I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
« Charlie, tu peux m’aider à mettre mes chaussures ? » Je stoppais ce que j’étais en train de faire pour me tourner vers mon neveu. Il se tenait debout dans l’encadrement de la porte de la cuisine, une tartine beurrée encore à la main. Depuis qu’Ollie faisait partie de nos vies, j’avais l’impression de vivre à 300 à l’heure. Elever un enfant, même à trois, et continuer de mener de front carrière ou études, s’avérait être un challenge de tous les jours. Nous avions une organisation quasiment militaire, rudement menée par ma petite sœur Théo qui avait des airs de despote lorsqu’il s’agissait de son fils. Pas question qu’Ollie manque la moindre journée d’école, il n’était pas question non plus de le laisser à la nounou plus de deux soirs par semaine. Aucun de nous trois ne voulait reproduire avec Oliver les erreurs que nos parents avaient commis lorsque nous étions enfant. Si notre organisation n’avait rien de parfaite et qu’il arrivait parfois qu’il y ait quelques petits ratés, je devais avouer que nous ne nous en sortions pas si mal que ça. Gauthier s’occupait d’Oliver surtout les week-ends, quand il ne travaillait pas et pendant que Théodora et moi allions profiter un peu de notre jeunesse et des soirées étudiantes. Quant à moi, j’étais chargé d’emmener Ollie à l’école tous les matins en allant à la fac. Au début, ça avait été une véritable catastrophe et Oliver arrivait à l’école avec plusieurs minutes de retard. Mais à force de subir le courroux de Théo, nous avions pris le pas et étions parvenus à trouver une façon de nous organiser comme il fallait. « Allez viens bonhomme » je m’accroupissais pour l’aider à lasser ses chaussures. Une fois fait, je lui tendais son manteau, attrapais son sac à dos, et nous quittions tous les deux la maison. « Au fait, tu as bien fait tes devoirs hier soir ? » lui demandais-je sur le chemin. « Oui avec Gauthier ». Mon grand frère était l’incarnation parfaite d’un père de famille bien qu’il soit loin d’être prêt à fonder la sienne, bien trop pris par sa carrière et par nous autres, qui squattions chez lui depuis maintenant 3 ans. Nous ne tardions pas à arriver à l’école. « Bon allez passe une bonne journée » lui glissais-je. Et alors qu’Ollie allait entrer dans la cours de récréation, je l’interpellais de nouveau. « Tu n’as pas oublié quelque chose par hasard ? » Et avec un sourire amusé, Oliver se précipitait vers moi pour déposer un bisou bien baveux sur la joue que je lui tendais. « File, tu vas être en retard » Je lui ébouriffais les cheveux avant qu'il ne disparaisse pour aller rejoindre ses camarades.
Une fois Ollie à l’école, je prenais rapidement le chemin des locaux d’ABC Radio où je venais de décrocher un stage. C’était un stage dans le cadre de mes études et j’espérais fortement être engagé à l’issue de ses quelques mois. Une fois arrivé, je me dirigeais aussitôt vers le comptoir qui se trouvait à l’accueil. « Bonjour, je suis le nouveau stagiaire, Charlie Hazard-Perry. » me présentais-je rapidement à l’hôtesse d’accueil afin que l’on m’indique où je devais me rendre. « L’assistante de Monsieur Keynes, va venir vous chercher, c’est elle qui va vous faire faire le tour des locaux » répondit alors la secrétaire. J’allais donc faire un petit tour dans le hall pour observer les quelques photographies qui étaient accrochées au mur. Jusqu’à ce qu’une grande blonde face son apparition dans le hall. Cette fois-ci, je la reconnaissais. Janis Cavendish. La jeune fille qui avait un peu trop bien fêté ses vingt ans. Nous avions eu de nombreuses occasions de nous croiser dans les couloirs de l’université, lors des soirées étudiantes ou tout simplement dans les rues de Brisbane. J’avais fini par apprendre son prénom, bien que j’avais mis du temps avant de le connaître réellement. Nos échanges étaient rares, assez tendus. Il fallait dire que je n’étais pas non plus le type le plus accueillant et chaleureux qui soit. Je détestais parler pour rien dire et ne m’embarrassais jamais du devoir de meubler la conversation, préférant largement un silence pesant à une conversation futile et sans intérêts. Janis quant à elle, ne semblait pas m’apprécier outre mesure, il fallait bien dire que je ne lui avais donné occasion de le faire. En l’apercevant se diriger vers moi et en voyant sa mine légèrement déconfite, je comprenais soudainement que c’était elle l’assistante du rédacteur en chef de la radio et que j’allais donc être amené à la croiser plus que régulièrement. « Génial » marmonnais-je dans ma barbe avant qu’elle ne soit arrivée à ma hauteur.
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
Foutu réveil. Il sonne beaucoup trop tôt. Et tous les jours j’ai l’impression qu’il s’amuse à se reculer – machiavéliquement bien évidemment – pour me donner de moins en moins l’impression de dormir suffisamment. Je me frotte les yeux, je soupire. Une fois, puis deux. Puis je me redresse avant de m’étendre. J’ai exactement une demi-heure me préparer. Puis quinze minutes pour arriver dans les bureaux de la radio ABC. Chaque seconde est comptée, chaque manquement est source de réprimande. Car j’ai eu la chance d’hériter du patron le plus exigeant du monde. Enfin, je lui rends plutôt bien, à en juger par les regards lourds de sous-entendus que je lui balance à longueur de journée. Je n’ai pas envie d’être là. Je rêve d’être partout sauf dans ces bureaux, et je rêve surtout d’être sur un plateau de tournage. Mais je dois me faire à l’idée que cette vie ne sera plus la mienne, tout comme je dois me faire à l’idée qu’il faut que je me trouve une activité professionnelle digne de ce nom. Pour ne pas finir comme mes parents, les éternels de la classe moyenne. Il faut que je monte dans l’échelle implicite de cette société. J’ai un bon diplôme, je me suis démenée pour payer mes études. J’ai envie de faire aussi bien que ma soeur, si pas mieux. Allez, je me lève et file sous la douche, j’ai ma dose de motivation. Cinq minutes. Je me sèche les cheveux en vitesse et me maquille légèrement: un trait d’eye-liner et un rouge à lèvres neutre. L’étape cruciale est à présent devant moi. Le choix de ma tenue. J’opte pour un pantalon noir très moulant et un chemisier blanc. Je complète ma tenue par des escarpins assortis et un parfum enivrant. C’est bien la seule chose que j’apprécie dans mon boulot: le fait de pouvoir user et abuser de mes charmes, et de mon dressing assez bien rempli surtout. J’ai envie d’imposer le respect, pas d’être la gamine au mini-short qui tombe de son vélo dans un moment d’inattention. Ca, c’est la Janis des weekends. En semaine, je suis une femme fatale. Enfin, j’essaye. Je finis par attraper mon cabas et enfourne un petit-déjeuner rapide. Taylor a eu l’amabilité de nous préparer une omelette ce matin. Elle est assez matinale et elle sait que le reste des colocataires est plutôt du genre à faire la grasse matinée dès que possible. Je la remercie intérieurement et me régale, avant de prendre la porte.
J’arrive au bureau cinq bonnes minutes avant le début de ma journée. Une première pour un lundi. Jamie n’est pas encore là, mais je remarque déjà que son agenda est bien rempli. Je dépose son courrier et j’y jette un coup d’oeil, penchée contre son bureau. Je hoche ensuite la tête face à sa liste imposante de rendez-vous. Je ne vais pas devoir me le coltiner une bonne partie de la semaine, quelle aubaine. Enfin, à part s’il décide que ma présence est nécessaire à ses côtés. Mais pour être honnête, j’en doute. Et puis, je ne vois ni l’intérêt ni la plus-value pour moi de rencontrer… Monsieur Parker, pêcheur émérite du port de Brisbane. Je soupire et retourne vaquer à mes occupations, dans ma minuscule pièce qui me sert de bureau. Bon, j’ai une fenêtre. Et un ordinateur. Jamie arrive une bonne heure après, me salue d’un signe de tête gratifié d’un léger sourire. Tiens, il est de bonne humeur aujourd’hui. Je passe quelques coups de fil, j’annule quelques-uns de ses rendez-vous avant de recevoir un appel de l’accueil. Personne n’a le temps (ni l’envie d’ailleurs) de faire le tour du propriétaire à un nouveau venu. Un stagiaire apparemment. Je remets mes escarpins (car bien évidemment, je les avais retiré une fois passée la porte de ce qui me sert de bureau) et me dirige vers l’ascenseur. J’arrive au premier étage après quelques secondes, et fais clapoter mes talons sur le marbre lustré du hall d’entrée. Je lance un sourire à l’hôtesse d’accueil et me dirige vers le fameux stagiaire, qui est de dos, surement en train d’admirer l’une des innombrables photographies décorant l’entrée du bâtiment. Il se retourne et nos regards se croisent. Je manque de me prendre les pieds dans le tapis gris du hall et mon sourire se fane aussitôt. Charlie Hazard-Perry. Celui qui m’avait sauvé le jour des mes vingt ans, mais aussi celui qui m’avait snobé toutes les années qui ont suivi. Quelle ironie du sort. Je m’approche de lui et lui tends une main, l’air froid et dédaigneuse, un peu comme lui quoi. “Je m’appelle Janis, bienvenue à ABC.” Au cas-où il aurait oublié mon prénom. Je doute même qu'il n'en ait jamais eu la connaissance. Il me serre la main d’une poignée ferme. Il ne veut surement pas se laisser dominer. Et ça tombe bien, car moi non plus. “Suis-moi, je vais te montrer ton bureau.” Sans un regard, je me retourne et prends les devants. Je me dirige à nouveau vers l’ascenseur et appelle ce dernier. Nous nous faufilons à l’intérieur et j’appuie sur le bouton du troisième étage, celui réservé aux rédacteurs et à leurs stagiaires. Je m’appuie contre la paroi du fond et m’efforce à rester droite comme un piquet, laissant un espace quasiment inter-galactique entre nos deux corps.
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
Je regardais Janis s’approcher de moi, d’un air parfaitement neutre qui ne laissait pas trahir la moindre émotion, ce qui pour le coup n’avait rien de très difficile puisque je ne ressentais pas grand-chose à cet instant hormis de la lassitude. En vérité, j’étais las du comportement de Janis vis-à-vis de moi, comportement que je ne comprenais pas du tout. Tout laissait à croire qu’elle attendait de ma part quelque chose, quelque chose que visiblement je n’avais jamais été en mesure de lui fournir. Ce qui la poussait dont à agir avec moi de cette façon : avec indifférence, comme si elle avait besoin de me montrer qu’elle se fichait de moi, ce qui à mon sens n’avait aucun intérêt puisque lorsqu’on se fichait réellement de quelqu’un, il n’y avait pas à agir d’une façon particulière, on s’en fichait tout simplement. Je voulais bien concevoir que je ne rendais pas les choses plus faciles puisque de toute évidence je ne faisais aucun effort vis-à-vis d’elle, je n’allais jamais lui parler, je n’étais jamais allé la trouver pour lui demander quel était son problème avec moi. Ce que je ne faisais de toute façon pas et avec personne, à de rares exceptions bien entendu, tels que mon frère et ma sœur et les quelques amis que je pouvais compter sur les doigts d’une main. Clairement, je faisais ma vie et lui laissais faire la sienne, je ne comprenais pas où se situait le problème. Nous n’avions de prime abord aucun moyen de nous rapprocher, aucun centre d’intérêt en commun. Des filles comme Janis j’en avais côtoyé des centaines, la majorité de mes ex-petites copines étaient comme elle, belles à couper le souffle, mais lorsqu’on creusait, ça sonnait creux. Leur physique et l’effet que celui-ci pouvait bien produire sur les autres étaient tout ce qui les intéressait et en dehors de ça, il était bien souvent difficile de trouver un sujet de conversation réellement intéressant. Si Janis m’avait rencontré lorsque j’étais encore à Londres, elle aurait sûrement été l’objet de mon attention, de ma convoitise et je me serais sûrement empressé de faire d’elle ma petite copine avant qu’un de mes potes ne mette le grappin dessus. Mais il fallait croire que j’avais changé, que j’avais mûri ; j’avais fait le tour de ces filles belles et vides à l’intérieur, elles étaient toutes les mêmes de toute façon, interchangeables.
« Je m’appelle Janis, bienvenue à ABC. » se présenta-t-elle, l’air froid, le menton un peu relevé. Elle me toisait du regard alors qu’elle me tendait une main que je venais serrer fermement. Je ne pouvais empêcher un sourire en coin, clairement amusé, de venir étirer mes lèvres. Tant de cinéma, à quoi bon ? Avais-je réellement blessé son ego à ce point pour que des années après elle ait toujours cet épisode en travers de la gorge ? Si c’était le cas, j’avais largement sous-estimé mon pouvoir attractif. Cependant, je décidais de rentrer dans son jeu, d’aller dans son sens (ce qui devait bien être la première fois que je faisais ça) et de faire comme si nous ne nous connaissions pas. Après tout, cela n’avait rien de faux, j’ignorais tout d’elle (bien que j’avais l’impression de la connaître, ayant déjà vécu avec des filles dans son genre) et elle ignorait absolument tout de moi, bien qu’elle aussi devait se faire une idée de la personne que je pouvais bien être. « Charlie. Ravi de faire votre connaissance et merci pour l'accueil. » dis-je avec sobriété, ne pouvant dissimuler l’air amusé qui se peignait sur mon visage. Je la trouvais presque charmante à essayer de s’imposer à moi de cette façon. « Suis-moi, je vais te montrer ton bureau. » reprit-elle, alors que notre poignée de main arrivait à son terme. Et elle se dirigeait vers l’ascenseur, d’une démarche assurée, tel un mannequin sur un podium. Je la suivais docilement, prenant le temps de l’observer de dos. Il fallait dire que je ne l’avais jamais vraiment regardé. J’avais bien entendu Harry fantasmer sur son physique pendant nos années à l’université de Brisbane. Il m’avait d’ailleurs traité de sombre idiot le jour où Janis était venue me trouver pour me remercier de l’avoir ramassée à la petite cuillère sur le bord de la route et où j’avais à peine pris le temps d’écouter ses remerciements et ses excuses. Il m’avait pris la tête pendant des heures en me garantissant que plus jamais une aussi belle fille ne me porterait d’intérêt et que j’étais fou d’avoir manqué une pareille chance. Et ce souvenir me ramenait instantanément à ma première entrevue avec Janis à l’université où elle s’était montrée si enthousiaste à l’idée de me retrouver, moi, son sauveur de la veille, enthousiasme que j’avais malheureusement tué dans l’œuf. Et alors que Janis et moi rentrions dans la cage d’ascenseur et qu’elle semblait tout faire pour mettre le plus de distance entre nous et que j’aurais normalement dû profiter de cette occasion pour l’ignorer à mon tour comme je savais bien le faire depuis 4 ans, je ne pouvais m’empêcher de la provoquer. « Je préférais quand même ton accueil de la dernière fois » glissais-je d’une voix où mon amusement était clairement notable, en faisant référence à cette fameuse rencontre à l’université. Esprit de contradiction quand tu nous tiens…
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
Je déteste ce genre de mec. Sans rire, il est à l’antipode de ceux que je fréquente d’habitude. Il n’y a qu’à voir comment il s’est comporté la première fois que nous nous sommes rencontrés. Ou plutôt la deuxième. Il est vrai que je n’étais pas au top de ma forme cette soirée là, celle de mon anniversiare. J’avais décidé de le remercier le lendemain. En bonne et due forme, comme toute personne qui se respecte. Après tout, il m’avait trouvé alors que j’errais sans but dans la rue, et il m’avait galament raccompagnée jusque chez moi. Je m’étais montrée enjouée le lendemain à l’université, je m’étais même montré gentille et attentionnée (pour une fois d’ailleurs) et il m’avait juste gratifié d’un regard. Un de ces regards froids, sans émotion ni bon sentiment. De la condescendance surement. J’avais ensuite tourné les talons et disparu de sa minable existence. Je suis une personne très rancunière, et même trois années après cet épisode, j’en garde un goût amer. Je n’éprouve rien de particulier à son égard, loin de là, mais j’ai mal digéré – très mal même – son comportement. Après tout, je n’agis jamais comme cela d’habitude, et le fait qu’il m’ait cassé dans mon élan m’a quelque peu rendue aigrie. Enfin, il faut croire que le destin a envie de nous jouer un tour et il semblerait que je doive me coltiner l’Anglais pour les prochains mois à venir. Quelle chance, en voilà une semaine qui commence bien. Je pense à son regard, lourd de froideur, qui va me suivre et me poursuivre dans les bureaux d’ABC et je n’ai qu’une envie: prendre congé. Claquer la porte, m’en aller. Mais ce serait trop facile.
Je tourne les talons, un peu comme la dernière fois que l’on s’est adressé la parole, et le somme de me suivre. Il le fait, après m’avoir lancé une remarque teintée d’ironie que je n’ai pas relevée. Je ne suis pas impressionnée par lui, je ne le serai jamais d’ailleurs. J’ai cerné le personnage. Un gars riche, surement d’une famille émérite, qui a toujours eu ce qu’il voulait et qui n’a aucune notion du monde qui l’entoure. Un gars qui s’auto-suffit, un gars qui ne vaut pas la peine d’être connu en fin de compte. Il a peut-être bien fait de me remballer il y a trois ans, grâce à ça j’ai peut être évité le supplice de devoir le supporter. Enfin, je vais quand même devoir le faire durant toute la durée de son stage, et intérieurement je prie pour ne pas souvent croiser sa route.
Je pénètre dans l’ascenseur et me colle contre le fond de la paroi, pour éviter un quelconque contact avec lui. Et malheureusement pour moi, il ne peut s’empêcher de me lancer: « Je préférais quand même ton accueil de la dernière fois » Mes yeux s’écarquillent. De qui se moque-t-il là? Comment peut-il oser mentionner cette fameuse dernière fois? À sa place, j’aurais honte d’être un jeune homme aussi arrogant. « Faut croire que les temps changent. » Je m’avance ensuite alors que les portes s’ouvrent devant nous, et il m’emboîte le pas. Quel timing. Nous marchons dans un long couloir décoré de photos d’animateurs illustres de la radio et je lui indique quelques portes ça et là. « Là, c’est le bureau des rédacteurs des infos. Là, c’est celui des rédacteurs de la matinale. » Je m’arrête net, et il manque de me rentrer dedans. Un léger sourire en coin, je poursuis: « Là, c’est l’IT. Quand tu as un souci avec ton ordinateur, ou pour tout ce qui concerne l’informatique en général, tu peux aller les trouver. » Je continue ma visite sans jeter un regard dans sa direction et termine par un open space totalement vide. « Tu pourras te présenter quand les autres reviendront de leur réunion. » Je marche encore quelques mètres et m’arrête devant un minuscule bureau, décoré uniquement d’un ordinateur et d’un téléphone. « Voilà, c’est ton bureau. » Je lui indique ce dernier d’un geste de la main nonchalant et lève les yeux au ciel, déjà lassée de cette visite. « Des questions? J’ai du travail. » Je croise les bras et pour la première fois, je dépose mes yeux dans les siens. Je suis déstabilisée presque instantanément, et les rabaisse aussitôt.
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
C’était plus fort que moi, je sentais peu à peu l’amusement monter au fond de moi et je me sentais comme obligé de la pousser dans ses retranchements. Je savais qu’en agissant de la sorte, je risquais vraiment de ruiner le peu de chances que nous avions de nous entendre un jour et de cohabiter au sein des locaux de la radio. Mais son comportement me paraissait tellement absurde que j’avais envie de voir jusqu’où elle était capable d’aller uniquement pour me tenir tête et se prouver à elle-même qu’elle valait mieux que celui qu’elle pensait que j’étais. Un snobinard de British, voilà tout ce que j’étais pour elle. J’étais passé, à ses yeux, du rôle de preux chevalier à celui du chevalier qui avait clairement pris la grosse tête. Elle n’avait pas totalement tort, je ne pouvais pas la blâmer et en étant parfaitement honnête je devais avouer que ça m’arrangeait bien qu’elle reste sur ses aprioris à mon égard. Et pour moi elle n’était qu’une pimbêche qui n’avait que son physique comme arme. Mais j’avais bien envie de voir qui elle était, comment elle réagissait lorsqu’on la poussait à sortir de ses gonds, comment ça se passait quand on la poussait à abandonner son apparence lisse et indifférente. Au moins, si jamais la guerre venait à être déclarée entre nous deux, cela assurerait un petit peu d’animation lors de mon stage, ça me ferait pour sûr une occupation lorsque je n’aurais pas grand-chose à faire. Alors je la piquais, de la seule manière que je connaissais et dont j’étais certain de son efficacité à 100%, j’abordais cette fois où j’avais piétiné avec indifférence sur son ego, et ce devant l’ensemble de l’université et sans même m’en rendre délibérément compte. Je la sentais se tendre dans mon dos, je pouvais sentir ses yeux qui perçaient deux petits trous dans mon dos alors qu’elle devait certainement me fusiller du regard. Je croyais que je pouvais même me douter de sa surprise : oui j’avais osé et il vaudrait mieux pour elle qu’elle se fasse au fait que je ne m’inquiétais pas réellement de dépasser les bornes, surtout lorsqu’il était question de froisser quelqu’un. « Faut croire que les temps changent. » répliqua-t-elle. Et je me mettais à rire un petit peu. Ce n’était pas un rire tonitruant, mais plutôt un pouffement, comme si je cherchais à me retenir de rire. Je savais qu’elle m’entendait rire et ça m’amusait encore plus. Ce stage s’annonçait décidemment bien plus intéressant que ce à quoi je m’étais attendu. Finalement, dans l’ambiance pesante qui régnait dans la cabine, l’ascenseur fini par s’arrêter à l’étage que Janis avait choisi. Elle s’avançait, sans un regard pour moi et nous finissons par sortir de l’ascenseur l’un derrière l’autre.
Les choses sérieuses commençaient, j’allais découvrir le lieu où j’allais travailler pendant plusieurs mois, et peut-être celui où j’aimerais me faire embaucher à la fin de mes études. C’était quelque chose que j’attendais depuis tellement longtemps, d’aussi loin que je m’en souvenais j’avais toujours voulu être journaliste. Tout mon parcours professionnel était parfaitement tracé dans ma tête, il ne me restait plus qu’à me donner les moyens de mes ambitions. J’avais brillé durant mes études, ayant d’abord étudié à Oxford le journalisme dans sa forme la plus globale, ayant appris les techniques de la presse papiers, des médias audiovisuels et sans oublier de la presse diffusée sur internet, j’avais entrepris une spécialisation en géopolitique en arrivant à Brisbane. C’était clairement le domaine que me faisait vibrer. Je voulais être un grand reporter, parcourir le monde à la recherche d’informations, je voulais découvrir le monde, être aux premières loges de tout ce qui pouvait se passer dans ce bas monde et en informer le reste de la population. Le monde de l’audiovisuel était ce qui me plaisait le plus, d’où mon intérêt par ce stage proposé chez ABC. Ma candidature avait aussitôt retenu l’attention des employés de la radio et je n’avais eu aucun mal à décrocher de poste de stagiaire. Il fallait cependant que je sois suffisamment performant lors de mon stage pour donner envie à l’équipe permanente de la radio d’envisager poursuivre l’aventure en ma compagnie. Aussitôt que la visite des locaux commençait à proprement parler, Janis sortait de mes pensées. Je lui laissais un peu de répit, répit qui malheureusement pour elle ne serait que de courte durée. Mais c’était toujours mieux que rien. Je la suivais, les mains dans les poches, sans un mot, écoutant ce qu’elle avait à me dire et tâchant de me souvenir de tout ce qu’elle racontait. Clairement, je n’avais jamais autant prêté attention à cette fille qu’en cet instant même. « Là, c’est le bureau des rédacteurs des infos. Là, c’est celui des rédacteurs de la matinale. » décrivait-elle alors que nous avancions le long d’un couloir où les personnalités emblématiques de la radio peuplaient les murs. J’étais si abordé par ma contemplation presque religieuse de ce qu’elle me montrait que je ne remarquais même pas qu’elle s’était arrêtée au milieu du couloir et je manquais de lui rentrer dedans. « Là, c’est l’IT. Quand tu as un souci avec ton ordinateur, ou pour tout ce qui concerne l’informatique en général, tu peux aller les trouver. » ajoutait-elle. J’hochais brièvement la tête lui indiquant qu’elle pouvait continuer sa visite et que j’étais prêt à la suivre. « Tu pourras te présenter quand les autres reviendront de leur réunion. » Nouvel hochement de tête de ma part alors que je la suivais jusqu’à un bureau, minuscule. « Voilà, c’est ton bureau. » C’était ainsi que ma visite guidée se terminait. Clairement c’était plutôt expéditif. « Des questions ? J’ai du travail. » Je la regardais et ses yeux venaient à la rencontre des miens, impénétrables, un instant seulement, comme si elle avait peur de soutenir trop longtemps mon regard. « Plusieurs en réalité. Mais je me débrouillerais sans toi va. Un grand garçon comme on dit. » Je lui adressais un petit sourire en coin. Je savais qu’elle faisait tout pour mettre un terme à cette visite guidée, pour mettre le plus rapidement possible le plus de distance entre nous deux. J’étais un peu déçu que ça soit elle qui m’ait fait la visite, parce qu’avec elle rien de toute ceci ne vendait du rêve. Elle ne m’avait rien montré, ni les studios, ni les archives, ni l’équipe technique. Elle ne m’avait présenté à personne et je ne pouvais pas nécessairement lui en vouloir. Je préférais encore me débrouiller tout seul plutôt que de perdre mon temps avec elle, même si la titiller m’amusait grandement. « Juste... Pourquoi es-tu ici si tu portes si peu d’intérêt à tout ça ? » C’était la question qui me brûlait les lèvres depuis le début de la visite guidée. Je ne savais pas si c’était uniquement ma présence qui l’a rendait aussi hermétique à tout ceci, si c’était uniquement le genre qu’elle voulait se donner face à moi, ou si effectivement, comme je le soupçonnais, travailler ici n’était rien qu’un moyen d’occuper son temps et de gagner de quoi manger à chaque fin de mois. Je trouvais ça dommage, presque révoltant. Pour la première fois en quatre ans, j’éprouvais, à l’égard de Janis, un autre sentiment qu’une profonde indifférence : de l’agacement. J’étais agacé de me dire que certaines personnes rêvaient d’être à sa place et qu’elle peinait à y trouver le moindre intérêt.
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
J’expédie la visite guidée des locaux, parce que je n’ai tout simplement pas envie de me farcir un gars qui se paie ma tronche. Et puis, quoiqu’on en pense, j’ai du travail. Pas du travail de fond, certes, mais je dois quand même m’atteler à pas mal de tâches. Il faut une sacré bonne organisation pour pouvoir arranger, reporter, ou bien même annuler des rendez-vous. Jamie est une personne très affluente, et pas seulement au sein de la radio. Il s’est aussi lancé dans l’art, dans la peinture plus exactement. Et pour couronner le tout, il est ambassadeur de plusieurs marques. Ou d’associations, je ne sais plus vraiment. Il fait tellement de choses différentes qu’il m’arrive de m’emmêler les pinceaux. D’où la nécessité d’être concentrée et disponible aussi souvent que possible. Cela fait déjà près de sept mois que j’ai été engagée, et je pense faire du bon travail à en juger par les sourires dont il me gratifie ou les hochements de tête satisfaits qu’il me lance la plupart du temps. Alors, d’accord, je suis éreintée, j’ai l’impression de ne plus avoir de temps pour moi, de temps pour vivre. Mais j’aime ça au fond, j’aime ce rythme, ce quotidien pas vraiment morose, ces nouvelles têtes (enfin, pas la nouvelle tête du moment), ces événements auxquels j’ai le luxe de pouvoir participer, la liberté d’action que me donne mon patron, bref, je me sens bien ici. Mais je ne montre rien de mon excitation. J’arbore plutôt une tête d’enterrement. Pas que je m’ennuie, non, mais je ne suis pas du genre démonstrative. Et encore moins face à une personne qui ne m’apprécie pas, et que je n’apprécie pas non plus à vrai dire. Nous finissons par arriver dans le vaste open space des rédacteurs, là où il est sensé travailler. L’endroit est vide, tout le monde est en réunion hebdomadaire. Le lundi, c’est un jour assez calme, du moins pour moi. La plupart des rédacteurs élaborent le plan de leur semaine ensemble, dans ces salles à l’abri des regards, où je pénètre rarement. Cela me fait du bien, j’ai l’impression de jouir d’un peu plus de liberté encore. Je peux me permettre d’aller boire un café (enfin non, je déteste ça), d’aller fumer une cigarette sur la terrasse du dernier étage de l’immeuble ou bien même aller discuter avec quelques autres jeunes collègues. Cependant, je dois dire que mon lundi est quelque peu entaché aujourd’hui. Et cette tâche porte un assez long nom, celui de Hazard-Perry.
Je lui demande s’il a des questions, plus par envie de bien vouloir faire mon travail temporaire que par réel désir de discuter avec le jeune homme. « Plusieurs en réalité. Mais je me débrouillerais sans toi va. Un grand garçon comme on dit. » Je le regarde observer son bureau, en détailler le moindre recoin, poser ses longs doigts sur le bois travaillé pour finir par me lancer un sourire en coin. Je me doute qu’il ait plusieurs questions, je ne lui ai fait faire qu’une visite sommaire des lieux. Le bâtiment est bien plus vaste, bien plus intéressant que cet unique étage, mais je me dis qu’il aura l’occasion de découvrir tout ça par lui-même. Sans que j’aie à le supporter. Surtout. Je hoche la tête et finis par tourner les talons, ne voulant pas savoir la nature de ses questions, mais il m’interpelle avant que je ne dépose un pied devant l’autre. « Juste... Pourquoi es-tu ici si tu portes si peu d’intérêt à tout ça ? » Je lève les yeux au ciel et respire un grand coup, avant de faire volte-face. « Comment peux-tu affirmer une chose pareille? J’adore cet endroit, j’adore mon boulot, et je ne te permets pas de me juger. » Je m’approche un peu plus de lui, le regard mauvais. « Excuse-moi juste de ne pas trouver de plaisir à cette visite guidée, quand on voit comment a tourné notre dernière conversation. » Je finis par détacher mon regard du sien après quelques secondes et me recule légèrement avant de croiser les bras. Rancunière, moi? Surement.
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
Je regardais Janis attendre que je lui pose des questions avec une impatience à peine dissimulée. Non pas parce qu’elle serait ravie de répondre à celles-ci mais parce qu’elle espérait clairement que cette entrevue se termine le plus tôt possible. Si cela n’avait été si puéril et si peu professionnel de sa part, je dois avouer que j’aurais été amusé de savoir que j’avais tant d’influence sur la jeune femme au point de l’agacer encore des années après cet incident mineur. Sa façon de bâcler ma visite guidée ne me vexait pas du tout (si Janis n’était pas capable de de passer au-dessus des choses, ce n’était pas mon cas) mais m’agaçait quelque peu. Venir ici était un véritable rêve de petit garçon et elle avait omis de me présenter toutes les parties les plus intéressante de l’entreprise. Je la soupçonnais clairement de ne réserver ce traitement de faveur qu’à ma petite personne, mais peu à peu je venais à me demander si globalement c’était le poste qu’elle occupait qui ne l’ennuyait pas tout simplement. Je venais alors lui poser la question et sa réaction ne se fit pas attendre. « Comment peux-tu affirmer une chose pareille ? J’adore cet endroit, j’adore mon boulot, et je ne te permets pas de me juger. » se renfrognait-elle aussitôt, me lançant un regard mauvais alors qu’elle se rapprochait de moi, comme pour m’intimider. « Si je peux me permettre de te reprendre sur un point, je n’ai pas affirmé quoi que ce soit à vrai dire. J’ai d’ailleurs utilisé plusieurs effets de styles qui étaient en totale opposition avec une quelconque affirmation, comme l’emploi d’une forme interrogative par exemple, voire même celui de la conjonction de subordination si. » Intérieurement, je me réjouissais d’avance de savoir que mon petit discours concernant la langue ferait littéralement péter un plomb à mon interlocutrice. Je savais pertinemment que je pouvais être on ne pouvait plus agaçant lorsque je commençais à donner des leçons, surtout en matière de langage à mon entourage. C’était d’ailleurs des répliques du genre qui me valait mon petit surnom de snobinard de British auprès de nombreux camarades de classe. Malheureusement pour Janis, cela m’amusait beaucoup et les répliques désobligeantes qui suivaient n’avaient aucun impact sur ma petite personne. « Quant au fait que tu adores ton boulot, permet-moi d’en douter sincèrement à la vue de la façon dont tu me présentes l’établissement. Heureusement que je sais déjà ce qu’est une radio, parce qu’avec toi, je ne crois pas que j’aurai découvert quoique ce soit. » continuais-je juste avant que Janis ne poursuive. « Excuse-moi juste de ne pas trouver de plaisir à cette visite guidée, quand on voit comment a tourné notre dernière conversation. » Et tout à coup, je me mettais à rire, un petit peu, puis je levais les yeux au ciel, visiblement consterné. « Allez quoi, tu ne vas quand même pas me faire croire que ton ego ne s’en est toujours pas remis depuis le temps ? » Je faisais l’étonné alors que depuis le début, je savais très bien que Janis ne me pardonnerait sûrement jamais cet affront que je lui avais fait. J’imaginais sans peine à quel point cela avait dû la blesser sur le coup et à quel point aujourd’hui, lorsqu’elle repensait à cette conversation, elle pouvait encore sentir la piqûre à l’ego que je lui avais infligé. Pour sûr, Jans ne devait pas être habituée à se confronter à quelqu’un, qui plus est de sexe masculin, qui n’était pas impressionné par sa plastique pourtant irréprochable. J’imaginais parfaitement comment Janis avait certainement dû toujours jouer et compter sur son physique pour influencer son entourage et particulièrement lorsque celui-ci était de sexe masculin. Au sein même de mes amis les plus proches, je n’en connaissais pas qui n’auraient pas pu résister au regarde de biche de la belle et qui auraient pu en faire des tonnes uniquement dans l’espoir d’attirer son attention. Mais personnellement, je me fichais pas mal de Janis Cavendish. Je me fichais également de savoir si oui ou non elle s’intéressait à moi et cette fois où elle était venue me trouver à l’université, je ne me serais pas douté un seul instant qu’elle allait se vexer pour les quatre prochaines années. « Tu ne crois pas qu’il est temps de passer l’éponge sur cette histoire ridicule ? Surtout que dans ton raisonnement tu ne me semble pas réellement logique : si je t’importe si peu que tu essayes de t’en persuader, pourquoi tu ne contentes-tu pas d’agir avec moi avec indifférence, comme je le fais avec toi ? » Un grand sourire venait étirer mes lèvres. Clairement je la provoquais sur un fond de vérité. Je ne comprenais pas pourquoi cette fille se donnait tant de mal pour me prouver qu’elle se fichait pas mal de moi alors qu’elle n’avait qu’à tout simplement agir avec indifférence à mon égard. Je savais cependant qu’en ajoutant le fait que moi-même agissais avec indifférence à son égard suffirait à la vexer un peu plus et à l’énerver. Mais j’avais envie de la pousser dans ses retranchements pour lui prouver à quel point cette histoire était ridicule. « Si cela peut t’aider, promis, je ne critiquerai plus la façon dont tu choisis de perdre ta dignité » C’était un peu un coup bas, je devais l’avouer. Je remettais clairement sur le tapis cette fois où elle avait trop bu au point de ne plus savoir comment rentrer chez elle et pour sûr, elle allait m’arracher la tête après ça, mais c’était bien plus fort que moi, j’avais envie de rendre cette fille folle.
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
Je crois que je n’ai jamais connu quelqu’un d’aussi méprisable. Et je me rends très vite compte que son geste héroïque d’il y a quatre ans relevait plutôt du miracle que de la bonté, parce qu’il semble en être totalement dépourvu. Je l’avais déjà trouvé très suffisant, très arrogant le lendemain de ma petite aventure. Mais là, j’en ai le coeur net: il n’est rien d’autre qu’un petit con. Et malheureusement pour moi, ma personnalité m’empêche de rester impassible. C’est plus que de la simple fierté, c’est tout mon être qui est poussé dans ses retranchements. Il s’en délecte et à sa place, je ferais pareil. En attendant, moi, je fulmine. Je n’en peux plus. Si je pouvais lui sauter dessus et lui arracher les cheveux, je m’en ferais un plaisir non-dissimulé. Mais je tiens trop à ma place que pour oser m’aventurer dans une dispute un peu trop violente. « Si je peux me permettre de te reprendre sur un point, je n’ai pas affirmé quoi que ce soit à vrai dire. J’ai d’ailleurs utilisé plusieurs effets de styles qui étaient en totale opposition avec une quelconque affirmation, comme l’emploi d’une forme interrogative par exemple, voire même celui de la conjonction de subordination si. » Les bras toujours croisés, je ne cille pas. À l’intérieur, je bouillonne. Je sens mon sang palpiter dans les différents vaisseaux de mon corps, jusqu’à frôler l’implosion. Je respire un grand coup en écoutant sa tirade interminable. Je fais même mine de bailler en regardant au loin. Il poursuit: « Quant au fait que tu adores ton boulot, permet-moi d’en douter sincèrement à la vue de la façon dont tu me présentes l’établissement. Heureusement que je sais déjà ce qu’est une radio, parce qu’avec toi, je ne crois pas que j’aurai découvert quoique ce soit. » J’essaye de garder un maximum de self-control et me défends en lui expliquant de la manière la plus calme à quel point je n’ai pas envie de me trouver ici, dans la même pièce que lui. Et encore moins de devoir me le coltiner durant une visite guidée. Il rit, et même dans son souffle je peux percevoir son arrogance. Sa suffisance. Je le déteste, c’est une certitude. « Allez quoi, tu ne vas quand même pas me faire croire que ton ego ne s’en est toujours pas remis depuis le temps ? » Ses piques commencent à m’agacer sérieusement. Je décroise les bras et me recule en soupirant. Je suis tiraillée entre l’envie de le planter là, seul face à son premier jour de travail, ou de lui dire de la fermer et lui faire comprendre que ça pourrait très mal se passer pour lui. Je ne fais ni l’un, ni l’autre finalement et me contente de dire: « Ca doit pas être facile d’être toi quand même… J’sais pas, t’as pas envie de sortir de ta tour d’ivoire et d’arrêter de juger les gens sans les connaître? C’est consternant, je te pensais plus intelligent que ça... » Je lève les yeux au ciel et il reprend: « Tu ne crois pas qu’il est temps de passer l’éponge sur cette histoire ridicule ? Surtout que dans ton raisonnement tu ne me semble pas réellement logique : si je t’importe si peu que tu essayes de t’en persuader, pourquoi tu ne contentes-tu pas d’agir avec moi avec indifférence, comme je le fais avec toi ? » Un nouveau soupir, je n’en peux vraiment plus de lui. Vraiment plus. « Si cela peut t’aider, promis, je ne critiquerai plus la façon dont tu choisis de perdre ta dignité » Touché. « Va te faire foutre. » Cette fois-ci, mon self-control a atteint ses limites les plus dangereuses. Je tourne rapidement les talons et prends la direction du couloir où nous étions quelques minutes auparavant. Je crois que nous n’avons plus rien à nous dire… Mais déjà, j’entends ses pas fouler le marbre suintant derrière moi…
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
Je ne savais pas ce qui m’amuse le plus au fond de cette histoire. Etait-ce simplement le fait de voir Janis essayer de se démener tant bien que mal face à moi, et ce sans perdre la face ? Etait-ce de la voir ainsi s’énerver peu à peu contre moi ? Ou était-ce tout simplement le fait de la voir s’agacer contre la personne qu’elle pensait que j’étais ? Il était clair que je n’avais pas à me forcer pour être ce type désagréable, méprisable et méprisant que je savais bien laisser paraître, en revanche, j’étais assez bien placé pour savoir que je n’étais pas que ce snobinard mais que je pouvais, à certaines rares occasions, valoir beaucoup mieux que tout ceci. Je devais avouer que cela m’amusait beaucoup de voir Janis foncer tête baissée là où je faisais exprès de l’amener, sans grands efforts de mon côté. Il suffisait que j’entretienne à la perfection l’image qu’elle s’était faite de moi après notre unique et très bref échange et je la voyais aussitôt démarrer au quart de tour. Si ses réactions n’étaient pas aussi amusantes, la simplicité de ce que j’avais à faire pour la rendre folle aurait presque pu m’ennuyer. Je l’espérais en quelque sorte pour la santé mentale de Janis qui peinerait pour sûr, à me supporter pendant six mois à cette allure-là. Je regardais la blonde qui restait muette pour mieux contenir son agacement qui était clairement visible. Elle se donnait du mal pour arborer une attitude détachée et parfaitement calme, mais je pensais sentir son agacement augmenter de façon exponentielle à mesure que je déblatérais sur ses problèmes d’ego. Une chose était sûre et certaine, Janis me détestait et si ce n’était pas encore le cas, cela n’allait pas tarder à le devenir. Pourtant je continuais, j’insistais lourdement, moi qui n’avait pourtant pas pour habitude de parler beaucoup. « Ca doit pas être facile d’être toi quand même… J’sais pas, t’as pas envie de sortir de ta tour d’ivoire et d’arrêter de juger les gens sans les connaître ? C’est consternant, je te pensais plus intelligent que ça... » Je souriais, en coin, de ce genre de sourire mi-taquin, mi-méprisant. « Je te remercie de t’inquiéter de mon sort, mais ne t’en fais pas, je le vis relativement bien d’être moi. C’est d’ailleurs assez ironique de se voir reprocher de juger les gens sans les connaître de la part de quelqu’un qui n’a de cesse que de s’accrocher à ses aprioris. » répliquais d’un calme absolu, toujours le sourire aux coins des lèvres. J’enchaînais ensuite sur un souvenir douloureux pour Janis, la soirée de ses vingt-ans et l’état pitoyable dans lequel je l’avais trouvée. « Va te faire foutre. » répliqua-t-elle aussitôt du tac au tac et à cet instant précis je savais que je venais de toucher un point ultra-sensible. Elle faisait aussitôt volte-face alors que je me mettais à rire un petit peu. « Ouuuh, attention, ça sort les griffes. » ajoutais-je alors qu’elle quittait ce qui était devenu mon bureau. Je restais un instant dans celui-ci, posant mes affaires. Finalement, je pointais le nez hors de mon bureau, m’avançant légèrement dans le couloir dans lequel elle se trouvait, quelques mètres devant moi. « En fait, tu sais, j’ai tourné une ou deux fois le problème dans ma tête depuis qu’on se connait. Et je dois dire que je ne comprends toujours pas d’où vient ton problème. Tu t’évertues à m’en vouloir pour je ne sais quelle raison, alors que je crois plutôt que c’est toi qui me doit quelque chose que le contraire. Oui, parce que de toute évidence, tu sembles attendre quelque chose de ma part. » A mon sens, toute cette tension n’avait pas lieu d’être. J’avais ramené Janis chez elle après une soirée, et bien que j’avais trouvé son état lamentable, je n’en avais pas tenu compte. Elle était ensuite venue me trouver en espérant que j’agisse comme si nous nous connaissions, comme si nous étions amis alors que nous ignorions tout l’un de l’autre (j’avais même failli ne pas la reconnaître). Et voilà que depuis, elle m’en voulait. Pour sûr elle m’en aurait moins voulu que je passe à côté d’elle dans la rue ce soir-là et que je la laisse seule en sachant pertinemment qu’elle était à peine consciente d’elle-même.
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
Je ne sais pas à quoi il veut jouer, mais une chose est sûre, je n’y prends pas part. Je préfère tourner les talons, lui dire d’aller se faire voir et de retourner paisiblement à mes tâches du jour. Je suis en colère, certes, mais je ne laisse échapper que de légères volutes de vapeur, parce que je n’ai pas envie de lui donner satisfaction. Enfin, le ‘va te faire foutre’ a surement été un peu trop direct, un peu trop spontané, mais qu’importe. Je fais claquer mes escarpins sur le marbre lustré du bâtiment et j’entends, au loin: « Ouuuh, attention, ça sort les griffes. » Une pulsion soudaine me donnerait envie de me retourner et de lui faire un geste assez vulgaire avec mon majeur, mais j’arrive à me contenir. Je suis à la limite de l’implosion, et l’explosion n’est pas franchement loin non plus. Je soupire, je crache la moindre parcelle d’air qui resterait coincée dans mes poumons et un bruit de pas attire mon attention. Il me suit. N’a-t-il jamais assez d’agir comme un crétin? N’a-t-il pas compris que je ne voulais pas prendre part à ces hostilités puériles? Il repart dans une tirade et j’en viens même à me demander où il trouve le temps de respirer dans d’aussi longs monologues. « En fait, tu sais, j’ai tourné une ou deux fois le problème dans ma tête depuis qu’on se connait. Et je dois dire que je ne comprends toujours pas d’où vient ton problème. Tu t’évertues à m’en vouloir pour je ne sais quelle raison, alors que je crois plutôt que c’est toi qui me doit quelque chose que le contraire. Oui, parce que de toute évidence, tu sembles attendre quelque chose de ma part. » Mon dieu, mais ce garçon ne comprend décidément rien à la vie. Je lève les yeux au ciel, si fort que j’ai l’impression que mes orbites sont sur le point de se retourner et appuie délicatement sur le bouton de l’ascenseur. Il est là, à quelques mètres, semblant attendre une réponse. Je tourne gracieusement la partie supérieure de mon corps, pour le regarder dans les yeux. « J’étais venue te remercier le lendemain, j’allais même te demander ce que je pouvais faire pour te rendre la pareille… Mais évidemment, ton arrogance et tes faux-airs de snobinard ne m’ont pas donné le loisir de le faire. » Je crache presque ces mots, sentant la rage bouillonner dans mes veines. « Tu ne comprends rien, Hazard-Perry. Tu es tellement aveuglé par ton propre reflet que tu ne remarques rien. Tu es antipathique et méprisable. » L’ascenseur n’arrive pas, il doit être bloqué par quelqu’un à l’étage. J’insiste sur le bouton d’appel, presque nerveusement et finis par tourner les talons une nouvelle fois pour pousser la porte des escaliers de secours. « Bienvenue chez ABC. »Je veux fuir, je ne veux plus avoir à le regarder en face, ni à avoir une quelconque vision de son être dans la même pièce moi, je veux qu’il disparaisse de ma vie. Il aurait peut-être du me laisser à mon sort le soir de mon anniversaire, il aurait évité bien des tourments… Comme le disait Austen, ‘je lui aurais bien pardonné son égo s’il n’avait pas blessé le mien’.
I've been roaming around always looking down and all I see painted faces fill the places I can't reach. You know that I could use somebody. Someone like you and all you know and how you speak. Countless lovers undercover of the street Δ
Janis & Charlie
Nous étions tous les deux plantés au milieu du couloir alors que Janis se déchaînait sur le bouton d’appel de l’ascenseur, cherchant visiblement à mettre le plus de distance possible entre nous deux, ce qui ne me vexait pas. Je lui faisais mon petit discours, ma petite tirade, lui annonçant clairement que je ne comprenais pas ce qu’elle me reprochait depuis toutes ces années, lui indiquant clairement que je trouvais son attitude aussi puérile qu’incompréhensible. J’avais un peu cette attitude de moralisateur que ne devait en rien l’aider à se calmer et à envisager de cohabiter avec moi, mais honnêtement je m’en fichais. Janis ne savait pas à qui elle se frottait et elle ne me faisait, malheureusement pour elle, pas peur du tout. Je finissais par lui poser la question tant attendue, celle qui me trottait dans la tête depuis pas mal d’années : qu’attendait-elle de moi au juste ? Que j’agisse comme si nous étions amis alors que nous étions deux étrangers avec à peu près autant de points en communs que Mère Teresa et Paris Hilton ? Que je me force à écouter les excuses et les remerciements qu’elle avait à me fournir alors que je n’en avais strictement rien à faire ? Elle était malheureusement tombée sur la mauvaise personne, j’étais très peu doué en ce qui concernait les faux semblants et je parvenais avec difficulté à faire des choses qui ne m’intéressaient ou ne me plaisaient pas. « J’étais venue te remercier le lendemain, j’allais même te demander ce que je pouvais faire pour te rendre la pareille… Mais évidemment, ton arrogance et tes faux-airs de snobinard ne m’ont pas donné le loisir de le faire. » crachait-elle alors que je l’écoutais à moitié, sachant déjà ce qu’elle allait me répondre de toute façon. Je songeais avec une pointe d’ironie que de toute façon, elle n’aurait rien pu faire pour me rendre la pareille parce que j’avais la décence de ne pas m’alcooliser au point de ne plus savoir où j’habitais. « Tu ne comprends rien, Hazard-Perry. Tu es tellement aveuglé par ton propre reflet que tu ne remarques rien. Tu es antipathique et méprisable. » Un sourire amusé étiré mes lèvres fines. « Non, je suis anglais, c’est tout. Je suis également sobre et franc. Quant à toi, tu es susceptible et un brin désorientée lorsque tous les hommes ne tombent pas sous ton charme. J’en suis navré pour toi, ma jolie. » Janis levait les yeux au ciel en appuyant frénétiquement sur le bouton d’appel de l’ascenseur qui ne daignait pas se presser pour elle. Elle abandonna finalement cette option pour se précipiter sur la cage d’escalier, comme si j’allais la suivre. « Bienvenue chez ABC. » lançait-elle en s’engouffrant dans les escaliers. « Au plaisir de te revoir, tigresse. » répondis-je avec un clin d’œil appuyé alors que je retournais dans mon bureau, le sourire aux lèvres, pour m’attaquer à ce que j’avais à faire durant le reste de la journée.