Ils étaient tous les deux assis sur un fauteuil, devant cette vue qu'offrait la pièce. Ils étaient assis l'un à côté de l'autre et ils ne se parlaient. Un silence s'était installé. Le genre de silence qui était plutôt gênant. Est-ce qu'ils devaient se parler ? Est-ce que Ginny devrait prendre la parole, alors qu'Ezra était très clairement en colère contre elle. Est-ce qu'il s'attendait à quelque chose en particulier ? Des excuses ? Peut-être que ce n'était pas le bon moment et que cela le mettrait de plus mauvais humeur si elle disait quelque chose de travers. Alors, elle s'était rabattu sur quelque chose d'autre. Une question idiote. Est-ce que Noah dormait encore. Qui sait, peut-être qu'il s'était réveillé entre temps. Ou pas. Sauf que même après avoir posé sa question, ce silence régnait entre eux. A croire que la jeune femme n'avait pas arrangé la situation. Au contraire. Du moins, c'est l'impression qu'elle avait. « Oui, il dort encore, et profondément. Il ne saura même pas que je suis passé, tu n'as pas à t’en faire. » Elle poussa un léger sourire. Elle ne savait pas si c'était une bonne chose si Noah n'était pas au courant. Peut-être oui. Surtout qu'il n'y avait que Ezra. Noah aurait sûrement été perturbé de voir quelqu'un qu'il ne connaissait pas. « Je repasserai voir Noah. Je sais pas quand encore, je te tiendrai au courant. Mais peut-être pas tout de suite, j’ai… Besoin de prendre du temps pour moi là. » La jeune femme continuait d'éviter son regard. Elle avait simplement hoché doucement la tête, alors qu'elle ignorait s'il était en train de la regarder ou non. Elle n'avait pas repris la parole. C'était sans doute mieux. Et elle s'attendait à ce qu'il parte, à ce qui la laisse dans cette salle sans même lui jeter un regard. Elle n'attendait que de sentir sa présence disparaître petit à petit. Et là, sans doute, Ginny pourrait se sentir un peu mieux. Et elle commençait à être soulager, lorsqu'elle avait cette impression qu'il se levait du siège où Ezra était installé. Leur rencontre aurait pu se terminer ainsi. Sauf que leur regard ce sont croisé. Rapidement, mais cela avait suffit pour arrêter le garagiste dans son élan. Il s'était arrêté et dès que Ginny avait remarqué ça, elle n'avait pas pu s'empêcher de détourner vaguement le regard. Honteuse qu'il ait pu la voir cet état. Et voilà, maintenant qu'il était en face d'elle, accroupi et leur regard s'était à nouveau rencontré. « Tu peux déballer ce que tu as sur le coeur aussi tu sais. » Elle baissa le regard durant quelques instants, avant de plonger à nouveau son regard dans le sien. Et durant quelques secondes, elle s'y est perdue, oubliant les problèmes qu'elle pouvait avoir. « Je pense pas que ça soit le bon moment. » dit-elle la voix légèrement brisée, essayant de contenir ses larmes. Elle n'avait en aucun envie d'une nouvelle crise de larmes. Surtout devant Ezra. Oui, ce n'était pas le bon moment. Pas après ce qu'il venait de se passer. Il n'avait pas à rester avec elle. Surtout si pour lui c'était une obligation. Et puis, elle n'avait pas envie de l'embêter avec les problèmes qu'elle pouvait avoir. « Tu devrais rentrer. » souffla-t-elle en le regardant toujours. Oui, c'est ce qu'il devrait faire. Et pourtant Ginny voudrait encore un peu profiter de sa présence. Mais ce n'était pas bien. Elle le savait. Alors, il devrait rentrer chez lui et Ginny n'aurait pas cette impression d'être tenter par le fait de voir plus que de sentir sa présence.

Accroupi devant elle, de la sorte, Ezra avait l’impression qu’il pouvait ressentir mieux que depuis le début la peine de la jeune femme. Car contrairement à ses habitudes, depuis qu’il était arrivé à l’hôpital plus tôt en fin d’après-midi, il ne s’était pas réellement préoccupé de comment pouvait se sentir Ginny. D’habitude, il l’aurait fait à peine arrivé sur place. Aujourd’hui, il s’était focalisé sur le mensonge qu’elle lui avait raconté, qu’elle avait tissé au fil du temps, depuis qu’elle avait quitté Brisbane cinq ans plut tôt. Alors s’apercevoir si tard qu’elle n’allait pas bien non plus de son côté, ça le peinait. Même s’il n’aurait pas voulu que ça l’atteigne, ça le faisait. D’accord, il devait être en grande partie responsable de l’état de Ginny en ce moment même - il n’y avait pas été de main morte plus tôt avant d’aller voir Noah -, mais il ne regrettait pas d’avoir prononcé ces paroles, il ne regrettait pas d’avoir enfin pu lui dire ce qu’il voulait lui dire depuis lé début. Alors il trouvait ça légitime qu’elle puisse en faire de même si elle pensait que ça pourrait lui faire du bien. De toutes façons, Ezra n’était plus à ça près aujourd’hui, elle pouvait lui dire ce qu’elle voulait. « Je pense pas que ça soit le bon moment. » Elle maintenait son regard maintenant, Ezra pouvait y lire la peine qu’elle ressentait. Son coeur se serra de nouveau, il soupira. Elle n’était pas d’humeur à lui renvoyer la balle apparemment, elle préférait garder ce qu’elle avait sur le coeur pour elle encore un moment. Sa voix indiquait cependant le contraire, comme si elle était sur le point de craquer, qu’elle avait besoin de quelqu’un pour l’écouter. Mais Ezra n’était pas la bonne personne après tout. Plus maintenant, plus depuis cinq ans. Elle avait un mari là pour elle, pour écouter ses peines - malgré tout ce qu’elle voulait dire sur lui et son mariage forcé, il était là pour elle, avec elle à Brisbane. Ezra avait cessé d’être celui présent pour panser ses plaies, et il se sentait con d’être toujours en face d’elle à attendre qu’elle vide son sac. Elle n’allait pas le faire, et il rentrerait chez lui, seul, là où personne ne l’attendait. Ginny confirma rapidement les pensées du jeune homme, d’ailleurs. « Tu devrais rentrer. » Il laisse encore une ou deux secondes son regard plongé dans celui de la belle avant de le baisser, de soupirer de nouveau. [colo=cornflowerblue]« D’accord, tu as raison. »[/color] Il avait gardé une voix claire et ferme, montrant qu’il était d’accord avec elle. Il l’était, même s’il n’arrivait pas à décider ce qu’il le peinait plus entre laisser Ginny mal et seule ici ou rester avec elle et se torturer la rétine et les souvenirs de ne pouvoir rien faire pour elle. Lentement alors, il se releva, quittant le cercle d’intimité de la jeune femme, lui laissant de la distance et de nouveau l’espace nécessaire à respirer correctement en présence d’une personne avec qui vous n’êtes pas ou plus proche. Passant une main dans ses cheveux, il resta quelques secondes debout devant Ginny, à voir si elle allait faire un geste envers lui, qui lui montrerait qu’elle voudrait qu’il reste. Mais rien. Il fallait qu’il arrête de se monter la tête comme ça, qu’il arrête de se faire de faux-espoirs. Ginny était partie il y a cinq ans, et depuis elle n’était plus la même jeune femme qu’il avait connu. Leurs chemins à l’heure actuelle étaient très différents, et ça pouvait tenir limite du miracle qu’ils se croisent de nouveau. La terre était grande après tout. Soupirant une dernière fois, Ezra contourna le fauteuil de Ginny, avant de s’arrêter derrière celui-ci. De là où il était, Ginny ne pouvait le voir, mais il n’avait qu’à tourner la tête pour la voir de dos lui. Alors oui, légèrement, il tourna la tête, prenant un petit sourire satisfait et nostalgique à la fois, avant de prendre la parole d’une voix plus tendre cette fois-ci. « Il a l’air bien, Ginny, malgré tout. Je n’en ai jamais douté, mais j’ai eu confirmation en voyant Noah aujourd’hui, tu as été une bonne mère avec lui jusque maintenant… » J’aurai juste aimé pouvoir t’aider dans cette tâche. Des paroles qu’ils garderaient pour lui, qu’il n’oserait pas dire à voix haute. A chaque jour suffit sa peine, comme on dit. Il était temps maintenant qu’il reparte chez lui, il reviendrait un autre jour voir Noah, peut-être quand Ginny se serait décidée à dire la vérité, peut-être avant, il n’en savait rien au moment actuel. Il se contenta de tourner de nouveau le regard vers le couloir qui menait vers la chambre de son fils, avant de partir dans la direction opposée, dans la direction de la sortie de l’hôpital. Le coeur lourd et la tête embuée de nouvelles informations, il espérait arriver à dormir le soir même - ce qui était peu probable. Il regrettait à ce moment là de ne pas avoir lui aussi de son côté quelqu’un vers qui rentrer comme ça, le soir, quelqu’un qui l’attendait chez lui, quelqu’un qui l’aimait.

Ginny s'attendait à ce qu'Ezra s'en aille après lui avoir dit que leur fils dormait toujours, qu'elle ne devait pas s'inquiéter. Cela aurait logique. Il n'était pas en état d'avoir la suite d'une conversation. Il était certainement encore trop en colère envers la jeune femme pour ça. Du moins, c'est ce qu'elle pensait. Et puis, durant une fraction de seconde, leur regard s'était croisé. Ezra avait sans doute vu les yeux légèrement rougi de la brune à cause des larmes qu'elle avait pu verser peu de temps avant son retard. Et il s'était arrêté. Alors que Ginny était assise, Ezra s'était accroupi en face d'elle. Elle pouvait lui parler, lui dire ce qu'elle avait sur le cœur. Elle aurait pu faire ça. Se confier enfin à quelqu'un après toutes ses années. Mais Ezra n'était sans doute pas la bonne personne. Et surtout pas après les révélations qu'il y avait eu quelques instants plus tôt. Le fait qu'elle était à présent mariée. Noah qui pensait que son père était un autre homme. Il n'avait sans doute pas envie d'en entendre plus. Ce n'était donc pas le bon moment et il devait rentrer chez lui. Cela serait sans doute la meilleure solution pour chacun. Et pourtant leur regard n'avait pas quitté celui de l'autre durant quelques instants. Durant ces quelques instants, Ginny se disait que peut-être il n'avait pas à partir. Peut-être qu'elle pourrait passer plus de temps avec lui. De sentir un peu plus sa présence. Et pour ça, elle n'avait besoin que de prononcer quelques mots. Quelques mots qui n'étaient pas dépasser ses lèvres. « D’accord, tu as raison. » Et à ces mots, Ezra commençait doucement à se lever. Une part d'elle avait cette envie de le rattraper, de le sentir contre elle. Mais elle ne bougeait pas. Elle restait assise sur ce canapé, alors qu'Ezra s'éloignait petit à petit. Elle sentait son parfum s'en aller au fur et à mesure. Et les pas s'étaient arrêtés. Le garagiste se trouvait derrière elle. La brune sentait sa présence. Peut-être qu'elle pourrait se retourner pour le voir. Sauf que sa raison prenait encore le dessus. Elle restait là, à attendre des paroles ou un geste de la part d'Ezra. « Il a l’air bien, Ginny, malgré tout. Je n’en ai jamais douté, mais j’ai eu confirmation en voyant Noah aujourd’hui, tu as été une bonne mère avec lui jusque maintenant… » La jeune femme n'avait pas pu s'empêcher d'avoir un léger sourire. Bien sûr que cela faisait plaisir à Ginny. En cinq ans, elle s'était plusieurs fois demandé si elle avait été une bonne mère pour Noah. Si, même avec la maladie, elle faisait ce qu'il fallait. Il lui arrivait parfois de douter. Surtout à cause de certaines remarques que ses parents avaient pu lui faire. Forcément pour eux, il y avait toujours quelque chose qui était de sa faute. Notamment la maladie de Noah. C'était une punition. Parce qu'elle avait eu un enfant trop tôt. Parce qu'elle avait eu un enfant hors mariage. Parce qu'elle avait eu un enfant avec un homme qui n'était pas digne de la famille McGrath. Alors oui, ce petit compliment avait réussi à ce qu'un faible sourire se dessiner sur le visage de la brune. Et après ces quelques mots d'Ezra, la brune entendit à nouveau des bruits de pas. Ezra était parti. Pourquoi de bon. Il n'allait pas revenir. Du moins pas avant un long moment. Elle savait qu'elle allait devoir arranger certaines choses avant. Et cela n'allait pas être simple, elle le savait. Mais la brune se devait de le faire. Pour Noah.