Les yeux encore sur l’écran de mon téléphone, absorbée par celui-ci, je ne fais pas attention à la moto qui se gare un peu plus loin. Relevant la tête, plaçant mon téléphone dans la poche arrière de mon jean, je ne prête pas non plus attention à la jeune femme qui s’avance dans ma direction. C’est en sentant les bras de Scarlett m’enlacer que je réalise qu’elle est finalement arrivée. Je retourne l’attention en entourant la taille de mon amie pendant un bref instant. Quand je retrouve son visage face à moi, je lui souris et répond à sa première question. « Ca va très bien, et toi ?» Pour ce qui est du retard, nous nous étions décidées sur une heure mais ça n’avait rien de très engageant. Je comprenais qu’on pouvait avoir un peu de retard, tout en appréciant la ponctualité. Il y avait des endroits, des rendez-vous pour lesquels je ne verrais pas le retard comme quelque chose d’envisageable. Aujourd’hui, ce n’était pas le cas. Et venant de Scarlett, je savais très bien qu’elle s’en excuserait avant que j’ai la chance de la pointer du doigt.
« Non, ne t’en fais pas pour ça ! Un client s’est montré à la dernière minute ? » Scarlett travaillais dans un garage, moi dans une pâtisserie. Deux endroits très différents mais avec une grande ressemblance : nous étions aux services des autres. Et ce que client veut, client obtient ! Passant mon bras autour de celui de mon ami, je lui proposais d’entrer. « Mais maintenant que tu es là, on le boit ce café ? » J’approchais de la porte prête à saisir la poignée et nous faire entrer.

J'étais ravie d’entendre que j’avais bien fait, et que Scarlett était toujours aussi gourmande. C’était la raison qui nous avait fait nous rencontrer, en premier lieu, et c’était bien de savoir que la gourmandise était -serait- toujours quelque chose que nous partagerions.

Je n’avais pas eu le temps de répondre aux interrogations de Scar quand son téléphone sonna et d’un geste de la main je lui indiquais que ce n’était rien et qu’elle pouvait répondre. Je prenais ce temps de pause dans notre conversation pour prendre une gorgée de ma boisson et réfléchir à ses questions. Le côté avoir pitié de moi, je l’entendais plus comme Leyhan s’en voulant de ce qu’il m’avait fait lorsque nous étions ensemble. Même si cet acte avait été une grande surprise pour beaucoup de monde, sa famille, ses amis, moi.. Il n’était pas ce genre de type, ou du moins c’était ce que nous pensions tous mais à croire que nous étions tous à côté de la plaque. Bref, c’était le passé mais aux premiers abords j’avais réellement cru que son insistance face à mon hésitation était dû à de la culpabilité. Peut-être que je m’étais trompée mais je ne le saurais jamais. Les choses avaient été bizarres entre nous pendant quelques temps puis nous avions tous les deux conclut qu’une discussion s’imposait et nous avions bien fait. Une fois les choses mises à plat, aller travailler au Pearl Café était devenu beaucoup moins étrange, et je m’y plaisais. De là à croire que tout cela était le résultat d’une quelconque envie de Leyhan de recoller les morceaux entre nous après toutes ces années, j’en doutais fortement. Scarlett était peut-être plus romantique que moi, au fond, ce qui serait également dur à croire. J’avais toujours cru en l’amour, mon mariage en France après seulement quelques mois de relation le prouvait bien. J’avais finalement, sans vraiment le prévoir, répondu mentalement à toutes les questions de mon amie et j’étais encore dans mes pensées quand elle raccrocha son cellulaire. Je lui souriais, essayant de recomposer une expression joyeuse -mes souvenirs de ma relation avec Leyhan et ceux d’avec mon ex-mari m’avait un peu fait perdre de cette bonne humeur que j’avais à l’arrivée de la demoiselle. Je comprenais parfaitement les obligations de mon amie et je n’allais pas lui tenir rigueur de partir maintenant. « Mais oui, avec plaisir. » Je la regardais me lancer un petit regard coupable. Il n’y avait vraiment pas de quoi, maintenant qu’on vivait toutes les deux dans la même ville on aurait plus qu’un nombre raisonnable de possibilités pour rattraper le temps perdue. « File, je te dis ! Appelle-moi quand tu pourras, t’en fais pas. » Scarlett finit par ma sourire et se lever de sa chaise et finalement partir avec son muffin à la main. Je la suivis du regard jusqu’à ne plus pouvoir, le sourire toujours aux lèvres. Notre rendez-vous n’avait duré que quelques minutes mais cela m’avait vraiment fait du bien et plaisir de la voir. Je décidais de prendre mon temps pour finir ma boisson et mon muffin, après tout rien ni personne ne m’attendais.