Cloîtré à l'étage, comme tous les weekends, je mordille nerveusement le bout de mon pinceau. Je ne suis pas dans l'atelier, mais dans la chambre du petit. Depuis deux ou trois semaines, je ne me sens plus capable de peindre quoi que ce soit. Coucher mes émotions sur les toiles est mon exutoire, d'habitude. Mais en ce moment, j'ai l'impression que cela ne me sert qu'à ressasser des pensées négatives plutôt que de les expier. Je m'isole donc dans la chambre du bébé. Quasiment terminée, elle comporte déjà tout le nécessaire, et même les premiers cadeaux dénichés par certains de nos amis et connaissances, dont le petit ours offert par Ezra. En dehors de l'utile, je n'ai toujours rien acheté pour ma part. Mon perfectionnisme me rend éternellement insatisfait de toutes les peluches que je peux croiser. Aucune ne me semble assez bien pour être le tout premier cadeau pour mon fils. Assis par terre, la moquette couverte d'un petit bout de bâche afin de ne pas la tâche avec la peinture, je suis face au mur sur lequel se trouve le grand arbre dont les branches s'étendent au dessus du berceau pour veiller sur le petit. Puisque c'est ainsi que Joanne avait souhaité que la chambre soit dans son appartement, j'ai gardé l'idée, et j'ai troqué le sticker contre une fresque de mon cru. Il ne reste que quelques détails à faire avant qu'elle ne soit terminée. J'applique de la couleur par-ci par-là, retravaille les feuilles qui s'envolent. La porte s'ouvre et Joanne m'avertit rapidement qu'elle sort prendre l'air, se dégourdir les jambes. La plage n'étant qu'à dix minutes à pied, je suppose qu'elle va se détendre au pied des vagues, respirer l'air iodé. Il est bien moins lourd que celui de la maison. Je dirais qu'il y a du mieux, depuis quelques jours. Rien de transcendant, mais un quelque chose qui rend l'ambiance plus douce. Néanmoins, je sais que mon absence rend les choses plus compliquées. Elles laissent des journées entières à Joanne pour ressasser et se morfondre. Je n'ai que quelques heures le soir pour tenter de faire quelques efforts. Le renouveau est lent. Très lent. Je tends l'oreille pour entendre la porte de la maison claquer derrière ma fiancée. Dès lors, je saute sur mes jambes, sort de la chambre et file au rez-de-chaussée. Elle ne sera pas partie longtemps, vu à quel point le moindre effort la fatigue, alors je dois faire vite. J'ouvre en grand la baie vitrée, complètement, de manière à ce que le salon et le jardin ne fassent qu'un. La terrasse me sera des plus utiles. Elle me servira de garde-meuble. Tout y passe et s'entasse peu à peu dehors ; canapé, fauteuils, tables, chaises, même les luminaires sont débranchés et les toiles sont décrochées pendant que Ben et Milo me courent dans les pattes et aboient leur curiosité face à tout ce mouvement dans leur maison. A la fin, il ne reste que la télévision fixée à un mur et quelques étagères que je n'aurais pas eu le temps de vider et de démonter avant le retour de Joanne. A ma montre, tout ce déménagement m'a pris trois quarts d'heure. La jeune femme doit être sur le chemin du retour. Je m'assied par terre au beau milieu de la grande pièce vide. Les chiens me rejoignent immédiatement, Ben me tendant le bout de corde sur lequel il adore tirer. J'attends que Joanne passe la porte en jouant avec eux. Je ne sais plus à quand remonte la dernière fois que j'ai pris le temps de m'occuper des chiens. Enfin on appuie sur la poignée et la petite blonde met un pied à l'intérieur. Je me lève tout de suite, soudainement un peu nerveux et gêné, et lui laisse quelques secondes pour voir le parquet vide. « Je... Je t'avais dit que nous ferions bouger tout ça pour que ça te plaise, mais je n'ai pas pris le temps de tenir parole et... » Et je ne sais absolument pas ce qui peut nous aider à aller mieux, alors je n'ai eu que cette idée, ce qui est sûrement idiot, mais je suis à court d'options. Je me suis souvenu que mon emménagement avait été amusant avec Lehyan. Peut-être que tout réaménager peut raviver un peu de complicité. « Disons que là, nous n'avons plus le choix. » j'ajoute avec un petit rire. A moins que Joane ne veuille vivre dans une maison vide, nous devons nécessairement nous mettre à la tâche. Qu'importe si je suis seul à bouger les meubles, et elle à superviser. Je n'aurai pas à aller à la salle de sport cet après-midi au moins. Je m'approche d'elle et prend timidement ses mains, puis dépose un petit baiser sur sa joue. « Je veux que tu te sentes chez toi. Alors je t'écoute. » dis-je avec un sourire de plus en plus large, prêt à jouer. Je cherche une réaction, une pensée à deviner dans l'éclat de son regard, mais je n'arrive pas vraiment à savoir si l'idée lui plaît ou non. Peut-être qu'elle me dira de simplement tout remettre en place dans la plus totale indifférence.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Même les weekends, alors qu'il était à la maison, étaient terriblement longs. Jamie avait tendance à s'isoler dans la chambre en devenir du petit, et pour le peu de fois où elle s'y rendait pour lui dire quelque chose, par exemple, elle avait la vive impression d'être de trop. Qu'elle n'avait pas sa place dans cette chambre, comme partout ailleurs dans la maison. Une dizaine de jours s'étaient écoulés depuis cette soirée des plus tendus. Joanne ne comptait plus le nombre de fois où elle avait du chagrin, et avait bien du mal à oublier le pas en arrière qu'il avait fait alors qu'il avait promis que tout irait bien. C'était une promesse dans le vent, à ses yeux. Peut-être qu'il y avait un mieux, dans leur relation. Joanne était assez mal placée pour le considérer, étant donné qu'elle passait ses journées à penser toutes les choses négatives qui prouveraient le contraire. Elle se sentait horriblement seule, dans cette grande maison, même le weekend. Elle s'ennuyait à point fermé, et n'était pas des plus heureuses. Les chiens devaient certainement le ressentir car ils étaient devenus très affectueux avec leur maîtresse. Ils l'étaient déjà à la base, mais l'étaient bien plus depuis quelques jours. Ca ressentait tout, ces bêtes là. L'air était toujours aussi lente, même si les fenêtres étaient ouvertes, même si l'atmosphère était constamment renouveler. Et ça s'allongeait dans le temps, rendant le tout insupportable. Son coeur continuer de s'effriter et de s'assécher. Joanne se demandait souvent si ça allait se poursuivre après l'accouchement, ou si cet heureux événements allait changer du tout au tout. Sur un coup de tête, elle allait rapidement prévenir Jamie qu'elle allait faire un tour à l'extérieur. Elle enfila un gilet et des chaussures en toile avant d'harponner aléatoirement les rues. Mais, comme un aimant à chaque balade, elle allait à la plage. Il y avait un peu de monde, mais ce n'était pas gênant. La jeune femme s'installa dans le sable et son regard vide de tout se perdait à l'horizon. Elle ne savait pas quoi faire, pour que ça aille mieux, pour sortir de ce cercle vicieux. Elle ne pouvait rien faire. Au moindre débordement, cela pouvait tourner au cauchemar. Joanne devait simplement se tenir à carreau, se taire, et prétendre que tout allait bien, qu'ils étaient encore en couple. Il n'y avait plus rien au niveau de leur vie intime, et quand bien même, elle n'avait pas la force de faire quoi que ce soit, épuisée par la fin de sa grossesse. S'ajoutait à tous ses tracas l'angoisse grandissante de l'accouchement. Tout ceci était bien trop, pour elle. Joanne se mit à sangloter un peu, ayant ce grand besoin d'évacuer toutes ces choses négatives. Elle ne vit même pas le temps passer, et se décida seulement de rentrer lorsque le vent se leva et qu'elle commençait à avoir froid. Sur le chemin de retour, elle ne savait pas vraiment ce qu'elle allait faire en rentrant. Ce fut avec la plus grande des stupéfactions qu'elle constata que l'immense pièce que créait le rez-de-chaussée était vide. Tous les meubles avaient retirés, il n'y avait plus que Jamie et les chiens, juste au milieu. Sur le moment, elle ne comprenait pas ce qu'il se passait. Les animaux se précipitèrent sur leur maîtresse, parce que pour eux, cela faisait bien trop longtemps qu'elle était était partie. Joanne se sentait si petite dans cette grande pièce vide. Son fiancé s'approcha d'elle, disant qu'il voulait mettre en oeuvre une promesse qu'il avait dite il y a bien longtemps. Elle avait presque oublié. Il prit doucement ses mains, et l'embrassa sur la joue. Elle sentait que le pardon n'était toujours pas là, mais que l'effort de se reconstruire ensemble était bien vivace, et il venait tout juste de le prouver."Tu n'as pas oublié..." dit-elle tout bas, émue. Joanne fut dans un premier temps perdue, muette, ne sachant que dire même si son fiancé lui offrait un sourire des plus tendres. "Mais si après, c'est toi qui ne te sens plus chez toi ?" dit-elle tout bas, sa voix faisant déjà bien trop écho dans la pièce. C'était la première chose à laquelle elle pensait, car à ses yeux, cela restait la maison de Jamie. Elle n'avait pas versé un centime pour contribuer à sa construction ou même à ses changements. Elle finit tout de même par sourire un peu, touchée d'avoir pensé à ce geste. Peut-être qu'il avait encore de l'intérêt pour elle. "Il faudrait que tu m'aides, je ne suis pas très douée pour réagencer toute une pièce. Surtout lorsque l'on a encore l'image de comment elle était avant." dit-elle finalement, toute gênée. Elle s'aventura un peu plus dans la pièce, très timidement, comme si ça n'était pas chez elle et qu'elle n'avait pas le droit d'y être. Sans s'en rendre compte, elle avait gardé les doigts d'une de ses mains mêlés avec les siens, sa présence la rassurait. La pièce était tellement grande.
Le rez-de-chaussée complètement vidé de ses meubles semble d'abord laisser Joanne un peu perdue. Comme si elle ne reconnaissait pas l'endroit. Au fil des secondes, voyant que ses traits ne se durcissent pas, je comprends que, au moins, elle ne compte pas m'envoyer paître, moi et mes surprises farfelues. Elle se souvient que je lui avais dit que nous changerions tout ici pour qu'elle se sente chez elle. Qu'il n'était plus question qu'elle ait l'impression d'être une invitée à durée indéterminée dans une grande maison où elle n'ose rien toucher. Il est temps qu'elle prenne ses marques, qu'il y ait un peu d'elle dans ce chez moi qui doit enfin devenir un vrai chez nous. J'hausse les épaules. Non, je n'ai pas oublié. « Tu me connais. » Moi et ma mémoire d'éléphant. Moi et ma sacralisation des promesses. Et même sans promettre, j'accorde bien trop de valeur à ma parole pour ne pas me tenir à mes propos. Je n'aurais pas pu oublier. Cela aurait pu prendre plus de temps avant que je ne me décide à appliquer ce plan, mais il me semblait que la situation devenant de plus en plus critique nécessitait une réaction immédiate. N'importe laquelle. Je ne sais pas si Joanne comprend ce que j'essaye de faire ainsi, car je sais que l'idée peut semble saugrenue pour tenter de sauver son couple. Je n'ai simplement pas d'autres cartes en main pour le moment. Vider cette pièce et tout réaménager, c'est un peu faire table rase et tenter de donner un nouveau départ à ce foyer. « Je suis chez moi là où ma famille est. Et là où elle est heureuse. » dis-je pour la rassurer, même si cela sonne comme une phrase toute faite. Le bonheur de Joanne est une de mes obsessions, et je sais qu'actuellement, elle est malheureuse. C'est uniquement de ma faute. Ce que je ne peux supporter plus longtemps. La voir ainsi, nous voir ainsi, me brise le coeur. « Et puis, pour le temps que tu passes ici, et que tu passeras encore, en comparaison à moi… mieux vaut que ce soit à ton goût plus qu'au mien. » j'ajoute avec un sourire amusé. Moi, je dors ici, je dîne ici, je peins à l'étage… Je suis plutôt un courant d'air, un fantôme qui hante les parages en ce moment, et je ne sais pas combien de temps cet état durera. Alors que Joanne passe des journées complètes entre ces murs, et que cela sera le cas pendant encore longtemps. En tout cas, le temps qu'elle estimera nécessaire. La maison sera son royaume plus que le mien. Car le mien se trouve dans son regard et dans ses bras. La jeune femme fait finalement quelques pas dans la pièce. Sa main ne quitte pas la mienne. Je vois nos doigts entrecroisés et esquisse un sourire, alors que mon coeur adopte un rythme plus serein. « Justement, oublie complètement comment tout était avant. Vois ça comme une grande toile vide. » dis-je à la belle. Même les murs sont entièrement blancs, immaculés. Indiquant le grand stock qui s'est formé dehors, j'ajoute ; « D'ailleurs, nous ne sommes pas obligés d'utiliser les mêmes meubles. Si certains ne te plaisent pas, nous irons en acheter d'autres pour les remplacer. Nous pourrons aussi trouver de la décoration comme… je ne sais pas, un tapis, d'autres lampes, des coussins, un plaid… Nous pouvons accrocher d'autres toiles que celles qui étaient déjà là, ce n'est pas ce qu'il manque. Nous pouvons même repeindre les murs. Tout est possible. Tu vois ? » Connaissant la jeune femme, même si la multiplication à l'infini des possibilités est une bonne chose, cela ne fait que la perdre un peu plus. Je réfléchis une minute à une manière de l'aider à faire marcher son imagination. « Je reviens. » Très rapidement, je monte les étages jusqu'à l'atelier, trouve un de mes grands carnets à dessin, un tas de feutres, puis je récupère mon ordinateur portable dans la chambre et descends avec le tout. Je reprends la main de Joanne et l'attire près de la baie vitrée ; là, nous nous asseyons dos au jardin, face à la grande pièce vide. Sur une feuille blanche du carnet, je trace rapidement un croquis de la salle, très simple. Je pose l'ordinateur sur les genoux de la jeune femme. « Il y a une grande règle en matière de décoration : google est ton ami. Trouves des photos, dis-moi ce qui te plaît. La disposition, les meubles, les couleurs, tout. J'agence le tout sur le dessin. Et quand ça sera fait, nous l'appliquerons à la réalité. »
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Il disait être chez lui là où sa famille était heureuse. Joanne se retourna et le regarda, se demandant s'il faisait comprendre par là qu'il avait remarqué que sa future femme était plus malheureuse qu'autre chose. Il voulait certainement faire d'une pierre de coups, en réaménageant ce jour-là tout le rez-de-chaussée. D'une part, pour faire tenir sa parole, et de l'autre, espérer reconstruire une relation avec sa belle, et la voir à nouveau sourire, avec ses yeux qu'elle savait si bien faire pétillants. "Mais il faudrait que ça te convienne quand même." Joanne n'était pas sûre d'être totalement sereine s'ils se mettaient à tout agencer pour que ça lui plaise à elle. L'avis de son fiancé comptait énormément aussi, à ses yeux. "Il faut aussi que tu t'y sentes quand tu rentres du travail, le soir." dit-elle, songeuse. Il n'était pas facile encore pour elle d'imaginer la pièce aménagée autrement que comme elle l'avait été. Jamie lui suggéra de voir les choses différemment, en imageant son idée avec sa passion, une toile vide. Il était même prêt à changer les meubles, les luminaires. D'ailleurs, il les avait tous enlevé, ne laissant plus qu'une ampoule au plafond. Absolument tout était à refaire. Ce qui ne fit qu'ouvrir davantage l'éventail des possibilités et la jeune femme ne savait plus vraiment où en donner de la tête. Jamie s'absenta rapidement, ayant certainement une idée derrière la tête. Il redescendit au bout de quelques minutes avec un carnet de dessin et son ordinateur portable. Il l'attira jusqu'à la baie vitrée, où il s'installèrent tous les deux ; Joanne grimaça rapidement, ayant quelques contractions, encore. Jamie déposa l'ordinateur sur ses genoux, et l'invita à faire des recherches sur Google pour avoir une idée de ce qu'elle pourrait vouloir dans ce tout nouveau séjour. Elle réfléchit longuement avant même de taper quoi que ce soit. "J'ai déjà un début d'idée. Enfin, si ça te va." dit-elle tout bas, en le regardant. Le tout était maintenant d'expliquer, elle craignait de ne pas être très claire dans ce qu'elle disait. "J'aimerais bien qu'on fasse deux salons, en quelques sorte. Un assez général, où nous pourrions recevoir, qui peut prendre l'espace là-bas. Et un deuxième un peu plus petit, un peu plus cosy aussi, où nous pourrions mettre la télé, des étagères pour les DVDs. Ca pourrait faire un coin pour nous, un peu plus intime. Et si nous avons des invités, les enfants pourront aller s'occuper là-bas, ou regarder la télé, sans qu'ils aient à trop nous courir dans les pattes, si ce n'est pour chercher de quoi manger. Et nous pourrions le délimiter par un petit canapé en angle, ou, un meuble de rangement, mais qui ne soit pas trop haut." Elle haussa les épaules, c'était bien la première chose qui lui venait en tête. Sans s'en rendre compte, elle avait dit les laissant certainement sous-entendre qu'ils parviendraient à en avoir d'autres. D'un air beaucoup moins certain, elle dit. "Ce serait trop demandé de vouloir des meubles en bois massif ?" Elle adorait ces meubles là, mais le prix était beaucoup moins plaisant. Joanne savait que ce n'était pas un problème pour lui, mais elle préférait s'assurer qu'il serait d'accord, et qu'il aimerait. "Ca t'irait, d'avoir un petit coin un peu plus pour nous ?" Elle n'avait toujours rien tapé sur l'ordinateur, réfléchissant encore à ce qu'elle aimerait et ce qu'elle n'aimerait pas. "Et j'aimerais bien qu'on garde la table de la salle à manger près de la cuisine. C'est pratique, et convivial." Il fallait encore choisir la disposition exacte de la table, quel endroit la mettre par rapport au bar. Mais il y avait un début d'idée. "Plus de photos de nous, aussi." Et ce n'était pas ce qui manquait. Sauf que le temps n'a jamais été pris pour en imprimer et en encadrer. Il n'y avait que jusque là ses tableaux, qu'elle adorait également. Elle regardait Jamie avec tendresse, et dit bien plus timidement. "Prévoir une place pour notre photo de mariage. Et pour des clichés de naissance de notre petit bout." Faire de cette pièce quelque chose de bien plus personnel et familial.
Crayon en main, une pochette rassemblant une bonne centaine de feutres aux nuances différentes à côté de moi, je regarde Joanne et suis tout attentif à ses envies, prêt à dessiner la moindre de ses idées. Il n'est pas question de faire du grand art. Mais former des meubles avec quelques détails propres, les disposer dans la pièce, choisir les couleurs. Avoir une idée générale la chose, le visualiser concrètement afin de nous projeter dedans. Il doit bien y avoir je ne sais quel simulateur en trois dimensions quelque part sur internet, mais je préfère largement procéder à la main. Et puis, l'idée est de passer un moment de complicité entre Joanne et moi, d'échanger, discuter, se mettre d'accord, et non d'être à deux rivés sur un écran. Lorsqu'elle me dit avoir déjà des idées, mon sourire s'élargit. Elle se prend au jeu avec bonne volonté, et cela me fait infiniment plaisir. Avec de la chance, nous pourrions vraiment passer un bon moment. Nous pouvons nous montrer l'un l'autre notre envie de vivre ensemble, d'avoir un chez nous qui nous ressemble, notre cocon où nous serons heureux. Nous pouvons nous prouver que nous pouvons de nouveau parler et rêvasser sans que la discussion ne tourne à la dispute. Nous pouvons recommencer à donner forme à notre foyer. Ca peut être un début comme un autre pour aller mieux. J'écoute toutes les explications de la jeune femme avec attention, essayant de visualiser tout ce qu'elle me dit. Mon imagination a toujours été pleine d'images, alors il m'est assez facile de former un calque sur la réalité et voir à peu près les idées de Joanne dans la pièce. Je trace déjà quelques traits très fins sur la feuille, formant vaguement le canapé d'angle qu'elle évoque dans le coin où se trouve déjà la télévision, quelques étagères étroites aux hauteurs variées les unes à côté des autres le long du mur. Machinalement, j'ajoute un tapis, me disant que cela peut aussi permettre de délimiter cet espace. Je souris en entendant la jeune femme demander des meubles en bois massif. « Non, bien sûr, ce n'est pas un problème. » Autant se faire plaisir, sachant qu'elle et moi adorons les meubles en bois. Nous en avons déjà quelques uns, mais il est vrai que la majorité d'entre eux se trouvent dans notre chambre. « C'est une très bonne idée. » j'acquiesce concernant le coin cosy qu'elle souhaite que nous ayons pour nous. L'espace salle à manger risque de ne pas bouger de là où il était, restant assez proche de la cuisine -qui, elle, ne peut pas vraiment être déplacée sans que cela n'implique de gros travaux. « Ca me semble évident. D'ailleurs je pense changer la table de la salle à manger et opter pour une de ces grandes longues tables en bois clair très rustiques. Comme celle qu'il y avait chez Gareth. Et contrebalancer le côté très massif avec des chaises plus classes. » Toujours au trait fin -histoire de pouvoir effacer facilement si quelque chose ne convient pas à Joanne- je forme sur le dessin de la pièce les meubles en question pour qu'elle puisse les visualiser. « Comme ça. » Mes yeux s'arrondissent quand la jeune femme souligne que nous devrions disposer plus de photos de nous. Intérieurement, je me replonge dans le salon tel qu'il était avant à la recherche des cadres qui s'y trouvaient. Je ne me souviens que d'un seul, qui se trouve toujours sur les étagères que je n'ai pas eu le temps de démonter. Notre toute première photo ensemble, dans le parc. « C'est vrai que jusqu'à présent je n'avais pas vraiment de souvenirs qui vaillent le coup d'être encadrés... » dis-je, songeur. Assez solitaire dans ma vie australienne avant l'arrivée de Joanne dans mon existence, il n'y avait rien qui mérite une place dans le salon. Désormais, il y a de quoi faire. « Pourquoi pas quelque chose comme ça, dans l'entrée ? Et d'autres cadres disséminés partout ailleurs, bien sûr. » je propose en dessinant la mosaïque de cadres divers sur un mur près de la porte. « J'aimerais assez me débarrasser de la table basse. Je ne l'ai jamais vraiment beaucoup aimée, et mieux vaut éviter le verre avec le bébé. Nous pourrions trouver, tu sais, une sorte de malle. Ca ferait office de table la journée, et nous pourrions y ranger les jouets le soir. » Je forme grossièrement un large canapé qui ferait face à la véranda et pose cette malle devant celui-ci, puis la borde d'un petit fauteuil et d'un pouf, le tout faisant office de salon ''officiel'' donc, pour les invités. « Est-ce que tu as une idée pour les couleurs ? Tu voudrais peindre les murs ? »
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Au fur et à mesure qu'elle expliquait ses idées, Jamie dessinait de très légers traits sur le croquis qu'il avait préparé. Son amour du bois dominait dans ses idées, et il semblait assez d'accord avec cela. Déjà que lui, à la base, aimait aussi beaucoup cette matière. Ils avaient tout de même des goûts similaires sur certaines choses. Il y avait un semblant de complicité qui se dessinait en plus du croquis de leur salle de séjour, dans le fond. Peut-être que ce n'était qu'une esquisse, mais il ne manquait pas grand chose pour que les traits se prononcent un peu plus et que les zones vides ne soient remplis par de belles couleurs. Jamie appréciait aussi beaucoup l'idée d'aménager un petit coin salon un peu plus intime. Lorsqu'il se mit à griffonner sur le papier, elle posa sa tête sur son épaule. Elle était toujours très fatiguée. Elle fronça légèrement les sourcils lorsque de nouvelles contractions se manifestèrent ; c'était assez fréquent dans ses journées depuis quelques temps déjà. Elle aimait beaucoup la table qu'il avait dessiné. "Et nous pourrions peut-être mettre un plafonnier qui fasse à peu de choses près la longueur de la table. Je le vois bien ...soit métallique, soit en bois, et qui soit assez rectangulaire pour rappeler le côté massif de la table." proposa-t-elle. "Mais pas de lumière blanche. Je trouve que c'est assez agressif pour les yeux et que ça fait moins chaleureux que la lumière jaune." ajouta-t-elle. Ils parlaient ensuite de mettre une note un peu plus personnelle au salon, avec des photographies. Jamie reconnaissait qu'il n'avait pas beaucoup de souvenirs à afficher. Il proposa de disposer une mosaïque de cadre à l'entrée, associé à des porte-manteaux, un miroir. "Ah oui ! J'aime beaucoup cette idée." dit-elle en voyant le dessin se finaliser. Jamie exprimait l'envie de se débarrasser de la table basse en verre, non seulement pas sécurité pour leur enfant, mais aussi pour mettre encore plus de renouveau dans cette décoration. "J'avais vu aussi sur un site une table basse qui ferait aussi office de rangement" dit-elle en tout cherchant sur internet. "Ca ou la malle, peu importe, j'aime beaucoup les deux." lui assura-t-elle avec un fin sourire. Jamie lui demanda ensuite si elle voulait repeindre les murs. "J'aimerais garder la majorité des murs en blanc. Ca contraste bien avec la chaleur du bois, je trouve. Mais peut-être en peindre juste un, ou deux petits murs qui forment un angle pour mettre un peu plus de relief peut-être ? On pourrait utiliser ces palettes de couleur basée sur une photographie, tu sais ? Pour trouver la couleur qui irait le mieux dans la pièce." Elle cherchait quelques exemples sur google, pour lui montrer de quoi elle parlait. "Pas de couleur vive." Rien qui ne puisse être trop agressif pour les yeux lorsque l'on rentrait dans cette pièce. Elle regardait Jamie qui continuait à dessiner. La jeune femme était presque surprise qu'il puisse tenir une conversation aussi longtemps sans que cela ne finisse en une dispute. L'air tendre en observant son fiancé dessiner, elle passait une main sur son propre ventre, se demandant si le bébé ressentait qu'il y avait un mieux dans la relation qui unissait ses deux parents. Etrangement, même elle se sentait un peu plus sereine, comme si quelque chose avait progressivement changé en parlant du réaménagement de leur salon.
Cela peut ressembler à un moment anodin d'une vie de couple normale. Pourtant, cette discussion d'une certaine banalité exalte mon coeur bien plus qu'il n'a pu l'être depuis des semaines. Je suis on ne peut plus heureux que tout se passe bien, que la conversation soit si agréable. J'aime voir notre futur chez nous se dessiner sous mon crayon, et réussir à incorporer un peu de complicité dans cet instant. « Je sais exactement ce qu'il nous faut. » dis-je en entendant Joanne évoquer le luminaire qui pourrait aller dans la salle à manger. « Quelque chose dans cet esprit. » Je tape rapidement dans le moteur de recherche et indique quelques exemples de luminaires en bois flotté brut, du simple et du plus travaillé. « Et prendre quelque chose dans ce goût pour faire un rappel côté salon. » Je pense que cela donnerait un vrai charme à l'intérieur, mais j'attends l'avis de la jeune femme pour valider cette idée. De son côté, elle m'indique une table basse qu'elle avait déjà repéré qui servirait également de rangement. « J'aime bien, mets la page de côté qu'on puisse la commander. » Concernant les murs, pas de grand rafraîchissement pour la jeune femme qui préfère garder le blanc et ne donner qu'un coup de pinceau dans un angle, ce qui me semble très bien. « Pourquoi pas un gris assez chaud, oui… Par ici, par exemple. » Je prends un feutre d'une nuance assez claire de gris chaud -tendant vers celle au centre de la palette suggérée par Joanne- et l'applique sur un des murs de l'entrée, puis sur celui qui lui est perpendiculaire où se trouve le petit salon imaginé par la jeune femme. Je me dis qu'une couleur neutre, mais chaude et douce peut accentuer l'effet cocon de cet espace. « Je me disais que nous pourrions ajouter des petites touches de couleur plus vives un peu partout. Quelques coussins jaunes ici, un tapis brique là. » Pendant que je parle, je me permets de prendre les feutres correspondants à cette idée et d'appliquer quelques aplats jaunes sur le canapé du grand salon, et le rouge terreux au sol du petit salon. Un peu de vert pâle dans les cadres de l'entrée. Cela reste dans des couleurs rappelant quelque chose de naturel, ce qui me semble bien aller avec le fait que le rez-de-chaussée est complètement ouvert sur le jardin avec la baie vitrée. Comme si l'on importait quelques couleurs du dehors à l'intérieur, en plus des matériaux comme le bois. M'interrompant un instant, j'attire l'attention de Joanne en appuyant un peu mon épaule contre la sienne, histoire que ses yeux se décollent du dessin et se posent sur moi. Elle relève la tête enfin. Elle sourit un peu. C'est si bon de la voir sourire, de deviner une petite étincelle dans son regard, que son visage d'habitude si éteint s'anime légèrement. Je pose une mains sur sa joue pour attirer son visage vers le mien, et l'embrasse tendrement. Sans la moindre hésitation cette fois. Un vrai baiser. « Je t'aime. » je murmure avec un petit sourire. Elle me manque tellement parfois. Lorsqu'elle n'est pas vraiment là, et moi non plus. Lorsque nous ne sommes que deux courants d'air sous le même toit. Elle me manque un peu moins à cet instant. J'espère la retrouver petit à petit. Je mets fin à cette petite parenthèse tendre avant de continuer ce grand réaménagement. Je m'éclaircis la voix et reprends ; « Je pense que nous allons pouvoir disposer quelques meubles ce week-end, décider ceux qu'on ne garde pas et commander les nouveaux ainsi que la peinture. J'appellerai une benne pour qu'on nous débarrasse des anciens meubles dans la semaine. Les autres devraient être livrés d'ici le week-end prochain. Et nous aurons un chez nous tout neuf dimanche. » Le plus vite sera le mieux. « Juste avant qu'un certain nouvel arrivant ne débarque. » j'ajoute, une main sur son ventre rond. Je lui souris tendrement et dépose un baiser dessus à l'intention de notre fils. Il doit être bien lourd à porter pour sa si petite et fragile mère. Qu'il est impressionnant de voir à quel point son corps a pu de distendre pour le laisser grandir, lui donner toute la place nécessaire. Cela fait des semaines que je ne peux voir cette évolution qu'à travers ses vêtements. Joanne ne me laisse plus vraiment la voir nue, admirer ce que la nature fait de plus beau. Je l'embrasse sur la joue et reprends où nous en étions « Bon, qu'est-ce qu'il manque ? » je demande en tendant mon croquis devant moi, attendant l'avis de Joanne sur l'aspect de la maison avec sa touche personnelle. Quelque chose de bien plus chaleureux et familial qu'avant, je l'admets.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Jamie eut immédiatement une idée de luminaires pour surplomber la table de la salle à manger, en gardant pour base le bois. Mais du bois flotté. Cette matière ainsi travaillée par l'eau donnait tout de suite un aspect plus sauvage et plus chaleureux. Cela rendait tout de suite bien sur le papier lorsqu'il le crayonnait légèrement. "J'aime beaucoup le bois flotté, aussi." dit-elle en regardant les modèles qu'il lui présentait Il compléta son idée en proposant de rappeler la matière là en un autre luminaire, mais sur pied, qui serait mis au niveau du salon. Joanne acquiesça d'un signe de tête, appréciant vraiment l'idée. "Ce sera beau le soir, lorsque nous n'allumerons que les petits luminaires." se dit-elle, s'imaginant une ambiance plus que romantique la nuit tombée. Jamie adhérait également avec la table basse que lui avait montré sa fiancée, et demanda de garder la page en question afin de pouvoir la commander. Ils tombaient d'accord sur le fait de ne colorer qu'un angle de murs d'une couleur plus sombre. Jamie prit l'un de ses feutres et remplit le blanc de l'un d'eux, donnant tout de suite un peu plus de caractère à la pièce. Ca rendait vraiment bien, Joanne aimait beaucoup. Elle était en revanche bien plus sceptique lorsqu'il parlait de petits accessoires avec des couleurs vives et ne dit rien, préférant regarder sur le papier ce qu'il se passait dans son imagination. Mais le fait est que ces petits détails amélioraient encore l'ambiance de la pièce. Joanne se surprit à aimer ces petits décalages, qui étaient harmonieux avec toutes les autres couleurs choisies. Et de mettre un tapis dans leur petit salon était aussi une bonne chose, une touche supplémentaire à cette ambiance cosy et cocon que Joanne recherchait pour ce coin là. Jamie cessa de dessiner et interpella la jeune femme d'un coup à l'épaule. Elle prit un certain à relever la tête, il cherchait certainement à lui faire montrer quelque chose, mais il n'y avait rien de nouveau dans la pièce. Enfin, son regard se posa magnétiquement sur le sien. Elle avait le visage et l'âme légère, elle souriait même un peu. Ce qui semblait faire on ne peut plus plaisir à Jamie, qui fut même touchée de la revoir ainsi. Il déposa l'une de ses mains sur sa joue, elle n'était pas vraiment sûre de ce qu'il comptait. Alors elle se laissait guider, s'attirer vers lui jusqu'à ce que leurs lèvres se touchent. Il l'embrassait avec une telle tendresse, elle avait l'impression que la dernière fois qu'il l'avait touché ainsi remonté à des semaines, des mois. Son coeur s'emballa un peu. Complètement sous le charme, tout ce qu'elle put lui répondre était "Je t'aime aussi." alors que ses yeux étaient happés par les siens. Il revint ensuite comme à ses esprits afin de revenir à leur sujet de conversation principal. Elle ignorait que tout pouvait se faire aussi vite, que dans une semaine, tout serait fait et prêt pour y vivre et reconstruire une vie de couple, et de famille. Jamie posa une main sur son ventre, pour avoir ce contact physique avec son fils, avant de l'embrasser tendrement. Joanne adorait toujours autant observer ce genre de scènes. "Une belle bibliothèque, pour ranger tout nos livres." dit-elle en se relevant avec la plus grand difficulté. "Je vais nous chercher deux verres d'eau." s'expliqua-t-elle. Toutes ces discussions donnaient soif. Elle allait à la cuisine pour chercher les verres et alluma le robinet afin de les remplir. Joanne eut soudainement une impression des plus étranges. Elle désactiva l'eau et s'appuyer contre l'un des éléments de la cuisine. "Jamie..." dit-elle d'abord tout bas, d'une voix à peine audible. Prise de panique, elle parlait légèrement plus fort - pas beaucoup plus qu'à son habitude. "Jamie." Celui-ci releva la tête en sa direction, attendant certainement la suite de ses paroles. Joanne avait la bouche étrangement sèche et prit un certain temps avant de parvenir à dire. "Je...Je crois que je viens de perdre les eaux." La pauvre était trempée, et ne s'était même pas rendue compte que l'intervalle de ses contractions se faisaient de plus en courtes. Le moment était venu. Et effectivement, tout était en train de changer.
Une bibliothèque. Oui, elle avait raison. C'est ce qu'il manque. Je n'ai disposé que des étagères spartiates accrochées aux murs pour mettre les livres, et cela manque cruellement de charme. Alors qu'un beau meuble peut ajouter du charme à la pièce et mettre les reliures en valeur. Je ne nous vois pas avec un meuble trop imposant, très classique. Alors je griffonne un long meuble bas en bois, qui devrait faire un peu moins d'un mètre de haut, et allant de la limite du petit salon jusqu'à l'escalier. Alors que Joanne se lève pour aller nous chercher de quoi boire, je laisse mon imagination déborder par-ci par-là, ajoutant ici une plante verte, là quelques cadres photo, installant une ou deux toiles pour que les murs soient moins chargés qu'avant, un plaid sur le petit canapé, d'autres coussins sur celui du grand salon, des fioritures sur la surface de la bibliothèque. Le tout me plaît beaucoup. J'ai déjà hâte de tout installer, et que nous puissions reprendre notre vie, nous accorder un nouveau départ dans cette belle pièce imaginée à deux. Joanne tente de me tirer de ma rêverie en m'appelant. Je ne l'entends qu'au second coup, le ton de sa voix me surprenant un peu. Je l'interroge du regard, voyant sa mine soudainement pâle et ses traits paniqués. Elle prononce une phrase dont je comprends tout le sens mais qui, sur le coup, ne semble rien dire. Je reste bêta quelques secondes, remettant les mots dans l'ordre et me répétant l'ensemble une ou deux fois. « Tu… quoi ? » Est-ce qu'il n'est pas trop tôt pour ça ? Est-ce qu'elle l'avait senti venir ? Est-ce normal ? Je me relève sur le champ et m'approche de la cuisine. En faisant le tour de l'îlot central, je vois ses jambes en effet trempées. Sous le choc, il me faut encore une minute avant de parvenir à avoir la moindre réaction, mes pensées s'embrouillant subitement. La bouche grande ouverte, je plaque une main dessus. « Oh mon dieu. » je souffle dans un rire nerveux. Pris de court, je comprends que le travail a commencé, que notre fils a décidé de venir au monde, et pour cela je ne peux pas m'empêcher de rire un peu de joie. Joanne, elle, est dans un tout autre état d'esprit. Je me reprends, respire un coup et m'approche d'elle. Je prends son visage entre mes miens et capte son regard pour la rassurer. « Tout va bien, reste calme. » dis-je avant de l'embrasser sur le front. Appelons ça l'habitude des situations d'urgence et étriquées grâce à mon travail qui donne à chaque journée son lot de rushs. Cela confère un calme olympien quand survient un incident. J'attrape le premier torchon qui me passe sous la main et sèche très succinctement les jambes de Joanne. Puis j'encercle ses épaules avec mon bras et l'attire vers la porte d'entrée. « Viens, je t'amène à la voiture. » Après avoir fermé derrière nous, j'ouvre la portière côté passager et aide la jeune femme à s'installer. Je prends place de l'autre côté. Prenant une grande inspiration, je tente de faire abstraction de mon coeur qui tambourine à toute allure dans ma poitrine. Rester calme et en parfait contrôle. Connaissant Joanne, elle doit bien assez paniquer pour deux, elle a besoin de quelqu'un de solide auprès d'elle. D'être rassurée. Enfin, je démarre la voiture. « Prends ma main. » lui dis-je en la tendant vers elle. Puisque la boîte est automatique, je peux me passer d'une main, et la lui confier afin qu'elle sache que je suis là, juste à côté, et qu'elle puisse la serrer autant qu'elle le veut. Au beau milieu de l'après-midi, il semble que tout Brisbane soit de sortie. Les rues sont bouchonnées par endroit, le trafic est lent. Il nous faut un peu plus d'une demi-heure avant d'atteindre l'hôpital. Joanne s'assoit dès qu'elle le peut dans une salle d'attente tandis que je file à l'accueil demander de l'aide. « Ma fiancée vient de perdre les eaux. Elle s'appelle Joanne Prescott. Elle est suivie par les docteurs Winters et Bush. » La demoiselle devant moi acquiesce d'un signe de tête et décroche le téléphone dans la seconde. Je retourne auprès de la future maman. Accroupi face à elle, je prends ses mains dans les miennes et croise son regard. Le mien déborde de tendresse et d'amour. « Tout va bien se passer. Respire. »