Deux semaines. Plus ou moins, à quelques jours près. C’était le temps qu’Ezra n’avait pas parlé à Amelia, ni vu, ni quoi que ce soit. Et croyez le, deux semaines c’était long. C’était sûrement le laps de temps le plus long qu’ils avaient passé sans se voir. Ou alors, si c’était déjà arrivé, c’était parce-que l’autre était parti de la ville pour des vacances ou autre. Sinon, il ne se passait pas une seule semaine sans qu’ils se voient. Qu’est-ce qui avait pu arriver pour que ça change à ce point là ? Un baiser. C’était tout con, mais surtout tout à fait anormal pour leur relation. Amelia était la meilleure amie d’Ezra. Ils se connaissaient depuis des années, avaient pendant de longues années travaillés ensemble - et travaillaient toujours ensemble à l’heure qu’il est. Mais jamais, jamais Ezra n’aurait pensé un jour échanger un baiser avec la demoiselle. Et cela faisait donc deux semaines, plus ou moins à quelques jours près qu’il l’évitait. Pas même un regard échangé au boulot. Rien. Le pire, c’était qu’Amelia avait pris des jours de congés suite à cette fâcheuse affaire. Chose qu’elle ne faisait quasiment jamais, lorsqu’elle était malade c’était Ezra lui-même qui la foutait dehors à coups de pieds au derrière du garage - en même temps, lorsqu’elle était pas là, il était complètement perdu avec tous les papiers et ce qui s’en suivait. Cette fois ci, il n’avait même pas essayé de l’en dissuader. Il n’avait pas le courage de toutes façons, il était trop honteux de ce qui avait pu se passer. Mais le pire, c’était qu’il savait au fond de lui que ce baiser n’était qu’une grosse erreur. Il ne ressentait rien pour Amelia, aucun sentiment amoureux, même les plus inavoués. Il l’avait toujours vu comme autre chose, mais jamais comme quelqu’un avec qui il pourrait potentiellement construire ou vivre quelque-chose. Alors, pourquoi il se sentait aussi mal à l’aise, rien que d’y penser ? Elle devait être d’accord avec lui sur ce point là, c’était obligé. Il ne voyait pas Amy lui annoncer après tant de temps d’amitié qu’au final, elle l’aimait ou quelque-chose dans ce genre. Secouant la tête, Ezra soupira. Non, ce n’était pas possible. Et pourtant, ça faisait des jours qu’elle ne revenait pas vers lui non plus. Devait-il commencer à se poser des questions ? L’appeler ? Aller chez elle ? Il ne savait pas. Mais il en avait marre de rester au garage, à regarder quarante douze millions de fois en direction du bureau d’Amelia, voir si elle allait miraculeusement descendre pour lui parler et que tout allait redevenir normal. L’heure du déjeuner approchait, de toutes façons elle allait bien pointer son nez, à un moment donné. Le déjeuner… C’était peut-être juste ça, la solution. Hésitant encore quelques secondes, Ezra finit par se tourner vers Bryan. « J’vais déjeuner dehors avec Amelia, je sais pas quand on rentrera, ça te dérange de tenir la boutique en début d’aprèm si on est pas rentrés ? » « C’est toi le patron je te rappelle. » « Merci mec. » Ezra lui fit un petit signe de tête pour le remercier de nouveau, avant de tourner son regard de nouveau vers le bureau de la jeune femme. Aller, ce n’était pas compliqué de monter et d’aller lui parler. Ezra l’avait fait des millions de fois, il connaissait ce trajet par coeur. Et pourtant, c’était comme s’il avait les pieds collés au sol, il n’arrivait pas à avancer. Il soupira. Il se sentait débile à ne pas réussir à aller lui parler. C’était la première fois qu’il ne savait pas comment aborder la jeune femme, la première fois qu’il ne savait pas ce qu’il pourrait lui dire et comment elle allait réagir. Il voulait que quelque-chose se passe entre eux, dans le sens où il voulait qu’ils se reparlent. C’était une mauvaise passe, surement, ça irait surement mieux une fois la conversation engagée. Alors, inspirant comme pour trouver du courage dans l’air, il s’avança vers les escaliers qui montaient au bureau d’Amy. La porte était ouverte, et contrairement à ses mauvaises habitudes, il frappa doucement avant d’entrer. Il s’adossa à l’encadrement de la porte, laissant alors une distance entre la jeune femme et lui. Comme ça, il ne s’imposait pas trop et lui laissait son intimité, et puis elle pouvait partir en courant du bureau si elle voulait, il ne bloquait pas le passage. « J’ai vu le patron, et après quelques négociations il est d’accord pour nous payer le déjeuner… Si ça te dit ? » Il avait essayé de prendre un ton des plus naturels, jouant un peu sur de l’humour pour qu’elle voit qu’il tentait de faire un énorme pas vers elle, alors qu’il était très clairement mal à l’aise au possible. Il attendait maintenant sagement de voir ce qu’elle allait lui répondre.

« Come up to meet you, tell you i'm sorry. »

Perdue. Oui c’était le mot qui semblait parfaitement lui correspondre ces derniers temps. Amelia était perdue, complètement paumée. Cela faisait deux semaines qu’ils ne se parlaient plus. Ça lui faisait mal, très mal. La situation en était tellement devenue gênante et embarrassante pour elle, que la Iver avait même pris des jours de congés. Chose qu’elle n’avait pas pour habitude de faire. Enfin à part si sa fille était malade ou si elle avait un gros empêchement. Bref, tout ça pour dire que ça n’était pas naturel et qu’Ezra devait bien s’en douter. Un malaise c’était installé entre eux et depuis le bar, plus rien. Pas un message, pas un appel, rien. Une fois de retour au garage, ils ne s’échangèrent même pas un mot. En même temps, Amelia faisait en sorte que ça n’arrive pas. Dès qu’elle le voyait, la brune fuyait, prétextant qu’elle avait des choses à faire. Et lui qui passait son temps dans son bureau lorsqu’il en avait le temps, ne se donnait même plus la peine de venir. C’était triste à voir. Leurs collègues n’y comprenaient plus rien, voyant bien qu’il devait se passer quelque chose pour qu’ils en viennent à ne plus se parler du tout. Un baiser. Enfin deux. Amelia se maudissait d’avoir fait le premier pas. Sans son geste, rien de tout ça ne serait arrivé. Elle s’en voulait et le regrettait. Parce que oui, c’était son meilleur ami et elle n’aurait jamais pensé qu’ils en viendraient à là un jour. Mais surtout, depuis ce baiser échangé, la jeune femme ne savait plus du tout où elle en était. Trop de questions sans réponses et au final, elle en venait à se demander ce qu’elle ressentait vraiment pour lui. Etait-ce de la pure amitié, ou bien y avait-il quelque chose de plus profond caché là-dessous. C’était frustrant. C’était à croire que l’un des frères Beauregard qui passait son temps à se moquait d’elle, avait finalement raison. Matthew n’arrêtait pas de lui dire que si la belle foirait toutes ses relations de couple et que ça ne marchait avec aucun des mecs qu’elle rencontrait, c’était parce qu’au fond Amy était attirée par Ezra. Il n’arrêtait pas de la taquiner avec ça. Après tout, les relations fille/garçon pouvaient parfois être mal interprétées. Amy n’arrêtait pas de le nier et commençait finalement à croire qu’il n’avait peut-être pas tort. Ça lui avait monté la tête tout ça, si bien qu’elle ne savait plus tirer le vrai du faux.

Installée dans son bureau, Amelia finissait de trier le dossier d’un client qui venait de reprendre sa voiture ce matin. La pause déjeuner approchait et il fallait dire qu’elle commençait à avoir faim. Un seul thé depuis toute la matinée, son estomac n’était pas vraiment rempli. Mais bon, restait encore à savoir si elle allait descendre ou pas. Soit elle mangeait à son bureau, prétextant qu’une pile de dossier l’attendait, soit elle allait devoir attendre que tout le monde termine sa pause pour pouvoir prendre la sienne. Choix cornélien sachant qu’elle était affamée et qu’il fallait qu’elle descende pour aller également au petit coin. Soudain, une voix plus que familière la sortit de ses pensées. « J’ai vu le patron, et après quelques négociations il est d’accord pour nous payer le déjeuner… Si ça te dit ? » Ezra. Ça faisait du bien d'entendre le son de sa voix. La Iver releva la tête, surprise de le voir. Surprise aussi de voir qu’il venait de frapper et qu’il restait assez distant, chose qu’il ne faisait jamais. En principe il entrait, et s’asseyait sur le rebord du bureau. C’était fou de voir comment leur relation avait pu aussi vite changer. Mais bon, il venait de faire un effort et en plus il jouait sur l’humour. Amy ne put s’empêcher de laisser échapper un sourire. « Ez’, je.. » Elle comptait lui sortir une excuse, mais ce fut plus fort qu’elle. A quoi bon continuer ainsi. « Je veux bien oui. Je meurs de faim.. » Amelia se leva et prit son sac à main avant de le rejoindre. « Tu veux aller où ? » Ils descendirent les escaliers et après avoir salué quelques-uns de ses collègues qu’elle n’avait pas encore vu, ils partirent déjeuner.

Ezra attendait sagement que la jeune femme lui réponde, n’ajoutant rien, ne bougeant pas de là où il était. A la vue de leur relation aujourd’hui, il ne savait pas si elle allait accepter ou gentiment lui demander d’aller voir ailleurs. Dans le premier cas, il serait content mais il serait encore plus désemparé puisqu’il ne saurait que lui dire pour engager la conversation sur ce fameux baiser. Dans le deuxième cas, il serait triste mais ça pourrait repousser cette maudite conversation qu’il n’avait pas réellement envie d’avoir - il avait tellement honte de ce qu’il s’était passé. Amelia avait relevé la tête vers lui au moment où il avait commencé à parler, et c’était bien un regard surpris qu’elle portait sur lui. Il aurait eu la même réaction si les rôles avaient été inversés, il ne lui en voulait pas. Un sourire finit par légèrement se dessiner sur les lèvres de la jeune femmes. Est-ce un signe qu’elle allait craquer et venir déjeuner avec lui ? « Ez’, je.. » Elle s’arrêta de parler pendant quelques instants et Ezra soupirait déjà. Elle allait se défiler, c’était sûr, sa phrase annonçait clairement la suite de la situation. Elle ne savait simplement pas quoi lui dire pour ne pas le blesser ou autre chose. Mais elle allait se défiler. Alors, Ezra décolla son dos de l’encadrement de la porte, prêt à partir. Après tout, il n’allait pas forcer la chose non plus, si elle n’avait pas envie de le voir, lis verraient une autre foi. Ca le peinait, cependant, de savoir que sa meilleure amie se cherchait maintenant des excuses pour ne pas le voir. Ezra tourna lentement les talons, prêt à descendre sans même écouter le reste de ce qu’Amelia avait à dire lorsqu’elle reprit la parole. « Je veux bien oui. Je meurs de faim.. » Ezra se stoppa dans son geste, en travers de l’encadrement de porte, levant un sourcil, étonné. Amelia était déjà en train de le se lever et de prendre son sac à main. Alors, elle ne se défilait pas. Elle avait hésité, mais avait finalement choisi de venir déjeuner avec lui. Cela voulait-il dire qu’elle en avait autant marre que lui de cette situation et qu’elle voulait que les choses changent ? Il l’espérait, au moins ils seraient deux à être gênés d’en parler mais il y aurait une discussion. Ezra se mit alors à sourire légèrement, attendant qu’Amelia ait pris toutes ses affaires. « Tu veux aller où ? » « Tu vas encore me trouver saoulant mais… Tu te rappelles de cette pizzeria sur la grande avenue ? » Alors qu’ils descendaient les escaliers, Ezra ne put s’empêcher de faire un grand sourire à Amelia. Il savait qu’elle allait encore râler, à chaque fois il tentait de l’emmène manger une pizza. Ce n’était pas sa faute après tout, il adorait ça, et si c’était un repas conseillé comme bon pour la santé il ne mangerait que de ça. Amelia salua des collègues qu’elle n’avait pas encore vu et ils sortirent du garage. Ils partirent à pieds, la grande avenue dont Ezra parlait se situant quelques pâtés de maisons plus loin. Le soleil était au rendez-vous aujourd’hui, Ezra dut même sortir sa paire de lunettes de soleil - avoir les yeux clairs, ça avait son charme mais ça vous réduisait à néant lorsque le moindre rayon de soleil pointait son nez. Une brise permettait de ne pas mourir de chaud en cette fin d’été. Les premiers mètres où ils marchèrent côte-à-côte furent silencieux. Très silencieux. Trop silencieux, si on veut être juste. Ezra était mal à l’aise, il avait l’impression d’être dans une de ces scènes de film où on rit des personnages tellement ils ont l’air ridicules à ne pas s’adresser la parole, et qu’à chaque fois on se dit que si c’était nous à leurs places, on saurait forcément quoi dire - et autres idioties de ce genre. Ezra se rendait bien comptes en ce moment qu’en fait, les personnages des films s’en sortaient même peut-être probablement mieux que lui en ce moment même. C’est alors qu’ils arrivaient à un feu piétons rouge qu’Ezra en eut marre de ce silence pesante. Il se tourna vers Amy, soupirant, essayant de capter son regard. Il était gêné d’aborder le sujet, mais il voulait pouvoir voir ses réactions. Savoir au regard comment elle se sentait lorsqu’ils en parlaient. Pouvoir réagir en conséquences. Il jouait nerveusement avec ses mains, ce qui lui permettait entre autres de se donner assez de courage pour garder son regard dirigé en direction de la jeune femme et de ne pas regarder ailleurs. « Amy… Je… Enfin… Faudrait qu’on en parle… Tu sais ?.. » Il bégayait comme lorsqu’il était adolescent et qu’il voulait s’adresser à une fille qui lui plaisait.

« Come up to meet you, tell you i'm sorry. »

Elle avait été un brin hésitante, mais avait fini par accepter. Amelia ne pouvait plus, ne voulait plus rester dans ce flou total. Ils étaient devenus trop distants. C’était son meilleur ami et voilà maintenant qu’il y allait avec des pincettes pour rentrer dans son bureau. Ils auraient vu cette scène un mois plus tôt, ils en auraient ri tellement la situation était ridicule. Ils n’avaient jamais été comme ça et voilà que depuis cette soirée, bah rien ne va plus. Amy n’arrivait pas à passer au-dessus de cette histoire. Elle était paumée et avait besoin de réponses. Alors peut-être qu’en acceptant, le sujet ferait surface. Déjà il avait fait le premier pas. La jeune femme savait bien qu’il fallait qu’elle y mette du sien aussi sinon ils n’allaient jamais s’en sortir. Ezra fut assez étonné de sa réponse. Il était prêt à partir et Amy ne s’était pas dégonflée. Et voilà maintenant qu’elle le suivait. Elle eut même droit à un sourire. Amelia sentait que c’était le bon moment pour arranger les choses. Ou pas. En fait tout dépendrait de comment cela se finirait, mais il avait plus l’air aussi gêné qu’elle que furieux. A force de l’éviter, on aurait pu penser qu’Ezra le prenne mal et lui fasse la tronche. Chose qui n’aurait rien arrangé à la situation. Mais il était assez mature pour passer au-dessus de ça. « Tu vas encore me trouver saoulant mais… Tu te rappelles de cette pizzeria sur la grande avenue ? » La brunette ne put s’empêcher de rire légèrement en entendant sa réponse. Ils étaient pareils. La pizza, c’était la vie. Bon Amy faisait un peu la maman en râlant que ce n’était pas bon pour eux de manger aussi gras que ça pour leur santé. Sauf qu’elle n’en pensait pas moins. A chaque fois qu’elle passait la porte de la pizzeria, tous les remords s’envolaient pour faire part à sa plus grande faiblesse, la gourmandise. Surtout s’il s’agissait de pizza. « D’ordinaire j’aurais râlé en te disant qu’il faut que j’arrête de manger gras.. Mais là j’ai tellement faim que je serais prête à en manger une entière. » Finit-elle par rétorquer, un sourire en coin. Et elle ne plaisantait pas, Amy en serait même à manger les restes d’Ezra s’il lui en restait –ce qui m’étonnerait, m’enfin elle pouvait toujours espérer.

La Iver salua quelques-uns de ses collègues avant de prendre la fuite avec le jeune homme. Elle ne pensait pas que ça arriverait un jour, mais le trajet fut plus que silencieux. C’était étonnant, vu qu’en général ils avaient toujours quelque chose à se raconter. Surtout maintenant que ça faisait deux semaines qu’ils ne s’étaient pas captés, mais non. Muets comme des carpes. Le silence ce faisait lourd et autant l’un que l’autre le ressentait. Sauf qu’Amelia ne savait pas par quoi commencer. Il y avait tellement à dire. Elle évitait son regard, baissant les yeux ou tournant la tête. Mais ça s’arrêta lorsqu’ils arrivèrent à un feu. Au départ, Amy regardait sur sa droite, faisant mine de contempler des oiseaux qui se battaient pour une miette de pain. Mais il arriva à croiser son regard. La belle se retourna vers le Beauregard et c’était parti. « Amy… Je… Enfin… Faudrait qu’on en parle… Tu sais ?.. » Elle craignait que ce moment arrive et maintenant que cela se présentait, elle était encore plus paumée qu’au départ. Elle ne savait tout bonnement pas quoi lui répondre. Jouer la carte de l’amnésie ? Non, il serait encore plus mal. Lui déballer tout son ressenti ? Pas sûr que ça non plus, ça lui plaise. « Je sais.. » Lâcha-t-elle d’une petite voix. Elle baissa les yeux et s’aperçut qu’il jouait avec ses mains. Okay, ils étaient deux à être mal. Elle soupira et releva son regard pour enfin lui faire face, ne plus jouer à la lâche. « Ez’ je suis désolé.. Je sais pas ce qu’il m’a pris, je sais que je n’aurais pas dû t’embrasser, ça nous ressemble pas tout ça.. C’est pas nous. Je sais juste que sur le moment, j’en ai eu envie. » Elle soupira une nouvelle fois et prit par réflexe doucement l’une de ses mains pour qu’il arrête de jouer avec. « C’était bête de t’éviter comme ça, je sais. C’était nul.. Mais le problème, c’est que depuis ce soir-là je ne sais plus trop où j’en suis.. ça à grave foutu le bordel dans ma tête.. » Elle s’arrêta, ne voulant pas en dire davantage. C’était déjà assez.  

Ezra attendait de voir si Amelia allait être partante pour se rende dans cette pizzeria. Il espérait qu’elle dirait oui, car il avait rêvé de cette pizza depuis des jours, mais manger une pizza si elle n’était pas là, ce n’était plus aussi amusant. « D’ordinaire j’aurais râlé en te disant qu’il faut que j’arrête de manger gras.. Mais là j’ai tellement faim que je serais prête à en manger une entière. » C’est alors un sourire de gosse qui s’afficha sur le visage d’Ezra, et c’est avec ce sourire qu’il sortit du garage. Sourire qu’il perdit rapidement lorsque l’ambiance entre les deux jeunes gens redevint plus que tendue. Ce silence était absolument pesant et au bout d’un moment, Ezra n’en peut plus et décida de percer l’abcès. Il aurait sûrement préféré que ce soit Amelia qui lance le sujet, comme elle avait lancé le baiser de l’autre soir, mais ça ne semblait pas être le cas. Et marcher encore un pâté de maisons sans rien lui dire, à ses côtés, ce n’était plus possible. La manière dont il lança le sujet n’était pas forcément la meilleure qu’il soit, mais au moins il avait lancé la machine. Amelia prit un petit temps pour répondre, ce qui laissa largement le temps à Ezra de cogiter sur ce qu’elle pouvait répondre. Il espérait qu’elle allait jouer franc jeu comme il voulait le faire lui, bien que cette situation le mette extrêmement mal à l’aise. Mais après tout, ils avaient jusque maintenant eu l’habitude d’être honnête l’un envers l’autre, il n’y avait pas d raisons pour que cette partie là de leur amitié change. « Je sais.. » Elle avait parlé d’une petite voix, comme dans un soupire, comme si elle admettait contre son gré les faits. Est-ce que c’était juste ça, au final ? Est-ce que c’était contre son gré qu’ils en étaient arrivés là ? Ezra continuait de jouer avec ses mains, tentant de garder une certaines contenance. Face à elle, il oserait se mettre à nu pour que les choses s’arrangent, mais ça paraissait compliqué si elle n’assumait pas les faits. Il attendait donc qu’elle lui donne plus d’explications, ne voyant que répondre pour le moment à ça. De son côté, lui il était sûr qu’il fallait qu’ils en parlent. Coûte que coûte. Elle finit par le regarder dans les yeux de nouveau. « Ez’ je suis désolé.. Je sais pas ce qu’il m’a pris, je sais que je n’aurais pas dû t’embrasser, ça nous ressemble pas tout ça.. C’est pas nous. Je sais juste que sur le moment, j’en ai eu envie. » Ezra fronça les sourcils, encore plus dérouté. Il savait que suite au premier baiser qu’Amelia lui avait donné, de son côté, il avait eu envie de l’embrasser de nouveau parce-qu’il était un homme et un homme faible avec les femmes qui plus est. Surtout avec les femmes qu’il connaissait bien. Mais il n’aurait jamais pensé que son de côté, Amelia pourrait avoir envie de l’embrasser comme ça. Juste envie, sans rien plus. La jeune femme finit par attraper une de ses mains pour qu’il arrête de jouer avec, comme pour le mettre plus à l’aise. Cependant, ce contact eut le don d’électriser légèrement la peau d’Ezra, le prenant par surprise. Il savait que ce geste partait d’un bon sentiment, mais il le mettait encore plus mal à l’aise. Cependant, ne voulant pas blesser Amy, il ne retira pas sa main de la sienne. « C’était bête de t’éviter comme ça, je sais. C’était nul.. Mais le problème, c’est que depuis ce soir-là je ne sais plus trop où j’en suis.. ça à grave foutu le bordel dans ma tête.. » Là, en revanche, il retira lentement sa main de celle d’Amelia, la regardant d’un regard perdu. Et sous le choc aussi. Il s’attendait plus à des explications du genre l’alcool avait encore fait des siennes, on était tous les deux dans une mauvaise passe, et tout ce qui s’en suit. Au lui de ça, elle venait de lui avouer que ce baiser l’avait perturbé. Assez pour qu’elle doive lui mentionner en tous cas. Il vient passer ses deux mains dans ses cheveux, s’arrêtant pour se tenir la tête. « Le… Bordel dans ta tête ? » Un début de petit rire nerveux se fit entendre, mais il l’arrêta assez rapidement. Ce n’était pas le moment. En revanche, le feu piétons passa au vert et Ezra s’engagea à travers la rue, voulant rejoindre de l’autre côté. Ce mouvement lui permit de prendre un peu de recul physiquement par rapport à Amelia et de repenser pendant quelques instants ses paroles. Le bordel dans sa tête… Lorsqu’il fut de l’autre côté, il regarda Amelia qui n’avait pas bougé. « Amelia… T’es pas sérieuse là ? » Il avait parlé d’une voix assez forte pour qu’elle l’entende de l’autre côté de la rue, mais on pouvait sentir l’insécurité dans sa voix. « Je suis désolé que ça soit arrivé aussi, franchement. Mais je pensais pas que tu m’évitais à cause de ça. Parce-que ça, là, non ce n’est très clairement pas nous… »

« Come up to meet you, tell you i'm sorry. »

Elle marchait, le suivant sagement. Amelia devenait de plus en plus anxieuse, ne sachant pas comment tout cela allait se terminer. Elle espérait simplement que la pizza n’ait pas un goût trop amer. La jeune femme n’aimait pas les confrontations et malheureusement, elle allait y avoir droit aujourd’hui. Ezra engagea la conversation. Du moins, il y fit notion. C’était à Amy de déballer tout ce qu’elle avait sur le cœur. La brune ne voulait pas y aller par quatre chemins, mais elle préférait quand même le ménager. Parce que oui, elle ne savait pas si son meilleur ami était tout aussi perdu qu’elle l’était. Pas facile de lui avouer que depuis toutes ces semaines elle l’évitait parce qu’elle pensait que ce baiser n’était pas sans importance. Qu’il signifiait peut-être quelque chose, mais qu’elle n’en était pas encore sûre. Non, pas simple du tout. Avant de prendre la parole, Amy aurait voulu d’abord connaître son ressenti par rapport à tout ça, mais il ne disait rien. C’était à elle de se jeter à l’eau. Tant pis si ça pouvait surprendre ou encore plus gêner. La belle préféra tout de même préciser que ce qu’il se passait entre eux ne leur ressemblait pas. C’était vrai, ce n’était pas eux. Ils n’avaient jamais été aussi gênés l’un devant l’autre qu’à cet instant précis. Elle finit par ajouter que ça avait mis le bordel dans sa tête. Amelia voulait être honnête avec Ezra, en espérant qu’il ne le prenne pas mal. Ou du moins qu’il soit encore plus mal à l’aise. Le voyant retirer sa main qu’elle tenait en lui avouant tout ça, elle comprit. Il était dans l’incompréhension et n’hésita pas à répéter ses derniers mots de peur d’avoir mal entendu. Pourtant, c’était très clair. En entendant son petit rire nerveux, elle baissa les yeux une nouvelle fois, se sentant ridicule. Comme s’ils avaient deux versions différentes de ce moment. Pour lui ça avait l’air clair, mais pas pour elle. Ez aurait sans doute préféré qu’elle le réconforte en riant de cette soirée, prétextant que tout ce qu’il s’était passé, c’était dû à l’alcool et rien d’autre. Mais non.

Ezra s’engagea alors à traverser la route, laissant derrière lui Amy, confuse, mal, perdue. Amelia avait le regard dans le vide, totalement paumée dans ses pensées. Elle n’arrivait pas à bouger d’un centimètre, si bien que le feu piéton repassa au rouge. Elle revint alors à elle lorsqu’elle l’entendit crier au loin. « Amelia… T’es pas sérieuse là ? » Si elle l’était. Et c’était peut-être ça le pire. « Je suis désolé que ça soit arrivé aussi, franchement. Mais je pensais pas que tu m’évitais à cause de ça. Parce-que ça, là, non ce n’est très clairement pas nous… » Et il insistait bien sur le ça. D’un ton plus prononcé, plus dur. Ne voulant pas que tout le quartier soit au courant de ce qu’il pouvait bien se passer entre eux, Amy attendit qu’il n’y ait plus de voiture pour avancer à son tour. Elle n’avait plus envie d’en parler, elle voulait passer à autre chose, mais elle savait bien que ce n’était pas possible. « Mais je le sais, pourquoi à ton avis tu crois que je t’évites ?! J’avais besoin de faire le point de mon côté.. Je sais pas pourquoi je me mets à penser à ça pour nous deux, mais c’est arrivé et ça me travaille depuis. » Elle soupira une nouvelle fois. « Je suis vraiment la seule à penser à ça ? Et pourquoi tu m’as embrassé ? » Cette petite dernière question trottait depuis un bout de temps dans sa tête. Elle l’avait embrassé en premier, mais lui avait recommencé une seconde fois. Pour que ça soit clair, elle voulait juste savoir si c’était sous une pulsion, parce qu’il en avait envie lui aussi, ou autre..

Ezra se tenait de l’autre côté de la route, les mains sur la tête, se demandant s’il devenait fou ou si cette situation était réellement en train de se passer. Parce-qu’il ne savait pas s’il aurait pas préféré ne pas savoir. Vous savez, rester dans le déni, penser que tout allait bien entre Amelia et lui et reprendre le cours de leurs vies, ne plus jamais en parler. Ca aurait peut-être été plus simple. Ils n’auraient surtout pas eu à se retrouver dans ce genre de situation ultra gênante. Ezra ne savait plus où se mettre. Si de son côté, tout avait été clair depuis le début, il semblerait qu’apparemment ce n’était pas le cas pour sa meilleure amie. Elle venait de clairement lui avouer que ce baiser lui avait foutu le bordel dans sa tête, et cette phrase là venait de foutre le bordel dans celle d’Ezra. Amelia se tenait toujours de l’autre côté de la route, n’ayant toujours pas répondu à Ezra. Il ne savait pas si c’était parce-qu’elle ne savait plus quoi lui répondre, ou si elle voulait simplement ne pas avoir à crier pour le faire, mais Ezra s’impatientait. Surtout que pour sa part, s’il s’était éloigné physiquement d’Amelia, c’était pour lui permettre d‘avoir les idées plus claires pendant quelques instants, de pouvoir réfléchir calmement. La jeune femme finit par traverser à son tour la route lorsque le feu redevint vert, et le rejoindre. « Mais je le sais, pourquoi à ton avis tu crois que je t’évites ?! J’avais besoin de faire le point de mon côté.. Je sais pas pourquoi je me mets à penser à ça pour nous deux, mais c’est arrivé et ça me travaille depuis. » « Je pensais que tu m’évitais parce-que t’étais gênée par la situation, mais que ça s’arrêtait là ! J’aurai pas pensé que si, tu puisses penser à ça pour nous, qu’importe la raison qui pourrait t’y faire penser. » Ezra commença à faire les cent pas le long du trottoir. Lui qui avait l’habitude d’être là pour Amelia, pour consoler ses peines et trouver des solutions à ses problèmes, voilà qu’il était devenu le problème du jour à résoudre. Bordel, il ne s’était pas préparé à ce genre de situation. Ca ne devait pas arriver que dans les films, ça ? Votre meilleure amie dans la vraie vie ne tombe pas sous votre charme, vrai ? Ou alors il était complètement idiot, et était resté tellement longtemps dans cet optique où leur amitié était indestructible et pourrait vaincre tous leurs problèmes qu’il s’était peut-être voilé la face et n’avait pas vu les signes avant coureur de ce moment là. Si ça se trouvait, depuis des mois Amelia lui lançait des singes de détresse pour qu’il comprenne que du côté de la jeune femme, rien n’allait plus, et il n’avait peut-être tout simplement rien vu, idiot qu’il était sur les bords parfois. Tout un tas de questions de ce style là s’entassait dans sa tête, il ne savait plus où penser. Amelia finit par soupirer, il n’avait pas cessé de la regarder depuis le début de cette conversation. « Je suis vraiment la seule à penser à ça ? Et pourquoi tu m’as embrassé ? » Ezra s’arrêta de marcher à la seconde où Amelia lui posa sa question. Qui semblait être une bonne question. Pour Ezra, la réponse semblait couler de source, mais apparemment Amelia ne l’avait pas compris de son côté. « Amelia… Tu m’as embrassé, j’étais alcoolisé, t’es une femme tout à fait charmante, j’ai pas réellement résisté. Et après je me suis rendu compte de la connerie que j’étais en train de faire, donc je suis parti. » Il eut à peine fini sa phrase qu’il se dit qu’il aurait pu dire ça autrement. Le mot connerie n’était peut-être pas le meilleur mot à utiliser pour la situaiton. Même si dans sa tête à lui, c’était clairement comme ça qu’il voyait ça, si pour Amelia la vision de cette situation était complètement différente, ça pouvait la blesser qu’il dise ça de cette façon. De toutes façons, rien ne se passait comme ça aurait du être, donc il n’était plus à un mot de travers près. Il finit par soupirer et venir se planter de nouveau devant le jeune femme, tentait toujours de soutenir son regard. « Dis moi ce que tu ressens, Amy, s’il te plait. Eclaires moi. » C’était le moment où jamais de reprendre cette confiance aveugle qu’ils avaient l’un envers l’autre pour s’en servir et se dire les choses clairement. Ezra avait réagi sur le coup des émotions jusqu’à ce moment, maintenant il semblait prêt à réellement entendre ce que Amelia avait à lui dire. Il espérait l’être en tous cas, car à voir Amelia dans cet état, il se sentait mal. C’était à cause de lui, il ne voulait pas qu’elle se sente mal à cause de lui. « S’il te plait ma caille, parles moi, je veux savoir ce qui aurait pu te faire penser que notres relation aurait pu évoluer. » Il avait commencé à digérer la nouvelle, commençait à tempérer ses émotions. Il vint alors timidement reprendre la main d’Amelia dans la sienne, comme elle l’avait fait quelques instants plus tôt avec lui.

« Come up to meet you, tell you i'm sorry. »

Là elle ne pouvait plus y échapper. Il fallait qu’elle aille jusqu’au bout et tant pis si ça allait faire mal. Au moins tout serait dit. Amelia traversa la route pour se retrouver à nouveau en face de lui. Ça ne servait à rien qu’elle s’énerve en lui hurlant dessus à l’autre bout du trottoir. Déjà qu’elle n’avait pas une voix qui porte.. S’exprimer ainsi et dire tout son ressenti aurait été plus dur. D’un côté plus facile car ils étaient loin de l’autre. Mais il fallait qu’elle prenne son courage à deux mains et l’affronte. Ils ne pouvaient pas rester ainsi à s’ignorer pendant trente ans. C’était déjà assez comme ça. Et puis il lui manquait. Ezra était avant tout son meilleur ami et même si ça ne faisait que deux semaines, la brunette sentait un grand vide dans sa vie. Il y avait pris une grande place et ne plus le voir autant qu’avant, c’est-à-dire tous les jours, ça faisait mal. Elle n’était pas habituée à être aussi distante avec lui. Ouais, ça ne leur ressemblait vraiment pas. « Je pensais que tu m’évitais parce-que t’étais gênée par la situation, mais que ça s’arrêtait là ! J’aurai pas pensé que si, tu puisses penser à ça pour nous, qu’importe la raison qui pourrait t’y faire penser. » Et pourtant, si. Enfin au départ elle était simplement gênée par la situation, sûrement comme lui. Mais au fil du temps, à force de s’éviter, Amelia s’était fait quarante-six milles scénario avant d’en arriver là. A penser qu’ils pourraient être plus.. A croire qu’il n’y avait qu’elle qui pensait à ça, comme si pour lui ça semblait improbable. Oui, elle s’était dit la même chose au départ. Et puis à entendre la réflexion du barman, de Matthew. Même sa mère s’y était mise à un moment. A les savoir tout le temps collés l’un à l’autre, elle n’avait cessé d’embêter Amelia avec ça. Alors oui, ce n’était pas idiot qu’elle y pense une seconde. Il faisait les cents pas, de quoi la stresser davantage. Amy voulait des réponses en retour et surtout une, à savoir pourquoi il l’avait embrassé en retour. « Amelia… Tu m’as embrassé, j’étais alcoolisé, t’es une femme tout à fait charmante, j’ai pas réellement résisté. Et après je me suis rendu compte de la connerie que j’étais en train de faire, donc je suis parti. » Okay, ça avait le mérite d’être clair. Ça l’énervait, parce qu’elle se sentait de plus en plus conne. Elle se sentait naze de penser ne serait-ce qu’une minute que cette idée lui avait traversé l’esprit également. Mais il fallait croire que non.

Elle se sentait incomprise et avec sa façon d’agir, elle sentait que les choses n’allaient pas s’arranger. Elle avait de plus en plus de mal à lui faire face, à le regarder, alors que lui cherchait encore et toujours son attention. Il avait même arrêté de gesticuler dans tous les sens. Le silence d’Amy avait dû interpeller, le calmer également. Parce qu’à présent elle retrouvait son Ezra. Celui qui voulait l’écouter, savoir ce qui n’allait pas pour arranger la situation. Elle se sentait moins coupable face à ce Ezra-là. « S’il te plait ma caille, parles moi, je veux savoir ce qui aurait pu te faire penser que notre relation aurait pu évoluer. » Il vint alors prendre sa main et la Iver ne le repoussa pas. C’était le moment de recoller les morceaux. « Parce que ça a toujours était toi et moi contre le reste du monde, même après toutes ces années.. » Commença-t-elle doucement avant de poursuivre. « Je veux dire, tu es mon meilleur ami. On se connaît par cœur et y a jamais rien eu d’aussi ambiguë entre nous. Pour moi tout était clair avant. Alors c’était fou de ma part de penser qu’après tout ce temps, ce qu’il s’est passé ce soir-là était la conclusion de quelque chose ? » Elle restait calme, parce qu’elle savait que si elle montait sur ses grands chevaux, il en ferait de même. « Même après que tu sois partie le barman commençait à croire qu’on était ensemble et m’a même félicité, si c’est pour te dire. » Elle rit légèrement. « Je ne savais pas ce qu’il en était de ton côté et le fait que tu m’évites, je commençais à croire que tu pensais à la même chose que moi et qu’il te fallait du temps aussi.. » Elle passa une main dans ses cheveux. « J’ai pas envie de te perdre à cause de ça tu sais.. » Elle caressa doucement avec son pouce le dos de sa main. « Faut juste que j’arrête de me faire pleins de films dans ma tête, c’est tout. »  

Ce silence n’était pas normal. Qu’Amelia ne réagisse pas immédiatement, ce n’était pas normal. C’était ce genre de petites détails qui montraient que la situation du moment était délicate, ils marchaient un peu tous les deux sur des oeufs, et Ezra n’aimait vraiment pas ça. Elle fuyait son regard, il aurait voulu la regarder réellement pour pouvoir tenter de comprendre ses pensées, voir ses réactions, mais elle le fuyait. Il avait peut-être réagi excessivement, si c’était le cas et qu’elle le lui disait, il s’en voudrait. Pour le moment, il attendait juste patiemment qu’elle lui réponde. Il avait déjà assez parlé pour le moment, il ne pourrait faire quoi que ce soit si Amelia ne lui expliquait pas comment elle se sentait, ce qu’elle ressentait, ce qu’elle pensait. Sans ça, il était dans le vague, et il n’aimait pas ça non plus. Mais pour elle, parce-qu’il l’aimait et qu’il ne voulait pas la brusquer - elle ne méritait pas qu’il le fasse -, il attendait. « Parce que ça a toujours était toi et moi contre le reste du monde, même après toutes ces années.. » Les mots de la jeune femme allèrent directement au coeur d’Ezra. De son point de vue à lui, elle n’avait on ne peut plus raison. Il n’aurait pas choisi meilleurs mots pour exprimer ce qu’il pensait d’Amelia et lui. Q’importe ce qui avait pu se passer dans leurs vies, ça avait été toujours eux contre le monde. Ca avait été eux contre le monde lorsque Ginny avait abandonné Ezra, c’était eux de nouveau lorsqu’Emilio était parti et qu’Amy était enceinte, les anniversaires, certains Noël, la naissance de Lily, l’ouverture du garage d’Ezra. Ils avaient été là, l’un pour l’autre, quoi qu’il puisse se passer. Ca faisait du bien, de savoir que, qu’importe ce qu’il pouvait se passer dans votre vie, vous avez quelqu’un sur qui compter. « Je veux dire, tu es mon meilleur ami. On se connaît par cœur et y a jamais rien eu d’aussi ambiguë entre nous. Pour moi tout était clair avant. Alors c’était fou de ma part de penser qu’après tout ce temps, ce qu’il s’est passé ce soir-là était la conclusion de quelque chose ? » La jeune femme parlait d’une voix clame, posée, et Ezra lui en était reconnaissant. Elle avait toute les raisons de vouloir aborder ce sujet en criant, hurlant, tout ce qu’elle voulait, mais Ezra était malgré tout un faux calme, et si elle avait eu cette attitude, il aurait surement été contaminé et l’aurait eu aussi. Et ils n’avaient pas besoin de ça, il se connaissait et connait assez Amelia pour le savoir. Eux deux, les vraies discussions, ça fonctionnait parce-qu’ils savaient garder leur calme. « Je n’avais pas vu ça sous cet angle… » « Même après que tu sois partie le barman commençait à croire qu’on était ensemble et m’a même félicité, si c’est pour te dire. » Ezra eut un léger rire en même temps que celui d’Amelia. Il avait oublié à quel point, lorsqu’on était barman, on voyait toutes sortes d’histoire arriver, et depuis le temps qu’il fréquentait ce bar là, le barman actuel avait du se faire des milliers de scénarios concernant les deux jeunes gens. Ezra lui même adorait ce passe-temps lorsqu’il y travaillait, et ensuite il échangeait ses hypothèses avec Amy. Ca avait toujours été leur jeu préféré, alors pourquoi ça ne pourrait pas être celui d’autres barman et personnes travaillant dans le bar ? Il reprit cependant rapidement son calme, ce n’était pas le moment de repenser à certaines histoires farfelues qu’ils avaient pu inventer en regardant des clients agir. « Je ne savais pas ce qu’il en était de ton côté et le fait que tu m’évites, je commençais à croire que tu pensais à la même chose que moi et qu’il te fallait du temps aussi.. J’ai pas envie de te perdre à cause de ça tu sais.. Faut juste que j’arrête de me faire pleins de films dans ma tête, c’est tout. » Amelia commença à caresser le dos de la main du jeune homme du pouce, et ses paroles eurent le don de briser le coeur d’Ezra. En ce moment même, après avoir entendu ce qu’elle avait réellement à lui dire, il se sentait mal. Non pire, il se sentait minable. Lui qui avait pensé, durant tout ce temps où ils s’étaient évités, qu’elle devait être juste gênée comme lui l’était alors qu’elle avait eu tout un cheminement différent dans sa tête. Il soupira légèrement. Il ne savait pas comment lui expliquer, maintenant, sans lui faire encore plus de mal qui semblait lui en avoir déjà fait. Il prit alors son menton du bout des doigts, délicatement, pour relever son regard dans le sien. « Ecoutes moi. Qu’importe ce qui peut se passer, tu ne perdras pas. Jamais. C’est même pas une option envisageable. Qu’importe à quel point je pourrais être en colère contre toi t’en vouloir, triste dans ma vie personnelle, je serai toujours, toujours là. S’il te plait, ne doutes jamais de ça. » Il lui fit une petite moue rassurante. Il voulait qu’elle imprime bien ses paroles, qu’elle les intègre et les comprenne, car il était sur de ce qu’il avançait. Amelia était beaucoup trop importante à ses yeux pour qu’il la laisse filer de la sorte. Elle faisait partie de ses repères, elle était un pilier pour lui. « Ensuite… Je suis désolé, que tu aies eu le temps de réfléchir à ce que ce baiser pouvait dire. Vraiment désolé. Je n’aurais pas du partir comme un lâche du bar. Et surtout, j’aurai du réellement t’appeler. Je veux pas te faire de mal ma caille… » Ce fut à son tour de baisser son regard et de lentement lâcher le visage d’Amelia. Il n’osait plus la regarder. C’était comme ça quand il s’en voulait pour quelque-chose, il avait tout de suite de mal à affronter le regard des gens. Il s’était passé la même chose lorsqu’il avait eu sa discussion avec son frère, Thomas, lors de la soirée du nouvel an. Il avait passé son temps à fuir le regard de son aîné, et il recommençait avec Amelia aujourd’hui. C’était un vilain défaut dont il n’arrivait pas à se débarrasser.

« Come up to meet you, tell you i'm sorry. »

Elle voulait avancer et pour ça, il fallait qu’Amelia lui déballe tout ce qu’elle avait sur le cœur. Ce n’était pas chose facile, mais elle le devait. Pour leur bien, pour leur amitié. Amy n’y alla pas par quatre chemins et se dévoila, comme elle avait pour habitude de faire quand quelque chose n’allait pas, la tracassait. Ezra était l’une des personnes sur qui la jeune femme pouvait le plus compter. Il faisait partie de ses piliers, sans lequel la brune ne saurait avancer à l’heure d’aujourd’hui. Il avait pris une place importante dans sa vie pour qu’elle le laisse lui échapper. Quoi qu’il en coûte, la jeune femme ne voulait pas le perdre. Cela faisait douze ans qu’ils se supportaient, se soutenaient, étaient toujours là l’un pour l’autre et pour une histoire ainsi, un malentendu, ils allaient renoncer à tout ça ? No way. Alors il fallait qu’Amy lui fasse part de tout ce qu’elle avait ressenti durant ces dernières semaines et surtout pourquoi elle en était venue à cette conclusion. Et en le regardant, une part d’elle comprit. Elle comprit qu’elle avait plus peur de le perdre en tant qu’ami qu’en tant qu’autre chose. Amelia avait peur qu’il la rejette, qu’il prenne des distances par rapport à tout ce qu’elle lui disait. C’était sûr, ses propos pouvaient effrayer et plus d’un seraient partis en l’entendant. Mais lui non. Ezra attira l’attention de la Iver sur lui, attrapant du bout des doigts son menton pour qu’elle relève la tête. « Ecoutes moi. Qu’importe ce qui peut se passer, tu ne perdras pas. Jamais. C’est même pas une option envisageable. Qu’importe à quel point je pourrais être en colère contre toi t’en vouloir, triste dans ma vie personnelle, je serai toujours, toujours là. S’il te plait, ne doutes jamais de ça. » Il avait toute son attention. Ses yeux s’humidifièrent en l’entendant prononcer ses mots. Elle était soulagée. Ses craintes s’envolèrent aussitôt et un petit sourire se dessina sur ses lèvres. Elle était touchée. Il n’était pas comme les autres, enfin même si ça elle le savait déjà, c’était toujours rassurant de le voir agir ainsi, surtout après le grand silence des semaines passées.

« Ensuite… Je suis désolé, que tu aies eu le temps de réfléchir à ce que ce baiser pouvait dire. Vraiment désolé. Je n’aurais pas du partir comme un lâche du bar. Et surtout, j’aurai du réellement t’appeler. Je veux pas te faire de mal ma caille… » Oui il n’aurait pas dû. Mais en voyant la distance qu’il prenait à nouveau, baissant les yeux, elle ne préféra pas en faire la remarque. Amy n’aimait pas le voir comme ça. Elle le connaissait par cœur et quand il prenait cet air, elle savait qu’il était gêné, qu’il s’en voulait. Il avait l’air d’un petit garçon qui venait de faire une bêtise et qui le reconnaissait. Amelia se rapprocha à nouveau de lui et releva son menton pour capter son regard. « Hey.. Je sais que c’était pas mal intentionné. Je t’en veux pas.. Je pourrai jamais t’en vouloir.. » Et sur ses belles paroles, elle passa ses bras autour de sa taille et l’enlaça. « On efface tout et on recommence ? » Finit-elle par dire après un petit silence, d’un air enfantin. Amelia finit par se détacher de son meilleur ami et lui prit la main pour qu’il la suive. « Et on va la manger cette pizza ? Parce que là je t’avoue que je vais finir par manger le premier venu si je n’avale rien d’ici 5 minutes. » Poursuivit-elle avant de lâcher un rire. Elle voulait que tout reprenne son cours normal et faire la trêve autour d’une pizza, ça sonnait assez bien comme plan.

Ezra était là, le regard baissé, honteux de ne pas avoir agit mieux pour Amelia. Elle faisait partie des personnes qu’il n’aimait pas voir blessée, qui plus est si c’était lui qui avait une connerie. Même si leur conversation prenait un tournant un peu plus plaisant et tendant vers une meilleure ambiance entre eux que les semaines passées, il savait qu’il allait s’en vouloir pendant encore un bout de temps. Il n’avait pas imaginé une seule seconde qu’il aurait pu avoir cet effet là sur elle, il n’avait pas imaginé qu’elle aurait pu penser qu’il puisse se passer autre chose que de l’amitié entre eux. Et il s’en voulait, car il aurait du prévoir le coup, y penser de lui même et prendre les devants. Il aurait du avoir anticiper le cheminement de pensées de la jeune femme pour savoir quoi lui dire, et surtout lui empêcher une peine inutile. A son tour, Amelia vint relever le menton d’Ezra pour pouvoir le regarder cette fois elle. Quand ils se mettaient à faire des gestes miroir de la sorte, il avait cette impression de réellement comprendre pourquoi ils s’étaient rencontrés et se connaissaient. Par moment, ils se ressemblaient bien plus que ce qu’ils pouvaient imaginer tous les deux. « Hey.. Je sais que c’était pas mal intentionné. Je t’en veux pas.. Je pourrai jamais t’en vouloir.. » « Mais moi je m’en veux, tu sais. Je m’en veux, j’aurai du… » Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que la jeune femme vint le prendre dans ses bras, entourant sa taille. Ce geste était tendre, et Ezra se rendit compte qu’il en avait besoin. Alors tendrement, il vint passer à son tour ses bras au dessus de ses épaules, déposant un baiser sur le dessus de son crâne. Oui, ce bout de femme, il l’aimait. Pas comme elle aurait pu espérer depuis ces dernières semaines, mais malgré tout il l’aimait. Elle était sa meilleure amie, et il savait dans ces moments là à quel point il était prêt à tout faire pour qu’elle reste heureuse. Ou qu’elle le redevienne au moins. Il voulait réparer sa connerie, et il était désemparé de ne pas savoir comment pour l’instant. « On efface tout et on recommence ? » Il eut un petit sourire. Il prit ensuite quelques secondes de silence pour réfléchir à ce qu’il allait exactement lui répondre. Oui, il voulait reprendre de zéro comme si rien ne s’était passé. Mais ce n’était pas le cas et malgré tout ça resterait gravé en eux pendant un moment. Car ils s’en rappelleraient et savaient qu’à un moment dans leurs vies, ils en reparleraient. Que ce soit parce-qu’ils en avaient besoin ou parce-qu’ils seraient vieux et raconteraient leurs vies comme deux radoteurs à Lily, ils en reparleraient. « D’accord, seulement si tu me promet qu’au moment où tu auras besoin d’en parler, tu viendras me trouver sans hésiter, d’accord ? » Il espérait plus que tout que la jeune femme allait accepter ce deal, car il lui tenait à coeur. Même si ça le mettait dans un état pas possible de culpabilité d’en parler, il ferait l’effort de se mettre au second plan si Amelia avait besoin, de son côté, qu’ils en parlent. Ezra préférait largement être mal lui si ça pouvait rendre Amelia mieux. La jeune femme finit par s’écarter de lui, et Ezra regrettait déjà qu’elle le fasse. Dans ses bras, il était bien, il avait l’impression que la présence de la jeune femme l’apaisait. C’était réconfortant comme sensation. « Et on va la manger cette pizza ? Parce que là je t’avoue que je vais finir par manger le premier venu si je n’avale rien d’ici 5 minutes. » Ezra lâcha alors un rire franc qui accompagna celui d’Amelia. Elle avait pas tord, il commençait à avoir réellement faim lui aussi, maintenant qu’elle en parlait. « Et moi je n’ai pas envie d’amener le premier qui passe aux urgences parce-que tu auras tenter de le manger. Ou toi parce-que tu seras tombée dans les pommes alors, oui, allons-y. » Il se laissa entraîner lorsque la jeune femme lui prit la main et ils reprirent leur chemin en direction de la pizzeria qui n’était plus qu’à quelques minutes de marche. Au moins, l’ambiance du repas serait meilleure et ils pourraient reprendre leur fin de journée de travail avec cette situation gênante en moins sur les épaules. Lorsqu’ils passèrent la porte de la boutique, une bonne odeur vint directement attaquer leurs narines. Ezra ferma les yeux, humant l’air ambiant. « Ok, je meurs carrément de faim là. » Il sourit avant de se tourner vers le comptoir et de prendre sa commande. Il laissa Amelia choisir à son tour, paya le tout rapidement avant d’aller s’installer à une table en attendant leurs délicieux mets - ou ce qui était un délicieux met aux yeux d’Ezra. « Au fait, tu veux apprendre quelque-chose d’extraordinaire ? J’en suis pas fier, mais je suis sûr que ça va te faire rire quand tu vas l’entendre. » Il savait qu’il avait attiré son attention en disant ça. Et Amelia ne s’attendait sûrement pas à ce qu’il allait dire, ce qui était encore plus drôle à ses yeux.

« Come up to meet you, tell you i'm sorry. »

Elle était dans ses bras et c’était comme si rien n’avait changé. Tout était redevenu comme avant, une Amy et un Ezra proche. Cette proximité lui avait manqué. Ils étaient restés distants bien trop longtemps. Amy leva alors les yeux vers son meilleur ami pour lui demander s’ils pouvaient tout effacer et repartir de bon pied. La question ne se posait pas, m’enfin elle préférait être sûre. Plus de malaise, plus de gêne. Eux deux comme dans le bon vieux temps. Il fallait juste que la jeune femme se ressaisisse et ne se mette plus en tête qu’il y pouvait y avoir plus entre eux. C’était clair à présent et lui avoir dit ce qu’elle ressentait lui avait permis d’évacuer tout. De se rendre compte de son idiotie, de ses idées folles qui partaient parfois trop loin. « D’accord, seulement si tu me promet qu’au moment où tu auras besoin d’en parler, tu viendras me trouver sans hésiter, d’accord ? » Il était mignon. Toujours à se préoccuper de son bien-être, souvent bien avant le sien. Ez’ a toujours été comme ça et c’était une des qualités qu’elle affectionnait chez lui. Même lors de son séjour à l’hôpital, alors qu’il venait de sortir du coma, il préférait s’assurer qu’elle mange avec lui une partie de son repas parce qu’elle avait le ventre vide, alors que c’était à lui de reprendre des forces. Il était comme ça. D’ailleurs en repensant à cette période, elle en eut un léger frisson. Amy en avait gardé des mauvais souvenirs. Entre la peur, la fatigue, l’impuissance et l’attente de le voir se réveiller. Elle était restée pendant plusieurs heures, chaque jour, s’endormant même à ses côtés alors que les heures des visites se terminaient. Elle avait failli le perdre une fois, alors il était hors de question que pour un malentendu tout s’arrête. « Promis. » Dit-elle avant de lever son petit doigt pour qu’il vienne y accorder le sien. Chose qu’elle faisait à chaque fois avec sa fille pour passer un marché.

Elle mourrait de faim. Vraiment. Et Amelia ne manqua pas de lui en faire part après que l’histoire soit réglée. Ils reprirent donc la marche pour se rendre au plus vite à la pizzeria. Et après quelques minutes qui lui semblèrent interminable, ils finirent par arriver. Ezra s’empressa d’y entrer et Amy le suivit de près. « Ok, je meurs carrément de faim là. » ça sentais trop bon. C’est bon, Amy n’en pouvait plus, elle allait décéder sur place. Son ventre se mit à gargouiller et leva les yeux vers Ezra en rigolant. « On est deux je crois. » Ils commandèrent, Ezra paya et Amy leur trouva une place où ils pourraient manger tout en discutant tranquillement. « Au fait, tu veux apprendre quelque-chose d’extraordinaire ? J’en suis pas fier, mais je suis sûr que ça va te faire rire quand tu vas l’entendre. » Amelia fronça des sourcils, assez intriguée sur ce qu’il s’apprêtait à lui raconter. Pour qu’il n’en soit pas fier, mais pour que la jeune femme en vienne à en rire, il avait dû faire une bêtise. Ou peut-être pas. « Quoi, qu’est-ce que t’as fait encore ? » Elle rit légèrement, s’attendant au pire. Leurs pizzas arrivèrent enfin et déjà coupées. C’était parfait. Amelia s’empressa de prendre une part pour enfin avaler une première bouchée. « Mon Dieu je revis.. » Elle soupira tellement ça faisait du bien. A croire qu’elle ne s’était pas nourrie depuis des jours. « Donc tu disais ? » Il préférait lui aussi manger sa pizza plutôt que de raconter son histoire, la laissant dans l’attente. Chose qu’elle détestait, maintenant qu’il lui avait dit ça, elle voulait tout savoir.

Ezra annonça à Amelia qu’il avait une histoire à lui raconter, et il savait qu’en formulant sa phrase de cette sorte, elle irait directement titiller la jeune femme et sa curiosité. Il l’avait fait exprès, et puis le temps qu’elle tente de trouver de quoi il voulait parler, ça lui laisser du temps à lui aussi pour trouver comment il allait formuler son histoire. Il ne pouvait tout simplement pas lâcher d’un coup, comme une bombe, qu’il avait fracassé une homme à l’hôpital, cette phrase n’irait pas du tout. Et si Ezra racontait son histoire comme ça à Amelia, c’était assuré que ça n’allait pas la faire rire. Il vit d’ailleurs qu’elle fronçait maintenant les sourcils, ce qui le fit lui légèrement sourire. « Quoi, qu’est-ce que t’as fait encore ? » Une rire léger s’échappa des lèvres de la jeune femme alors que c’était un rire franc qui émanait d’Ezra. Même s’il savait qu’elle allait surement lui remonter les bretelles lorsqu’elle allait enfin connaître cette fameuse histoire, la situation l’aura au moins faite rire lui. Et alors qu’il voulait laisse le suspense s’installer encore plus, le serveur arriva avec leurs pizza. Il tombait au bon moment. Les deux jeunes gens furent distraits pendant quelques instants par leurs mets, se mettant à manger sur le champ. Ils avaient trop faim pour qu’une discussion réussisse à tenir. « Mon Dieu je revis.. Donc tu disais ? » Ezra attrapa donc une des parts pré-coupées de sa pizza et la mangea en moins de temps qu’il en faut pour le dire, avant d’en attaquer une deuxième juste pour embêter Amelia. Il savait qu’elle attendait des détails croustillants, et la voir attendre de cette manière en face de lui l’amusait grandement. Un vrai gamin. Il la regardait, une étincelle malicieuse dans les yeux, mangeant lentement cette fois ci sa part de pizza. Cependant, il n’avait pas envie qu’elle perde patience, il finit par mettre fin à cette attente en engloutissant sa dernière bouchée de pizza. « Je suis retourné à l’hôpital, l’autre jour. Je voulais voir Noah pour de vrai, alors qu’il était réveillé. Et je m’étais dit que parler de nouveau avec Ginny serait pas mal. » Il était insupportable à ne pas vouloir raconter son histoire d’une traite, reprenant une bouchée de son déjeuner. « Sauf que lorsque je suis arrivé, elle était en train d’à moitié se prendre la tête avec un homme devant l’entrée de l’hôpital - qui s’est révélé être son mari, le fameux. » Rien que le fait de l’évoquer provoqua un sourire moqueur et faux sur le visage d’Ezra. Ce n’était pas que cet homme était foncièrement mauvais, il ne le connaissait après tout que trop peu pour pouvoir le juger de la sorte, ils n’avaient eu la chance que de discuter très brièvement autour d’un café qui avait vite coupé court, mais par principe il ne l’aimait juste pas. Il était l’homme qui avait eu la chance - et qui ne s’en apercevait même pas - d’être marié à Ginny, alors qu’Ezra avait du rester sur la touche et qu’il aurait aimé être à sa place. Et puis il apprendra par la suite qu’en plus de ne pas profiter de sa dite chère et tendre, il allait voir ailleurs, ce qui ne fera pas qu’Ezra allait mieux l’aimer, au contraire. Il attendait maintenant de voir la première réaction d’Amelia avant de continuer sur sa lancée, voir si elle était assez intéressée par l’histoire pour ne pas réussir à rire ou si elle allait prendre ses paroles à la légère. Ezra espérait qu’elle allait les prendre à la légère car quand il disait qu’il n’en était pas fier, c’était peu dire. D’accord, sur le moment, ça lui avait fait du bien, mais maintenant il s’en voulait, comme toujours à chaque fois qu’il s’approchait d’une attitude un peu trop agressive voire carrément violente. Ce n’était pas lui ça, lui il tentait de garder au maximum la violence loin de lui. C’était ses principes et sa façon de vivre, ça l’avait toujours été. Il laissait tout ce qui se rapprochait de ces domaines à ses frères, beaucoup plus doués que lui pour ça. Ezra finit par attraper la carafe d’eau que le serveur avait apporté rapidement après leurs commandes pour remplir le verre d’Amy et le sien par la suite. LA jeune femme n’avait d’ailleurs toujours pas réagi. « Tente de deviner la suite au moins, que ce soit un minimum marrant, aller ! » Il finit par se reculer pour pouvoir s’adosser à sa chaise, croisant les bras sur sa poitrine, sourire aux lèvres, attenant qu’Amelia tente de deviner la suite de l’histoire. Il était peu probable qu’elle trouve du premier coup, vu que comme dit plus haut, ce n’était pas du tout le genre d’Ezra d’en venir aux mains.

« Come up to meet you, tell you i'm sorry. »

Elle craignait le pire. Rien qu’à voir sa tête, il était clair que ça ne sentait pas bon. Mais qu’avait-il bien pu faire ? D’ailleurs, lorsqu’Amelia le questionna, elle se rendit compte qu’elle avait pris le ton ‘maman’ avec le même regard qu’elle prenait pour Lily quand elle sentait que la petite blonde tramait quelque chose. Il laissait planer le doute en restant vague dans ses propos, de quoi la rendre impatiente de connaître la suite. Voilà ça faisait deux semaines qu’ils ne s’étaient plus vus et maintenant elle devait rattraper le temps perdu. D’ailleurs en y repensant, il fallait qu’elle lui parle de ses nouvelles rencontres. Jonah, sa nouvelle conquête du moment qui commençait à lui plaire et Chase, le père du copain de Lily qui apparemment connaissait bien Ezra. Bah oui, il fallait bien qu’Amy comble le vide en son absence. La pizza l’avait aidé également. D’ailleurs en parlant de pizza.. Les voilà qui arrivaient. L’un comme l’autre s’empressa de prendre la première part, comme si plus rien ne comptait. Manger avant tout. Ils reprendraient leur conversation dans quelques minutes. Enfin, Amy était prête à écouter la suite, mais Ezra n’en fit rien. Il préférait déguster son repas plutôt que de poursuivre. Ou du moins, il le faisait exprès. La brune le relança, mais rien. Il s’attaquait à sa deuxième part. Mon Dieu qu’elle le détestait lorsqu’il faisait ça. Il savait que ça l’embêtait et qu’à chaque fois qu’il faisait le gamin, ça marchait. C’était trop facile de jouer avec ses nerfs, ou du moins son impatience. « Je suis retourné à l’hôpital, l’autre jour. Je voulais voir Noah pour de vrai, alors qu’il était réveillé. Et je m’étais dit que parler de nouveau avec Ginny serait pas mal. » Oula, il commençait mal. Là, Amelia était plus qu’intriguée. Rien qu’en prononçant le nom de son fils et le sien, à elle, la Iver espérait qu’il n’ait pas fait de bourde. Surtout devant le petit.

Amelia ne mangeait plus, se concentrant sur la suite de son histoire qui vint après quelques secondes de réflexions, le temps que Monsieur reprenne encore une bouchée. Il lui laissait trop de temps pour qu’elle ne se fasse pas encore des films dans sa tête. « Sauf que lorsque je suis arrivé, elle était en train d’à moitié se prendre la tête avec un homme devant l’entrée de l’hôpital - qui s’est révélé être son mari, le fameux. » Wait.. What ? Rien que ça, elle ne l’avait vraiment pas vu venir. Il avait bien dit mari ? Elle en fut tellement choquée, qu’elle en lâcha son morceau de pizza. Elle avait raté un épisode où quoi ? Ginny était mariée ? Vraiment ? Comme quoi, le quitter plusieurs semaines ne les réussissaient pas. « Tente de deviner la suite au moins, que ce soit un minimum marrant, aller ! » Nan mais il était sérieux là ? Elle devait déjà digérer la nouvelle. En plus d’apprendre qu’il y avait un mari dans l’histoire, il fallait qu’elle devine la suite des événements. Toujours plus. « Attends.. Je rêve ou tu viens de dire mari là ? Ginny est mariée ? Pour de vrai ? » Elle posa ses questions tellement fort, que la plupart des gens qui les entouraient se retournèrent. Amy leur fit signe de se mêler de ce qui les regarde avant de reposer son regard sur Ezra. « C’est une blague.. » Souffla-t-elle avant de boire une gorgée de son verre. Elle ne pouvait vraiment plus se la voir en peinture. Elle allait encore lui faire du mal, c’était sûr. Elle soupira avant de finalement se prendre au jeu. Pourquoi pas après tout. Elle n’avait pas envie de débattre sur la vie sentimentale de son ex. Ce n’était pas le moment, ni l’endroit. Surtout pas après ce qu’il venait de se passer. Alors qu’avait-il pu bien faire.. « Je sais pas.. T’as crevé ses pneus ? » Elle rit légèrement avant de lancer une nouvelle proposition. « Ou pire.. T’as voulu jouer au chevalier servant en déclarant ta flamme à Ginny sous ses yeux ? » Elle haussa un sourcil. « Ou tu t’es fait passer pour son amant devant lui ? » Elle secoua la tête en riant de nouveau. Elle n’en croyait pas ses yeux. Ginny était devenue la femme de quelqu’un et Ezra les a probablement interrompus dans leur mélodrame.

Il la faisait languir, il le savait, et il aimait ça. Il aimait voir comment elle trépignait d’impatience de savoir ce qu’il avait bien pu faire. A un moment même, alors qu’Ezra prononçait une phrase, elle lâcha son morceau de pizza, comme si elle était choquée par ce qu’il venait de dire. Mais dans sa lancée, il n’avait pas fait attention à quelles paroles ce geste répondait. C’est qu’après qu’il eut fini de parler et qu’un petit silence se fit avant qu’Amelia reprit la parole qu’il put enfin comprendre. « Attends.. Je rêve ou tu viens de dire mari là ? Ginny est mariée ? Pour de vrai ? » Il s’arrêta dans la dégustation de sa pizza, comprenant réellement la situation. Il était vrai qu’ils ne s’étaient pas vu depuis deux semaines, et tellement de choses pouvaient se passer en deux semaines. Il n’avait juste pas compris qu’il s’était passé pas mal de choses sérieuses de son coté dont Amelia n’était pas au courant. La jeune femme était d’ailleurs tellement choquée par cette nouvelle qu’elle avait utilisé un volume sonore plus haut qu’à l’accoutumé, si bien que la moitié des personnes se situant autour d’eux s’étaient retournés. Ils se firent envoyer voir ailleurs gentiment par Amelia, et Ezra soupira pour revenir à leur conversation. « J’avais pas pensé que t’étais pas au courant de cette partie là de l’histoire. Oui, elle est mariée. Apparemment, mariage arrangé par ses parents - j’étais pas plus étonné que ça d’apprendre cette partie là de l’histoire par contre. » « C’est une blague.. » Ezra eut un petit rire nerveux. « J’aurai bien voulu que ça en soit une, crois moi, ça m’a encore un peu plus anéanti quand j’ai compris ça. » La bonne humeur qu’il avait eu depuis le moment où ils étaient entrés dans la pizzeria semblait s’être légèrement envolée. Ezra était reparti dans ses pensées, ses souvenirs, du moment où il avait compris que Ginny était mariée. Qu’il avait compris que son coeur semblait appartenir à un autre homme, mariage arrangé ou non. Après tout, un mariage arrangé pouvait largement tourner au mariage d’amour en cinq ans de vie commune, qu’importe la raison de base. Et c’était peut-être ce qui blessait le plus Ezra. Après cinq ans à vivre avec un homme, quelles étaient les chances de son côté à lui qu’il avait de regagner le coeur de la demoiselle, si tel était son désire malgré tout ce qui s’était passé entre Ginny et lui ? « Je sais pas.. T’as crevé ses pneus ? » Il releva alors le regard vers Amelia qui semblait vouloir maintenant se prendre au jeu. Tant mieux, il savait qu’elle trouverait toujours une phrase pour le faire rire - c’était déjà le cas, un petit sourire se montrait sur le visage d’Ezra. « J’aurai pu, mais je ne savais pas quelle voiture il avait. » Mais c’était une idée à garder dans un coin de sa tête au cas où les choses dégénèreraient entre l’autre jeune homme et lui. Ou pas. Ce n’était pas dans les habitudes d’Ezra d’avoir des pensées de type vengeance comme ça. Il est plutôt pacifiste lui, il avait l’impression ces derniers temps qu’il devait constamment se le rappeler. « Ou pire.. T’as voulu jouer au chevalier servant en déclarant ta flamme à Ginny sous ses yeux ? Ou tu t’es fait passer pour son amant devant lui ? » Ezra joignit son rire à celui d’Amelia. Elle débordait d’idées, comme si elle avait pensé à ce genre de situation toute sa vie, et à savoir comment elle réagirait. Ezra mangea un nouveau morceau de pizza avant que cette dernière ne refroidisse - d’accord, leur conversation méritait qu’il s’y arrête et qu’il y réponde mais on ne gâchait pas une pizza qui sortait tout juste du four. « J’aurai pu, j’aurai pu aussi. Mais j’ai attendu que Ginny soit partie, qu’elle soit rentrée à l’intérieur de l’hôpital pour aborder le mec. Et je crois que Ginny ne m’aurait jamais pardonné d’avoir fait ça. Non, j’ai fait quelque-chose que j’aurai jamais pensé être capable de faire. On prenait un café, on discutait et je sais plus exactement à quel moment c’est partie en couilles mais… J’ai fini par lui foutre un pain. » La fin de sa phrase, Ezra l’avait prononcé plus bas, comme pour montrer à quel point il n’était pas fier de cet acte. Oui, sur le moment, ça avait fait du bien, mais il n’avait pas à en arriver là. Ce n’était pas courtois et pas approprié, après tout Bailey n’avait peut-être même pas eu vent de l’existence d’Ezra jusqu’à ce moment là, peut-être que Ginny et les parents McGrath surtout s’étaient fait un malin plaisir à ne pas le mentionner du tout. Ezra n’était pas digne d’être mentionné de toutes façons pour eux.