« Joanne ! Mon trésor tu es si belle ! » La modulation suraiguë de Victoria résonne dans tout son bureau alors que celle-ci se lève de son grand fauteuil en cuir rouge, bras grands ouverts afin d'attraper la jeune femme et coller un baiser plein de gloss sur ses deux joues roses. Elle l'étreint quelques longues secondes puis s'écarte et la scrute attentivement, de haut en bas, sous toutes les coutures, son oeil aiguisé ne ratant aucun détail. « Vraiment, splendide. Cernée, mais splendide. » La modeuse se tourne ensuite vers moi avec le plus large des sourires qu'il puisse être possible de faire avant d'arriver au point de se fendre les joues. Ses longs bras squelettiques entourent mon cou, j'ai aussi droit à un baiser collant et pailleté sur la pommette. « Jamie, je suis tellement contente de vous voir tous les deux, ça fait des mois. » En effet, la grossesse de Joanne suivant son cours, celle-ci ne pouvait plus vraiment se permettre de se pavaner avec le grand manitou de Vogue dans des cocktails à ma recherche, et après le retour de nos fiançailles, nos priorités ont été toutes autres. Mais notre fils a plus d'un mois désormais, la vie reprend son cours, et surtout, notre date anniversaire arrive à grands pas. C'est dans cette optique que j'ai amené ma fiancée ici et que j'ai arrangé ce rendez-vous sans lui en toucher un mot. Une autre de mes surprises. Mais pas sûr que celle-ci lui plaise dans l'immédiat. « Coupe cette tignasse, veux-tu ? » lance Vee en passant ses longs doigts dans mes mèches brunes pour les décoiffer. La femme se penche enfin vers le transat posé au sol, réussissant par on se sait quel miracle à se tenir accroupie dans sa jupe tube en cuir enduit (qui souligne si bien les os saillants de ses hanches soit disant passant). « Et c'est le petit Daniel ? Viens voir tatie Vee ! » dit-elle en le prenant dans ses bras allumettes, cet immense sourire ne la quittant pas une seconde. Je me mords les jours pour m'empêcher de pouffer en voyant la bouille du petit qui dévisage cette étrange femme comme s'il avait peur de finir en quatre-heures. « Seigneur, qu'il est à croquer. Vous me direz, vous ses parents, rien d'étonnant. » Victoria nous adresse un regard complice et repose Daniel dans le transat. Elle ne manque pas de passer une noisette de gel hydroalcoolique sur ses mains fripées -on ne sait jamais quel genre de miasmes transportent les bébés, c'est traite ces bouilles là. « Bon, on s'y met les enfants ? Allons-y ! » lance-t-elle finalement en se dirigeant vers les portes de son ascenseur personnel. Une fois tous à l'intérieur, elle appuie sur le bouton menant vers l'un des plus hauts étages. « Tu t'es mise au français ? » je demande, gardant mon ton moqueur pour moi. Je sais que Victoria a de nombreuses lubies passagères, qui sont parfois des langues étrangères qu'elle apprend nuit et jour pendant deux semaines avant de s'en lasser et d'arrêter. Mais pendant ce laps de temps, elle est soudainement persuadée d'être bilingue et place des mots du langage en question dans à peu près toutes ses phrases, afin de se donner un air chic. « Oui, oui, je me suis dit que je ferais un effort pour la Fashion Week de Paris cette année. C'est dans deux semaines tu sais. Tu viendras ? Non, suis-je bête, tu as mieux à faire. Bref, les français sont si mauvais en anglais, je me suis dit que j'allais en apprendre juste assez pour pouvoir moi aussi massacrer leur langue devant leur nez. » Je lance un regard amusé à Joanne. Victoria est le genre de personnage fascinant dont les frasques ne peuvent pas lasser. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur un grand studio de photo. Une large toile blanche est étendue d'un bout à l'autre de la pièce, un tas impressionnant d'habits sur une multitude de cintres sont exposés à l'opposé de la pièce, et quatre ou cinq miroirs lumineux sont disposés à côté, sur des tables où débordent plus de palettes de maquillage qu'on ne puisse imaginer. Au garde à vous, au centre de la salle, trois soldats de la mode. « Voici Dorian, notre grand maître de la photo, Sally, prêtresse du blush et du brushing, et Olga qui sait fermer un corset si bien qu'elle vous donne l'illusion de toujours pouvoir respirer. Pas de ça pour toi Joanne, ne t'en fais pas. Ils vont s'occuper de vous pour les prochaines heures. » Cette fois, je fuis le regard de la jeune femme qui ne doit pas comprendre grand-chose à ce qu'il se passe autour d'elle. Ou qui, au contraire, ne le comprend que trop bien et serait prête à m'assassiner s'il n'y avait pas autant de témoins. « C'est une merveilleuse idée qu'a eu ton fiancée, merveilleuse. Je suis certaine que ça te fera le plus grand bien. » Ladite Sally fait signe à Joanne de la suivre et l'assied devant l'un des miroirs. Pendant ce temps, Victoria fait le tour des présentoirs afin de déterminer quelle tenue sera enfilée la première. Nous sommes un peu seuls juste une minute. « Cette fois, tu peux m'en vouloir pour la surprise. » dis-je alors avec un sourire nerveux, espérant quand même le contraire. Je reprends ; « Tu m'as dit que tu étais plutôt contente de réussir à perdre un peu de poids, l'autre jour, alors je me suis dit que ça t'aiderait à te conforter dans tes efforts, et voir à quel point tu es déjà belle. » En bref, l'idée est de la mettre tant et si bien en valeur qu'elle retrouvera un peu plus de confiance en elle et d'entente avec son propre corps. Il n'est pas question de poser de manière sexy ou suggestive, et encore moins dénudée, je l'ai bien fait comprendre à Victoria. D'ailleurs, je ne verrai toujours pas la silhouette de Joanne, elle ira se changer derrière un paravent. Elle doit seulement s'amuser. « Je serai là avec Daniel, juste à côté. »
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C'était bien le dernier endroit qu'elle imaginait aller, que ce soit avec Jamie ou non. Il lui avait encore réservé quelque chose, une surprise. Elle n'était pas forcément rassurée en rentrant dans le grand bâtiment. Victoria l'accueillait à bras ouvert, profondément ravie de revoir sa petite blonde, après des mois d'absence. Joanne lui rendit l'étreinte, un peu plus nerveusement, encore plus après qu'elle l'ait complimentée. La grande dame enlaça également Jamie et lui fit une remarque qui fit bien sourire la fiancée. Victoria s'intéressa ensuite à Daniel. Elle était totalement émerveillée par sa petite bouille et n'hésite pas à le prendre dans ses bras. L'enfant semblait des plus perplexes et ne devait pas comprendre grand chose à ce qu'il se passait. Il retrouva vite sa place dans le cozy. Victoria fut soudainement pleine d'entrain et embarqua avec elle la petite famille dans l'ascenseur. Joanne restait silencieuse la majorité du temps, encore un peu impressionnée, et se demandant bien ce que les deux là avaient pu lui préparer. Apparemment, la directrice de Vogue s'était mise au français pour pouvoir tenir une conversation durant la Fashion Week, bien déterminée à rendre la pareille à cette population, qui était aussi mondialement connu pour être particulièrement misérable quant à la maîtrise de langues étrangères. Ils arrivèrent enfin à destination, révélant une scène que Joanne ne voyait que par des vidéos, des films, ce genre de choses. Le voir en vrai la perturbait assez, et elle restait longuement murée dans son silence. Elle ne comprenait pas grand chose à ce qu'il se passait. Impressionnée, elle restait très près de Jamie tandis que ses yeux bleus observaient absolument tout. Victoria leur présenta alors quelques un de ses employés, ce n'était pas difficile de deviner qu'elle devait les adorer, et qu'elle aimait surtout leur travail. Elle comprenait dans quoi on venait de l'engouffrer mais refusait un peu de l'admettre, ne réalisant certainement pas tout ce qu'il se passait. Victoria lui fait clairement comprendre que ça ne concernait que la petite blonde. Une surprise bien organisé par son fiancée. Sally fit signe de loin à Joanne, afin qu'elle s'approche et s'occupe d'elle. Encore bien dubitative, elle finit par s'asseoir devant l'un des miroirs, dont les nombreuses lumières qui l'entouraient l'éblouirent facilement. La maquilleuse n'avait pas tout son matériel et s'éclipsa pour chercher les derniers éléments qui lui manquaient. Jamie s'approcha alors de sa belle, avec un sourire nerveux pendu à ses lèvres. Elle le regardait encore, les yeux un peu ronds, bien perdue. Il avait jugé bon de trouver un moyen de la mettre en valeur compte tenu des propos qu'elle lui avait partagé quelques jours plus tôt. Joanne bégaya longuement, partagée par beaucoup d'émotions en même temps. Elle finit par rire nerveusement. "C'est complètement dingue, de pouvoir organiser des trucs pareils." Elle fuyait un peu le regard de Jamie, par timidité. "Enfin, je veux dire, tout ça pour moi." Ses yeux bleus regardaient une nouvelle fois tout ce qui l'entourait. Elle pensait qu'il voulait qu'elle retrouve confiance en elle, peut-être même encore plus qu'avant. C'était peut-être pour lui la meilleure façon de le lui prouver. La jeune femme croisa ses doigts avec les siens. "Tu restes pour de vrai, hein ?" lui demanda-t-elle même s'il l'avait dit quelques minutes auparavant. Sally revint d'un pas hâtif vers son nouveau modèle. "On se détend et on se laisse faire, d'accord ?" dit gentiment la maquillage, le pinceau en main. Elle avait un air des plus sympathique, mais Joanne acquiesça tout de même d'un signe de tête, peu rassurée. Elle était perturbée d'être ainsi bichonnée, pouponnée jusque dans le moindre détail. Les lèvres, les yeux, le teint. Mais tout restait très naturel, assez fidèle à elle-même. Sally s'occupa ensuite de ses cheveux, mettant en valeur ses boucles naturelles, donnant un peu plus de volume. Au bout de quelques dizaines de minutes, le maquillage était terminé. Victoria l'embarqua ensuite en lui prenant la main. La jeune femme regardait d'un air un peu alarmé son fiancé, qui lui avait plutôt l'air amusé, et qui lui faisait un geste de la main d'y aller. Devant le présentoir avec les différentes tenues, Victoria dit tout bas. "Jamie a à tout prix insisté pour que les tenues te ressemble. Que tu restes toi. J'ai essayé de négocier des belles robes de soirée, avec de la dentelle, un peu de transparence, mais pas moyen ! Il sait ce qu'il veut, le Keynes. Mais je te jure que tu serais magnifique dans une robe de créateurs." Joanne haussa timidement les épaules. "Qu'est-ce qu'il y a ?" "Je ne suis pas sûre de pouvoir porter des tenues de créateurs, comme tu dis." "Et pourquoi ça ?" "Je n'ai pas vraiment le profil pour. Et il n'y a pas vraiment d'occasion où je peux en porter. J'ai pas envie de me faire trop remarquer. J'ai... J'ai peur des regards que l'on peut poser sur moi." Victoria regardait la jeune femme d'un air attendri. "Si les regards se posent sur toi, ce ne sera que pour t'admirer, ma belle. Tu as clairement la bouille de celle qui se dit que son amoureux ne lui verse que des compliments à cause de ses sentiments." Elle demanda à l'un de ses assistants qui était près d'elle de s'éloigner. "Tu sais, Jamie est particulièrement réputé pour repérer les belles choses, savoir comment les mettre en valeur. Et là je pense qu'il veut mettre en avant la plus chose qu'il puisse avoir." lui dit-elle d'un air confiant. "Il est raide dingue de toi, ma chérie, et il ne cherche qu'à faire ressortir le meilleur de toi-même. Il est aussi doué pour ça." Victoria lui fit un clin d'oeil et l'invita à se changer derrière le paravant. Elle avait sélectionné elle-même les vêtements. La première tenue se composait d'un haut blanc, assez fluide et d'une jupe bien plus scintré. Elle avait gardé sa bague fiançaille. Cela faisait aussi une éternité qu'elle n'avait plus mis les pieds dans des escarpins, mais l'habitude ne s'était absolument pas perdue lorsqu'elle se mit à marcher et à se présenter aux personnes présentes, bien qu'elle était très embarassée. Joanne regarda très timidement son fiancé, même si elle avait le sourire aux lèvres. "Vous voulez bien vous mettre en place, Miss Prescott ?" demanda le photographe en s'approchant d'elle, déjà prêt à mitrailler. "Je ne suis pas sûre d'être très photogénique." "Vous déconnez, j'espère ?" Il rit. "Restez juste vous-même. Il y a bien assez de personnes expérimentées autour de vous pour vous porter quelques conseils." Il fallut assez de temps avant que Joanne ne trouve un peu ses aises.
Tout comme sa mère, Daniel semble à la fois impressionné et dubitatif face au nouvel environnement qui lui est présenté. Tant de choses à découvrir, de lieux, d'objets, de visages… C'est épuisant pour un si petit être et toutes ces émotions pourraient faire craquer ses fragiles petits nerfs. Mais notre fils reste sage dans son cosy, ses grands yeux bleus bien ouverts glissant partout comme ceux de Joanne, ses sourcils se fronçant parfois, sa petite bouche formant un rond bien dessiné. Dans le petit espace qui sert de loges, je le positionne de manière à ce qu'il ne soit pas agressé par les lumières. La jeune mère a bien du mal à réaliser où elle se trouve et ce qu'il se passe. « Ca n'est que pour une ou deux heures, et ça sera déjà bien assez fatiguant comme ça. » Entre les flashs qui viennent de toutes parts, les indications du photographe qu'il faut suivre avec attention, quitte à répéter vingt fois le même geste, les changements de tenue, les retouches de maquillage, sous oublier la chaleur de tout cet éclairage. Joanne dormira sûrement dans la voiture sur le chemin du retour pour la maison. Je serre doucement sa main dans la mienne avec un sourire se voulant rassurant. « Bien sûr que je reste là, je ne raterais ça pour rien au monde. Daniel non plus, d'ailleurs. » Avant que Sally ne s’attelle à rendre ma fiancée plus belle qu'elle ne l'est déjà, je l'embrasse tendrement et dépose un autre baiser sur sa joue. « Ca va bien se passer, il n'y a aucune publication de prévue des photos. Nous en aurons une copie juste pour nous. » Je laisse les professionnels s'activer autour de la jeune femme qui, une fois maquillée, se change et réapparaît dans une tenue qui laisse déjà parfaitement voir qu'elle a retrouvé une taille fine qui satisferait n'importe qui -sauf elle. Elle est nerveuse comme tout. Je lui adresse un clin d'oeil encourageant alors qu'elle se met devant l'appareil photo. Pour ma part, je tire Daniel de son siège pour le prendre dans mes bras et l'assied sur mes jambes, adossé contre moi. « Je ne t'avais pas dit que ta maman est particulièrement belle ? » je lui murmure avant de l'embrasser sur le haut du crâne. « On se détend, Joanne, on se détend. » Facile à la dire, la connaissant. J'espère que Victoria a déniché un photographe patient. « On va commencer simplement, faire des jolis portraits. Tu te tiens bien droite, tu relèves le menton -non pas trop, quand même, votre Majesté- , tu peux croiser les mains devant toi si tu veux -cesse donc de jouer avec tes doigts, chérie-, mais pas comme si tu sortais du couvent, et tu me souris comme si tu avais quelqu'un que tu adores devant toi. » Vee est apparue derrière moi. Ses longs doigts se permettent encore de froisser mes mèches brunes, les tripoter à tout va. « Tu ne veux vraiment pas que je demande à Sally de te tailler tout ça rapidement ? » Je soupire. « Laisse donc mes cheveux tranquilles. » « Mais juste quelques centimè... » « Pas touche ! » Elle se résigne, bras croisés, la mine boudeuse comme une enfant de six ans. « Bien, évite de te crisper, ça te fait un double menton. » lance Dorian avec un sourire taquin. Les photographes tâtent toujours le terrain pour trouver les mots afin de faire rire leurs modèles et les détendre -lorsque celles-ci ne sont pas professionnelles, les mannequins savent généralement très bien rester détendues devant un objectif. « Maintenant tu te tournes -un peu moins, encore, encore, là, c'est bon- et quand je dis ''fraises chantilly'', tu me regardes par dessus ton épaule. » Des poses classiques, rien de compliqué. Je pense surtout que le jeune homme cherche à l'habituer à l'éclairage et en profite pour la voir sous toutes les coutures, ce qui lui permet d'avoir des idées de poses qui la mettront en valeur par la suite, le tout sans qu'elle ne s'en doute trop. Je me lève avec Daniel dans mes bras histoire de me dégourdir les jambes et regarde superficiellement les tenues sur les présentoirs. Je parie de Joanne n'a pas la moindre idée du prix de ce qu'elle a sur le dos. « Je me suis quand même permise de lui suggérer d'essayer quelques belles robes, mais ça ne lui dit vraiment rien. » Je hausse les épaules, sans surprise. « Je te l'avais dit. Plus tard peut-être. Quelque chose dans ce goût là. » Je tire d'entre les robes de soirée un modèle en satin fluide d'un bleu profond et largement fendu le long de la jambe gauche. Après tout, Joanne complexe surtout sur le haut de son corps, notamment son ventre. Elle devrait pouvoir enfiler une robe de ce genre, une texture plus sensuelle qui dévoile l'une de ses jolies jambes. « Ok, maintenant que la mise en bouche est faite, on passe aux choses sérieuses. Va te changer pendant que je remballe la toile de fond. » La jeune femme reprend place sur sa chaise le temps de respirer un peu. De leur côté, Victoria et Sally se mettent d'accord sur le prochain ensemble et le maquillage à accorder en fonction. « Tu seras plus à l'aise au fil des minutes, ne t'en fais pas. » dis-je en reprenant ma place auprès de ma fiancée. Je ris doucement. « Enfin, je dis ça, mais je suis une catastrophe pour ce genre d'exercice, et je finis moins à l'aise à la fin qu'au début. » Je me trouve vraiment particulièrement mauvais en matière de shooting photo. Je comprends rarement ce que le photographe attend de moi, je n'en fais qu'à ma tête, et je n'ai pas assez de patience pour tenir une pose pendant un certain temps ou refaire le même cliché plusieurs fois. « Tu te débrouilleras mieux que moi, j'en suis sûr. » De l'autre côté, Dorian a terminé de remballer la grande toile blanche, dévoilant tout le reste de l'étage qui se cachait derrière et qu'il a aménagé pour l'occasion. On trouve de tout. Une grande fenêtre donne une vue imprenable sur Brisbane. « Avec le décor, tu devrais pouvoir t'amuser. »
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Essayer de faire rire Joanne alors qu'elle était au summum de la nervosité était un exercice particulièrement difficile. Encore moins pour un photographe qu'elle n'avait jamais croisé jusqu'ici. Elle savait qu'il essayait un peu de la mettre à l'aise, pour qu'elle se dévoile un peu plus par la suite, peut-être. Mais cet humour n'opérait pas sur elle à cet instant là, elle se contentait simplement d'écouter ses consignes. Il y avait pas mal de gestes qui trahissaient sa nervosité et le photographe les avait toute remarquées. Malgré tout, elle restait très naturelle. Pas de sourire forcé, de pose extravagante, ce n'était que des choses qui lui ressemblaient, qui s'associaient facilement à sa personnalité. Après quelques minutes de poses maladroites et incertaines, le photographe dit à la jeune femme d'aller se changer et se refaire une beauté. Elle s'installa sur la même chaise qu'auparavant, Jamie ne tarda pas à la rejoindre avec Daniel dans les bras, imperturbable. "Ca me paraît surtout difficile pour le moment." lui confessa-t-elle, en regardant le photographe qui était en train de juger l'espace et avoir des idées sur ce que son modèle pourrait faire. "J'ai l'impression de ne rien faire comme il faut." Elle n'avait aucune expérience en la matière, et, forcément, elle ne se trouvait absolument pas douée pour ce genre de choses. "Mieux que toi ? Vraiment ?" lui dit-elle en haussant les sourcils en ne le croyant absolument. "Il suffit juste que tu sois toi-même devant un objectif pour que tout le monde vienne baver devant les photographies." Elle hocha négativement la tête, avec un léger sourire sur les lèvres. Victoria l'invita à la rejoindre pour qu'elle mette la tenue suivante. Avant de se lever, Joanne dit tout bas à son fiancé, amusée. "Vous un bien piètre menteur, Mr. Keynes." Elle lui vola un baiser et fila. A vrai dire, elle ne savait pas si Jamie lui avait déjà menti un jour. Joanne était capable d'avaler tout ce qu'il pouvait raconter, et elle ne s'était jamais posée la question s'il en avait abusé une fois, ou plus. Victoria joignit ses propres mains entre elle et demanda tout bas à sa nouvelle favorite. "S'il te plaît ma belle, juste une robe de soirée, juste une. Je suis assez certaine que tu vas l'aimer à vrai dire." Victoria ne cessait d'insister pendant de longues minutes, et la belle blonde finit par céder. Une fois qu'elle l'avait sur les épaules., elle demanda à la patronne de Vogue. "Vous êtes vraiment sûre de vous, Vee ?" Elle regarda la belle blonde de haut en bas, émerveillée, et fut plus que convaincue de ce qu'elle voyait. "Je savais qu'elle vous irait à merveille. Comme si elle était faite pour toi." Joanne souriait un peu par nervosité, elle n'avait clairement pas l'habitude de porter de telles robes. Elle était d'un bleu pastel, très peu agressif pour les yeux, avec des décorations cousus à même le jupon, à certaines parties uniquement, gardant un ton très proche de la couleur du tissu, qui s'apparentait à de la mousseline. Des détails très discrets, qui s'inspirait toujours de la nature, de feuilles et de fleurs, et qui pourtant faisait toute la différence. Il y avait également une considérable chute de rein, mais qui n'avait vraiment aucune extravagance. L'avant était assez sobre, il y avait une fine ceinture d'une couleur bien plus foncée pour contraster le tout. On avait fait enfiler alors à Joanne des escarpins blancs. Victoria ajouta d'elle-même une très fine chaînette argentée autour de son cou, et qui redescendait sur son dos, afin de l'habiller un peu plus. Sally ne touchait pas vraiment au maquillage, ni à la coiffure. Joanne avait un peu l'impression d'être une princesse. Elle finit par se dévoiler, assez nerveusement, mais avec un large sourire, ne parvenant pas à mettre un mot sur ce sentiment particulier. Peut-être qu'elle se trouvait belle, dans cette robe-là. Elle fit un rapide tour sur elle-même pour le montrer à son fiancé, mais Victoria l'invita rapidement à aller au milieu du décor. Même le photographe n'en revenait pas. "Fais-le vraiment comme tu le sens." dit-il alors, prêt à mitrailler. Il profitait souvent de l'éclairage de l'immense baie vitrée pour la mettre en valeur. La jeune femme était d'abord très nerveuse, ne sachant pas quoi faire, le photographe l'invita à se lâcher, à faire ce que bon lui semblait. Alors elle tentait d'abord de tourner sur elle-même, faisant virevolter les tissus, ou il la photographiait pendant qu'elle découvrait simplement le décord, l'incitant parfois à s'installer dans un fauteuil, à grimper quelques marches d'une estrade, à se laisser balancer contre l'un des poteaux métalliques, glissant ça et là quelques phrases qui la faisaient rire. Victoria s'approcha de Jamie, tenant à lui glisser. "Tu vois ? Fallait juste un peu insister sur une chose qu'elle ne voulait pas porter, et regarde le résultat." Elle rit, pleinement satisfaite de sa réussite. "C'est une robe de Zuhair Murad. Je serai presque tentée de lui envoyer quelques clichés. Elle en a déjà plus d'un dans sa poche sans même le savoir."
Se dévoiler devant un appareil photo semble toujours difficile au début. Aucun mouvement ne semble naturel, les sourires sont un peu forcés, les muscles crispés. On pense tout faire de travers -ce qui est sûrement le cas- et c'est un cauchemar teinté de ridicule. Pourtant, je ne doute pas que Joanne trouvera vite ses marques et sera parfaitement à l'aise devant l'appareil de Dorian d'ici quelques minutes, même si elle ne me croit pas lorsque je lui dis qu'elle ne peut qu'être meilleure que moi à cet exercice. Comme Roxy à l'époque, elle pense qu'il suffit de me mettre devant des flashs pour que cela rende des photos prêtes à publier, ce qui est loin d'être le cas. Je meurs de nervosité et de timidité devant un appareil photo de professionnel, cela se voit à des kilomètres. Le portrait si simple et basique qui a été utilisé lors de la première campagne pour l'émission avait demandé deux heures de travail. C'est dire quelle calamité je suis. « Ne dis pas n'importe quoi. Je t'assure que c'est aussi difficile pour moi que pour n'importe qui. » dis-je même si elle n'en croit pas un mot. Il est vrai qu'elle m'a seulement vu devant le crépitement des flashs qui bordent les tapis rouges lors des sorties où nous avons été ensemble, et il est vrai que ces moments m'amusent un peu. Je ne semble pas mal à l'aise devant eux, au contraire, je joue de bonne foi avec les objectifs et réponds aux appels provenant de tous les côtés pendant quelques longues minutes quand certains s'échappent au bout de quelques secondes. Je trouve ces moments plus drôles et spontanés, et puis, c'est un passage obligé. Ce doit être le studio qui me rend nerveux. Joanne ne tarde pas à retourner se changer, et sort un moment plus tard dans une magnifique robe. Hypnotisé, je reste sans réaction, sans voix ; seul un sourire un peu niais anime le coin de mes lèvres. J'admire sa silhouette parfaitement mise en valeur, son dos dénudé. « C'est bien dommage que tu dormes, bonhomme. » je murmure à Daniel qui s'est assoupi et que rien ne pourrait perturber. « Tu rates le meilleur. » Mon regard ne quitte pas ma fiancée une seule seconde, m'en perdant pas une miette. Attendri, je l'observe jouer un peu avec le décor, arborant cet adorable sourire, et cet éclat dans son regard bleu qui fait tout son charme. Absorbé par la contemplation de ma belle adorée, mon coeur accélère parfois lorsqu'un de ses rires cristallins résonnent, quand ses cheveux se balancent dans l'air, quand elle m'adresse juste un coup d'oeil complice. Je n'entends pas Victoria qui s'approche de moi, et ne l'écoute que d'une oreille. « Fais donc, envoie-lui. » dis-je tout bas, perdu dans mon admiration. Envoyer quelques clichés n'engage à rien. Peut-être que Joanne aura des opportunités. Peut-être que les réponses des créateurs lui feront comprendre l'étendue de son charme. Qu'elle gagnera en confiance. « Mais je ne veux rien de publié, Vee, j'insiste. Pas sans son accord. » Elle signe d'une croix sur sa poitrine. « Promis. » Pendant quelques minutes, nous observons Joanne en silence. Je souris parfois en voyant son adorable moue joueuse, assise dans un fauteuil, se cachant un peu derrière un poteau. Elle prend ses aises plus qu'elle ne l'avouera. « Elle a beaucoup de potentiel. » fait remarquer Victoria de sa voix de serpent. « Je sais bien… Je dois te rappeler qui était mon ex-femme ? » Non, bien sûr. Tout le monde de la mode la connaît. Elle poursuit sa belle carrière, apparaît sur quelques couvertures de magasines. Je ne l'ai jamais montrée à ma fiancée, je sais qu'elle complexerait bien trop -sans raison. « Joanne est bien plus belle qu'Enora. » Je ris légèrement. « C'est bien vrai. » Enora est un canon d beauté sans charme, et encore, bien trop squelettique pour inspirer le moindre désir à qui que ce soit. Elle n'était qu'un joli visage sans réel charisme. Joanne, elle, sait capter toute l'attention malgré elle, le regard est magnétisé par sa présence, et il est impossible de s'en défaire. « Tu n'oubliera pas ce que tu me dois pour cette petite séance photo, hm ? » ne manque pas de souligner Vee en me tapant légèrement l'épaule, très fière de la négociation qu'elle a mené d'une main de fer auprès de moi pour finir grande gagnante de cet échange. « Non, bien sûr. » Il faut dire qu'elle ne m'a laissé aucun choix. De toute manière, nous en parlions depuis longtemps. « Pour le numéro du mois prochain ? » Je hausse les épaules. Qu'importe quand, je doute que Joanne soit ravie de me voir apparaître dans un numéro de Vogue, même si ce ne sont que deux ou trois pages sur les deux-cent que compte le magasine. « Comme tu veux. » Je ne comprends toujours pas pourquoi Victoria y tient tant que ça. Je maintiens que je ne suis personne, juste un type qui ne saisit pas trop d'où sort sa popularité et qui cherche à faire son bout de chemin. Juste une voix à la radio. Mais c'est Vee la patronne. Elle sait ce qu'elle veut, et pourquoi elle le veut. « Tu devrais aller avec elle. » dit-elle en me poussant un peu. Nos regards restent figés sur Joanne qui semble bien s'amuser finalement. « Non, c'est son moment. Et puis, je suis une catastrophe devant un objectif. Tu le verras bien assez tôt. » Dorian congédie ma fiancée pendant quelques minutes, le temps pour elle de boire un peu d'eau -les projecteurs déshydratent tellement- et de souffler un instant. Je me lève et m'approche d'elle, puis la prend immédiatement dans mes bras. « Tu es si belle. » je murmure, subjugué. Si je me détache d'elle, c'est uniquement pour prendre son visage entre mes mains afin de l'approcher du mien et capturer ses lèvres. Je l'embrasse langoureusement avec une passion que ne manque pas d'immortaliser discrètement le photographe. « Mon ange... » Mes doigts frôlent ses traits parfaits, sa bouche fine. Mon regard se perd complètement dans ses iris bleus. « Si nous étions seuls… Cette robe ne ferait pas long feu sur tes épaules. » je susurre tout bas, penché sur son oreille, puis je dépose un baiser au creux de son cou.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"J'ai largement de quoi faire, Joanne." dit Dorian, satisfait, en regardant rapidement son ordinateur portable sur lequel étaient envoyés tous les clichés. "Ca va être dur de faire un choix." avoua-t-il en riant. Joanne rit elle aussi, mais bien plus nerveusement. "Va boire un peu d'eau, il fait très chaud ici." ajouta le photographe, déjà bien concentré sur son écran. Elle s'approcha alors de son fiancé, un des assistants de Victoria s'approcha rapidement d'elle pour lui donner un verre d'eau qu'elle but rapidement. Le bel homme se leva et prit Joanne dans ses bras, la couvrant d'un compliment qui fit accélérer son rythme cardiaque. Il prit doucement son visage entre ses mains pour lui faire un baiser des plus langoureux auquel elle répondit avec tout autant d'ardeur. Le genre de moment où ils s'échappent tous les deux et où ils oublient où il se trouvent. La jeune femme restait ensuite immobile lorsqu'il passait sur les traits de son visage du bout des doigts, et ses lèvres, aussi. Il apporta les siennes pour lui susurrer des mots qui firent rougir de plus belle ses joues. Elle frémit sous les baisers qu'il déposa au creux de son cou, et à ses mains qui se délectaient très certainement de pouvoir à nouveau toucher la peau de son dos. Ce contact là était aussi très agréable pour elle, c'était à nouveau tout un lot de sensations qu'elle redécouvrait. Elle glissa ses doigts dans ses cheveux, alors qu'il se plaisait à couvrir la peau de son cou de baisers. Il redressa la tête, et elle parvint enfin à articuler quelque chose. "Tu es... Tu es sérieux ?" lui demanda-t-elle tout bas, les joues toujours bien roses, clairement embarrassée -il devait certainement bien se plaire à la mettre dans tous ses états. Joanne baissa un peu la tête pour voir sa robe. "Au début, je... Je pensais que ça ne m'irait pas. C'est tellement beau, avec ces innombrables détails, et je me disais que ça ne pouvait pas me correspondre. Que c'était trop beau pour que je puisse le porter, que ça revenait à des femmes beaucoup plus illustres." lui confia-t-elle tout bas. Elle haussa les épaules. "A la place, là, j'avoue que je me sens un peu comme une princesse." Elle rit nerveusement, puis revint se blottir dans ses bras. "Je ne sais pas si je peux me permettre de porter une robe longue comme ça, pour le gala. Ca ne ferait pas de trop ?" Déjà, elle ne se voyait pas forcément mettre des robes longues, alors que ça lui allait à merveille, donc les choix étaient déjà un peu plus limitées. Bien qu'elle adorait les détails, c'était certainement une chose dont elle portait énormément d'attention, elle ne se voyait pas vraiment être digne de porter une tenue avec un travail aussi précis et fin du détail. Là encore, les choix devenaient de plus en plus restreints. La seule fois où elle avait porté une robe longue, c'était au gala à Sydney. Elle espérait avoir quelques conseils de son fiancé, parce que c'était avant tout à lui qu'elle voulait plaire. Elle restait encore assez étrangère en ce domaine alors que lui était un parfait connaisseurs. "C'est le genre de robes que je n'aurai jamais pensé porter un jour. Que je ne verrai quand sur internet ou dans les magazines pour rêver un peu." Joanne l'embrassa tendrement. Victoria ne tarda pas à venir quelques secondes plus tard vers eux, en fanfare. "Tiens, Jamie, viens choisir la prochaine tenue. Tu la connais mieux que personne, après tout." lança-t-elle avec un regard plus que malicieux. Pendant ce temps, Joanne s'accroupit juste en face du cozy où Daniel dormait paisiblement. Elle lui caressa tendrement la joue. Elle ne vit pas le temps passer, et elle se redressa lorsqu'elle vit son fiancé s'approcher d'elle, lui faisant signe qu'elle pouvait aller se changer. Elle était un peu curieuse de ce qu'il lui avait choisi. Pendant ce temps, Dorian s'approcha de lui, l'ordinateur portable ouvert, qu'il tenait d'une main. "Je crois que je suis pas fichu de faire un tric. Tu prends n'importe quel cliché, sa seule présence fait déborder le tout de poésie, c'est carrément dingue. Je n'ai même pas envie d'éditer ou de réajuster quoi que ce soit, regardez par vous-même. Elle a tout ce qu'il faut pour elle."
Les joues de Joanne rougissent de nouveau comme si elle n'avait jamais été à l'aise face à l'évocation de la moindre forme de sexualité à haute voix entre nous deux. Je ne peux pas m'empêcher de rire en la voyant ainsi. J'insiste sur mes dires d'un signe de tête. Très honnêtement, nous (me) connaissant, la voir ainsi m'aurait bien assez donné envie d'elle pour que cela dérape, que ce soit ici ou de retour chez nous. Je prends une de ses mains dans la mienne et croise nos doigts. L'autre se complaît à frôler la peau de son dos tant que ce contact est permis. Je ne suis pas étonné d'entendre la jeune femme dire qu'elle ne se pensait pas à la hauteur de pareille tenue. Je suis fort satisfait qu'elle ait finalement accepté d'en enfiler une, et qu'elle se sente bien dedans. « Vous êtes ma Lady, chère future Mrs Keynes. Vous êtes une personne illustre. » lui dis-je tout bas, avant de l'embrasse délicatement sur la tempe. Je réfléchis quelques bonnes secondes à son envie d'arborer une telle robe au musée la semaine prochaine. Je m'inquiète de tous les détails en un rien de temps. Porter une robe de créateur ici, en petit comité de personnes de confiance, et à l'extérieur en soirée, ce sont deux choses bien différentes. Elle doit pouvoir assumer tous les regards posés sur elle. Et surtout, ceux de ses collègues. Ils peuvent être heureux pour elle, ou crever de jalousie et lui trouver un sacré toupet de jouer les princesses devant eux qui n'ont pas -et n'auront jamais- d'aristocrate à leur bras. Il me semble nécessaire de les prendre en compte avec un certain respect et une bonne dose d'humilité. Il y a un an, elle était dans leurs rangs. Elle ne doit pas l'oublier si elle veut éviter le risque de les froisser. « Je pense que tu peux mettre ce que tu veux. L'important c'est que tu sois à l'aise, que tu te sentes bien, non seulement par rapport à toi même, mais aussi par rapport au regard des autres. Je pense que tu seras rayonnante dans une robe de créateur, mais j'opterais peut-être pour un modèle un tout petit peu plus simple, même en restant dans un registre un peu majestueux et raffiné, si c'est ce que tu aimes. » Je l'embrase sur la joue. De toute manière, elle sera belle quoi qu'elle fasse. Je ris légèrement en l'entendant dire qu'elle ne pensait pas avoir accès un jour à ces robes de ce genre. Non pas par moquerie. « Je pense que plus d'un créateur pense la même chose à ton sujet. » lui dis-je. Qu'ils ne pensent pas que Joanne portera un jour l'une de leurs créations, et qu'ils devront se contenter de la voir porter celles des autres dans les magazines et sur internet. Victoria ne tarde pas à m’interpeller pour choisir la prochaine tenue. J'abandonne ma fiancée pour faire le tour des présentoirs. Tant qu'elle est encline à porter de fort belles choses, autant en profiter. C'est très silencieux que je vais de modèle en modèle en trouvant toujours quelque chose qui ne convient pas. Et puis je tombe sur ce tissu rose taillé à la perfection. « Celle-ci. » dis-je en prenant la tenue sur son cintre. Je l'inspecte de plus près un instant. La mousseline est particulièrement transparente, cela risque de bousculer un peu Joanne et toucher ses limites. Mais je reste sur mon choix et confie la robe à Olga. « Ajoute-lui un petit fond de robe si la transparence la gêne. » Cela ne devrait rien retirer au charme de la tenue, au contraire. Cela fait je vole un baiser à ma fiancée au moment où nous chemins se croisent dans le studio -elle filant derrière le paravent, moi allant regarder les clichés pris jusqu'à présent. Dorian semble bien démuni face aux deux cent et quelques photographies qu'il adore toutes. Il est en admiration totale devant le modèle. « Bien sûr qu'elle a tout pour elle. » dis-je en haussant les épaules. Mon doigt appuie régulièrement sur la flèche droite pour naviguer de cliché en cliché. Toutes les photos sont parfaites. Joanne est parfaite. Je devrais féliciter Dorian, dire quelque chose, ou juste lui adresser un sourire, mais rien de tout ça. J'ai un sentiment étrange sur lequel je n'arrive pas à mettre le doigt. Une appréhension. Mais je ne sais pas pourquoi. Je reste silencieux ainsi pendant un long moment. « Ne t'embête pas à faire un gros tri, mets tout ce que tu peux dans le book. » De toute manière, Vee m'enverra la facture de l'impression de celui-ci, le photographe n'a pas à se restreindre. Celui-ci retourne préparer la suite du shooting. Pour ma part, je retourne auprès de Daniel qui dort toujours, mais couine un peu par moments. Il meurt de chaud dans cet environnement. Je le réveille doucement pour lui enlever son petit gilet, espérant que cela suffise. Mais il en profite pou réclamer un câlin, histoire de se rendormir dans les bras de son père. Alors je le prends tout contre moi et le berce tendrement. « Tu as l'air préoccupé. » Comme toujours, Vee se plaît à prendre ses interlocuteurs par surprise. « Je ne sais pas encore quoi penser de tout ça, c'est tout. » Beaucoup de pensées tourbillonnent dans ma tête, et je ne parviens pas à en prendre une au vol pour réussir à réfléchir correctement. Peut-être qu'il ne faudrait pas envoyer les clichés à qui que ce soit. Pourtant, comment réussir à penser une chose pareille lorsqu'on la voit sortir du paravent comme un ange tombé du ciel ? Je reste bouche bée un instant avant de réunir mes esprits et approcher de Joanne. « Parfaite. » Je l'embrasse tendrement avant de laisser Daniel admirer un peu sa maman, lui aussi. Sally ne tarde pas à monopoliser de nouveau la jeune femme pour retoucher le maquillage et la coiffure. Je repose le petit dans son cosy en attendant. Ma fiancée retourne devant l'objectif. Ayant une idée en tête, j'indique à Victoria une grande armoire à l'autre bout de la salle. « Je peux ? » « Fais comme chez toi. » lance-t-elle avec un petit geste de main un brin snob. J'ouvre le fameux placard et en sort un seau rempli de papillotes dorées et argentées, le regard brillant et le sourire malicieux d'un enfant qui prépare un coup dont il est fier à l'avance. Cela devrait lui plaire. J'appuie sur le bouton marche de l'un des petits ventilateurs au somment d'un grand pied qui se trouvent sur le plateau du shooting et me place à côté. Puis, poignée par poignée, j'envoie les confettis dans le courant d'air qui file droit vers Joanne et fait tomber sur elle ces petites paillettes.
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Joanne écoutait avec attention les conseils de son fiancé. Il était vrai que la prochaine soirée à laquelle ils se rendaient ensemble était assez restreinte en soi. Ce n'était pas un de ces événements où il fallait se montrer bien habillé, sans avoir le moindre défaut vestimentaire. Elle allait y revoir beaucoup de personnes qu'elle connaissait bien, et qu'elle appréciait. Certains allaient se montrer un peu plus jaloux que d'autres de son ascension plus qu'inattendu et pas forcément voulu. Tout ce qu'elle voulait vraiment, ce n'était que l'amour de Jamie. Elle acquiesça d'un signe de tête avec un fin sourire, lui faisant comprendre qu'elle avait bien entendu tout ce qu'il lui avait dit. Il l'avait qualifié, peu de temps avant cela, d'illustre. Joanne ne réalisait pas trop qu'elle allait bientôt être porteuse d'un titre, même si c'était plus qu'honorifique que quelque chose. C'était tout de même une entrée dans l'aristocratie anglaise, et ça l'impressionnait un peu dans le fond. Jamie l'invita ensuite à se changer pour enfiler la tenue qu'il lui avait choisi. Avant même de l'avoir enfilé, elle devina qu'il profitait de l'occasion pour lui faire porter des robes plus prestigieuses les unes que les autres. Olga l'aida à l'enfiler, et la jeune femme se regarda un moment dans le miroir, époustouflée par la beauté de la tenue. Joanne était tout à fait capable d'être gênée avec toute cette transparence, mais, bien au contraire, elle trouve que c'était particulièrement beau. "Celle là aussi, vous va à merveille." dit Olga, en réajustant quelques détails ça et là. "Ne soyez pas étonnée que des créateurs se battent un jour pour vous voir porter l'une de leur tenue, vraiment. Il y a bien peu de choses qui ne vous iraient pas." Joanne s'éloigna du paravent, et laissait une nouvelle fois sans voix son fiancé. Il la qualifiait de parfaite. Daniel était dans les bras de son papa, et fit un de ces larges sourires qui le rendait encore plus beau lorsqu'il reconnut sa maman. Celle-ci l'embrassa sur la joue. Sally réajusta son brushing, et lui remit un peu de rouge à lèvres avant que l'on ne vienne l'entraîner à nouveau au milieu du studio, sans d'objets supplémentaires. Joanne se surprit elle-même de devenir un peu plus à l'aise. Dorian avait trouvé comment la faire se sentir bien, et semblait on ne peut plus satisfait des poses qu'elle pouvait faire, restant très naturelle. Rien n'était forcé. Il y avait soudainement un léger courant d'air, largement suffisant pour faire virevolter les tissus de sa robe et quelques unes de ses mèches de cheveux. Il y eut ensuite des confettis argentées et dorées qui vinrent s'y loger et sublimer la jeune femme, qui devina sans soucis qui était derrière tout ça. Elle le regarda avec un large sourire et un regard pétillant, puis Jamie envoya une nouvelle volée de paillettes. Joanne avait une main de ses cheveux pour maintenir quelques unes de ses mèches en place, l'autre au niveau de sa robe, comme si elle voulait empêcher que le tissu ne s'en vole de trop. Elle tourna ensuite sur elle-même, en riant à coeur joie. Fier de son coup, Jamie s'arrêta, et Dorian avait certainement pris à nouveau des centaines de clichés. La jeune femme avoua qu'elle était un peu essoufflée, et on s'arrêtait là pour le moment. Elle s'approcha de Jamie et l'embrassa. "Tu n'as pas pu t'en empêcher, hein ?" lui lança-t-elle en riant. Elle l'embrassa tendrement et le prit par la main pour revenir près du paravent et des miroirs. "C'est complètement dingue que tu puisses organiser de telles choses pour moi. A parvenir à me faire porter des robes dont je ne peux certainement pas imaginer le prix." Elle rit un peu nerveusement. "Et à me faire sentir..." Joanne haussa timidement les épaules. "Belle... Je suppose. Séduisante." Il avait fallu lui forcer un peu la main pour lui faire enfiler une de ces robes, mais le résultat était bien là, ça avait été particulièrement efficace. "Je crois que j'ai fini par apprécier." lui avoua-t-elle tout bas, venant se blottir contre lui. La jeune femme le sentit un petit peu tendu, et redressa sa tête, se demandant ce qu'il y avait. Elle embrassa le coin de ses lèvres. Un peu plus loin, Dorian montrait à Vee quelques uns de ses clichés, cette dernière semblait plus que satisfaite du résultat. "Quelque chose ne va pas ? Quelque chose te travaille ?" lui demanda-t-elle tout bas. Elle l'embrassa au niveau de la mâchoire à plusieurs reprises, tendrement, jusqu'à ce qu'il veuille bien répondre. Elle étala ensuite un peu des paillettes qu'elle avait sur les mains sur son costume pour le taquiner un peu. "Alors ? Comment on se sent ?" demanda Victoria en s'approchant de la jeune femme, le sourire plus que malicieux. Joanne lui rendit un sourire aiamble. "Ca va, oui. C'est un peu bizarre, au début." dit-elle de sa voix douce, restant bien contre son fiancé. "Je dois vous avouer que Dorian vous a pris en photo ensemble plus d'une fois, et c'est juste génial." On rapporta un autre verre d'eau à la belle blonde, alors que Vee embarqua avec elle Jamie pour lui montrer les derniers clichés.
L’idée des confettis ravit Joanne qui se plaît à jouer avec et tournoyer dans ce bain d’or et d’argent. Dorian mitraille à cœur joie. Nous terminons une fois la jeune femme fatiguée –mais encore plus radieuse que d’habitude ainsi couverte de paillettes. « Je me suis dit qu’il fallait jouer la carte de la princesse jusqu’au bout. » je lui réponds avec un sourire malicieux. Oui, je suis content de mon coup, et je suis persuadé que le résultat sera des plus réussis. « Avoue que ça n’était pas pour te déplaire. » Ni à elle, ni au photographe. Il a réussi à la mettre à l’aise, il faut saluer l’exploit. Je suis Joanne jusqu’aux loges improvisées du studio. Elle n’en revient toujours pas d’avoir la chance de vivre quelques heures comme celles-ci. Je me garde bien de lui avouer le marchandage que j’ai subi auprès de Victoria pour arranger ceci. La connaissant, cela pourrait éteindre un peu de la magie du moment. « Tu es belle et séduisante. Est-ce que je n’ai pas la réputation d’aimer les belles choses ? » lui dis-je avec un sourire. Elle n’en aura certainement jamais vraiment conscience, mais si elle peut se sentir plus confiante en elle, cela sera déjà un grand pas en avant. On ne règle pas des années de timidité et de mince estime de soi, sans oublier une montagne de complexes d’après-grossesse, avec quelques photos. J’espère juste aider un peu. Je prends Joanne dans mes bras et dépose un baiser sur son front. Il ne lui faut qu’une seconde pour deviner que mon esprit n’est pas tranquille. « Ce n’est rien. Des choses et d’autres. » je réponds dans un premier temps, décidé à garder mes pensées pour moi. Mais elle insiste, armée de doux baisers. Je soupire. Difficile de lui refuser quoi que ce soit. « Vee aimerait envoyer quelques-unes des photos d’aujourd’hui à certaines de ses connaissances, et je ne sais pas trop quoi en penser. Je lui ai dit de le faire, tout à l’heure, parce que je sais que si tu devais prendre une décision, tu dirais non immédiatement. » Et les arguments seraient toujours les mêmes, basés sur son manque de confiance en elle. Elle ne se sentirait pas à la hauteur, pas assez bien, sans intérêt, ce genre de bêtises qu’elle répète à longueur de temps. « Mais finalement, ce n’est pas correct de ne pas te demander ton avis. » Je suppose qu’elle va m’en vouloir d’avoir voulu passer outre à la base. « Je pense juste qu’il ne faut pas se fermer aux opportunités. Tout le monde ici, moi compris, te trouve un potentiel énorme. Je me disais qu’il valait mieux envoyer les photos, voir les retours qui sont faits à leur sujet, et te laisser ensuite décider si tu veux y répondre ou non. Ca n’engage à rien après tout. » Avant que Joanne ne puisse répondre quoi que ce soit, Victoria s’est imposée. Après avoir échangé quelques mots avec la jeune femme, elle m’arrache à elle pour admirer les nouvelles photos. « On a encore le temps pour une dernière tenue ? » demande-t-elle à Dorian pendant que je navigue d’un cliché à l’autre. « Pas vraiment, j’ai un autre shooting ici dans vingt minutes et je dois encore préparer la salle. » Déçue, Vee retourne voir sa protégée avant que nous ayons à partir, du coup. « De toute manière je pense qu’il y a bien plus de photos que nécessaire déjà. » dis-je au photographe, me faisant plus chaleureux que je n’ai pu l’être avec lui jusqu’à présent. Nous nous serrons la main et échangeons quelques remerciements. Je me propose de l’aider à remettre en état le studio ; les paillettes étaient mon idée et nous irons forcément plus vite à deux. Pendant ce temps, Victoria aide Joanne à retirer la robe d’une valeur innommable qu’elle a sur le dos. « Il t’a dit qu’il aimerait faire envoyer des photos ? » Oui, à voir sa moue dans le miroir, bien sûr que oui. « Il t’as parlé d’Enora, hm ? Une gentille fille. Arrogante, mais bien moins que d’autres mannequins. Ils étaient très amis. Un couple lamentable et un mariage voué à l’échec, mais très amis. Et tu sais à quel point Jamie peut être dévoué pour son entourage. Il l’a toujours soutenue, poussé à se dépasser. » Vee et moi ne nous connaissions pas à l’époque, quoi que nous nous sommes vaguement rencontrés plus d’une fois. Mais tout le monde de la mode connaissait les dessous de mon mariage mieux que moi à ce moment-là. Tout était de notoriété publique. « En échange, elle le traitait comme un sac à main. Si quelqu’un d’autre que lui était mieux assorti à sa robe de soirée, alors elle sortait avec cette personne-là plutôt que lui. » Victoria semble désolée, dépitée. Les top models peuvent être difficiles à vivre. « Tout le monde le savait, pourtant le pauvre n’a aucune idée du nombre de personnes avec qui elle a… Enfin, tu vois. » Ou peut-être a-t-il juste décidé de fermer les yeux, se dit-elle. La vérité est que je ne me suis délibérément jamais posé la question, afin de ne pas avoir à affronter la réponse. Jouer l’ignorance me convenait à ce moment. Une fois Joanne rhabillée, Victoria la fait tourner sur elle-même pour qu’elle lui fasse face. « Il veut le meilleur pour toi. S’il veut envoyer les photos, c’est parce qu’il y croit. Mais je pense qu’il a un peu peur. Tu le connais, il ne l’avouera jamais. » Elle sourit affectueusement à Joanne et la libère. De mon côté, je termine de balayer toutes les papillotes qui sont par terre.
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Jamie ne se lassait jamais de la complimenter, de lui dire qu'il la trouvait belle, séduisante, attirante. Ca la touchait à chaque fois, rassurée de savoir qu'il pensait toujours cela d'elle. Au début, elle ne le croyait pas vraiment, mais il se répétait constamment, et peut-être que ça commençait par rentrer. Il l'enlaça tendrement, l'embrassa ensuite sur le front, comme à son habitude. C'était durant ces moments là que l'on réalisait à quel point leur couple allait mieux, dans l'ensemble. Ces petits gestes affectueux qui lui avaient cruellement manqué pendant des semaines, voilà qu'il lui en offrait à foison. Et elle en profitait à chaque fois. Néanmoins, Joanne avait ressenti que quelque chose le travaillait, et aurait aimé entendre sa réponse. Il ne voulait d'abord pas l'inquiéter, mais le bel homme finit par céder. Jamie s'en voulait un peu de ne pas avoir demandé l'avis de la première concernée quant à l'idée d'envoyer des photos d'elle à diverses personnes, et pas des moindres. La jeune femme aurait bien voulu répondre un petit quelque chose mais elle fut prise de court par Vee, qui espérait avoir encore un peu de temps pour mettre en valeur sa nouvelle chouchou. Mais il n'y avait plus le temps, et Victoria l'emmena avec elle pour l'aider à se défaire de sa robe. Sans que Joanne ne demande quoi que ce soit, elle se mit à parler de l'ex-femme de Jamie. Elle n'était pas forcément très à l'aise avec cette idée, et elle ne savait pas ce que Vee cherchait. Elle disait qu'il soutenait toujours son ex, bien qu'il n'y avait pas d'amour. A l'entendre, il l'avait mené loin, et la seule chose qu'elle faisait était d'aller dormir dans le lit d'autres hommes. Joanne ne savait plus quoi dire, face au comportement de son ex. Et Jamie voulait aussi pousser sa fiancée vers le meilleur. Celle-ci fit rapidement l'amalgame. "Vous pensez que je vais voir ailleurs ?" lui demanda-t-elle, presque blessée. Vee lui fit des yeux ronds, se rendant compte que l'insinuation qu'elle venait de placer. "Bon Dieu, non ! Ce n'était pas ce que je voulais dire, ma chérie !" Elle ne savait plus trop où se mettre pendant quelques secondes. "Tu n'as rien à voir avec elle, vraiment rien. Et puis, ça se voit que tu le rends heureux, et que tu fais tout pour que ce soit le cas. C'est un homme changé." Elle joua avec l'une de ses boucles blondes. "Mais si tu veux mon avis, je pense que ça vaut le coup, d'envoyer ces clichés-là. Il appréhende peut-être le fait de devoir te partager un peu, mais à mon avis, il sait que ça ne peut t'apporter que du bien, sinon il se serait pas du même avis que moi." Elle lui fit un clin d'oeil et fila comme le vent. Joanne restait encore un peu à réfléchir derrière le paravent, jouant nerveusement avec ses doigts. Lorsqu'elle se rapproche de Jamie, celui-ci venait tout juste de poser le balai. Le photographe disposait la décoration pour la prochaine séance. Elle le prit doucement par la main et l'attira vers lui, un sourire timide dessiné. "C'est d'accord." lui dit-elle tout bas. "Pour les photos." Elle embrassa sa main. "Si tu me garantis que les opportunités ne m'engagent rien, qu'on ne finisse pas par me mettre le couteau sous la gorge au bout d'un moment." Joanne lui sourit tendrement. On les laissait un peu tranquill, chacun avait un peu ses occupations. "Si l'idée te plaît aussi, et que tu penses que c'est une bonne chose pour moi." Elle haussa les épaules. "Je te fais confiance, alors... pourquoi pas." La belle blonde rit un peu nerveusement et vint loger sa tête dans son cou. Joanne avait un peu de mal à sortir de la tête ce que Victoria lui avait dit un peu plus. Même si c'était passé, que l'eau avait coulé sous les ponts, elle trouvait le comportement de son ex-femme tout à fait ignoble vis-à-vis de lui, ayant clairement abusé de sa gentillesse. "Merci pour cet après-midi, Jamie." finit-elle par dire. "Je pense que ça m'a fait du bien. Enfin... Je voyais la manière dont tu me regardais à chaque fois que j'avais une nouvelle tenue, et ce que tu me disais à chaque fois, comme toutes les autres fois. Comme ce que tu m'as dit tout à l'heure." Ses joues devenaient un peu plus roses. "Je ne veux que te plaire à toi, Jamie, être belle pour toi. C'est tout ce qui compte."
Je ne peux en vouloir qu'à moi-même d'avoir eu cette brillante idée, me dis-je en balayant tous les confettis sur le sol et retirant ceux tombés sur les meubles du décor. Je commence à me demander si j'aurais vraiment du accepter que Victoria envoie ces photos, puis d'en avoir parlé à Joanne. Qu'importe à qui la directrice du magazine adresse les clichés, une majorité l'adoreront. Il est impossible de ne pas l'aimer, de ne pas lui trouver un charme. Elle inspirerait n'importe qui. On peut transposer sur sa figure et sa silhouette tous les styles, toutes les époques. Non seulement tout lui va, mais elle habite chaque vêtement, chaque décor, chaque photographie. Elle absorbe l'attention en une fraction de seconde et suscite une admiration quasi-immédiate. Elle est petite. Et alors ? Qui a besoin de longues jambes lorsque l'on dégage un charisme pareil ? Lorsqu'un regard ou un sourire suffisent à faire naître toute une palette d'émotions ? Ils la voudront tous pour eux. Mais là n'est pas le problème. Je peux me faire à l'idée que Joanne devienne la muse d'une personne supplémentaire. Je peux accepter que son visage célèbre, et prendre sur moi l'envie qu'elle fera naître chez plus d'hommes que je n'ai envie d'en imaginer. Je l'ai déjà fait. Je me fiche d'être dans l'ombre, de n'être que ''le mari de'', qu'elle devienne plus populaire que moi. Au contraire, je serais si fier d'elle, et d'être à son bras. Ce qui me fait peur, c'est de redevenir un accessoire, c'est d'avoir moins d'importance que tout ceci. C'est d'être effacé petit à petit, puis rangé au fond d'un placard. J'ai peur que Joanne se perde, qu'elle change et s'éloigne de celle que j'aime. J'ai peur qu'elle soit noyée dans ce monde de convoitise, elle qui est si sensible au regard des autres ; qu'elle soit détruite par la moindre critique, et par la cruauté qui peut ressortir de ce milieu. J'ai peur qu'elle finisse par étouffer, de la perdre, et que nous nous perdions aussi comme cela a été le cas avec mon ex-femme. Ce n'était peut-être pas une bonne idée. Pourtant la jeune femme aurait tout à y gagner. Elle pourrait très bien s'épanouir ainsi, avoir confiance en elle, retrouver son estime propre, faire quelque chose qu'elle semble aimer. Sans oublier qu'elle ne serait plus celle qui se fait entretenir dans notre couple, qu'elle ajoutera ses pierres à l'édifice, qu'elle aura une indépendance financière totale qui lui fera oublier ce statut inférieur dans lequel elle se mure. Et puis, devenir un visage connu permet d'avoir une influence, et les gens auraient tant à apprendre d'une personne comme elle en la prenant pour inspiration. Ils ont besoin de plus de personnes comme elle auxquelles s'identifier, et de moins de Kardashians. Je soupire en posant le balai une fois ma tâche terminée. Je ne remarque pas Joanne qui s'approche de moi et ne la remarque que lorsqu'elle glisse sa main dans la mienne pour me parler. Elle accepte que les photos soient envoyées. Malgré ma montagne d'appréhensions, sur le moment, la seule chose que je me dis, c'est que c'est une bonne chose. « Tu crois vraiment que je laisserais qui que ce soit te mettre le couteau sous la gorge ? » je demande, caressant tendrement sa joue. Oh non, je pense qu'elle sait qu'il faudrait me passer sur le corps, et c'est une épreuve que peu de gens tenteront. « Tu décideras toi-même de ce qui est bon pour toi. Moi je ne fais que t'ouvrir des portes. » Ou plutôt, je lui indique les portes, lui explique pourquoi elle peut les ouvrir, et la laisse choisir de s'engouffrer dedans ou non. Je lui tiens la main, je la guide et la protège. « Si la tournure des événements ne te convient pas, tu auras toujours le pouvoir de dire stop. » C'est d'ailleurs le seul pouvoir, mais pas des moindres, qui lui restera s'il s'avère qu'elle s'enfoncera un peu plus dans ce monde là. Je prends Joanne dans mes bras et la serre fermement. Je sens que j'ai au moins réussi à atteindre mon objectif de base en l'amenant ici, qu'elle comprend et accepte un peu plus le regard que je peux porter sur cette. « Tu es la plus belle créature qui existe pour moi. » je murmure. « Je t'aime. » Je l'embrasse tendrement avant de m'écarter d'elle. Nous n'allons pas tarder à devoir partit. Tout ce beau monde a encore du travail, et moi aussi. Impossible de demander pareille faveur un week-end, je l'aurais payé bien plus que d'une interview ; pour que Joanne puisse avoir ce petit moment, je pense que personne ici n'a eu le temps de déjeuner et que la place dégagée pour cet après-midi dans l'emploi du temps aura quelques répercussions sur les jours suivants. J'ai quand même pris ces quelques heures de mon jeudi pour les lui consacrer, être ici avec elle. Il paraît que je suis en mi-temps après tout. Nous quittons les locaux de Vogue après de grandes et longues embrassades avec Victoria. Sur le parking, je dois également me séparer sa ma fiancée en la laissant rentrer à la maison de son côté. « Il me reste une petite chose à faire avant de filer passer à l'antenne. Je ne tarderai pas après, je rentre tôt, promis. » dis-je en déposant un baiser sur son front. « A ce soir, mes trésors. » J'embrasse également Daniel qui a retrouvé le sommeil. Il ne tardera pas à avoir faim. D'ailleurs, je commence moi aussi à avoir besoin d'avaler quelque chose. J'achète un sandwich sur le chemin pour mon rendez-vous. Dans un atelier aux antipodes des clichés à ce sujet, le salon du tatoueur que j'ai choisi se trouve à quelques rues de là. Je ne passe pas plus d'une demi-heure torse nu sur la table à écouter le bruit du moteur de la petite aiguille qui va et vient sous l'épiderme de mon épaule gauche pour former, minute après minute, ces quelques chiffres de valeur qui ne me quitteront plus de la vie.