa direction. Allez, vas-y, hurle-moi dessus. Traite-moi d’égoïste. Dis-moi que je n’ai pas à me plaindre, que j’ai la chance d’avoir toute ma tête. Je le regarde mais j’ai les épaules voutées & le courage qui se fait la malle. Je n’ai pas envie d’une nouvelle dispute. Pas ce soir. Pas maintenant.
- T’es injuste, Sahel.
Je cueille au coin de ses lèvres les mots qui râpent mon cœur plus violemment que du papier de verre. Je suis injuste, j’en ai conscience. J’ai les regrets qui nagent dans l’or de mes yeux, l’envie de lui dire pardon au bord des lèvres. Il ne mérite pas tout ça. Il ne mérite pas que j’ajoute le poids de ma souffrance sur son dos. Je suis censé l’aider à se relever, pas l’inverse.
- J’donnerais n’importe quoi pour tomber à nouveau amoureux de toi. J’donnerais n’importe quoi pour simplement me rappeler t’avoir aimé un jour.
Ses paroles lacèrent furieusement mon cœur. Je suis pas assez fort pour supporter la vérité, pour encaisser l’irrémédiable évidence ; Elio n’est plus amoureux de moi. Il ne ressent plus rien. & j’en crève. J’ai calqué mes pas dans les siens, j’ai cousu ma vie à la sienne, j’ai tissé mon avenir avec son prénom. & maintenant ? Je n’ai plus de repère. Je regarde devant moi, mais tout est trop flou.
- J’donnerais tout, absolument tout pour récupérer ces putains de souvenirs. Mais est-ce que c’est possible ? Non. Non, c’est pas possible. Alors arrête de me faire comprendre que tu souffres. Tu crois que je ressens quoi, moi ?
J’ai essayé d’être fort, mais les larmes cinglent déjà mes joues d’une douleur froide & amère. J’ai quelques bleus à l’âme. Mon corps ne demande qu’à se heurter contre le sien. & pourtant je me retiens. Je ne sais même pas si je suis autorisé à le toucher encore.
Elio..., murmuré-je, la voix pleine de trémolos.
S’il te plait, ne t’énerve pas.
- On m’a enlevé quatre ans de ma vie. Quatre ans. On t’a arraché à moi, on m’a arraché Lucas, on m’a tout pris. Comment je suis censé vivre alors que j’ai l’impression de voir un parfait inconnu au-travers de mon propre reflet ?
Avec une lenteur effroyable, je me décolle du plan de travail & réduit la distance entre nous. Il a raison. C’est lui, la victime de l’histoire. Moi, je ne suis qu’un dommage collatéral.
Excuse-moi, d’accord ? J’ai parlé trop vite, j’ai pas réfléchi. Je sais que tu souffres, que la sensation d’avoir perdu une partie de toi est sans doute la plus horrible qui soit. Tu as besoin de te reconstruire, de puiser au fond de toi-même pour redécouvrir qui tu es. Pas d’entendre mes conneries.
J’ignore royalement le déchirement intérieur que je ressens, & je m’approche encore un peu. Juste assez pour qu’on partage le même air. Juste assez pour qu’il puisse lire toute la sincérité installée dans mes prunelles. Je suis vraiment désolé d’être ce garçon si égoïste & si amoureux qu’il n’est même pas fichu de remarquer la souffrance de celui qu’il aime.
Le revers de mes doigts effleure sa joue. J’aimerais le prendre tout contre moi, lui insuffler ma chaleur & mon amour. Mais j’ai peur d’aller trop loin & de le faire fuir.
Je suis juste tellement amoureux de toi. J’ai peur de te perdre. Peur de te voir tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Je suis désolé d’avoir été si maladroit, Elio. Ça ne se reproduira plus.
Je lui offre un sourire. & je me détourne. Je mets la table & l’invite à s’asseoir face à moi.
Viens manger un peu, ok ?, dis-je en remplissant nos assiettes. Je vais t’aider à retrouver tes souvenirs. Peu importe le temps que ça prendra, je ne te laisserai jamais tomber. Ton fils t’aidera aussi, il a déjà hâte de te retrouver.
Pendant quelques secondes, je me perds dans ses yeux mordorés. Mon regard tombe sur ses lèvres que j’aimerais tellement pouvoir goûter.
Si tu préfères, je dormirais sur le canapé, ce soir. J’ai pas envie de te mettre mal à l’aise.
S'il savait à quel point j'ai envie de laisser nos corps s'embraser.
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Message(#)Sahel + Nothing left but picture frames EmptyMar 29 Déc 2015 - 7:08

Je ne cille pas, confortablement installé dans l’encadrement de la porte. Ou presque. Rester immobile de la sorte, mes yeux mordorés rivés sur Sahel, est loin d’être la position la plus appréciable qui soit. Le cœur battant plus intensément qu’à son habitude, j’essaye de paraître serein, bien que toutes les émotions qui torpillent mon palpitant doivent se lire sur les traits de mon visage. J’aurai au moins eu le mérite d’être honnête. Je ne vais pas jouer les gentils sous prétexte que j’ai perdu la mémoire et que je ne dois pas blesser mes proches. Ils ont eu aussi droit à la vérité. Sahel a donc le droit de savoir que je ne me souviens pas de lui, aussi douloureux cela puisse-t-il être pour lui d’entendre cette vérité. Et il a également le droit de savoir comment je me sens moi. Il a beau être un parfait inconnu à mes yeux, les preuves sont là : j’ai bel et bien vécu avec cet homme et l’ai visiblement aimé de toutes mes forces, ce jusqu’à ce que mes souvenirs m’aient été arrachés.
Je reconnais cette lueur scintillante qui crépite dans le regard attristé de mon "amant". Et le simple fait de déchiffrer ces larmes me fend le cœur. Aiguisées, elles lacèrent le visage d’ange de Sahel. Ce visage que je sais avoir aimé. Mes proches me l’ont raconté, cette manière que j’avais de lui transmettre mes « Je t’aime » par un simple regard, cette douceur qui m’habitait lorsque je le tenais contre moi. Ma mère a passé des heures interminables à me conter chaque instant dont elle se souvient à propos de nous, du jour où je lui ai annoncé avoir trouvé quelqu'un jusqu’au dernier anniversaire de Lucas, en passant évidemment par la première fois où elle a posé les yeux sur mon homme. Elle a pleuré, beaucoup, en me parlant de tous ces souvenirs aujourd’hui éteints. Elle m’a confessé qu’elle priait le ciel et tous les Dieux de me rendre cette partie de moi égarée. Pour que je puisse retrouver les bras de celui que je lui avais, un jour, secrètement avoué vouloir épouser. Pour que je puisse protéger et aimer mon fils comme j’ai toujours su et adoré le faire. Pour que nous puissions, à nous trois, former une famille qui nous permettra de passer outre la perte de Britanny.
- Elio…
Sa voix brisée soulève désagréablement mon cœur. Mais je ne cède pas. Je continue de me battre contre la démesure de ma respiration, jusqu’à avoir craché toute l’amertume qui envahit mon âme. Il écoute, boit chacune de mes paroles, ses larmes ne cessant de couler. Et je ne suis capable de me poser qu’une seule et unique question : comment puis-je ne pas me souvenir de cet homme, si beau, si vivant, si aimant ?
Il délaisse son espace de travail pour se rapprocher timidement de moi. Sa démarche est hésitante et fait accélérer les trémolos de mon cœur. Je serre un peu plus mes poings, gardant précautionneusement mes bras croisés pour dissimuler toute faiblesse de ma part.
- Excuse-moi, d’accord ? J’ai parlé trop vite, j’ai pas réfléchi. Je sais que tu souffres, que la sensation d’avoir perdu une partie de toi est sans doute la plus horrible qui soit. Tu as besoin de te reconstruire, de puiser au fond de toi-même pour redécouvrir qui tu es. Pas d’entendre mes conneries.
Je sens ma colère se rendormir. L’entendre avouer ses torts m’apaise, tout comme la manière qu’il a de me faire comprendre que je suis la victime dans l’histoire. Évidemment, je ne me considère pas comme tel. Ou du moins, je ne me considère pas comme étant la seule personne ayant perdu quelque chose en cette soirée morbide de septembre.
Il s’approche, encore. Si près que je peux presque entendre le rythme accéléré de son myocarde. Mes yeux, quant à eux, ne lâchent plus les siens. Plongés dans cette teinte dorée si intense, ils essayent d’y décoder quelque chose, partant à la recherche de la moindre petite étincelle de souvenir enfouie, lointaine. Ses doigts effleurent mon visage. J’en tremble malgré moi. Elle est toujours là, cette sensation qui envahit mes tripes et fait valser mon cœur dans une courte bourrasque. Ce ressenti qui naît dans mon ventre dès qu’un contact, aussi simple soit-il, relie me relie à Sahel.
Cela ne peut pas être une simple coïncidence. Et si… ?
- Je suis tellement amoureux de toi. J’ai peur de te perdre. Peur de te voir tomber amoureux de quelqu'un d’autre. Je suis désolé d’avoir été si maladroit, Elio. Ça ne se reproduira plus.
Je baisse la tête. Je n’arrive plus à lui faire face. Cet homme est brisé, par ma faute. Si je n’avais pas perdu la mémoire, si ce foutu camion n’avait pas grillé un feu rouge et n’était pas rentré dans ma voiture, Sahel ne serait pas ce puzzle anéanti dont les pièces éparses refusent de s’accoupler les unes aux autres.
Forcé de m’asseoir, je m’exécute, sans plus jamais oser un regard dans sa direction. J’observe les couverts ornant la table, dignes d’un intérêt imaginé.
- Viens manger un peu, ok ? Je vais t’aider à retrouver tes souvenirs. Peu importe le temps que ça prendra, je ne te laisserai jamais tomber. Ton fils t’aidera aussi, il a déjà hâte de te retrouver.
Il nous sert à manger, mais j’ai l’estomac noué, inanimé d’appétit. Ce que me sert Sahel a l’air succulent, l’odeur se dégageant de l’assiette me faisant planer l’espace d’une seconde. Mais la réalité m’empêche de ressentir une quelconque faim, ce depuis que j’ai refait apparition dans le monde des vivants en ayant perdu une partie de moi en route. Ainsi, j’attrape simplement la fourchette, effleurant de ses piques la nourriture alléchante qui, pourtant, ne m’attire absolument pas.
Le petit prince aux cheveux d’argent face à moi prononce de nouvelles paroles qui ne ressemblent qu’à un lointain écho à mes oreilles. L’esprit vagabondant dans d’autres lieux, je reste accroché aux mots précédemment entendus. Ton fils t’aidera aussi, il a déjà hâte de te retrouver. Et je revois ce visage d’enfant blondinet souriant, j’entends à nouveau son rire gambader autour de moi, slalomant entre les figurines de super-héros que dessine mon esprit. Cet enfant est le mien. Mais je ne peux pas.
- Je sais pas si j’en serais capable, laissé-je finalement échapper entre mes lèvres, la voix soudainement quelque peu chevrotante.
Je sais être tout ce qu’il lui reste. Lucas n’a plus de mère, plus de grands-parents maternels. Sa seule famille réside en Sahel et moi, ainsi qu’en nos familles respectives. Et je ne peux pas me débarrasser de mes responsabilités. La loi me l’interdit. Mais je me sais parfaitement incapable de m’occuper de lui.
- Lucas...
Je repose ma fourchette dans un bruit fracassant, croisant le regard de Sahel pour une seconde avant de le détourner aussitôt.
- Je… J’ai jamais voulu d’enfant, je peux pas être un bon père pour ce gosse après tout ce que…
Les larmes me brouillent à nouveau la vue et je tremble. Mes mains sont incontrôlables et je sens toute capacité de raisonnement m’abandonner. Je revois le visage de mon père, ce père qui nous a abandonnés, ma mère, ma fratrie et moi. Ce père dont je suis sûr avoir hérité cette lâcheté. Ce père qui ne m’a transmis aucune valeur. Ce père qui me terrifie encore aujourd’hui. Ce père qui me susurre à l’oreille que je ne suis qu’un moins que rien, comme lui, et que je suivrai ses traces, quoi qu'il arrive. Je délaisserai Lucas de la même manière que lui m’a délaissé, car je ne suis pas capable. Ce n’est pas moi. Ça ne peut pas être moi.
Une larme roule contre ma joue, je me repousse contre la table pour tourner ma chaise, de sorte à dissimuler tout signe de faiblesse aux yeux de Sahel. Me penchant en avant, j’appuie mes coudes sur mes genoux et passe mes mains tremblantes contre mon visage dans un soupir plaintif, mes jambes qui se secouent nerveusement faisant bouger mes bras. Incapable. Et mon père disparu qui me répète : incapable, incapable, incapable.
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Message(#)Sahel + Nothing left but picture frames EmptyMar 29 Déc 2015 - 18:28

Depuis cette journée de Septembre, j’ai le cœur lourd. & dans ce genre de situation, l’égoïsme prime sur l’objectivité. J’ai pas su contrôler mes maux (mots), & j’ai noyé Elio sous les vagues de mon angoisse. Il a manqué d’air. Parce qu’il y a trop de frustration criée, trop de plaies ouvertes. Mais on le sait tous les deux ; on va forcément se cracher des atrocités à la gueule dans les prochains jours, on va peut-être se haïr, on va sans doute se détester, se réconcilier aussi. On va réapprendre à vivre ensemble. Mais tout ça, ça ne sera pas que des mots, ça sera surtout des sentiments en lambeaux.
J’ai pas la force d’oublier nos je t’aime, j’ai pas envie d’oublier l’effervescence de nos corps sublimement imbriqués l’un dans l’autre parce qu’on est le parfait complément l’un de l’autre. Je suis incapable d’oublier le temps où tout n’était pas si compliqué, les promesses murmurés au creux de l’oreille, les caresses sur ma peau nue inondée par les premiers rayons du soleil. Je ne peux pas tirer un trait sur nos mots tendres, sur ses étreintes pour anéantir ma détresse.
Je ne peux pas nous oublier nous.
Je ne peux pas, parce qu’il est mon âme sœur, mon amour avec un grand A. L’homme de ma vie, celui que j’ai rêvé d’épouser.
Ma vie (notre vie) toute entière est peut-être brutalement remise en question. Mais je ne claquerai pas la porte. Je ne l’abandonnerai pas. Elio & moi, c’est l’amour éternel, l’amour qui surpasse tout. On n’a rien d’une vulgaire histoire de passage, consommée dans les vestiaires d’un commissariat de police. Je n’ai pas peur de passer le restant de ma misérable existence à nous reconstruire. Je lui consacrerai toute mon énergie.

Robotisé, je nous sers à manger. & je m’efforce d’avaler quelque chose, parce que mon estomac réclame. Pas forcément de la nourriture, cependant. J’ai toujours été boulimique des mots de mon amour, boulimique de ses attentions, de ses lèvres sur les miennes & de nos échanges de salive. Là, le reste ne m’intéresse pas. J’ai seulement besoin de lui contre moi.
- Je sais pas si j’en serais capable, souffle-t-il soudainement.
La fourchette prisonnière de mes lèvres charnues, je détourne finalement mes yeux mordorés vers les siens. De quoi parle-t-il ? De notre histoire d’amour brusquement avortée ? De ses souvenirs amputés ? Je repose le couvert près de mon assiette, & je mâche à grand peine, bousculé par une soudaine appréhension. J’ai peur de la suite, peur de l’impact de sa peine & de son désespoir.
- Lucas...
Nos regards s’écorchent, & une foule de frissons s’abat inexorablement le long de ma colonne vertébrale.  J’aurais aimé qu’il me regarde plus longtemps, juste pour pouvoir fouiller dans les tréfonds de son âme, pour m’assurer que tout n’est pas perdu, qu’il reste encore un peu de nous au fond de lui.
- Je… J’ai jamais voulu d’enfant, je peux pas être un bon père pour ce gosse après tout ce que…
Après quoi ? J’ai envie de le brusquer un peu, d’aller chercher sur sa langue les mots estropiés, ceux qu’il n’a pas su prononcer. J’ai envie de le pousser à s’exprimer plus clairement. Mais les larmes cinglent ses joues, & c’est mon cœur qui se brise subitement, qui s’écrase au beau milieu de ma poitrine, laissant pendre quelques fils sanguinolents.
Bébé...
Sur le coup, j’ai pas réalisé l’ampleur de ma tendresse. Le surnom a valsé, & j’ai pas eu le temps de le rattraper. & puis, quelle importance ? Là, tout de suite, l’homme que j’aime a simplement besoin d’être rassuré. & je n’ai jamais prétendu être parfait. Moi aussi, je fais des erreurs, moi aussi, je me plante. Mais autrefois, il a aussi aimé mes défauts.
Dis pas ça.
Sans réfléchir, j’abandonne la chaise sur laquelle j’étais installée, & je la troque contre les cuisses musclées de mon amour. Je passe mon bras autour de sa nuque, & mon flanc se fond dans son torse. Cette proximité m’électrise. Y a des poussières d’argent qui dégringolent de mes cheveux & qui tombent dans ses yeux. Je l’éclabousse de tout ce que j’éprouve pour lui, je l’étouffe peut-être, je l’effraye sans doute. Mais là encore, je réalise pas.
Tu es un papa merveilleux, Elio. D’accord ? Je t’ai jamais menti. On a toujours osé se dire les choses. C’est vrai, j’ai jamais hésité à te dire quand tu me cassais les couilles, quand tu m’emmerdais ou quand je n’étais pas d’accord. Alors, crois-moi quand je te dis que tu es un papa génial. Ton fils t’adore. Il aime quand tu joues avec lui, quand tu l’emmènes au parc, quand tu l’aides à faire ses devoirs & quand tu lui racontes des histoires. Il aime rire avec toi. Ne doute jamais de ça, ok ?
Du bout de mes doigts, je repousse les mèches sombres qui s’amusent à barrer son visage. Bon sang, ce que j’aimerais l’embrasser, sentir sa peau contre la mienne. Lui faire l’amour aussi. Je supporte pas être si proche & pourtant si loin.
Avant que Lucas soit là, on plaisantait souvent au sujet des enfants. On se disait qu’on aurait une grande famille. Je crois qu’au fond, on était sérieux, dis-je, mon rire cristallin trébuchant dans un souffle.
On est si proches à présent, j’ai peur de ne pas tenir le coup s’il me repousse, s’il me dit que ma position n’est pas appropriée. J’ai peur que mon cœur déjà brisé se brise davantage. & alors là, les morceaux seront définitivement trop nombreux pour être recollés.
- & je suis là, aussi. Je l’aime comme s’il était mon fils. On est super copains, lui & moi. Je t’aiderai, tu peux me faire confiance, tu n’es pas tout seul.
Avec le temps, j’ai appris comment m’occuper d’un enfant, j’ai appris à connaître Lucas. Ce gosse est un vrai rayon de soleil ; c’est impossible de ne pas l’aimer, impossible de ne pas aimer prendre soin de lui au quotidien.
Il n’a pas mon sang, mais les liens sont là malgré tout. & même si ceux qui relient le père & son fils se retrouvent légèrement effilochés, je saurai les rafistoler.
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Message(#)Sahel + Nothing left but picture frames EmptyMar 29 Déc 2015 - 18:40

Je n’ai pas pleuré. Pas depuis que j’ai rouvert les yeux pour découvrir ma chambre d’hôpital. J’ai eu le cœur sans dessus dessous, les émotions éparpillées et craquelées. Mais je n’ai pas pleuré. Je n’ai jamais pu. Tout est différent maintenant, à cette seconde précise. Les sentiments se sont accumulés, se bousculant pour se faire une place, et tout a explosé. Si fort que j’en ai la nausée. Je vais vomir.
- Bébé… Dis pas ça.
Sa voix qui me supplie me tire un gémissement alors que je presse mon visage humide contre mes paumes. Ça fait un mal de chien. J’ai la trachée brûlante, un goût métallique venant râper ma langue. Mon cœur est au bord de l’overdose. J’ai chaud, je suffoque, j’ai les idées qui se percutent avec violence. J’ai mal, putain. Faites que tout ça s’arrête.
Mes mains tremblantes sont contraintes d’abandonner mon visage. La chaleur de son corps se faufile contre la mienne. J’en ai des frissons partout. Je n’ose pas ouvrir les yeux, car ma respiration et les larmes dans mes yeux trahissent un million de fois ma douleur. Sa présence si près de moi m’apaise tout comme elle m’effraie. J’ai le cœur au bord des lèvres qui chavire, bousculé par une marrée d’émotions que je ne parviens plus à contrôler.
- Tu es un papa merveilleux, Elio. D’accord ? Je t’ai jamais menti. On a toujours osé se dire les choses. C’est vrai, j’ai jamais hésité à te dire quand tu me cassais les couilles, quand tu m’emmerdais ou quand je n’étais pas d’accord. Alors, crois-moi quand je te di que tu es un papa génial. Ton fils t’adore. Il aime quand tu joues avec lui, quand tu l’emmènes au parc, quand tu l’aides à faire ses devoirs & quand tu lui racontes des histoires. Il aime rire avec toi. Ne doute jamais de ça, ok ?
Les échos d’une dispute viennent hanter mes neurones. J’entends des pleurs, des rires, je ressens de l’amour. Mais le trou noir persiste. Mon cerveau fait des étincelles, comme un briquet abîmé qui ne parviendrait plus à allumer sa flamme. Ça crépite, ça brûle, c’est douloureux et chaleureux en même temps. Ce souffle étoilé valse dans mes veines jusqu’à venir doper mon cœur. Accro, il en redemande, ses battement quémandant une dose de chaleur alors qu’il se tord sous la douleur ardente des essais vains.
Mes paupières papillonnent, tentant d’effacer les poussières lacrymales s’accrochant au mordoré de mes iris. Des battements d’ailes futiles et inutiles étant donné qu’une nouvelle larme roule contre ma joue. Je l’efface du plat de ma main, inspirant en espérant ramener à mes poumons un oxygène pur, non pollué.
Ses doigts se faufilent contre mon front, écartant une mèche de mes cheveux. Ils aimantent mes yeux qui vont directement se planter dans les siens, bravant le fin voile brillant qui obstrue ma vue.
- Avant que Lucas soit là, on plaisantait souvent au sujet des enfants. On disait qu’on aurait une grande famille. Je crois qu’au fond, on était sérieux.
J’aimerais m’en souvenir. Je ne me rappelle que de ce malaise qui m’a toujours habité au moment d’aborder le sujet avec des amis ou avec ma famille. Je ne me suis jamais vu père, me voyant comme un raté, incapable de ne pas suivre les traces de mon propre paternel. Mais Sahel semble me conter le contraire. Je voulais des enfants, avec lui. Je voulais une famille et je l’ai eue. Et cet accident m’a tout enlevé, sans que je ne puisse sentir le moindre manque.
- & je suis là, aussi. Je l’aime comme s’il était mon fils. On est super copains, lui & moi. Je t’aiderai, tu peux me faire confiance, tu n’es pas tout seul.
Il a raison, je sais qu’il a raison. Mais je ne peux pas diminuer l’effet qu’engendre en moi cette boule de stress incontrôlable. Sans aucune pitié, elle dévore mes entrailles, accentuant d’avantage la douleur qui assourdit mon corps.
- Je sais pas si j’en serais capable.
Mes paroles m’échappent sans que je ne m’en rende compte. Mais elles reflètent une parfaite réalité, la seule que je connaisse aujourd’hui : je suis complètement paumé. Je n’ai plus aucun repère stable, ma vie ayant évolué sans que je n’aie pu en suivre les changements. M’adapter ? Je n’ai pas le choix. En suis-je capable ? Pour l’instant, j’en doute.
Secoué d’un spasme plus fort, je me vois contraint de dégager Sahel de mes genoux avec le plus de douceur possible, espérant qu’il ne prenne pas mon geste pour un rejet pur et dur. J’étouffe. J’étouffe et c’est insupportable. Quittant la cuisine sans un mot, je m’élance dans le salon, me ruant sur la porte vitrée donnant sur le petit jardin dont dispose la maison. À bout de souffle, j’inspire l’air extérieur au moment de poser mes pieds sur la terrasse. Mes jambes grelottent, si fort que j’en perds l’équilibre, me rattrapant de justesse à une chaise non loin. Je ne vois plus rien, mes larmes interceptant toute image avant qu’elle n’atteigne ma rétine. Je tousse, crachant l’oxygène impur qui encrasse mes poumons.
À bout de force, je finis par me laisser tomber par terre. En tailleur, j’essaye de retrouver une respiration correcte, mais chaque bouffée est comme un poison insalubre. J’entends des pas derrière moi, devinant Sahel qui me rejoint. Je dois lui foutre la trouille. Je le comprendrais. Je me fous les jetons à moi-même.
- J’suis désolé…, craché-je entre deux inspirations.
Je déglutis. Ma gorge me brûle. J’ai l’impression de respirer des vapeurs d’acide.
- J’suis plus c’mec… Que t’as connu.
Ouch. Mon cœur. L’admettre est douloureux. Une larme roule, solitaire, se glissant dans mon cou.
- J’voudrais être ce type. Il a l’air d’un mec super. Mais c’pas moi. C’est pas moi et… Toi. Toi tu comprends. Mais lui, le gosse, comment tu peux lui expliquer que son père n’a pas le moindre souvenir de lui ? J’vais faire comment ? J’peux pas, j’peux pas.
Faible, mis à nu, sans défense. Je fais pitié.
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Message(#)Sahel + Nothing left but picture frames EmptyMer 6 Jan 2016 - 8:16

- Je sais pas si j’en serais capable.
Ses doutes m’assaillent & m’étouffent, m’étranglent & enlacent mon cœur qui dégueule un peu de sang, un peu de certitude. & s’il abandonnait ? & s’il baissait les bras ? Est-ce que j’aurais la force de le soutenir ? De le retenir ?
Y a une distance trop brusquement flanquée entre nous lorsqu’il me repousse, lorsqu’il se relève & s’échappe vers le petit jardin où je vois éclore tant de souvenirs, tant de rêves avortés par cet accident. Mes yeux bordés de larmes suivent ses mouvements, chacun de ses gestes. J’ai remarqué les larmes acides qui ne demandent qu’à dégringoler le long de ses joues, qui ne demandent qu’à y imprimer des sillons noirs – marque indélébile. & je crève devant tant d’impuissance. C’est tellement difficile de rester fort. C’est tellement compliqué de garder la tête haute, de continuer à cultiver l’espoir que tout ira bien, qu’on s’en sortira & que notre famille pourra de nouveau être bâtie sur nos ruines.
& pourtant, je calque mes pas dans les siens. J’ancre mon ombre à la sienne. & je le suis jusqu’à l’extérieur. Elio est là, assis à même le sol, le corps en proie aux tremblements. & moi, c’est à peine si j’ose l’effleurer. & bon sang ce que j’aimerais glisser mes doigts dans ses cheveux noirs qui ne sont plus qu’un amas de nœuds enchevêtrés. Bon sang ce que j’aimerais m’enivrer de leur parfum, ressentir leur douceur – à défaut de pouvoir encore les sentir fouetter mon visage quand il me fait l’amour.
- J’suis désolé…, me dit-il, avec peine.
Derrière lui, je reste d’abord immobile. J’ai pas envie de le brusquer. J’ai pas envie que ses mots meurent au coin de ses lèvres avant d’avoir pu effleurer mes tympans. J’ai besoin de savoir ce qu’il ressent au plus profond de lui. J’ai besoin de savoir ce qui pourrit dans les tréfonds de son âme atrophié, de son cœur tout liquide.
- J’suis plus c’mec… Que t’as connu.
À ses mots, les tissus de mon cœur s'effilochent & se craquèlent jusqu'à péter complètement. Ça saigne à l'intérieur. Mes organes se tordent & se tendent. Comment peut-il dire quelque chose d’aussi insensé ? Il est encore cet homme. Il est encore l'homme que j'ai connu, l'homme que j'ai aimé. Il n'en a juste plus le moindre souvenir. Ça doit sans doute être sa solution de facilité ; se dire qu'il n'est plus cet homme plutôt que d'avouer haut & fort que sa mémoire a complètement flanché.
Elio, il est juste enfoui sous un immense tas de confusion brumeuse. Mais j'ai la patience suffisante pour le retrouver ; & l'amour que j'éprouve pour lui m'aidera à tenir le coup.
- J’voudrais être ce type. Il a l’air d’un mec super. Mais c’pas moi. C’est pas moi et… Toi. Toi tu comprends. Mais lui, le gosse, comment tu peux lui expliquer que son père n’a pas le moindre souvenir de lui ? J’vais faire comment ? J’peux pas, j’peux pas.
Sans résister davantage, je m'approche & m'assois juste à ses côtés. Les jambes pliées & ramenées contre mon torse, je les entoure de mes bras recouverts d'encre noire indélébile. Cette fois-ci, je ne le touche pas.
- Elio, l'accident t'a rendu amnésique. C'est ta mémoire que tu as perdu, pas ta personnalité. Tu es toujours un mec super. Tu es toujours l'homme que j'aime.
À l'hôpital, les médecins m'ont conseillé de ne pas cacher la nature de mes sentiments à Elio. Ce n'est un secret pour personne de toute façon, que nous étions un couple.
- Je me charge de Lucas, si tu veux. & il reviendra à la maison quand tu seras prêt. Quoi qu'il arrive, je ne te laisserai jamais tomber, d'accord ? Je t'assure que ton côté paternel reviendra naturellement. Tu es un bon père. Y a pas de raison que ça ne soit plus le cas. Tu as peur & c'est normal. Mais crois-moi, Elio, ça va bien se passer.
J’ignore où je puise la force & la volonté de ne pas pleurer, de ne pas sangloter comme un gosse, de ne pas le supplier de me prendre dans ses bras ou de m’embrasser. J’en ai pourtant tellement besoin. Mes yeux cherchent les siens, & je verrouille la cible de sa rétine dès qu’il daigne tourner le visage dans ma direction.
- Je vais aller récupérer quelques affaires dans la chambre. Je dormirai dans le salon le temps que tu te sentes capable de dormir avec moi. & je suppose que c’est pas pour maintenant ?
S’il s’en sent à nouveau capable, un jour. Mais je n’envisage même pas cette possibilité. Je ne peux pas imaginer ma vie sans lui, je ne peux pas m’imaginer respirer sans son souffle résonnant en écho avec le mien. Je ne peux pas m’imaginer sourire si ce n’est plus pour lui.
- Tu devrais aller prendre une douche, & t’allonger un peu, ça te fera du bien.
Comme le ferait un ami (putain ce que ça m’écorche la bouche de me comporter comme un ami envers lui), je caresse son dos en de longs mouvements circulaires, cherchant à lui insuffler ma chaleur & mon réconfort.

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Message(#)Sahel + Nothing left but picture frames EmptyMar 12 Jan 2016 - 10:38

Recroquevillé sur moi-même, j’essaie tant bien que mal de dissimuler les craquelures de mon cœur. Crispé de toute part, je fais mon possible pour prendre de longues inspirations, espérant ainsi calmer les spasmes qui me secouent, tel un hoquet désagréable. Ma peau est brûlante, je suis fiévreux. C’était pas dans les indications du toubib ça… On ne m’a pas énoncé ce type de symptômes pour accompagner ma perte de mémoire. À bien y réfléchir, on m’avait bel et bien prévenu que mon retour chez moi pourrait se montrer compliqué. Est ce que le mot compliqué est justement choisi pour désigner l’enfer ?
J’exagère. Il y a certainement bien pire à vivre que ma situation de mec paumé. Mais je donnerais actuellement tout, n’importe quoi, pour qu’on me rende mes souvenirs. Je veux rouvrir les yeux en sachant qui je suis, pas en me demandant chaque seconde qui passe « Putain, mais qu’est-ce que je fous là ? ». Je veux effacer l’amère mélodie qui berce et étrangle mon cœur. J’aimerais pouvoir ne plus rien ressentir. Je veux ne plus voir la souffrance dans les yeux de Sahel.
Si quelqu’un était doté de ce genre de pouvoirs, ça se saurait.
En parlant de Sahel, je l’entends qui se rapproche encore, délicatement. Ses pas feutrés et hésitants me font comprendre que je ne fais absolument rien pour rendre mon retour plus facile à vivre. Je ne fais qu’empirer les choses. Mais c’est plus fort que moi. Paumé. J’suis complètement paumé.
- Elio, l’accident t’a rendu amnésique. C’est ta mémoire que tu as perdue, pas ta personnalité. Tu es toujours un mec super. Tu es toujours l’homme que j’aime.
Je secoue ma tête de gauche à droite, fermant mes yeux à m’en faire craquer les paupières. J’appuie mes poings serrés contre mes tempes, comme si je croyais pouvoir ainsi faire taire le tsunami qui fait trembler mes neurones.
Je ne suis plus le mec qu’il a connu. Je suis un mec de vingt-deux ans dans le corps d’un type qui en a vingt-six. J’ai la maturité d’un adolescent qui aime prendre du retard dans le train de sa vie, à profiter de chaque jour comme s’il n’y avait pas de lendemain, peu importe les conséquences. J’ai le visage d’un adulte qui a su trouver la stabilité dans sa vie, qui a un mec, un fils, un boulot, une maison, qui a tout. Je ne suis plus le mec dont il semble fou amoureux.
Mais je n’en dis rien. Sahel souffre assez comme ça et, même si mon cerveau d’amnésique ne le connaît pas, je n’ai aucune envie de nourrir davantage cette douleur.
- Je me charge de Lucas, si tu veux. & il reviendra à la maison quand tu seras prêt. Quoi qu’il arrive, je ne te laisserai jamais tomber, d’accord ? Je t’assure que ton côté paternel reviendra naturellement. Tu es un bon père. Y a pas de raison que ça ne soit plus le cas. Tu as peur & c’est normal. Mais crois-moi, Elio, ça va bien se passer.
Ça va bien se passer…  Comment peut-il m’assurer cela alors qu’au moment d’enfin dégager mes mains de mon visage pour enfoncer mon regard mordoré dans le sien, j’y découvre les traces scintillantes de perles salées contre lesquelles il semble combattre ? Je sais qu’il fait de son mieux, qu’il essaie vainement de se convaincre que la tragédie qui a touché notre famille n’est pas une fatalité. Mais il ne s’agit pas uniquement de lui et moi. Un petit garçon de quatre ans est également concerné. Et c’est bien connu, un enfant n’a pas les mêmes capacités de réflexion et de compréhension qu’un adulte.
- Je souhaiterais jamais à aucun gamin de vivre la douleur de l’absence que j’ai pu ressentir étant gosse., soufflé-je en balançant doucement ma tête de droite à gauche. Il attend que son père revienne. Il a besoin de lui.
Incapable d’en rajouter plus, je pince mes lèvres et baisse les yeux. Je suis parfaitement bien placé pour parler de l’abandon et du manque paternels. J’ai vécu sans père pendant quatre ans, lâchement abandonné, sans repères pour avancer. Et du haut de mes innocentes années infantiles, j’ai ressenti l’absence jusqu’au plus profond de mes veines.
Jamais je ne souhaiterais cela à un enfant, encore moins s’il s’agit de mon fils.
- Je vais aller récupérer quelques affaires dans la chambre. Je dormirai dans le salon le temps que tu te sentes capable de dormir avec moi. & je suppose que c’est pas pour maintenant ?
Qu’est-ce que je dois répondre à ça ? Vu le ton qu’il vient d’employer pour me poser sa question, je me doute bien qu’il sait très bien ce que j’en pense. Sahel est un parfait inconnu. Ce serait me demander de déplacer une montagne que de me demander de dormir avec lui ce soir, alors que je viens à peine de retrouver ce qui, fut un temps, était mon foyer. Foyer qui me semble aujourd’hui parfaitement dénaturé de toute chaleur familiale.
- J’suis désolé, Sahel, me contenté-je de souffler, sincère.
- Tu devrais aller prendre une douche, & t’allonger un peu, ça te fera du bien.
Il n’a pas tort. La soirée a été riche en émotions. Chacun des muscles de mon corps me fait mal et j’ai la tête gonflée comme un ballon de baudruche. Il vaut mieux pour lui comme pour moi que nous discutions de notre situation à têtes reposées.
Acquiesçant brièvement d’un signe de tête, je me relève en même temps que Sahel, lui emboitant le pas pour retourner à l’intérieur. Dans un silence parfait mais étouffant, nous rejoignons l’escalier pour retrouver l’étage supérieur. Il m’indique rapidement quelles affaires sont les miennes dans la salle de bain et me laisse sans demander son reste, refermant doucement la porte derrière lui. Expirant un bon coup, je ne traîne pas et me débarrasse de mes vêtements pour me faufiler dans la douche. L’eau chaude qui ruisselle sur mon corps nu m’apaise. Je ne sais pas combien de temps je perds ainsi, à savourer la chaleur caressant ma peau alors que mes idées se font la malle, dans des contrées lointaines de réflexion interminable.
Je finis tout de même par me laver et sortir du drap de buée qui a envahit la pièce, une serviette autour de ma taille et mes cheveux mouillés ramenés en un chignon en haut de ma tête. Je retrouve la chambre, notre chambre, et y trouve Sahel. Pensif, il est assis sur le bord du lit. Sursautant en me voyant débarquer aussi peu vêtu, il s’empresse de se lever, gêné, et ramasse ses affaires pour rejoindre la porte.
- Bonne nuit, lui lancé-je avant qu’il ne disparaisse.
Se retournant, il m’adresse un triste sourire et me retourne mes paroles avant de définitivement s’effacer de mon champ de vision. J’attends de ne plus entendre ses pas qui s’éloignent pour ouvrir l’armoire afin d’y chercher quelque chose ressemblant à mes affaires. Je reconnais certains de mes fringues et comprends le rangement vestimentaire imposé. Enfilant ce que j’espère être un de mes boxers, je finis par me glisser sous les draps.
Les minutes s’éternisent. Je me tourne et me retourne, tentant vainement de trouver le sommeil. J’imagine Sahel qui, dans le salon, doit être également en train de prier Morphée de bien vouloir venir à sa rencontre. Je soupire. Je me tourne, encore. Je ferme les yeux, puis les ouvre.
Et dans un amas de pensées incohérentes et d’angoisses incertaines, je trouve enfin le sommeil.
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