« Madame, monsieur Rahman vous attend » annonce le maître d’hôtel. Rosalie opine du chef, lui faisant ainsi savoir qu’elle l’avait entendu, néanmoins elle n’esquissa aucun mouvement, poursuivant la lecture de son article. Elle se tient au courant des faits nouveaux en France, bien qu’expatriée depuis des années, elle n’en reste pas moins attachée à son pays, suivant l’actualité autant que possible. Elle peut se rendre compte de la politique bancale du gouvernement entre autres évènements qui ne méritent pas d’être spécifiés. Finalement, elle replie le journal et le met à sa place. Elle quitte son siège, arrange son allure avant de prendre la porte, attrapant son sac au passage. Elle s’installe sur la banquette arrière, silencieuse. « bonjour madame » elle acquiesce en guise de réponse et se met à l’aise sous le regard interrogateur de son chauffeur personnel. « Emmenez-moi au starbucks » exige-t-elle de sa voix monocorde et il démarre. Le silence se fait dans le véhicule, Rosalie déteste plus que tout, les discussions inutiles et Rahman le sait parfaitement. S’il n’a rien à dire d’un minimum intéressant, il est invité à la fermer, chose qu’elle lui a déjà dit de vive voix, comme à ses autres employés d’ailleurs. Ainsi, il est coutume que dès lors qu’elle pénètre dans une pièce, chacun ne trouve plus quoique ce soit à ajouter, et ils s’en vont vaquer à leurs occupations, après tout, elle ne les paie pour contempler les murs et déverser l’animosité qu’ils ressentent à son égard, même s’il est certain que cela lui est bien égal.
La voiture s’immobilise et Rosalie s’en extirpe sans plus de cérémonie, ni une parole pour Rahman. Il sait qu’elle lui enverra un message lorsqu’elle aura terminé, il a donc tout intérêt à rester dans les parages. Elle n’a pas coutume de ce genre d’endroits aussi…bondés. Alors, elle copie son comportement sur les autres en allant s’aligner, comme du bétail prêt à aller à l’abattoir. Elle déteste cette sensation, sans doute aurait-elle lui proposer de se rencontrer dans un lieu beaucoup plus…à l’image de sa classe sociale. Un lieu où le café est d’excellente qualité et surtout où l’on se fait servir. Son déca en main, elle part prendre place en terrasse, loin de l’agitation de la clientèle. Elle patiente en contemple sa boisson, elle espère que la jeune femme sera à l’heure car Rosalie est à cheval sur la ponctualité. Cela lui permettra de déterminer si elles seront aptes à travailler ensemble. En parlant de son rendez-vous, elle voit une jeune femme dont la description correspond assez à celle qu’on lui a faite d’Heidi et un sourire vient naitre sur ses lèvres tandis qu’elle se lève. « Mademoiselle Hellington ? » elle l’interpelle avec douceur, une caractéristique très appréciée par ceux qui la rencontrent pour la première fois. « Je suis Rosalie » elle tend la main dans sa direction. « Enchantée de vous rencontrer »
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J’étais littéralement pétrifiée. J’aurai pourtant sûrement dû sauter de joie dans tout mon appartement, incapable de rester en place en attendant ce rendez-vous. Mais je ne parvenais pas à me réjouir réellement, comme si je n’y croyais pas du tout. Après tout ceci n’était peut-être qu’un canular, une vieille blague qui se voulait drôle mais qui ne l’était pas ? J’étais certaine d’avoir parmi mes amis des gens suffisamment puérils pour être capables de me faire une telle farce. Cela dit ça aurait été une plaisanterie pour le moins cruelle et je n’étais pas certaine d’avoir des amis suffisamment méchants pour ça. Peut-être que cette Rosalie Blake était réellement intéressée d’en savoir plus à propos de mon projet de boutique de prêt-à-porter. Peut-être que je tenais réellement là une occasion de concrétiser mon projet ? Et aussitôt à cette pensée, une nouvelle vague de stress s’emparait de moi. C’était pourtant tout ce que j’avais toujours voulu, c’était mon rêve depuis que j’étais en âge de comprendre ce que je souhaitais faire plus tard. Mais maintenant que les choses se concrétisaient, je me sentais comme paralysée. Et si je n’étais pas à la hauteur ? Et si tout ceci n’était qu’une grossière erreur ? Maintenant que le projet pour lequel j’avais fait beaucoup de sacrifices financiers ces derniers temps voyait le jour, je me rendais de toutes les responsabilités que cela impliquait. Et si je faisais une erreur qui faisait capoter tout le reste ? Et si je n’étais purement et simplement bonne à rien ? Depuis que j’avais reçu ce message la veille je tournais dans mon appartement comme un lion en cage. J’étais incapable de faire quoi que ce soit de constructif puisque je n’arrivais pas à me concentrer, mais ne rien faire était de la torture pure et dure. Lago, mon chien m’observait d’un air d’incompréhension, faire les cents pas alors que je tentais de me calmer. Je n’avais pas dormi de la nuit et j’avais abandonné tout espoir de trouver le sommeil lorsque le soleil avait fini par pointé le bout de son nez par la fenêtre de ma chambre. Debout bien avant l’heure de mon rendez-vous, j’avais eu largement le temps de me préparer et ce malgré mes nombreuses hésitations (devais-je plutôt venir avec cette robe cintrée ou avec ce chemisier blanc et ce pantalon à pinces ?). Après de nombreuses minutes d’hésitation, des essayages qui n’en finissaient pas, j’avais fini par opter pour le chemisier avec le pantalon. J’avais eu le temps de rassembler mes affaires, tout ce dont j’aurai besoin lors de notre entrevue, à savoir principalement les croquis de mes collections et l’ébauche de business model que j’avais faite.
Finalement, le temps de quitter mon appartement pour rejoindre le lieu de rendez-vous était arrivé. J’étais à la fois soulagée de quitter mon chez moi où j’avais littéralement l’impression de devenir folle et j’étais à la fois deux fois plus angoissée qu’avant lorsque je réalisais que l’heure du rendez-vous se rapprochait inexorablement. Comme prévu, j’étais arrivée en avance au lieu de rendez-vous que nous avions fixé la veille. Après avoir commandé un thé, je m’installais à une table, en terrasse pour profiter des quelques rayons de soleil qui pointaient le bout de leurs nez. Je me mordillais comme toujours nerveusement la lèvre inférieure, mes mains fermement visées autour du thé dont je n’avais pas goûté une seule goutte. Les quelques minutes qui s’écoulèrent avant que Rosalie Blake ne vienne à ma rencontre me semblèrent être les heures les plus longues de toute ma vie. Et si elle avait changé d’avis ? S’était-elle rendue compte que mon projet ne valait pas le coup ? Finalement, une femme à la chevelure flamboyante, ce genre de femme qu’on ne peut pas ne pas remarquer, vint à ma rencontre. « Mademoiselle Hellington ? » me demanda-t-elle en confirmation. J’avais tout à coup l’impression que ma gorge était totalement sèche et que ma langue ne parviendrait jamais à formuler pourtant les quelques mots que j’avais répondu « C’est bien moi ». Maintenant que Rosalie Blake se tenait en chair et en os face à moi, le stress était monté à son comble. Non pas parce que l’entretien commençait mais uniquement parce que je me rendais compte que je ne faisais pas le poids. J’avais l’air absolument ridicule, même dans ce chemisier, face à une telle femme. Elle dégageait un tel charisme, une telle assurance. A côté, j’avais l’air d’une enfant, tout juste capable de s’assumer seule. Je n’avais pourtant pas pour habitude de me laisser déstabiliser si facilement. « Je suis Rosalie. Enchantée de vous rencontrer » se présenta-t-elle en me tendant une main que je saisissais aussitôt après m’être redressée de ma chaise. « Je suis également ravie de vous rencontrer. » répondis-je avec un sourire sincère en affichant un calme et une assurance que je ne ressentais clairement pas. « Je dois avouer que je suis étonnée de constater que vous puissiez déjà être intéressée par mon projet. » ajoutais-je dans un petit rire, préférant être assez transparente sur ce que je ressentais en ce moment.
« C’est bien moi » un point non négligeable sur lequel Rosalie est satisfaite, c’est la ponctualité de la jeune femme. C’est d’une importance capitale à ses yeux et elle ne compte plus les employés qu’elle a renvoyés pour ce motif. Tyrannique ? Elle aime à se croire exigeante ainsi que plein de principes. En somme, elle n’aime pas attendre plus que de raison et si l’on se met d’accord sur un horaire, il est impératif qu’il soit respecté. « Je suis également ravie de vous rencontrer » miss Blake apprécie de le sourire de la jeune femme, tout comme son visage, qu’elle trouve doux. Elle se dit que la jeune femme doit être le genre à s’intégrer facilement où elle passe, elle dégage un elle-ne-sait-quoi de sociable, quelque chose qui fait cruellement défaut chez la française, par manque d’envie certainement. Bien sûr, son regard détaille la tenue de l’apprentie styliste, avant de vouloir vendre ses tenues, il faut être sûr de pouvoir s’habiller soi-même. Et à nouveau, Rosalie est plutôt contente de ce que captent ses prunelles, jusqu’ici, la dénommée Heidi remplit tous ses critères personnels.
Elle prend place devant elle, croisant ses jambes, ne lâchant pas son vis-à-vis. « Je dois avouer que je suis étonnée de constater que vous puissiez déjà être intéressée par mon projet» tandis que mademoiselle Hellington rit, madame Blake se contente d’un petit sourire qui se veut amusé. La jeune femme parait être quelqu’un de direct et d’assez franc, ce qui risque donc de faciliter cette entrevue. « Je comprends, mais le projet semble prometteur, il serait dommage de ne pas s’y intéresser » les rumeurs vont bon train dans son cercle d’amis et les quelques commentaires qu’elle a pu entendre sur cette affaire l’ont rendue curieuse, concernant le fait de la financer ou non, elle laisse la jeune femme l’en convaincre. « En outre, je sais combien il est difficile pour les jeunes entrepreneurs d"obtenir la confiance des banques » Elle a discuté assez souvent avec eux pour connaitre leur mode de pensée, et c’est compréhensible, la jeunesse est sujette à l’impatience ou à une prompte lassitude et parfois elle ne va pas jusqu’au bout, se retrouvant le plus souvent dans l’incapacité de régler ses échéances. « Je suis assez curieuse sur vos motivations » un sourire un bienveillant vient naitre sur ses lèvres. C’est à ce moment qu’elle peut ou non faire pencher la balance.
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Mais calme toi bon sang ! J’essayais de me réveiller mentalement, de me sortir de cette torpeur de stress dans lequel je m’étais plongée depuis que j’avais lu ce message où elle me proposait un rendez-vous. Stress auquel c’était peu à peu ajouté la pression à l’idée de ne pas être à la hauteur. Du haut de mes 28 ans et avec mon visage aux courbes enfantines, loin d’avoir ce côté femme fatale dont irradiait Rosalie, je craignais qu’elle se dise que je n’avais pas les épaules pour gérer ma propre entreprise. Pourtant si Rosalie avait pu m’apporter l’aide qu’elle avait évoqué dans le cas où l’entretien était concluant, cela simplifierait nettement la création de mon entreprise. J’avais beau avoir mis de l’argent de côté depuis plusieurs mois désormais, comptant chaque centime que je devais dépenser et en ayant accepté que ma mère apporte une légère contribution, je n’aurais pu éviter d’avoir à faire une demande de prêt à la banque, ce qui n’était pas gagné d’avance. Après tout, je n’avais moi-même aucune garantie que tout ceci allait fonctionner alors comment une tierce personne telle qu’un banquier pourrait y croire ? Une fois passée le choc de la découverte de celle qui me permettrait peut-être de réaliser mon rêve, une fois que je percevais la jeune femme dure en affaires qui sommeillait sous ces traits gracieux, je me sortais doucement de ma torpeur. Etait-ce le fait que je réalisais soudainement que je n’avais absolument rien à perdre aujourd’hui ? Toujours était-il que je parvenais à délier ma langue, à répondre à Rosalie avec une voix suffisamment assurée sans pour autant paraître dure.
« Je comprends, mais le projet semble prometteur, il serait dommage de ne pas s’y intéresser » dit-elle. Le projet semblait donc prometteur ? Bien que cela ne se voulait pas nécessairement comme un véritable compliment de la part de Rosalie, c’était comme ça que je le ressentais. Peut-être que si je parvenais à lui faire voir les choses comme je les imaginais depuis ma plus tendre enfance, peut-être alors serait-elle assurée que le projet était prometteur. « En outre, je sais combien il est difficile pour les jeunes entrepreneurs d’obtenir la confiance des banques » ajouta-t-elle alors que le cours de mes pensées continuait d’évoluer à une vitesse incroyable. C’était beaucoup d’émotions au même moment, beaucoup d’émotions contradictoires. Un petit rire m’échappa aussitôt qu’elle évoquait les banques. « Je dirais que c’est quasiment impossible, à moins d’avoir de très bonnes références, je suppose. Ce que, malheureusement je n’ai pas. Je doute que mes poupées de l’époque, sur lesquelles j’ai réalisé mes premières tenues, ne soient reconnues comme garantes de mon talent. » Et voilà, j’avais réussi à surmonter le stress, l’appréhension et la peur d’échouer. J’étais quelqu’un de très nature, toujours correcte et capable de m’adapter à mon auditoire, mais je restais quand même globalement brute de décoffrage. Je ne voulais pas que les gens aient une image de moi différente de celle que j’étais réellement à l’intérieur, avec tous mes couacs, tous mes disfonctionnements et toute mon imperfection. Je n’avais plus honte de celle que j’étais, j’avais enfin accepté que je ne serai jamais parfaite et tant pis si cela pouvait froisser certains de voir que je n’essayais même pas de prétendre l’être. Pourtant, il me semblait primordial, dans le cas où mon projet aurait plu à la jeune femme, qu’elle ait un aperçu assez authentique de qui j’étais, qu’elle puisse se faire une idée de ce que notre collaboration donnerait et qu’à travers cet aperçu de ma personnalité elle comprenne peut-être un peu mieux le sens de mes créations et de ce projet.
« Je suis assez curieuse sur vos motivations » déclara-t-elle un sourire sur les lèvres. Et tout à coup, Super Heidi était de sortie. Je parlais avec une passion dévorante, je parlais beaucoup, sûrement un peu trop, mais on sentait que cela venait du cœur, que mon projet représentait des années d’anticipation, de rêves mais également de remise en question. J’avais d’abord rapidement présenté ma personne, mon parcours, ce qui faisait que j’en étais arrivée là aujourd’hui. Puis j’en arrivais assez rapidement à parler du projet en lui-même. « J’ai apporté les dessins des deux premières collections. » Je sortais de mon sac à main une pochette gigantesque dans laquelle s’entassait toutes mes esquisses, des silhouettes à peine esquissées sur lesquelles j’avais laissé libre cours à mon imagination pour créer les différentes pièces des collections. Il y avait des notes partout, sur la façon dont cela devait être monté, sur les matières à utiliser, certaines avaient même des échantillons de tissus agrafées à côté. « Certaines pièces qui se trouvent sur ces dessins ont été dessinées il y a peut-être cinq ans, sûrement plus. Je les ai reprises, améliorées, remises au goût du jour, ou pas d’ailleurs. J’ai une idée très précise de ce que je veux et je ne suis pas vraiment du genre à bâcler les choses. » Rosalie, pendant ce temps, m’écoutait, sans beaucoup m’interrompre, sans que je parvienne à réellement déterminer si c’était une bonne chose ou non. « J’ai déjà trouvé le local parfait, dans la rue piétonne de Fortitude Valley. Il ne me reste plus qu’à l’acheter. C’est un duplex, dans un style très industriel, très épuré. Je pense que ça reflètera parfaitement l’esprit de la marque. Ce côté « brute » et sans « chichis ». J’ai également une idée de nom. »
Tout à coup, je ne savais pas si j’assumais réellement mon idée de nom pour mon magasin. Après tout, c’était assez osé. C’était entièrement lié à Matteo et c’était une sorte d’hommage que je faisais à mon grand frère décédé. Avec Soren, à l’époque où ils étaient au Lycée jusqu’à bien plus tard, ils utilisaient sans cesse un dicton pour placer leur amitié avant tout : Bros before hoes. Et j’avais choisi de le remixer à ma façon. « Clothes before hoes » lâchais-je finalement comme une bombe, un sourire amusé étirant mes lèvres, presque comme une enfant qui était fière de se faire coincer la main dans le sac de bonbons. « Je sais que ça peut paraître provocant. Et quelque part c’est justement ce que je trouve amusant. De se dire que jusque dans le nom, on ne s’embarrasse pas et qu’on reste natures. Après, je n’ai pas encore arrêté mon choix. Je me réserve le temps de la réflexion. »
« Je dirais que c’est quasiment impossible, à moins d’avoir de très bonnes références, je suppose. Ce que, malheureusement je n’ai pas. Je doute que mes poupées de l’époque, sur lesquelles j’ai réalisé mes premières tenues, ne soient reconnues comme garantes de mon talent. » Rosalie ne peut qu’approuver avec un petit sourire, même si elle ne l’a pas directement vécu. Elle a eu l’occasion de discuter avec des banquiers ainsi que des entrepreneurs hors de sa sphère sociale habituelle, constituée uniquement de personnes possédant des comptes en banque très bien remplis et dont la plupart n’avaient rien fait pour en arriver là. La fortune familiale s’étant occupée du reste pour la majeure partie de ces gens, dont elle faisait désormais partie puisque tout ce qu’elle possédait appartenait à son mari. « J’ai apporté les dessins des deux premières collections. » Rosalie prend les carnets qu’elle lui tend et ne se fait pas prier pour entamer sa découverte, autant entrer dans le vif du sujet. Elle se permet de prendre une gorgée de sa boisson et son regard va se perdre sur les dessins, les notes faites par la jeune styliste. « Certaines pièces qui se trouvent sur ces dessins ont été dessinées il y a peut-être cinq ans, sûrement plus. Je les ai reprises, améliorées, remises au goût du jour, ou pas d’ailleurs. J’ai une idée très précise de ce que je veux et je ne suis pas vraiment du genre à bâcler les choses. J’ai déjà trouvé le local parfait, dans la rue piétonne de Fortitude Valley. Il ne me reste plus qu’à l’acheter. C’est un duplex, dans un style très industriel, très épuré. Je pense que ça reflètera parfaitement l’esprit de la marque. Ce côté « brute » et sans « chichis ». J’ai également une idée de nom. » La française se contente de hochement de tête pour lui faire savoir qu’elle l’écoute religieusement, même si son attention est totalement absorbée par ce qui se présente sous ses yeux. « Quel est-il ? » demande-t-elle au bout d’un moment lorsque sa potentielle future associée mentionne qu’elle a déjà une idée du nom que porteraient les vêtements qu’elle crée. « Clothes before hoes. Je sais que ça peut paraître provocant. Et quelque part c’est justement ce que je trouve amusant. De se dire que jusque dans le nom, on ne s’embarrasse pas et qu’on reste natures. Après, je n’ai pas encore arrêté mon choix. Je me réserve le temps de la réflexion. » Provocant ? L’on est loin du compte et autant dire que cela ne satisfait nullement Rosalie. Elle trouve le nom un peu trop vulgaire à son goût, c’est une femme de goût qui se veut raffinée, pour autant, elle ne laisse rien paraitre comme à son habitude, conservant une expression neutre bien que cordiale. Elle finit de parcourir les dessins de la jeune Heidi et elle doit bien reconnaitre qu’elle en est plutôt satisfaite. Son amie n’avait pas menti, ce projet est bel et bien prometteur. Elle referme la pochette, vérifiant au passage qu’elle n’a rien abimé sait-on jamais avant de rapporter son intention sur la jeune femme. « Vous êtes douée, même très douée » Rosalie ne faisait pas souvent des compliments et lorsqu’elle en fait, c’est à juste titre. Elle se félicite d’avoir contacté la jeune femme, plus que tout que cela n’ait pas été fait pour rien, elle déteste plus que tout perdre son temps. « Je suis satisfaite de ce que j’ai pu voir, après je vous avoue avoir une réelle réserve pour le nom que vous avez choisi » son regard appuyé semble lui suggérer de véritablement prendre le temps de la réflexion, car Rosalie associerait certainement ses bijoux à cela et refuse que cela entache d’une façon ou d’une autre son dur labeur. « En tout cas, je suis toute à fait disposée à participer financièrement » conclut-elle finalement avec un petit sourire. Elle croit aux capacités de la jeune femme et veillera bien entendu à ce que cela déroule convenablement. « Concernant le local, Fortitude Valley est un quartier qui vous plait ou est-ce un choix par défaut ? » Elle ne connait pas trop le quartier, s’éloignant rarement des sentiers battus d’une femme de son rang et se promet de se renseigner plus en détails une fois de retour chez elle.
Dernière édition par Rosalie Blake le Mar 22 Mar 2016 - 0:41, édité 1 fois
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J’avais tâché pendant ma présentation de ne pas trop essayer de déchiffrer les expressions de Rosalie, j’essayais de ne pas m’attarder sur ses yeux ou les mimiques de ses lèvres ou de ses sourcils. Je me focalisais sur mon unique but : vendre mon projet comme si c’était la seule chose qui valait le coup à l’heure actuelle. Je ne voulais qu’une chose : qu’elle comprenne l’importance que tout ceci avait pour moi, qu’elle comprenne que j’étais prête à me jeter dans cette affaire corps et âme, à m’investir plus qu’il ne le faudrait. Je voulais qu’elle comprenne que ce projet, c’était toute ma vie à présent, que c’était un peu comme ma bouée de sauvetage et que je ne comptais pas abandonner l’affaire de sitôt. Je m’étais tant concentrée sur ce que j’avais à dire que je peinais à déterminer, à la fin de mon petit spitch, si Rosalie semblait convaincue ou non par ce que je venais de lui avancer. Elle regardait mes croquis d’un air sérieux, sans pour autant laisser transparaître la moindre émotion : il était impossible de savoir si le projet lui plaisait ou si au contraire cette entrevue n’était qu’un fiasco total. Je restais silencieuse un moment, me mordillant nerveusement la lèvre inférieure en attendant qu’elle prenne à nouveau la parole. Avais-je essayé d’en faire trop ? Etait-elle en train de chercher une façon polie de me congédier ? Etait-elle simplement en train de faire le décompte du nombre de points faibles qu’avait mon projet ? De nouveau le stress et l’angoisse s’insinuaient en moi, lentement, me glaçant un peu le sang. Et après ce qui me semblait être une éternité, elle se décida finalement à reprendre la parole. « Vous êtes douée, même très douée. » J’encaissais le compliment, sans comprendre tout de suite ce que cela signifiait. Venait-elle réellement d’apprécier mes croquis ? Peu à peu, l’information se frayait un chemin jusqu’à mon cerveau. Peu à peu, un sourire s’affichait sur mes lèvres. J’étais douée. Elle l’avait dit. Même très douée d’après elle. Et sans connaître Rosalie plus que ça, je comprenais néanmoins que de sa part, ce genre de compliments devait représenter beaucoup, que ce n’était pas nécessairement le genre de femme à avoir le compliment facile, au contraire. Rosalie était une femme exigeante et sûre d’elle et de ce qu’elle voulait (ou ne voulait pas). C’était du moins l’image qu’elle laissait paraître et recevoir un tel compliment me rendait soudainement très fière de moi-même. Cependant, je réagissais de façon sobre, avec un petit sourire et un « Merci » qui voulait tout dire. Je n’avais jamais été du genre à donner dans le théâtral et dans l’épanchement de sentiments. « Je suis satisfaite de ce que j’ai pu voir, après je vous avoue avoir une réelle réserve pour le nom que vous avez choisi » De nouveau un sourire en coin traversait mon visage. « Je vous l’ai dit, le nom n’est pas encore un choix arrêté et je me pose beaucoup de question à ce sujet. C’était un clin d’œil à quelqu’un, mais je crois qu’il ne m’en voudra pas nécessairement de ne pas lui faire une telle dédicace. Je ne voulais pas me contenter de mettre mon nom, je voulais de quelque chose d’à la fois plus personnel et de plus universel. Que tout le monde puisse s’y identifier. Nous pourrions en reparler ultérieurement. Je réfléchis de mon côté, et je vous ferais part de mes réflexions et vous pourriez ensuite m’aider à trancher en faveur d’un ? » demandais-je en comprenant bien que le nom que j’avais pour le moment en tête ne convenait pas à Rosalie et que si je voulais faire des affaires avec elle, il allait falloir que je fasse des efforts de ce point de vue-là. « En tout cas, je suis tout à fait disposée à participer financièrement » fini-t-elle par déclarer. « Eh bien, vous m’en voyez ravie » répondis-je avec honnêteté. « Concernant le local, Fortitude Valley est un quartier qui vous plait ou est-ce un choix par défaut ? » « Alors, le quartier de Fortitude est un véritable coup de cœur, c’est un quartier très animé, avec une rue piétonne véritablement bondée aux heures de pointes, cela garantirait à la marque une bonne visibilité. Mais ce n’est pas pour cela que j’ai choisi ce local. Le lieu est… magique. Dès que je l’ai vu, j’ai aussitôt su ce que je voulais en faire, ça sera en accord parfait avec l’esprit de la marque. Je pourrais vous y emmener. Il suffit que je contacte le propriétaire pour qu’il puisse nous le faire visiter. Tout dépend de si vous êtes disponible ? »
Rosalie sent que la dénommée Heidi est très motivée par son projet, ce qui lui donne plus encore envie de la financer, leur offrant à toutes deux un point commun non négligeable aux yeux de la française. Elle aime que ses collaborateurs soient passionnées, à défaut, qu’ils donnent leur maximum dans ce qu’ils entreprennent car l’on peut lui attribuer toute sorte de défaut mais la fainéantise n’en fait décidément pas partie, bien que l’on pense le croire. Beaucoup de femmes de son rang se contentent de l’oisiveté que leur offre le portefeuille de leurs maris et lorsque ces derniers décident qu’il est temps de changer le bras qui se pavanera aux siens, elles ignorent comment rebondir et Rosalie tient à avoir un plan de secours, l’on est jamais trop prudent aime-t-elle à le croire. « Je vous l’ai dit, le nom n’est pas encore un choix arrêté et je me pose beaucoup de question à ce sujet. C’était un clin d’œil à quelqu’un, mais je crois qu’il ne m’en voudra pas nécessairement de ne pas lui faire une telle dédicace. Je ne voulais pas me contenter de mettre mon nom, je voulais de quelque chose d’à la fois plus personnel et de plus universel. Que tout le monde puisse s’y identifier. Nous pourrions en reparler ultérieurement. Je réfléchis de mon côté, et je vous ferais part de mes réflexions et vous pourriez ensuite m’aider à trancher en faveur d’un ? » Rosalie hocha la tête, son regard encourageant bien volontiers la jeune styliste à poursuivre sur la voie de la réflexion. Il était possible de trouver un nom de marque qui ait du sens et résonne auprès d’une grande majorité tout en conservant de la finesse et de l’élégance. « J’en serai ravie » Elle appréciait que la jeune femme soit ouverte aux dialogues et aux suggestions, cela lui éviterait ainsi de s’imposer, ce qui n’était jamais une bonne chose lorsque l’on voulait construire une entente durable. Et Rosalie tenait à ce que cette alliance les porte loin, elle détestait perdre son temps et elle se refusait à ce que cette approche ait été faite dans le vent. « Alors, le quartier de Fortitude est un véritable coup de cœur, c’est un quartier très animé, avec une rue piétonne véritablement bondée aux heures de pointes, cela garantirait à la marque une bonne visibilité. Mais ce n’est pas pour cela que j’ai choisi ce local. Le lieu est… magique. Dès que je l’ai vu, j’ai aussitôt su ce que je voulais en faire, ça sera en accord parfait avec l’esprit de la marque. Je pourrais vous y emmener. Il suffit que je contacte le propriétaire pour qu’il puisse nous le faire visiter. Tout dépend de si vous êtes disponible ? » Madame Blake se contenta de deux hochements de tête consécutifs, ne voyant là rien à ajouter. Elle ne connaissait pas le quartier et vu que la jeune femme tenait à ce que son projet aboutisse, elle doute que son choix ait été fait à la légère et les qualificatifs utilisés la poussaient dans cette voie. « c’est une bonne nouvelle si vous êtes tombé sur le local » dit-elle au bout d’un moment, sachant pertinemment à quel point cela pouvait être compliqué. Il lui avait fallu de longues semaines d’hésitations pour se rendre propriétaire du local où son club de jazz ouvrirait sous peu. « Dans l’immédiat, je ne le suis pas mais j’aimerais beaucoup visiter, oui, êtes-vous disponible dans les prochains jours ? » Elle devait ensuite se rendre au club afin de vérifier que tout avançait au bon rythme, l’ouverture est pour dans quelques jours et perfectionniste jusqu’au bout des ongles, elle ne voulait pas avoir à gérer les derniers détails sur le tas. « Vu la manière dont vous en parler, je suis assez impatiente et ainsi nous pourrons nous lancer dans les choses sérieuses » une manière polie de lui dire qu’il vaut mieux battre le fer tant qu’il est chaud.
Open the boxes, unpack what you own. Hang up some posters and make this a home. Walk down the stairs and open the door. Look at the things you've never seen before. This is the beginning, of anything you want. This is the beginning. This is the beginning, of anything you want. This is the beginning. Δ
Clairement, j’espérais du fond du cœur avoir réussi à paraître professionnelle et un minimum sûre de moi. Parce que si je paniquais intérieurement à l’idée de me jeter dans le grand bain, que je doutais souvent de ma capacité à relever ce défi que je me mettais une sacrée pression pour réussir cet entretien et faire bonne impression à Rosalie Blake, il ne fallait pas que ça transparaisse lorsque je parlais de mon projet. Bien entendu, il ne fallait non plus que je paraisse trop sûre de moi non plus, parce que cela pourrait passer pour de la vanité, mais je doutais que là soit mon problème. Le seul problème qui risquait de faire pencher la balance en ma faveur ou non c’était le nom que je voulais donner à mon entreprise. J’étais encore totalement indécise de ce point de vue-là et il allait rapidement falloir que je parvienne à fixer mes idées, sur un nom qui plairait également à Rosalie et auquel elle voudrait bien associer ses propres créations de bijoux. Je lui proposais de continuer de réfléchir de mon côté aux noms que je voulais donner à ma maison de création et de les lui faire parvenir sous les meilleurs délais afin qu’elle me fasse part de son opinion. Pour sûr, Rosalie avait un goût très sûr et connaissait le milieu du luxe de l’intérieur quand moi je me contentais de l’observer de loin en rêvant de devoir un jour une grande créatrice, son avis serait donc un gros avantage. « J’en serai ravie » confirmait-elle rapidement. Finalement, le sujet venait rapidement sur le lieu que j’avais pour le moment retenu pour établir ma boutique. Fortitude Valley était un quartier animé, avec une rue piétonne extrêmement fréquentée qui nous assurait avec certitude d’une bonne visibilité auprès des habitants de Brisbane. Sans compter le fait que le lieu en lui-même, un petit duplex dans un style industriel était absolument magnifique, du moins il le serait assurément avec quelques rénovations. C’était exactement le genre de lieu dans lequel je me projetais et j’avais déjà en tête une idée claire et nette de la façon dont le tout serait organisé, aménagé et décoré pour en faire, une boutique agréable, fonctionnelle et originale. Je lui proposais de l’emmener visiter le lieu dès qu’elle serait disponible. « C’est une bonne nouvelle si vous êtes tombé sur le local. Dans l’immédiat, je ne le suis pas mais j’aimerais beaucoup visiter, oui, êtes-vous disponible dans les prochains jours ? » demandait-elle. J’hochais la tête avant de répondre dans un sourire « Vous savez, je passe mes jours et mes nuits sur ce projet. Je saurais assurément me libérer pour n’importe laquelle de vos disponibilités. Envoyez-moi un sms pour convenir d’un créneau horaire dès que vous savez quand vous êtes libre » proposais-je alors à la femme d’affaires. « Vu la manière dont vous en parler, je suis assez impatiente et ainsi nous pourrons nous lancer dans les choses sérieuses » ajoutait-elle ensuite. Je souriais alors largement. « Je suis aussi d’avis de faire ça rapidement, mais sans précipitation non plus. Je n’ai qu’une angoisse : aller trop vite et louper une étape. » dis-je alors. Rosalie finalement par me dire qu’elle devait prendre congé parce qu’elle avait des impératifs ailleurs. Elle ne manqua pas de me dire, qu’elle prendrait rapidement contact avec moi pour parler un peu de la suite et pour visiter le local sur lequel j’avais craqué. Je la remerciais chaleureusement pour son temps et la laissait rejoindre son chauffeur, restant assise à la table, avec tout mon matériel, des rêves pleins la tête et pleine d’espoir pour la suite des évènements.