Cette rouquine. Je pourrais la reconnaître entre mille. Et pourtant je n'allais pas directement vers elle. Je m'en rappelle comme si c'était hier. C'était certainement la pire de toutes les disputes. Même celle que j'avais eu avec Maxyn n'avait jamais été aussi pire. Sûrement du au caractère de Cora qui est peut-être plus violent, ou tout simplement parce qu'on se connaissait depuis bien plus longtemps et qu'on avait vécu de sacrées aventures ensemble, je n'en sais trop rien. Maxyn a toujours été assez effacée, c'est vrai, bien trop gentille. Non pas que Cora soit le contraire, mais c'est une star, forcément ça change la donne. Et pourtant j'ai toujours apprécié cette gamine. Oui parce que lorsque je l'ai connu, lorsque j'ai travaillé pour elle, c'était encore une gamine, et je suis resté à la protéger assez longtemps, presque trois ans, avant que je ne me spécialise dans les stups, avant qu'elle n'abandonne son enfant. Au départ j'avais pris la défense de sa mère, du fait qu'elle allait ruiner sa vie si elle gardait cet enfant, et forcément, ça a mis un sacré froid à notre relation. On avait été proche, elle m'avait confié sa grossesse et je l'avais « trahi » selon elle. Avec le recul, j'avais appris à comprendre son état d'esprit. Ce n'est jamais facile d'abandonner son enfant. Et pourtant c'est ce que j'avais fait. Dès la naissance de Zoey je ne m'étais jamais senti à l'aise avec elle, je ne me sentais tellement pas prêt, et trahi aussi par Maxyn. Ce jour-là j'avais décidé de tout lâcher, d'abandonner Maxyn et Zoey pour aller quelques temps en Irlande, partir définitivement, je ne sais pas trop, peut-être, et j'avais besoin de dire au revoir à cette rouquine. Mais comment lui expliquer ma décision ? Je n'aurais jamais du le lui annoncer. Mais vu la confidence sur son enfant qu'elle m'avait faite, je m'étais senti obligé de lui annoncer qu'à mon tour j'avais eu un enfant. Mais malgré le fait que je regrettais déjà de lui avoir donné rendez-vous au café, l'affrontement était inévitable. Il n'y avait rien de bien extraordinaire, on aurait pu se rencontrer ailleurs, mais non, c'était simplement là, assis à ma table, l'attendant en stressant légèrement. Je la voyais arriver de loin. Je souriais alors à la jolie rouquine, me doutant bien qu'elle allait me poser trente six milliard de questions.
Il y’a ce café-restaurant en bas de l’immeuble de Cora devant lequel elle passe quotidiennement. Et à chaque fois, il y’a cette boule au ventre qui se forme, ce sentiment emplie de tristesse et de colère qui se forme et ce souvenir qui remonte à la surface. C’était sûrement la pire dispute à laquelle elle avait fait face ses dernières années. Pas pire que celle avec maman, mais bien plus dévastatrice que celle avec son fiancé. C’était avec Enzo. Il y’a quelque chose qui se créé quand on confie sa vie à quelqu’un, une relation de confiance qui dépasse de loin la confiance que l’on peut avoir envers un parent, ou un conjoint. Il était là pour veiller à ce que rien n’arrive, aucun danger, aucun accident. C’est le trop de confiance qui est née de cette époque qui a fait leur amitié. Cette confiance a poussé Cora à être honnête envers Enzo, et elle l’a également poussé à lui pardonner de ne pas l’avoir soutenu et d’avoir été absent durant la période la plus traumatisante de sa vie. Cette confiance, elle était responsable de plusieurs années d’amitiés. Et cette confiance, elle en a pris un coup, quand devant se café, Enzo et elle ont connu la pire dispute qu’ils avaient ces dernières années. Elle avait ravagé son mental, sa façon de se voir elle-même et surtout elle avait fait remonté à la surface la douleur la plus terrible qu’elle s’était efforcé d’enfouir au fond d’elle : celle ressentie lorsqu’elle a été contrainte à donner son enfant. Elle n’abordait jamais le sujet. Jamais depuis qu’elle avait renvoyé sa mère. Et même si Enzo a toujours su, elle ne l’avait jamais autorisé à en reparler. Comme si cet enfant n’avait jamais existé. Comme s’il n’avait été qu’un rêve. Il avait toujours eu sa confiance et hormis sa position à l’époque, il ne l’avait jamais trahi. Et encore, avec le recul, elle comprend mieux. Mais devant ce restaurant, des frontières avaient été franchies. Et ce lien, cette confiance était partie à jamais. Et ça fait mal au cœur. Elle le revit sans cesse, dès qu’elle marche devant et ça occupe son esprit jusqu’à ce que son travail prenne la place. Cinq mois maintenant. On dirait presque que c’était hier. Elle s’était dirigée vers lui après l’avoir aperçu à cette terrasse. Pourquoi était-il ici ? Elle avait ses doutes. Elle devait lui parler et tout éclaircir. Alors elle s’était approché, bien rapidement et avait souri, comme si de rien était. Son air grave, elle ne l’exposait jamais. Par principe que chacun a ses propres souci à gérer. Elle s’était assise, sans demander si la permission. Elle l’avait toujours prise de toute façon. « Alors ? Qu’est ce que tu comptes faire ? » Elle avait fini par être directe. Elle savait qu’elle n’avait pas à demander d’explication, que ça ne la concernait pas. Mais elle ne pouvait s’en empêcher. Et si jamais il lui faisait le reproche de ne pas le soutenir, elle pouvait toujours sortir de sa manche qu’il ne l’avait pas fait non plus. Et qu’il ne restait maintenant qu’à se comprendre.
Elle le savait. Contrairement à tout le monde, elle est la seule qui savait que j'avais une gosse et que je n'arrivais pas à assumer mon rôle de père. Même ma sœur ne savait rien. Je comptais simplement lui dire que je partais en Irlande pour retrouver notre soeur. Pourquoi il n’y avait seulement que Cora qui était au courant ? Sûrement parce qu’il m’avait fallu en parler à quelqu’un et que c’était sorti tout seul en sa présence. Aujourd’hui, je n'avais pas encore affronté ma sœur, mais d'abord Cora et je le redoutais. Elle s’était assise en face de moi et le coup frappa. Ses paroles auraient pu être de réels coups parce que je me sentais mal, vraiment mal. Je sais très bien que je suis un lâche, que je n'agis pas de la bonne façon, mais pour moi c'est ce qu'il y a de meilleur, j'ai l'impression de gâcher la vie de ma fiancée et de ne servir à rien à ma fille Je … réussissais-je à peine à dire face à la jolie rouquine. Je la fixais, totalement désemparé, ne sachant pas quoi dire. Mais je savais qu’elle ne bougerait pas tant que je ne lui aurais pas donné mieux comme réponse Je vais partir. C'était dit. Elle savait maintenant que ma décision est prise. Mais elle allait me prendre pour un lâche, elle allait me trucider sur place de faire la même chose qu'elle, mais d'en prendre la décision. Je vais partir quelques temps en Irlande. Je ne sais pas pour combien de temps, mais je pense que c'est le mieux, le mieux pour tout le monde. Reprenais-je alors avec un semblant d'assurance pour finalement baisser mes yeux sur mon café. Je me sens tellement mal avec Maxyn, j'ai l'impression vraiment d'être un moins que rien, de pourrir simplement leur vie, de n'avoir rien à faire avec elles. Et puis de toute façon, Zoey grandira mieux sans son inutile de père. Je n'arrive pas à l'aimer comme elle le devrait et je ne veux pas attendre qu'elle soit trop grande pour la décevoir ou lui briser le coeur. Autant le faire maintenant alors qu'elle n'a que quelques mois.
Elle a le visage sérieux. Elle n’a pas pris la peine de s’asseoir en face de lui tant qu’elle n’a pas reçu de réponse. Elle veut savoir. Qu’il parle ! Qu’il lui explique ! Parce qu’elle ne comprend pas ce qui peut bien lui traverser l’esprit. Lui, qui était là, qui a tout vu, tout vécu de ce qu’elle-même a vécu. Il devrait le savoir, il fait une monumentale erreur. Mais Cora n’arrive pas à le lui dire, pas encore. Elle le regarde en espérant qu’il lui dise qu’il a changé d’avis. Après tout, jamais auparavant elle n’avait été la donneuse de leçon parmi eux. C’était Enzo le plus sensé. Elle soupire. Il devrait avoir conscient qu’il fait une erreur, comme elle auparavant. De l’avoir vu, n’a-t-il pas déjà une idée de la façon dont il va se voir ? Et ça, pour toujours ? « Je … » Il commence à articuler. L’air sérieux de la jeune femme ne faiblit pas. Elle est déterminée à le raisonner. A lui éviter de faire une monumentale erreur. Et à l’aider, peu importe l’aide qu’il lui faudra. « Je vais partir. » L’annonce tombe. Il l’a dit, ça y’est. Mais elle ne faiblit pas, elle devient juste un peu plus rouge. L’envie de l’insulter la parcoure. Le traiter de crétin, d’idiot. Lui signaler qu’à son âge, on ne prend pas des décisions aussi stupides. Que la vie est dure et que c’est comme ça. Mais elle se tait. « Je vais partir quelques temps en Irlande. Je ne sais pas pour combien de temps, mais je pense que c'est le mieux, le mieux pour tout le monde. » Un rire s’échappe d’elle. Mieux, haha. C’est ça oui. Elle finit par s’asseoir en face de lui. Ces conneries, on peut dire que ça la fout sur le cul. Elle l’observe un peu plus en détail, ce qui radoucit son visage. Elle sait qu’Enzo va mal. Et au final, elle ne peut pas s’empêcher de se répéter qu’il ne veut pas ça. Elle passe sa main dans ses cheveux dans un geste un peu fatiguée. Elle prend son souffle avant de répondre. « Enzo ? Faut que t’arrête de te raconter des cracks. T’essaie de convaincre qui ? toi ou moi ? » demande t-elle, l’air sévère dans sa voix. Rarement, elle agit de la sorte. Cora, c’est rire et papouille d’habitude. Mais y’a des moments comme ça, où elle doit être adulte. Surtout au moment où Enzo arrête de le faire alors que c’est lui qui fait le grand pour elle d’ordinaire. « ça sera mieux pour personne. Et tu le sais. Tu vas plus pouvoir te regarder en face et je veux pas que tu vives ça. » Et elle ajoute après s’être rapproché. « Tu sais que tu peux m’expliquer ce qui se passe. Je t’aiderais. » assure t-elle. Le comble dans tout ça, elle ne le sait pas, mais non, elle ne peut pas comprendre.
C’est bien la première fois que je me sens dans cet état et encore plus face à Cora. Elle a davantage été comme une autre petite sœur pour moi qu’une réelle amie avec qui on échange les rôles quand l’un ou l’autre déconne ou ne va pas. Ici, face à elle, je me sens con plus que jamais. Je sais que ce n’est pas bien de partir, de laisser sa famille derrière soi, d’abandonner sa future femme et sa femme, mais je n’arrivais plus à porter tout ce poids et cette responsabilité sur mes épaules. Et seul Cora est au courant, et vu sa réaction, ce n’est vraiment pas plus mal. J’essayais de convaincre personne pour le coup, non, je pensais réellement ce que je disais, je ne suis qu’un poids pour Maxyn, je ne m’occupe jamais de Zoey, alors à quoi bon rester ? Peut-être pas pour tout le monde mais au moins pour Maxyn. A cette époque-là, je n’arrivais pas à parler de ma fille, je n’arrivais pas à dire son prénom, je n’y avais jamais réussi lors de sa première année de naissance. Elle était une enfant non désirée, je ne pouvais pas m’y accrocher, je n’y parvenais pas, certainement un blocage. Mais avec Cora, j’avais au moins réussi à lui en parler. Une seule fois par contre. Depuis j’évite totalement le sujet. N’empêche, je pensais que ma chère rouquine serait bien plus furax que cela, et elle voulait bien faire mais ce que je dis par la suite m’échappa réellement et je ne pensais pas à méchant, loin de là Je ne vois pas comment tu pourrais m’aider Cora, après tout, toi aussi t’as abandonné ton enfant. Disais-je en regrettant presque automatiquement mes paroles. C’était sorti tout droit du cœur, et je n’aurais pas du. Elle ne le méritait pas. Je sais très bien qu’elle ne l’a pas fait de gaité de cœur et que c’est sa mère qui l’a obligé, mais au fond, on a toujours le choix. Aujourd’hui c’était mon choix de partir loin de ma fiancée et de ma fille, je ne pouvais plus vivre ainsi, peu importe qu’on veuille m’aider, ma décision n’était pas révocable, je voulais partir, je devais partir. Seulement avant, je devais terminer cette conversation avec Cora, qui allait assez mal terminer.
C'est normal d'avoir peur. C'est ce qu'elle dit toujours, et c'est pourquoi elle ne le juge pas. Elle se montre compréhensive, elle le voit là, en détresse et aveuglement, elle lui tend la main, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire. C'est sûr, elle ne peut pas lui dire qu'il a tort de sentir les choses comme il le fait, mais elle peut lui dire que tout se passera bien et le rassurer. Après tout, avoir peur et prendre son courage à deux mains pour avancer, c’est pas ça qui fait la vie ? Ce serait trop bête d’arrêter là. Alors le visage de Cora s’adoucit pour laisser place à la médiation, à la parole afin de démêler le nœud du problème. De toute façon, elle n’a jamais pensé que Maxyn était celle qui fallait à Enzo, Cora, elle ne pense qu’à son bien-être à lui et à celui de Zoey. Elle le sait, que le temps est long avant de pouvoir vivre avec le fait de ne pas voir son enfant grandir. « Peut-être pas pour tout le monde mais au moins pour Maxyn. » Elle lèverait presque les yeux au ciel si ça ne pouvait être mal interprété. On ne se raconte jamais de meilleure excuse que lorsque l’on se raconte qu’on agit pour quelqu’un d’autre. Encore une fois, elle veut lui dire, pas besoin d’excuse, avoir peur de décevoir, ça fait partie et de la vie, et du défi d’être parent. « Parce que tu crois que n’importe quelle femme désire élever son enfant seule ? Tu t’racontes un mensonge. Tu l’fais parce que tu ne veux pas la décevoir, et je comprends ça. Mais, tu ne peux pas la décevoir plus que si tu exécute ton plan. C’est à Zoey qu’l faut penser. » lui explique-t-elle, toujours avec le même air sévère pour qu’il comprenne la gravité de la situation. Jamais, il n’avait agi de façon aussi irresponsable. Elle ne le reconnait pas. Mais elle tient vraiment à l’aider. S’il part, quelque part, il la laisse aussi. Et puis, qu’il l’écoute parce qu’elle sait, elle a vécu ce qu’il vit et bien malgré elle. « Je ne vois pas comment tu pourrais m’aider Cora, après tout, toi aussi t’as abandonné ton enfant. » Ses paroles font l’effet d’une bombe. Le visage, cinq secondes plus doux et plein de compassion de Cora disparait. Elle blanchit. Y’a quelque chose qui s’brise. Jamais, elle n’aurait pensé que lui, lui ferait cette remarque. Elle ravale ses sentiments, pour ne pas pleurer tout simplement. Parce que c’est ce qu’il veut. Elle le sait. Il veut faire mal, pour qu’elle arrête d’essayer de le dissuader. Et ça marcherait presque si elle n’avait autant voulu l’aider. « Tu n’as pas le droit de me dire ça. » lâche-t-elle doucement, les yeux rouges de ne pas avoir encore pleuré. Elle souffle. « C’est justement parce que ça m’est arrivé que je veux pas que tu le fasses. Enzo, écoute-moi, c’est normal d’avoir peur mais tu ne veux pas être celui qui a fui. » Elle tient le coup. Elle se refuse à montrer qu’il a réellement réussi à la désarçonner.
Malgré la main réconfortante et chaleureuse de mon amie, je n’arrivais pas à adhérer à ses paroles. Après tout, j’ai pris ma décision et elle n’est vraiment pas révocable, et je dois bien avouer que lorsqu’on insiste, je me braque encore plus n’aimant pas qu’on ne respecte pas mes choix. Je le sais pertinemment ce qu’elle m’explique de nouveau, que je dois penser à ma fille, mais je pars à temps, elle n’a pas encore l’âge de s’attacher à moi, elle n’aura pas de manque, elle ne m’aura jamais connu. Le plus difficile à encaisser selon moi de la part de Cora, c’est que je veuille partir loin de la ville. Et ça, je pouvais beaucoup mieux le comprendre. Mais après tout, ma vie est ici, je ne compte pas m’installer à Dublin. Je ne sais juste pas combien de temps je vais y rester voilà tout. Je ne peux pas être son père Cora, je ne suis pas prêt, je n’y arrive pas, et ça fait des mois que j’essaye mais ça me bouffe de l’intérieur. Lui expliquais-je alors, tout simplement parce que Maxyn m’avait fait cet enfant dans le dos et que je n’ai jamais réussi à l’encaisser. Mais je commençais sérieusement à être agacé par l’insistance de mon amie et la phrase la plus blessante que je ne lui ai jamais dite, sortie de ma bouche. Avec regret, réellement. Et je vis bien l’effet que c’eut sur elle. J’avais envie de la prendre dans mes bras et m’excuser. Mais j’étais un peu trop à cran pour ça, surtout qu’elle ne semblait pas prête à lâcher le morceau. Elle insista de nouveau et je baissais la tête, non pas par honte, mais par désespoir. Elle ne veut vraiment pas comprendre Je n’ai pas peur Cora. Je ne suis juste pas prêt. J’étais prêt à me marier avec Maxyn, à prendre mon temps, à réfléchir à l’éventualité d’avoir un enfant, mais elle me l’a balancé comme ça sans prévenir et depuis je n’arrive pas à l’aimer ! Disais-je de façon cash et rapide sans réfléchir à la rouquine. Je venais d’avouer pour la première fois que je n’aimais pas ma fille. Ca pouvait sûrement être dur à entendre, mais pour moi, c’était bizarrement libérateur.
Non, elle ne baissera pas les bras. Parce qu’elle reste persuadée que ce serait une monumentale erreur de partir. Peut-être bien que Zoey ne se demandera jamais où est son père et qu’elle n’aura aucun manque. Oui, peut-être. Mais, il y’a une chance sur deux que ce soit l’inverse et qu’au lieu de nourrir un manque elle nourrira de la rancune. Et Enzo dans tout ça, lui, il devrait vivre avec le fait de l’avoir abandonné. Qu’importe ses raisons, c’est ce qui sortira de cette histoire. Et Cora, elle ne veut pas ça. Elle ne pense même pas à Maxyn. A vrai dire, la jeune femme est bien la dernière dans la liste de ses pensées. Cora, elle veut aider. Elle se sent le devoir de le faire. Pour lui éviter à lui de regretter. Et aussi pour s’éviter à elle de perdre celui qui fait office de grand frère et de famille dans sa vie. « Je ne peux pas être son père Cora, je ne suis pas prêt, je n’y arrive pas, et ça fait des mois que j’essaye mais ça me bouffe de l’intérieur. » Les arguments d’Enzo ne manquent pas de résonner en elle. Oui, elle sait ce que c’est qu’un parent qui n’aurait jamais dû l’être. Elle avait été élevée par le meilleur exemple qui soit de cette catégorie de personne. Mais non, elle se refuse à y croire qu’il soit comme ça. Elle se dit qu’il a peur. Que la trahison de Maxyn d’avoir fait cet enfant sans lui, c’est cela qui l’empêche lui de faire ce qu’il doit faire. Alors elle essaie très fort de le rassurer. Elle lui expliquer que la peur, c’est quelque chose d’humain et de normal. Elle lui offre son aide, sous n’importe quelle forme. Mais il refuse, allant jusqu’à prononcer l’imprononçable. Des paroles qu’elle n’oubliera sans doute jamais. « Je n’ai pas peur Cora. Je ne suis juste pas prêt. J’étais prêt à me marier avec Maxyn, à prendre mon temps, à réfléchir à l’éventualité d’avoir un enfant, mais elle me l’a balancé comme ça sans prévenir et depuis je n’arrive pas à l’aimer ! » Elle tape du point sur la table. Cora est bouleversée par ce qu’il dit. « Enzo, arrête de jouer au con ! » Elle ravale sa salive. Elle ne peut pas le laisser dire ça. « Que tu aies un problème avec le fait que Maxyn t’a bien pigeonné, je peux le concevoir. Mais cette gamine, elle ne t’a rien fait et elle est là maintenant. Ce que tu n'aimes pas, ce sont les circonstances, mais bordel tu t'rend comptes de ce que viens de me dire ? » dit-elle, perdant patience face au calme d’Enzo. « Tu peux pas être lâche. Ça va te détruire. » lâche t-elle, un peu dans un dernier effort.
Voilà pourquoi je suis là. Voilà pourquoi je suis devant Cora aujourd’hui, juste avant de prendre mon avion. Elle est la seule qui est au courant de la vraie raison de mon départ ? Pourquoi ? Sûrement parce que je savais que je pouvais me confier à elle, que j’avais besoin de me confier à elle. Mais c’était une mauvaise idée. Je n’aurais pas du, et j’aurais du m’en douter qu’elle me retiendrait de la sorte à essayer de me faire entendre raison. Mais elle devrait savoir qu’elle n’y arriverait pas. Enfin, pas vraiment puisque c’est bien la première fois que les rôles s’inversent. Je voyais pour la première fois une jeune femme responsable que je n’avais jamais encore réellement rencontrée, et au-delà de la discussion très tendue, ça me faisait plaisir de la voir si intense et sûre dans ses paroles. Et j’aimerais tellement qu’elle ait raison. Qu’elle réussisse à me convaincre. Mais j’avais besoin de prendre des vacances. J’essayais donc tant bien que mal de lui expliquer encore mieux les choses, mais elle se mit à taper du poing la table et elle commençait elle aussi à perdre patience. Je ne savais même plus quoi lui répondre, tout était dit, elle ne voulait juste pas l’accepter.Oui peut-être que je vais le regretter, mais je ne vois que cette solution. Vois ça comme des vacances prolongées. Je ne resterais pas très longtemps loin de Brisbane ni loin de ma famille, ne t’inquiète pas. Et elle savait très bien qu’elle était comprise dans ma famille, elle ne devait pas avoir peur de ça, du fait que je ne revienne jamais, parce que je reviendrais. J’ai besoin de faire le point, de tout casser dans ma vie pour mieux la reconstruire. J’avais essayé de calmer le jeu en essayant de lui dire qu’elle devait voir ça comme des vacances, mais pas sûr que ça l’apaise, vu que je ne prenais pas la peine de répondre à ses demandes, à ses remarques.div>
Enzo, il est comme un vase qui s’échappe des mains et qu’on essaie de rattraper pour qu’il ne se casse pas. Mais Cora, elle essaie de toutes ses forces de le rattraper mais à chaque minute qui passe, il s’approche de plus en plus du sol. Tout ça, c’est la faute de Maxyn. C’est elle qui a tout poussé. C’est elle qui va briser la belle confiance qu’il y’a entre Enzo et Cora. Elle ne veut pas qu’il parte. Elle veut le préserver de ce sentiment, d’être le parent qui abandonne l’enfant. Peu importe que ce soit pour son bien ou pas. Cora, elle n’aurait jamais pu élever le sien. C’est une bonne raison. Mais ça n’efface pas l’abandon. Elle s’obstine. Au bord de l’agacement, mais elle tient le coup, malgré le dialogue de sourd qui s’installe. Peut-être que quelque part, c’est lui qui a raison. T’façon, à chaque fois, c’est lui. Parce que Cora n’est qu’une enfant et qu’elle est trop têtue pour voir que tout ne peut pas toujours aller dans son sens. Mais là, c’est pas à son sens à elle qu’elle pense, c’est au sien. Elle voulait qu’Enzo, il soit heureux. Pas triste comme maintenant. « Oui peut-être que je vais le regretter, mais je ne vois que cette solution. Vois ça comme des vacances prolongées. Je ne resterais pas très longtemps loin de Brisbane ni loin de ma famille, ne t’inquiète pas. » La fuite n’est pas une solution. Mais que peut-elle ajouter ? Rien, alors elle se tait. Au final, elle se rend compte que ça ne sert à rien de discuter. Elle parle à un sourd, et lui aussi dans un sens, mais il est bien moins bouleversé. Doit-elle accepter ce qu’il demande ? Pourquoi ça lui tient tant à cœur ? Essaie t’elle de soulager sa propre conscience en voulant l’empêcher de partir et d’abandonner femme et enfant ? Partir pour mieux revenir. Est-ce que c’est vraiment ce qu’il faut ? Toutes ses questions se bousculent dans sa tête. Elle n’y voit pas clair. C’est ahurissant. Enzo ne l’abandonne pas elle, et pourtant, ça la touche tout autant. Peut-être qu’elle doit accepter qu’elle ne peut pas l’aider. Après tout, il a raison, elle-même a abandonné son propre enfant. Elle n’a pas à lui faire de remarque. Finalement, sa patience arrive à bout. Elle devient toute molle. Le silence plane. Quelques mots sortent. « Je suis déçue que tu sois lâche. » Quelques mots, et elle se lève. Elle tire sa révérence. Le vase est cassé.
Lâche. Voilà ce que je suis pour elle. Et ça me brise le cœur. Oui ça me le brise surtout venant d’elle. Elle insiste sur ce mot et pour moi je ne le suis pas, je ne fuis pas, enfin pas vraiment, et pourtant elle n’arrête pas de dire ça. Peut-être qu’elle a raison. Mais je ne peux plus vivre comme ça. Alors entre lâche et hypocrite, c’est quoi la meilleure solution ? Elle est toute faite. Oui je compte bien partir. Mon vol est d’ici quelques petites heures et je compte bien le prendre. Mais ça me fait mal de voir Cora aussi anéantie par cette annonce. Etait-ce parce qu’elle se reflétait en moi et qu’elle espérait une rédemption ? Sûrement. Ou alors se sentait-elle abandonnée elle aussi. Elle ne l’était pas alors j’espérais que ce n’était pas ça. Je l’appellerais quand je serais là-bas, espérant qu’elle réponde à mes appels, qu’elle ne m’en veuille pas, malgré le fait qu’elle se lève et qu’elle souhaite partir. Je ne vais pas la retenir non, on s’est tout dit, je voulais seulement la prévenir de mon départ et sa ténacité m’a exaspéré au plus haut point, je ne me vois pas insister pour lui faire comprendre ma décision, il n’y aucun intérêt, elle ne veut rien entendre. Mais ça aussi ça me fait du mal, et j’allais devoir partir avec cette honte, cette discussion finie en engueulade. Et pourtant elle fait partie des personnes les plus importantes de ma vie. Il ne me reste plus qu’à assumer, à prendre mes clics et mes clacs et essayer d’oublier cette histoire, de me ressourcer, de me retrouver avant de voir ce que j’allais faire par la suite. Je n’avais donc plus de raison de rester davantage ici. C’est le cœur lourd que je partais en direction de l’aéroport.