Le soleil était présent et aveuglait les yeux d’Emily. Elle les plissa donc pour essayer de capter autre chose qu’un gros spot blanc. Elle arrivait tranquillement à voir des enfants qui couraient un peu partout avant de fixer ses pieds pour une seconde fois. Sa sœur avait insisté pour aller prendre une marche prétextant que le beau temps leur ferait du bien. Elle n’avait pas tout à fait tord. Emily avait retomber dans une phase où sortir ne lui plaisait pas du tout. Elle avait besoin de solitude, mais la demande de Jessy était trop précipitée pour qu’elle puisse chercher une excuse valable et de plus, elle continuait à faire des efforts pour les inquiéter le moins possible. Elle et Henry avaient passé par différents niveaux d’inquiétude à propos d’Emily. Cette dernière voulait que ça l’arrête une bonne fois pour toute.

Emily sortit tranquillement de ses pensées par la remarque de Jessy qui lui reparlait du weekend dont elles avaient vaguement mentionné il y a de cela un petit bout de temps. Passé du temps avec sa sœur était quelque chose qui, autrefois, lui faisait le plus grand plaisir. Elles étaient vraiment très proche. Elles pouvaient faire les pires conneries du monde, mais tant qu’elles étaient ensemble, rien ne pouvait leur arriver. Aujourd’hui, abîmée par son vécue, Emily n’avait pas fait attention aux gens qui l’entouraient, particulièrement sa jumelle et son frère, mais elle savait qu’au fond d’elle, si elle les perdait, elle perdait le soutien qui a réussi à la pousser à continuer de survivre et à réapprendre à vivre.

« Ça serait bien. À la condition que tout soit facile à planifier.» Répondit-elle en affichant un petit sourire. Pour être bien honnête, Emily avait bien envie de s’évader, mais elle n’avait pas envie de faire pleins d’efforts pour cela. «À l’attendant, tu pourrais me compter ce qui se passe avec toi ?» Ça faisait un moment qu’Emily n’avait pas vu sa sœur trainé à l’appart pour venir voir Léa ou simplement venir prendre des nouvelles. Emily savait que sa relation avec leur frère avait vécu des up and down, mais elle était pourtant convaincue que ça allait bien pour l’instant. Quoiqu’Emily n’était plus sûr de rien ces temps-ci, même si elle essayait de faire attention à ce qui se passait, elle finissait toujours par retourner dans cette humeur où tout ce qu’elle voyait c’est la mission encore et encore.

"T'inquiète, t'auras rien à planifier. J'vais me charger de tout. La seule chose que tu auras à décider, c'est quand. De la date. Tout le reste, tu t'en occuperas pas." Jessy s’était pressée de rassurer Emily. Pas qu’Emily n’avait pas envie d’y aller, mais plutôt qu’elle savait que mettre la responsabilité de se weekend sur ses épaules allaient probablement faire en sorte qu’il ne se serait jamais passé. Elle avait tendance à partir des plans qu’elle ne finissait jamais. Au moins, elle essayait de faire des plans, c’était déjà un bon début. Sauf qu’avec un peu de volonté et une personne pour la pousser, elle arrivait à s’amuser et prendre part à des activités. Emily réfléchit au moment où elle aimerait partir en weekend. N’importe lequel des congés qu’elle avait pouvait être un bon moment, mais elle pensa à sa sœur qui avec l’école devrait être surchargé dans les semaines à venir à préparer les examens et tout. « J’y penserai et je t’en reparlerai alors. » Répondit-elle en la regardant savoir si tout était correct. En jetant un coup d’œil à sa sœur, elle réalisa à quel point Jessy avait changé. Son regard était vague et distrait par on ne savait quoi et elle avait un peu l’air épuisé. Emily devait être semblable un peu, mais lorsque Jessy lui annonça la nouvelle, la bouche d’Emily forma un sourire sincère. Elle lança un « Mais c’est génial, non ? Comment Henry et les autres ont pris la nouvelle et surtout toi, comment tu prends la nouvelle ?» à l’intention de sa sœur. Elle était fière d’elle. Elle avait toujours voulu que sa famille soit heureuse dans tout ce qu’il entreprenait puisqu’il avait toujours laissé Emily atteindre ses buts aussi. « Alors on pourrait célébrer ça à la fin de ton dernier quart de travail au collège et partir après pour notre weekend, histoire de célébrer ?» Emily arrêta de parler. Elle n’avait pas eu autant d’enthousiasme depuis un certain moment. Elle savait que ses proches avaient l’impression qu’elle ne se souciait plus d’eux, mais ce n’était pas le cas. Elle voulait avant tout qu’il soit heureux et Emily croit que c’est pour ça qu’elle s’est décidée à se remettre sur le droit chemin. Sa famille et ses amis se faisaient constamment du souci pour elle, mettant parfois leur inquiétude avant leur propre bonheur. Emily en avait marre. Elle allait arrêter de repousser les gens, sauf que ça lui prendrait du temps et elle savait que si elle brusquait les choses, Emily allait prendre peur et irait se cacher, mais pour l’instant tout ce qui comptait c’est qu’elle ressentait vraiment cette émotion de fierté et satisfaction pour sa sœur et elle espérait que cette nouvelle la réjouissait autant et même beaucoup plus qu’elle.

La remarque de Jessy sur le fait qu’elle pourrait l’embarquer n’importe quand pour la kidnapper et l’amener avec elle, si Emily lui posait un lapin, la fit rire. En effet, ce n’était pas rare plus jeune de voir que l’une partait rarement sans l’autre. Même avec leur meilleur ami respectif, elle se retrouvait toujours à un moment ou un autre pour tout se raconter. Les choses avaient un peu changés depuis ce temps. Emily avait gardé pour elle tout ce qui se rapportait à cette mission. Elle n’avait pas envie de voir de la pitié dans les yeux des gens ou encore de se mettre à penser que tout le monde la trouvait faible d’avoir pris autant de temps à se remettre de ce simple événement. Les conséquences qui découlèrent de cet incident n’avaient pas aidé à faire parler Emily. Elle n’avait pas non plus envie d’impliquer ses proches dans une inquiétude par rapport à son état ou d’avoir à répondre aux questions concernant ce qu’elle pensait et comment elle se sentait à chaque jour par rapport à cela. Cependant, sa décision n’avait pas atteint le but nécessaire et même en ne s’ouvrant pas aux gens, elle avait réussit à les alarmer. Si aujourd’hui elle se disait qu’elle aurait peut-être du, elle pensait qu’il était trop tard de tout compter et de toute façon, ça l’intéressait plus personne. Et puis, maintenant elle s’en sortait, ce n’était probablement pas le moment de se replonger dans cet événement qui valait beaucoup plus à être dans les oubliettes. Et l’annonce de sa sœur préférée l’avait mise dans un bel état enthousiaste. Quand elle fit mention du fait qu’elle ne l’avait pas annoncé à Henry encore, Emily se sentit fière de voir que sa sœur lui annonçait avant. «Promis alors, je te laisse le lui annoncer toi-même, mais seulement si tu ne prends pas de temps parce que je ne sais pas combien de temps je tiendrais. » Disait-elle en blaguant. En réalité, peu importe le temps que ça prendrait, elle allait la laisser lui annoncer la bonne nouvelle. C’est vrai qu’elle ne voyait pas souvent Henry à l’appartement, mais ils étaient toujours bien heureux de se croiser lorsque ça l’arrivait. Emily était sûre qu’il allait être aussi content pour elle, qu’elle l’était présentement. Emily se fit tranquillement entraîner devant le stand de glaces pour commander deux glaces chocolat-vanille avant de donner la monnaie au marchand et de se retourner vers sa sœur à nouveau. « Aux nouvelles opportunités » Avait-elle lancé en levant son cornet dans les airs avant de prendre une bouchée. « Et puis, je suis sûre que tu vas toutes les épater avec tes connaissances et tes capacités à être entraînante. Va juste falloir faire attention aux grands garçons qui ont ses fétiches sur les sexy professeurs. » Elle prit une autre bouché de sa glace avant de l’entraîner vers un chemin pour prendre une autre marche sous le soleil qui planait au dessus de Brisbane. En regardant d'autres beaux habitants de la ville se promener eux aussi.

Parfois je me sens redevable envers Jessy. Si les situations étaient inversées et qu’elle revenait plus brisée que jamais, ça me tuerait de ne rien savoir et d’être qu’une simple spectatrice d’une autodestruction. Sauf que je considérais que de savoir pourrait être pire en même temps. D’avoir vécus les horreurs de là-bas et de les entendre, c’était loin d’être semblable. De toute façon, Jessy devait subir déjà les répercussions et c’était amplement suffisant de mon opinion. J’étais d’ailleurs contente de voir que sa vie allait bien malgré tout. Je me contentais de lui sourire lorsqu’elle m’annonce qu’elle allait apprendre la nouvelle à Henry bientôt. Puis la discussion enchaîne sur autre chose tout en marchant sur un chemin. Je me concentrais sur ma glace en essayant de la manger assez rapidement pour ne pas qu’elle fonde sur moi. Jessy répond à la négative à l’affirmation que je venais d’émettre et ça me fait rire : « Attend, tu ne viendras pas me faire croire que tes charmes n’ont marchés sur personne. » Si je n’avais pas été bien présente dans ma propre vie, je n’avais pas suivi celle de mon entourage. J’ignorais donc si Jessy s’était trouvé quelqu’un d’autre. À vrai dire, mis à part sa dernière relation avec le copain d’Henry, je ne savais rien de ce qui s’était passé de sa vie, autre qu’elle venait de recevoir cette annonce. Je me promis mentalement d’essayer d’être plus présente pour elle. "Après, par contre, ce qui risque de m'arriver, c'est qu'on me prenne pour une étudiante. Et pas un professeur." Je manque de passer le morceau de crème glacée dans mes voix respiratoires, à la place des digestives et ris. Ce moment avait fait en sorte que mon cerveau gèle pendant quelques secondes ce qui m’entraine à dire « Ah non, brain freeze. » Si je m’étais blessée plusieurs fois dans ma vie, la sensation du froid dans ma tête était assez inconfortable. Après quelques instants, je repris le train de mes pensées et lui dit « Je t’interdis de nous traiter de petite. » Oui parce que si il y avait une différence de taille entre les deux, elle n’était pas énorme. Finalement, ça me plaisait de m’être fait entraîner par ma jumelle. En souhaitant que l’ambiance de la journée reste la même. Je devrais moins sous-estimer ma famille. Elle était capable de me faire arrêter de penser pour un moment.

Justin, le gars qui trainait toujours autour de Jessy. Le Ethan de Jessy si on voulait. Ceux que je croyais ne jamais être capable de trop s’éloigner l’un de l’autre. C’était une surprise d’apprendre qu’il était parti. Pas parce que j’essayais de savoir ce qui lui était arrivé, mais parce que je ne le croyais pas capable de partir loin de Jessy comme ça. Plusieurs questions me viennent en tête, je dois me retenir de ne pas toutes les basculer dans le visage de ma soeur. Surtout que son départ semble l’avoir affecté. Compréhensible. Je ne peux m’empêcher de me demander si c’est comme ça qu’Ethan s’est senti quand j’ai décidé de m’éloigner de lui, mais Jessy, elle parle de lui quand on parle de fréquentation, alors la surprise vient d’un coup. « Attend, t’es sorti avec Justin ? » C’est après que je réalise que je n’aurais peut-être pas du être aussi direct. Surtout si le sujet était encore sensible. La relation entre nous deux s’est un peu changé quand je suis revenue. Jessy et moi n’avions pas peur de tout nous dire ou encore de remettre l’autre à sa place quand les choses dérapaient. Maintenant, c’était différent. Peut-être que Jessy me croyait plus fragile qu’avant. Je ne peux le savoir, mais ce que je sais c’est qu’au moment où j’ai fini de reparler, je regrettais déjà et j’enchaine « Désolé, je ne savais pas. Si ça peut te rassurer, je suis convaincue que vous allez vous retrouvez un jour. Vous étiez inséparable, même avec la distance. » Je ne sais pas si je parle en connaissance de cause. J’ai repoussé Ethan tellement longtemps et il réussit quand même à frayer son chemin jusqu’à moi, dans des circonstances hasardeuses. Bref, ce n’était pas le moment de penser à lui.

Je regarde Jessy qui riait de moi et fait une face de choquer. « Un peu de support quand même ! » je dis en souriant. On enchaine donc la discussion sur notre grandeur. « C’est vrai, je devrais commencé à voir ça comme un avantage. » C’est vrai que pendant les camps d’entrainement, les gens avaient tendance à me sous-estimer à cause de ma grandeur et de mon genre, mais je réussissais à leur prouver que ça ne changeait rien. Encore une fois, j’aime mieux ne pas y penser en ce moment. Mon passé revient toujours, je ne peux jamais m’en sauver. Sois par des cauchemars, souvenirs, retrouvailles ou rencontres fortuites avec d’anciens collègues, mais si rien ne me ramenait à ces moments-là de ma vie, j’aime mieux ne pas le provoquer par moi-même. J’essaye rapidement de changer de sujet, pour combler le silence. « J’arrive pas à croire qu’on vieillit d’un an bientôt. Ça passe trop vite. » Trop vite, de toute façon, la notion du temps était floue pour moi. Des jours, je veux juste avancer le temps pour pouvoir me rendre au moment où le passé restera derrière moi, où il arrêtera de toujours me rattraper.

Je suis encore plus surprise de savoir que tout ça s’est passé la fois où ils sont allés à Londres. Donc, ça ne datait quand même pas de leur plus jeune enfance. C’était plus récent. Jessy me rafraichit la mémoire des évènements, heureusement, et enchaîne sur des excuses. Probablement qu’elle ne voulait pas se faire trop d’espoir et je la comprenais. J’en savais beaucoup à ce sujet et même s’il me coûte de l’avouer : à plusieurs reprises, la vie m’a montré que j’avais eu tord d’abandonner et de perdre la minime onze d’espoir qu’il me restait. Les circonstances n’étaient peut-être pas autant sur le bord de la vie et de la mort que dans mon cas, mais j’espérais que la vie finisse par prouver le contraire à ma jumelle. Après tout, on a tous besoin de cette personne qui nous remet en place et qui compte pour tout. Une chose est sûre c’est que j’étais troublée par la relation entre les deux. Je n’étais donc pas la seule qui cachait cette partie là de ma vie. Quoique je n’avais rien vécu de sérieux. Je regarde ma sœur qui avait l’air si désespérée et clore le sujet en disant « Tu verras bien ce que la vie te réserve. » Je n’allais pas la contredire à ce sujet. Elle finirait par le découvrir elle-même que des amitiés comme ça, ça se retrouve avec le temps et parfois, c’est comme s’il n’y avait rien de changer, d’autres fois c’est embarrassant, mais tout de même surprenant. Parlant de temps, les choses tournaient rapidement sur le sujet de l’âge. Bien sûr, pour Jessy ce n’était probablement qu’un chiffre qui changeait, mais pour moi c’était un peu plus que ça. Un peu comme une claque dans le visage, une réalisation sur le fait que j’avais perdu beaucoup de temps dans ma vie. Énormément et maintenant, je ne sais même pas quels sont mes objectifs à part mettre un pied après l’autre pour avancer, même si le pas prend cinq minutes à faire. Après, je suis surprise de savoir qu’elle avait croisé Ethan récemment. Elle avait plus ou moins entendu parler de lui après la soirée du jour de l’an. Je ne fais pas de remarque là-dessus, même si mon visage en dit surement beaucoup sur mon étonnement. D’un autre côté, Brisbane est une grande ville, mais petit à la fois. « Mouais, mais ça fait peur quand tu ne sais pas où tu t’en vas. » Je n’avais, en fait, aucune idée si c’était vraiment le cas pour lui. J’essayais juste de lui trouver une excuse, comme je l’ai toujours fait. À continuer à marcher comme on l’avait fait sans s’arrêter, on était vite revenue à notre point de départ. C’est-à-dire la porte d’entrée de l’appartement d’Henry, où je vis. Je ralentis le pas avant de me retourner vers elle « Merci de m’avoir sorti un peu de l’appartement. » J’aurais aimé lui dire que c’était apprécier de la revoir aussi, mais les mots restaient dans ma bouche. Je n’ai jamais été très bonne pour dire ce que je ressentais vraiment. « Si jamais tu veux faire quelque chose de spéciale pour le changement du 5 au 6, tu me tiendras au courant. » Je lui souris et lui serre le poignet avant de m’éloigner vers la porte d’entrer.