… et Hannah Siede répète sa performance une fois de plus et nous enchante dans le rôle de Lady Macbeth. Si bien que la brune nous manque lorsqu’elle n’est plus sur scène et on ne l’imagine pas autrement qu’avec une couronne sur la tête et…
Hannah laissa retomber le journal sur le sol avec un soupir, le bruit du papier se froissant sur le sol presque élégant dans un sens. Elle était beaucoup trop ailleurs pour faire attention à ce genre de détails et elle préféra se laisser glisser dans la baignoire dans laquelle elle reposait depuis maintenant deux heures, l’eau était complètement froide, et elle plongea la tête sous l’eau. Elle retenait volontairement sa respiration, une partie d’elle était très forte à ce jeu, se demandait ce qui allait passer si elle allait de l’autre côté. Lewis la trouverait comme ça, livide, Nathan sera complètement dévasté, il y aurait une enquête pour savoir qui avait osé sa fille de la sorte et même comme ça Hannah n’était pas certaine qu’on soupçonne Jamie. Elle sortit aussitôt la tête de l’eau en pensant au brun et s’empara de la cigarette et du briquet qu’elle avait laissé à sa disposition. Il lui fallu plus d’une minute pour les allumer, elle tremblait trop. Oh elle était belle Hannah Siede… Les journalistes l’adoraient en ce moment et si Hannah savait se réjouir de ce vrai tournant pour sa carrière, elle ne s’était jamais sentie aussi… vide. Elle aurait pensé pouvoir passer à autre chose, essuyer cette déception d’un revers de main, noyer ça dans un verre de fin et juste en rire des semaines après. Appeler Jamie et tenter de faire la paix avec un déjeuner, une visite à l’improviste chez lui… N’importe quoi.
Mais le coeur n’y était pas, l’envie d'être l’amie invincible ne la faisait absolument plus vibrer. Pour quoi faire ? Lui il avait Joanne, Hannah avait toujours fait le choix d’être seule, elle connaissait la danse, elle connaissait les conséquences… sauf qu’aujourd’hui, elle ne l’était pas par choix mais parce qu’il n’y avait pas d’autres moyens. Nicotine dans les poumons, elle inspira et expira, se forçant à répéter ce geste, à rester humain et à les maudire tous, elle avait de bonnes raisons d’être en colère, de très bonnes raisons de l’être, mais ça ne voulait pas dire qu’elle devait rester sobre, ou s’amuser seule. Avant Jamie, Hannah avait toujours une dizaine de personnes prête à répondre au moindre de ses désirs d’un seul claquement de doigts, des hommes prêts à tout pour avoir son attention… Où était donc cette Hannah là ? Il était temps de la rappeler. Ce genre d’opération ne faisaient pas seul, cela prenait quelque coups de fil très bien placés. S’assurer que la troupe ne jouait pas ce soir, qu’elle pouvait avoir du champagne, de quoi manger, de quoi s’habiller… Au milieu des préparatifs Hannah fixa son propre reflet dans le miroir et puis sa penderie. Elle ne manquait pas de tenues et les robes de créateurs s’étalaient devant elle et rien ne l’inspirait. Hannah adorait s’habiller pour se rendre à une soirée ou un gala, elle prenait un malin plaisir à faire la mannequin pour quelques minutes, mais pas ce soir, elle n’en avait pas envie. Presque le sourire aux lèvres, Hannah se changea pour enfiler une nuisette en soie noir et sa longue robe de chambre blanche quasi transparente par dessus, elle la laissa ouverte et chaussa ses talons aiguilles. Elle s’occupa juste de ses boucles brunes et de son maquillage avant de s’emparer de son téléphone portable.
Chers invités du soir, je vous demanderai d'oublier vos costumes et vos robes de soirée ou de les laisser à mon majordome. Vous n’allez pas en avoir besoin ce soir. Ni repartir sobre. H.
Hannah envoya le message à une vingtaine de personnes, des gens qu’elle évitait d’ordinaire et dont elle se moquait en soirée et certains… qu’elle n’avait pas revu depuis longtemps pour ne pas en brusquer d’autres. Elle passa le reste de l’heure suivante à superviser les préparatifs, cigarette à la main, indiquant au traiteur où disposer amuse bouche et champagne, Hannah avait même pris soin de faire venir des musiciens professionnels et quelqu’un pour diriger la table de poker de fortune. Car quand on s’appelait Siede, on ne faisait pas vraiment les choses à moitié. Jamais vraiment, et comme toutes les bonnes soirée, celle là ne commença pas avant 22 heures. Juste le temps pour Hannah de manger quelques raisins et de faire disparaitre quelques cigarettes, ne respectant plus du tout sa règle d’une seule cigarette par jour. Mais enfin, les musiciens avaient fini de s’échauffer quand la porte d’entrée sonna, Lewis accueillant déjà les premiers invités. « Oui c’est moi qui reçoit cette fois-ci, je sais que ça arrive si rarement. » Un faux sourire, un baiser déposer sur des joues inconnues. « Ravie de voir que vous avez compris le mémo à propos des pyjama… et oui une table de poker, je me suis dit pourquoi pas… Oh mais qui vois-je Rosalie Blake… Je ne pensais vraiment pas que tu viendrais. »
« Je ne suis pas convaincue quant à la place du piano » fit remarquer Rosalie à la fin de l’inspection des lieux. Le club de Jazz ouvrirait sous peu, quelques semaines à peine et elle considérait qu’il restait encore fort à faire. « Et puis ces tables et ces chaises –elle lia le geste à la parole- doivent être mises de telles façon que l’attention soit portée sur le piano » elle avait la désagréable sensation que ses prérogatives n’avaient pas été respectées. Rosalie avait pleinement conscience d’être pointilleuse sur les détails mais n’était-ce pas cela qui faisait la différence ? « Je sais bien, mais j’ai pensé que… » elle leva la main pour faire taire le professionnel qu’elle avait décidé d’engager pour la soutenir dans cette tâche. « Loin de moi l’idée de vous apprendre votre métier, mais si je vous ai donné des directives c’est pour qu’elles soient mises en pratique » son ton demeurait cordial bien froid, ceux qui travaillaient pour elle, devaient apprendre à s’en accommoder ou bien à poser leur démission. « Qu’en pensez-vous ? » sa question rhétorique fut ponctuée d’un petit sourire qui en disait long sur ce qu’elle pensait. Elle savait qu’elle ne l’aimait pas et que la tentation était sûrement immense pour elle de lui inculquer quelques bonnes manières au vu de ce qu’elle avait pu apercevoir dans ses prunelles, néanmoins elle n’en fit rien. Une véritable professionnelle, de toute évidence. « J’ai apporté les échantillons de tissus comme convenu afin que puissiez faire votre choix » Elles prirent place à une table où la blonde lui présenta les modèles que, fidèle à son exigence habituelle, Rosalie prit le temps d’examiner avec le plus grand sérieux avant de faire un choix définitif, ce qui prit tout de même une bonne dizaine de minutes. « Celui-ci me plait, je l’aimerais de cette couleur » elle indiqua l’exemple de son index tandis que la jeune femme prenait des notes. « Excellent choix, auriez-vous d’autres demandes à formuler ? » La française crut percevoir un léger sarcasme mais décida de n’en faire grand cas. « j’aimerais que le piano soit légèrement en hauteur, sinon ce sera tout » son téléphone sonna au même moment, jugeant le destinataire comme important, elle ouvrit le message. Sa soirée sera finalement plus intéressante que prévu.
Le véhicule s’immobilisa devant la demeure Siede. Rosalie sortit son miroir pour inspecter son visage, certaine que nombreuses sont celles qui en seraient ravies. Elle ne sera pas en compagnie d’amis ce soir, bien qu’elles se plaisent toutes à se nommer ainsi. « Restez près de votre téléphone » furent ces derniers mots en direction de son chauffeur alors qu’elle s’extirpait de la voiture. Il ne fallut pas longtemps avant que l’on vienne lui ouvrir et elle put ainsi remarquer qu’elle n’était pas la première arrivée, quoi de plus normal, Rosalie cultivait le retard mondain, assez pour que l’entrée soit remarquée mais pas de quoi paraitre impolie aux yeux des convives. Elle offrit des sourires éclatants de fausseté aux convives déjà présents, embrassant des joues, hélant des visages familiers et se présentant aux rares dont elle n’avait pas ce plaisir. « Je me suis dit que je serai en excellente compagnie ce soir, comment refuser ? » répondit-elle à Hannah sur un ton amusé. Hannah appartenait à cette infime poignée dont elle se sentait réellement proche. « Tu n’as pas fait les choses à moitié à ce que je vois » aucune surprise sur ce point, Hannah Siede savait faire les choses en grand, un point sur lequel toute la petite bourgeoisie de Brisbane accordait ses violons. « A propos, un cadeau pour ton triomphe sur les planches » Elle lui tendit de bouteille de vin couteuse, fraîchement arrivée de son pays natal. Rosa se promit d’aller voir la pièce de l’hôte de maison dont les éloges la convainquaient que ce fut la meilleure chose à faire, en plus du bon genre associée à sa classe sociale. « Rosalie » la héla un visage très familier et armé de son plus beau sourire, elle attendit que sa supposée amie vienne se jeter dans ses bras. « Quelle surprise et quel plaisir de te retrouver là ! » A force de les dire, ces mots sonnaient comme la vérité. Juliette aimait à décrire la française comme sa plus proche amie, sa meilleure amie, ce qui ne l’empêchait pas de quelques fois arranger la réputation de celle-ci afin que la sienne brille, du moins le supposait Rosalie qui l’écoutait très souvent ternir les autres à son profit, Hannah en avait également pris pour son grade à son insu. Les hobbies mondains n’étaient pas aussi diversifiés que l’on voudrait bien le laisser croire. Elles échangèrent encore quelques banalités sur comment elles allaient, leur famille et leurs avis sur nouveau professeur de Yoga.
Les sourires, dans le monde d’Hannah, c’était la plus belle arme et très certainement la plus efficace. Un sourire pour cacher sa peine, un sourire pour se moquer, dans le fond… On ne pouvait pas vraiment s’en passer. Le sourire d’Hannah ce soir était rayonnant et malicieux, à l’image de la nuisette de soie noire qui recouvrait la beau opale de la Siede, un sourire qui resterait bien en place sur son visage. Hannah aimait avoir tout ce monde chez elle et pour elle, elle pouvait faire semblant à sa guise, elle savait très bien que demain matin, tout le monde allait retourner chez soi et parler d’elle. Sûrement pour se demander si l’argent de son précieux papa avait financé cette fête, ou alors pour déplorer l’absence d’un certain Lord ou juste pour la juger et reporter son manque de goût et de classe. Dans tous les cas, ils allaient parler d’elle et c’était tout ce qui importait aux yeux d’Hannah. Elle avait ainsi un très bon moyen d’exister un peu plus longtemps, à travers leur yeux et leur commérages. Ce fut avec le même sourire qu’elle s’empara de la bouteille de vin que lui tendait Rosalie, un grand cru sans aucun doute, il était évident que les cadeaux dans leur monde coûtait tout aussi cher. « Il ne fallait vraiment pas très chère… Je peux te dire sans aucun problème que ton cadeau sera apprécié… Et fais comme chez toi, je vais accueillir mes autres invités. » Hannah adressa un clin d’oeil à Rosalie avant d’aller embrasser les dernières personnes qui franchissaient encore la porte de sa demeure. Et dire qu’il s’agissait d’une soirée privée, Hannah accepta les compliments sur sa tenue et bien entendu sa posture, avant de guider tout le monde dans son salon.
Les conversations allaient bon train et beaucoup avait déjà une cigarette à leur lèvres, les effluves de fumées emplissant l’atmosphère au même titre que les on dits, sûrement pour se déposer sur leur tenue du soir tout aussi coûteuse. Hannah sourit en voyant que certaines de ses amies avaient tout de même tenu à mettre l’équivalent d’une parure en diamants sur elle, ainsi que des ensembles de nuits et des vêtements en tulle couteux. Tout cela respirait le luxe et Hannah prit une profonde inspiration et traversa son salon, elle replongeait dans son univers, seule, prête à retrouver sa place. Un des serveurs ouvrit la bouteille de vin pour elle et tandis que la brune laissait le vin respirer, elle s’adressa à deux de ses amis, ses derniers essayant d’estimer quelle serait la mise minimum pour la partie de poker qui allait commencer. « Messieurs… La roulette est ouverte et nous commencerons le poker quand je serais un peu moins sobre histoire de vous donner une chance de l’emporter sur la maitresse de maison… » Hannah eut un rire et s’empara de son verre de vin, les jeux d’argent n’étaient peut-être pas respectables mais comme toute bonne fille de la société, Hannah s’y connaissait assez pour repartir gagnante la plupart du temps. Elle flâna ainsi d’invités en invités pendant quelques minutes, revenant vers Rosalie en pleine conversation avec une autre membre toute aussi respectée de leur univers. « Ça ne te dérange pas si je te l’emprunte ? » Hannah avait sans doute interrompu leur conversation mais elle s’en moquait, elle passait déjà un bras autour de Rosalie pour qu’elle prenne place sur le canapé.
En tant qu’hôte, Hannah pouvait choisir qui allait l’amuser et la divertir pour la soirée. « Je ne pensais pas que cette chère Juliette viendrait, je lui ai envoyé le message plus par politesse qu’autre chose, je suppose que tu as déjà entendu ce qu’elle disait de toi et de ta petite entreprise. Que du mal bien évidemment. » La vérité avait toujours été le propre d’Hannah et elle conclut sa phrase avec un sourire aux lèvres, prenant une gorgée de vin. Excellent, bien entendu, elle n’en attendait pas moins de la part de Miss Blake. « Je suis vraiment contente de te voir Rosalie. » L’actrice était sincère, on aurait pu penser que des femmes avec autant d’argent n’étaient pas du genre à être occupées et pouvait converser de tout et de rien aussi souvent que possible mais non. Hannah avait travaillé ces derniers temps, et elle avait mis de côté pas mal de monde pendant qu’elle essayait de réparer le coeur de Jamie. Le brun n’aurait pas été à l’aise au milieu de tout ce monde, et il n’aurait certainement pas approuvé cette soirée non plus, mais... tant pis. « J’ai l’impression que nous nous voyons pas assez souvent. Ce qui est en parti ma faute, et oui, avant que tu ne poses la question, la plupart des choses qu’on dit dans la presse à propos de ton cousin et moi sont… vraies. Malheureusement. »
Hannah semblait satisfaite du présent et Rosalie esquissa un sourire alors que l’hôte de la soirée la remerciait. Elle n’était pas surprise que cela plût à l’actrice, c’était une femme de goût, la française le reconnaissait bien volontiers. Hannah savait apprécier les bonnes choses, nul doute un point commun qui les menait à se rapprocher inexorablement. Miss Siede s’éclipsa pour aller accueillir les autres invités et Rosalie fut immédiatement happée par l’engouement de Juliette dont le sourire lui semblait quelque peu curieux. Elle remarqua que son visage conservait la même expression, elle soupçonnait qu’elle ait eu recours à quelques injections de botox afin de conserver cette jeunesse après laquelle elle courrait. Il n’y avait rien de spécialement choquant dans cette quête, c’était le lot de la plupart des femmes dans leur milieu et même si Rosalie n’y avait pas encore eu recours, elle n’en restait pas moins prudente et à l’affût de ce qui aurait pu ternir sa beauté. « Oui, j’ai assisté à l’un de ses cours, je puis t’assurer que sa réputation n’est en aucun cas exagérée » dit-elle sur un bref éclat de rire lorsque le nouveau professeur affecté à leur salle de sport fut mentionné dans la conversation. Rosalie le trouvait nettement plus pédagogue que le précédent. Juliette pouffa légèrement, communiquant son désir d’assister à l’un de ses cours et leurs sujets de conversation furent ainsi épuisés. La discussion se mit donc à tourner en rond, il y avait trop de monde pour que son amie la mette au courant des derniers cancans, leur principal sujet de débat, si l’on pouvait le nommer aussi.
Soudain, Hannah fut à nouveau à ses côtés. Une question qui relevait plus de la politesse que d’une réelle inquiétude. Bientôt, elle se laissait entraîner vers le canapé où, elle le sentait, elles étaient le centre de l’attention, ce qui ne la dérangeait pas outre mesure. Rosalie aimait que les regards convergent dans sa direction, dans leur monde, passer inaperçu était une véritable faute. Le paraitre avant tout et être relégué au rang de décoration annonçait une chute prochaine. « J’imagine qu’elle avait besoin de montrer de se montrer vu que son mari a jeté son dévolu sur la femme de ménage » Elle n’était pas surprise que Juliette ait dénigré son entreprise, si bien qu’elle ne s’en offusquait nullement, tout cela était partie intégrante du personnage. Rosalie avait appris s’en accommoder, la sincérité était optionnelle dans cette relation, chacune y trouvait son compte, d’ailleurs, Juliette ne s’était pas gênée pour médire Hannah sur bien des points, discréditant ses talents d’actrice par exemple. Son manque d’objectivité était le reflet d’un profond sentiment d’infériorité avait conclu Rosalie. « Le sentiment est réciproque » rétorqua-t-elle avec un sourire, franc. Hannah était l’une des rares personnes dont elle se sentait réellement proche et qui avait véritablement retenu son intérêt. Au-delà du paraitre et du m’as-tu-vu traditionnel, elle avait la sensation d’avoir tissé un lien authentique avec la comédienne. Et elle aimait à croire que cela était réciproque, Hannah était quelqu’un de direct, qui n’avait aucun scrupule à dire ce qu’elle pensait de toi. La mannequin était de ceux qui n’avaient pas le temps de soucier des états d’âme de ses interlocuteur et Dieu seul savait à quel point Rosalie appréciait cette facette de sa personnalité.
La conversation s’orienta par la suite sur le fameux couple qu’elle formait avec Jamie, comme tout un chacun dans le milieu, Rosalie se tenait informée sur ce qui se passait dans la vie de ses voisins et connaissances. Le savoir était un arme qu’elle se plaisait à entretenir telle une lame qu’on aiguise avant d’aller au combat. « Je t’avoue avoir eu quelque peu de mal à tout suivre » dit-elle sur le ton de la confidence, reconnaissant volontiers ses penchants pour ce voyeurisme approuvé par la société. « Si je comprends bien, c’est fini entre vous ? » Son regard partit à la rencontre de celui de sa vis-à-vis, incroyablement franc. La coutume voulait que ce soient des questions qu’elle aurait dû réserver à son cousin, mais au vu de l’état de leur complicité, elle risquait fort bien d’essuyer un violent refus. « Que s’est-il passé exactement ? J’accorde peu de crédit aux journaux vu qu’ils ont tendance à grossir les traits et à arranger les faits afin d’attirer des lecteurs » Elle avait envie d’avoir les explications de la principale concernée avant d’avoir opinion arrêtée sur la question. « Et toi, comment tu vas ? » elle connaissait déjà la réponse à cette question, mais s’y risqua tout de même.
Dans leur petit monde, absolument rien n’était privé et même ce genre de petites soirées allaient avoir ses répercussions. Quand les yeux couleurs noisettes d’Hannah se promenaient sur la petite assemblée, au milieu des odeurs de cigarettes et de caviar, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir un certain sentiment de fierté. Parce que quelque part, il y avait des gens qui rêvaient d’être eux, d’avoir autant d’argent, de pouvoir le dépenser de la façon la plus stupide du monde et ce en se moquant totalement des conséquences. Oh, ça c’était ce que les gens comme Hannah et Rosalie aimaient faire croire au reste du monde, que c’était un jeu sans absolument aucune règle, qu’il n’y avait absolument aucune incidence, aucune répercussion, eux qui étaient dans le cercle savaient que c’était complètement faux. Il y avait les murmures et les rumeurs, comme celle qui disaient qu’Hannah n’était qu’une actrice sans talent et une petite fille à son papa pourrie gâtée. Il y avait également le regard des autres, les photographes, les journalistes. La brune savait qu’elle et Jamie avaient fait la une des dits tabloïdes à plusieurs reprises, et elle appréciait vraiment la franchise de Rosalie à ce sujet, une autre personne aurait fait mine de tourner autour du pot et de ne pas s'y intéresser alors que ce n’était clairement pas le cas.« Oh ma chérie, il n’y a jamais eu de nous. » répondit poliment Hannah avec un fin sourire sur le visage, prenant une autre gorgée de vin, entre elle et Jamie, c’était compliqué sans l’être au final, et elle ne savait plus très bien où elle se situait.
Elle avait contribué à briser son couple, il lui avait brisé le coeur, à plusieurs reprises d’ailleurs, et désormais, il semblait bien qu’ils ne se parlaient plus. C’était sûrement très difficile à suivre et la brune savait bien qu'il n'y avait jamais rien eu de simples dans la relation qu’elle entretenait avec le Lord. Hannah avait toujours été une fan du compliqué, mais elle devait avouer que concernant sa relation avec Jamie, même elle n’avait pas les réponses, ce qui restait frustrant. « Je crois que je me suis engagée dans une bataille que je ne pouvais pas gagner, Joanne, sa chère fiancée, à juger bon de l’abandonner car elle ne se sentait pas à la hauteur. Alors je l’ai aidée du mieux que j’ai pu. » résuma l’actrice en haussant les épaules comme si tout ça ne l’atteignait pas. La brune était très bonne comédienne, excellente même, et elle arrivait à garder un visage impassible dans les pires de situations, comme celle-ci par exemple. Elle voulait Jamie loin de sa tête, de sa vie, de son coeur et de ses sujets de conversations. Peut-être qu’elle devait se résigner et admettre que cela ne saurait plus jamais le cas, c’était ironique quand on se disait qu’il y a quelques mois en arrière, lors de leur toute première rencontre, c’était Hannah qui l'avait mise en garde contre ce genre de comportement. « Et tu sais mieux que moi comment on fait pour qu’un homme regagne sa confiance. » Encore une fois, la vérité, Hannah n’était pas non plus le genre de femme pour qui le sexe était un sujet tabou, pourtant, dans leur monde, il aura fallu qu’elle se cache et reste pure jusqu’au mariage mais… c’était une toute petite tradition que plus personne ne respectait depuis des siècles. « Est-ce que j’en suis fière ? Absolument. Est-ce que je regrette ? Grand dieu que non. » Encore une fois, Hannah gardait les regrets pour plus tard, quand elle aurait des cheveux blancs, quand elle serait sur son lit de mort, en attendant, elle ne faisait et ne ferait que vivre et profiter. Des soirées comme celle-ci, où elle pouvait sentir les regards de certains invités sur elle et Rosalie, celui de cette chère Juliette notamment.
« Comme tu peux le voir, il ne reste absolument rien à sauver chez moi. » La conclusion d’Hannah était très simple, elle était une enfant de ce monde et représentait probablement tout ce qu'il avait de pire dans ce monde et elle ne s'en cachait pas vraiment, elle ne l’avait d'ailleurs jamais fait et préférait l’assumer pleinement plutôt que de se bercer de douces illusions. « La fidélité est un concept qui m'échappe totalement, je ne sais absolument pas comment tu fais pour garder ton statut de Miss Blake. Ça m’énerverait, vraiment. » Hannah avait toujours perçu les relations comme quelque chose de négatif, comme une sorte de trappe, on ne pouvait pas s’en délivrer et on restait prisonnier, dans une cage avec une autre personne. La brune avait besoin de sa liberté à tout prix, de savoir qu’elle pouvait agir sans avoir à concerter une autre personne, de dire ce qu'elle veut voulait et surtout de faire ce qu'elle voulait avec qui elle voulait et quand elle le souhaitait. « Comment va ce cher Warren d'ailleurs ? » Hannah posait rarement la question, le statut de Miss Blake de Rosalie était une chose étrange, surtout quand on savait que si Hannah avait bien joué ses cartes par le passé, elle aussi aurait été une miss Blake.
Rosalie écouta le récit des aventures d’Hannah avec son cousin avec une attention toute particulière. Lorsqu’il s’agissait de la vie de Jamie, la française était mise au courant par une tierce personne, certains diront qu’elle avait provoqué cette situation, ce à quoi elle répondrait par la négative. Bien des années plus tard, elle peinait encore à comprendre qu’il ait accordé une telle importance à ses propos, d’ailleurs n’était-ce pas là une preuve qu’elle était dans le vrai ? N’avait-on pas coutume de dire qu’il n’y avait que la vérité pour heurter des sensibilités ? Son but n’avait nullement été de lui faire du mal, elle admettait volontiers manquer de tact à l’époque mais ses paroles étaient avant tout bienveillantes, faisant ainsi état de l’inquiétude qui l’habitait de voir son cousin peu à peu devenir quelqu’un d’autre. Si pour cela, l’on devait lui jeter la pierre, eh bien, soit, tant pis. Elle avait peu de regrets à formuler et cela n’en faisait pas partie. « Je vois » Fit-elle en commentaire, un léger sourire aux lèvres. Une histoire bien compliquée comme l’on en voyait dans ces Soaps populaires. Rosalie était tentée de s’enquérir de l’état de miss Siede, mais s’abstint, doutant qu’elle fût femme à s’étaler sur ses sentiments aussi ouvertement. Les choses étaient différentes dans leur monde, se montrer faible était proscrit car il n’y avait que des ennemis, des vautours attendant la chute d’un autre pour en tirer avantage. C’était ainsi que Rosalie voyait les choses en tout cas, elle ne se souvenait que trop bien de la première et dernière personne à qui elle va accorder sa confiance dans ce milieu, la trahison était aussi sublime que les sourires que cette femme –qu’elle s’interdisait à nommer le nom- lui offrait. C’était une leçon qu’elle avait depuis appris à mettre en pratique et qui portait ses fruits, elle ne pouvait qu’en être ravie. « Si un jour tu as besoin… » elle ignorait comment formuler cette phrase pour qu’elle fût limpide sur ses intentions, aussi se contenta-t-elle d’un autre regard franc en direction de son hôte favori « je suis là » promesse sincère comme en témoignait ses prunelles. Peut-être Hannah n’en prendrait-elle pas compte, ayant certainement reçu une myriade de propositions du même type, peu importait. Comédienne aguerrie, la jeune femme ne semblait pas avoir besoin de l’aide de qui que ce fût, après tout sa force de caractère n’était plus à prouver, néanmoins, Rosalie était la mieux placée pour savoir que toute armure aussi solide fut-elle pouvait avoir son lot de fissures. « J’imagine que nous sommes différentes » répliqua Rosalie avec un sourire amusé savamment étudié. Hannah Siede était libre, quelque chose que la française, écrasée par le poids de l’anneau à son doigt, admirait secrètement chez elle. « Je te dirais bien que cela changera une fois que tu auras rencontré le bon, mais il y autant de couple qu’il y a de personne et le bon… » Elle haussa les épaules « en voilà un concept aussi vaste qu’illusoire » A la manière des princes charmants dans les contes de fée. Rosalie ne se souvenait pas avoir jamais eu pareilles pensées à sa rencontre avec Warren, bien que le coup de foudre fut de rigueur. Et pour cause, elle n’avait jamais porté d’intérêt à cette recherche d’âme-sœur. « Oh il va bien, présentement à Londres pour affaires, il revient dans deux semaines » Son ton était de celles qui se languissent de leurs maris partis trop longtemps, ce qui n’était pas totalement erroné dans le fond mais elle se demandait sur leurs retrouvailles se passeraient mieux que la fois dernière. Elle ne tenait pas à se lancer dans une telle réflexion dans l’immédiat, gardant ses angoisses pour ses nuits d’insomnies. « Me voici donc avec beaucoup de temps libre » Elle était certainement aux yeux du monde l’archétype de cette femme dépendante de son mari qui ne trouvait rien d’autre que de s’occuper de la demeure et des bambins en attendant son retour, un statut auquel elle s’était faite, consciente de n’avoir pas les armes nécessaires pour qu’il en fût autrement. « Si tu as des idées sur la façon de le rentabiliser, je suis toute ouïe » dit-elle, taquine, un sourire aux lèvres. « Oh, je crois qu’il y en a que ton célibat ravi visiblement » commentaire visant les regards de la gente masculine qu’elle avait pu capter, rien de nouveau à cela, Hannah Siede avait toujours su tourner les têtes –c’était la première information qu’on lui avait dit à son sujet si ses souvenirs demeuraient fiables.
La confiance était quelque chose de sacré dans le monde d’Hannah. Et surtout dans ce monde-là, un moment de faiblesse, d’inattention, où les gens se retournaient contre vous, tentaient de vous trainer dans la boue en faisant courir une sale rumeur sur vous. Hannah connaissait le jeu, elle y avait joué pendant des années et avait inventé certaines règles. Parfois cela la fatiguait et à d’autres moments, ça amusait la brune, ni plus, ni moins. Ça faisait parti du tout, c’était un peu le revers de la médaille de la fortune, le coté dont personne ne parlait jamais en quelque sorte. Se confier de la sorte, parler de Jamie, était en dans un sens libérateur mais Hannah savait qu'une autre personne aurait pu souligner sa propre faiblesse pour le brun et même en règle générale. Rosalie ne le fit cependant pas, une chose qu’Hannah pouvait apprécier. Au final, elles partageaient bien plus que leur goût commun pour le luxe et même si elles ne se voyaient que de temps à autre, en parti parce qu’Hannah préférait éviter le clan Blake, le lien était présent. « Merci. » se contenta de dire la Siede, un simple mot qui pourtant en cachaient beaucoup et en cachaient tant d’autres. Merci de ne pas me juger, merci d’être si ouverte d’esprit et de ne pas me dire que j’ai été une idiote. Hannah le savait déjà, elle était suffisamment grande pour assumer pleinement les conséquences de ses actes, cela faisait toujours mal et elle savait qu’il lui faudrait plus qu’une simple soirée pour recoller les morceaux de son coeur, mais cela ne voulait pas dire qu’elle n’allait pas essayer. Hannah se connaissait, se morfondre sur elle-même n’allait durer qu’un temps, elle finirait comme à chaque fois par enfiler une autre robe de soirée hors de prix pour sortir avec ses amis. Dans le fond, coeur brisé ou pas, la vie continuait. Celle de Rosalie était celle d’une femme mariée et Hannah l’écouta avec un léger sourire, la Siede lui ayant demandé comment allait Warren. Il était loin, bien évidemment, cela n’étonnait pas vraiment Hannah, les hommes comme Warren Blake était toujours occupé au final. « J’admire ta patience vraiment, il y a bien longtemps que je me serai consolée dans les bras de quelqu’un d’autre. » lâcha la brune avant de finir son verre de vin. Elle se pencha pour le poser sur la table la plus proche; Hannah était sincère, les relations n’étaient pas une chose pour elle, la stabilité et le confort avaient un synonyme d’ennui et ce n’était pas quelque chose qu’Hannah était prête à essayer, oh que non. Alors oui, plutôt que de plonger dans les disputes inutiles et les larmes qui finiraient forcément pas être versées, elle avait choisi une solution de facilité, autant ne blesser personne comme ça, les choses étaient plus simples. « Mais qui sait, peut-être qu’un jour je serai fidèle, amoureuse et avec une bague au doigt. Ça me semble tellement horrible pour le moment. » Hannah en parlait presque avec un air de dégoût sur le visage, ce n’était pas une vie pour elle, et quand beaucoup pensait qu’elle avait envie de piquer la place de Joanne, elle avait tout simplement envie de rire, le mariage n’était vraiment pas fait pour elle, si un homme réussissait à la réconcilier avec cette notion… c’était un miracle. Hannah suivit le regard de Rosalie vers deux hommes en pleine conversation, sirotant leur verre de whisky et les observant ouvertement. La Siede se pencha pour attraper un raisin cette fois-ci, trop habituée à être le centre de toutes les attentions et surtout lors de ce genre d’événement qui lui était réservé. « Et ignore les, vraiment. Les hommes dans mon monde ne veulent qu’une seule chose, mais ne choquons pas tes innocentes oreilles de femme mariée.» Hannah laissa échapper un léger rire, elle taquinait volontairement Rosalie, signe qu’elle était de bonne humeur. Et ce fut sur ce ton aussi joueur qu’elle poursuivit. « Nous allons trouver quelque chose à faire, la fashion week arrive bientôt et il hors de question que j’aille à Paris ou à Milan toute seule, tu viens avec moi bien entendu. Il faut bien que le jet de mon père serve à quelque chose. »