J'étais déjà habillée lorsque mon réveil sonna, strident et répétitif. Je n'avais dormi que quelques heures, incapable de trouver le sommeil, anxieuse, impatiente, m'imaginant multitudes de scénarios dans ma tête. J'allais revoir Kaleb, mon demi-frère. La dernière fois qu'on s'était vus, nous n'étions que des gamins. Ca avait été l'unique fois. Je savais qu'il ne se souviendrait pas de moi, j'avais bien changé depuis notre première rencontre, et c'est bien ce que j'espérais. Il ne fallait absolument pas qu'il sache qui j'étais. J'attrapais mon téléphone pour désactiver la sonnerie de l'alarme et pour la dixième fois depuis le début de la matinée, je consultais mes mails pour m'assurer que je n'avais pas eu de message de sa part pour annuler. Ne sait-on jamais ... Je savais que c'était un jeune homme plutôt discret, pas du genre à étaler sa vie dans les journaux et c'est pour ça que j'avais été surprise qu'il accepte ce rendez-vous si facilement. Je me doutais bien que son retour était sûrement synonyme pour lui de se montrer de nouveau pour qu'on parle de lui. C'est comme ça que ça marchait, même dans le monde sportif.
Nous nous étions donnés rendez-vous dans un petit café dans le quartier de Pine Rivers, et même s'il me restait encore une bonne heure avant le rendez-vous, je quittais mon appartement, mon sac à la main avec dedans un bloc et un stylo. J'étais encore plutôt à l'ancienne, et pas du genre à me trimballer partout avec une tablette et un PC portable. Je ne mis pas longtemps avant d'arriver au point de rendez-vous et je pris une table dans le fond, au calme. J'avais une bonne vingtaine de minutes à patienter. Mon plan était casse-gueule, je le savais, mais j'avais besoin de le voir. Mais dire qui j'étais maintenant risquait de le faire fuir. Et a vrai dire, moi-même je ne savais pas ce que j'attendais de lui, de notre relation. Donc autant ne pas m'annoncer directement. Je préférais savoir qui il était avant de lui dire qui j'étais moi. Mes sentiments étaient clairement ambivalents. Au fond de moi, l'envie d'avoir un frère, de me rapprocher de cet enfant qui aurait pu grandir avec moi. Et d'un autre côté, il était celui qui avait pu profiter de notre père. Celui qui avait eu la chance d'avoir une famille normale, de ne pas être l'enfant de la honte, de l'adultère. Je soufflais doucement en posant mon bloc sur la table, tentant de chasser toutes ces idées de mon esprit. Je devais avoir l'air professionnelle. Je posais mon téléphone à côté après avoir envoyé quelques SMS pour passer le temps. J'espérais qu'il ne serait pas trop en retard, sinon je risquais clairement de prendre la fuite. Maintenant que j'étais la, je réalisais vraiment ce que je faisais. Et ce n'était pas brillant. Mais parfois, certaines choses valaient la peine de mentir un peu.
Il avait encore du mal à y croire. Ce n'était pas dans ses habitudes. Pas du tout même. Et pourtant, il avait accepté ce rendez-vous et avec qui ? Une journaliste. C'était la meilleure. Lui qui les fuyait un peu comme on fui un fléau comme la peste ou le cholera. Il était pourtant entrain de se préparer pour retrouver cette femme. C'était son attachée de presse qui était contente. Elle essayait depuis des mois, de convaincre Kaleb de jouer le jeu comme elle disait, en acceptant des interviews ici et là. Or, il était hors de question qu'il aille spontanément vers un journaliste. Pas après ce qui s'était passé à Valence. Mais il avait pris le temps de réfléchir. Et peut-être qu'il devait le faire. Oui, parce qu'il avait des choses à dire, et un projet à mettre en lumière. Alors peut-être que ça pourrait être une collaboration fructueuse. En tout cas le pilote espérait qu'il n'allait pas regretter d'avoir accepter ce premier entretien. Son assistante avait vérifié le « cursus » de la jeune femme et elle n'était pas un moustique comme il les appelait. Un suceur de sang. Non, elle était plutôt clean dans son métier. Et c'était ça qui l'avait poussé à accepter sa proposition. Mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'il se sentait serein en quittant la villa. Non.
Il était vêtu d'un chino en lin bleu foncé, d'une chemise ajustée blanche avec le col intérieur coloré en gris tout comme les manches et aux pieds, des richelieu en cuir beige. Comme c'était un rendez-vous « professionnel », il préférait mettre les formes. C'était quand même une tenue décontractée dans laquelle il se sentait bien. Il avait même retiré les deux premiers boutons du col pour être plus à l'aise. La jeune femme lui avait proposé de se retrouver dans un petit café de Pine Rivers. C'était à peine à cinq minutes de sa villa. Alors il avait fait le chemin à pieds, les lunettes de soleil sur le nez. Il était tôt mais il sentait déjà le soleil sur ses épaules. Quand il arriva dans le café, il expliqua à la serveuse qu'il était attendu. Et cette dernière lui présenta une table au fond. A celle-ci, il y avait une jeune femme qui était entrain d'observer son téléphone. Elle semblait plus jeune que ce qu'il avait envisagé. Tant mieux, peut-être qu'ils allaient réussir à s'entendre. Kaleb commanda sa boisson avant de rejoindre la jeune femme qui elle, était déjà servie. Puis il alla à sa rencontre. Il avait ôté ses lunettes pour les accrocher à son col de chemise. « Mademoiselle Solano ? » Demanda-t-il en arrivant près de la table. Il tendit la main en se présentant. « Kaleb Mays. »
J'attendais nerveusement le jeune homme, pianotant sur mon téléphone pour m'occuper l'esprit et surtout pour avoir l'air détendue. De un, je ne devais pas avoir l'air trop nerveuse car il risquait de se douter de quelque chose et de deux, je devais avoir l'air d'une pro. Kaleb n'était pas très médiatique, il n'aimait pas spécialement les journalistes, la preuve, il n'y avait pas énormément d'articles sur lui ou du moins des interviews qu'il accordait. C'était donc une opportunité à saisir pour moi. Et il fallait que je sois à la hauteur. Je le vis arriver de loin. Classe, élégant, simple, et surtout un regard bleu pénétrant. Comme le mien. Il regarda autour de lui, commanda une boisson avant de se diriger vers ma table, une serveuse le guidant. « Mademoiselle Solano ? » Je me levais et acquiesçais d'un signe de tête, un sourire se dessinant sur mon visage. « Kaleb Mays. » " Enchanté, Monsieur Mays. Merci encore d'avoir accepté de me rencontrer."
Bien sûr, je ne lui avais donné que mon second nom de famille, laissant le Mays au placard. J'avais réimprimé des cartes de visite exprès, occultant le Mays du papier pour qu'il ne se doute de rien. J'avais bien préparé le terrain, et il le fallait, car je savais qu'un seul faux pas pouvait me mettre dans l'embarras. Je commandais un thé glacé à la serveuse et je laissais le jeune homme s'assoir avant de lui dire : " Je sais que vous n'êtes pas branché journalistes, j'ai donc été étonnée que vous acceptiez ce rendez-vous. Je peux savoir ce qui vous a poussé à accepter ? " J'avais toujours été plutôt du genre directe, à rentrer dans le vif du sujet. En général, les interlocuteurs appréciaient. La plupart du temps, ils n'avaient pas que ça à faire que de perdre du temps avec des journalistes. Je savais que Kaleb avait un emploi du temps chargé mais surtout, je voulais qu'il voit que j'étais une pro, que je connaissais mon métier, et que ce que j'allais lui proposer pouvait nous servir tous les deux. Car bien entendu, un simple article ne me suffisait pas. J'avais envie de le suivre sur plusieurs semaines, vie privée et professionnelle pour faire un vrai reportage sur lui. Bien entendu, pour moi, c'était le meilleur moyen que de enfin le connaître. Et pour lui, je devais lui vendre ça comme étant un moyen de le faire connaître et de le rendre plus accessible.
Le pilote s'installa rapidement à la table de la jeune femme. Il se mettait à l'aise tout en jetant un œil au téléphone et au bloc-notes que la journaliste avait posé sur la table. Apparemment, elle était de la vieille école. Ou alors préférait-elle plutôt écrire sur papier, plutôt que pianoter sur une tablette. Pour lui, c'était un peu la même chose. Mais bon, il ne pouvait pas la juger sur ça. Il allait attendre de la connaître un peu avant de se faire une opinion. Son boulot ne l'aidait pas. Mais bon, Kaleb savait qu'il y avait aussi du bon dans cette profession. Il avait des contacts dans le journalisme et certains d'entre-eux, étaient plus que corrects et aimaient vraiment leur boulot. Les autres, c'était des sangsues dont il essayait encore aujourd'hui de se défaire. Pas toujours facile, vu ce qu'un article sur lui pouvait rapporter à son auteur. Enfin, il avait accepté d'être là, de parler à cette femme et de voir si leur collaboration allait être possible. Pour l'instant, il n'en savait rien. Il avait besoin que le courant passe entre-eux. Et là, il venait juste d'arriver alors il ne pouvait pas y donner une réponse. A la phrase de la jeune femme, il se contenta de lui faire un sourire en coin. Son aversion des journalistes était connue de tous. Et c'est vrai que c'était étonnant de le voir là. Mais voilà, il savait mettre ses rancunes de côté pour défendre une cause qui lui tenait à cœur.
Aux paroles de la jeune femme justement, il haussa un peu les épaules. « Disons que je me méfie de certains d'entre-vous. Je n'irais pas jusqu'à dire que je vous mets tous dans le même panier. Mais vous devez savoir que je n'ai pas été tranquille à cause de certains journalistes depuis mon accident. » Et c'était ça le problème. Pendant son hospitalisation, alors même qu'il était dans le coma, les journalistes avaient écris tout un tas de conneries sur lui. Sans qu'il puisse être capable de répondre, de donner sa version des faits. Alors forcément, il l'avait encore un peu mauvaise. Puis le serveur arriva pour lui donner son soda. Kaleb le remercia puis il ajouta : « Mon attachée de presse m'a poussé a accepter. Et puis, je crois que pas mal de personnes sont curieuses de savoir ce qui s'est passé dans ma vie depuis Valence. Vous, ça vous fait un bon papier et moi, j'essaie de mettre les choses au point. » Il prit une gorgée de sa boisson en ajoutant : « Et puis, j'aimerai mettre en lumière certains de mes projets. »
Dès que le jeune homme s’était installé à ma table, j’avais lancé le sujet sur son aversion des journalistes. Je préférais rentrer directement dans le vif du sujet. Déjà, pour cacher le trouble qui m’avait gagné. Quand je le regardais, j’avais l’impression de revoir mon père, sur une photo que ma mère m’avait montrée. Moi, j’avais très peu de souvenirs de lui. Il avait arrêté de venir me voir et pour me protéger, je pense que j’avais préféré tout effacer de mon esprit le concernant. Mais en voyant Kaleb, tout me revenait. Et surtout la journée où j’avais rencontré mon demi-frère pour la première fois. A l’époque, tout était plus simple. Nous étions deux enfants, contents de jouer ensemble. Aujourd’hui, c’était différent. Débarquer comme ça dans sa vie aurait pu le braquer et le faire me fuir. Là, je pouvais apprendre à le connaître et décider si je devais lui dire la vérité ou pas. « Disons que je me méfie de certains d'entre-vous. Je n'irais pas jusqu'à dire que je vous mets tous dans le même panier. Mais vous devez savoir que je n'ai pas été tranquille à cause de certains journalistes depuis mon accident. » Je grimaçais à ses paroles. J’imaginais clairement ce qu’il voulait dire puisque j’avais suivi de près toute son actualité lorsqu’il était dans le coma. J’avais été inquiète pour lui, troublée à l’idée de le perdre sans même qu’il puisse me connaître, et c’est sans doute son accident, et ma blessure par balle qui m’avait poussée à le rechercher. Au fond, la vie était bien trop courte. Le serveur lui ramena son soda et dès qu’il fut parti, il rajouta : « Mon attachée de presse m'a poussé a accepteré. Et puis, je crois que pas mal de personnes sont curieuses de savoir ce qui s'est passé dans ma vie depuis Valence. Vous, ça vous fait un bon papier et moi, j'essaie de mettre les choses au point. Et puis, j'aimerai mettre en lumière certains de mes projets. » Je lui souris et hochais doucement la tête, buvant une gorgée de ma boisson. « Je suis d’accord. Pour moi, c’est une véritable chance, car cette fois, ça sera une vraie interview, pas quelques paparazzis qui vont encore raconter n’importe quoi. De toute façon, je travaille d’une façon entièrement transparente. Je vous ferais relire le papier à la fin et vous pourrez y apporter des modifications. »
Je savais que parfois les journalistes avaient une légère tendance à déformer les propos et c’est pour ça que je proposais toujours cette façon de travailler. Ca leur permettait d’avoir l’esprit tranquille et surtout de se confier plus librement, sachant qu’ils pourraient retirer des choses ou les modifier. « D’ailleurs, je n’ai pas discuté de mon projet pour cet article avec votre attachée de presse, car je préférais vous soumettre mon idée en direct, mais j’avais en tête un article sur du long terme.» J’esquissais un sourire, tentant de me donner une contenance. Je craignais qu’il ne refuse mon idée. « Vous suivre pendant quelques jours, quelques semaines, à votre convenance, pour me permettre de vraiment vous cerner et de pouvoir écrire un papier sur plusieurs aspects : votre vie professionnelle, votre vie personnelle dans la limite de ce que vous voulez montrer bien entendu, et puisque vous me parlez de projets, vous pourriez justement en profiter. Ca serait du coup un véritable petit dossier de quelques pages qui permettra au public de vous connaître.» Et pour moi aussi par la même occasion. Je savais que ça pouvait lui faire peur à première vue. Lui qui n’aimait pas les journalistes, s’il acceptait, il allait devoir me supporter dans son quotidien pendant quelques temps. Mais, je me disais que s’il avait accepté cette interview, c’est qu’il avait des choses à dire, et au fond, cet aspect là pouvait le séduire.
Ce n'était pas une chose qui s'ignorait. Kaleb n'aimait pas les journalistes. Ceux qui fouinaient dans la vie des gens, juste pour en tirer des informations et en faire des titres racoleurs pour les journaux. Pour ceux-là, il n'avait aucune considération. Et d'ailleurs, il avait bien failli en venir aux mains avec l'un d'entre-eux, voilà pourquoi il était revenu en Australie. Alors que sa patrie d'adoption était les États-Unis. Il y vivait depuis ses dix-sept ans. Et sans cet incident, peut-être qu'il y serait encore. Peut-être qu'il n'aurait pas repris contact avec sa famille, qu'il se serait installé à Brisbane, ou qu'il aurait adopté Eina. Même s'il concevait que ce retour avait été bénéfique pour lui. Il n'arrivait pas encore à accepter la façon dont cela s'était passé. On ne lui avait pas trop donné le choix. Alors oui, Kaleb n'était pas très à l'aise à l'idée de parler avec la jeune femme, aussi jolie soit-elle. Il ne voyait en elle, pour l'instant, que son métier. Il allait mettre du temps avant de se sentir à l'aise avec la jeune femme. Si toutefois, le contact finissait par s'établir. Et cela, c'était moins certain. Le pilote préférait être franc avec elle. Il n'était pas du genre à manier la langue de bois. Et quand il avait quelque chose à dire, il le disait. Parfois avec plus de formes qu'à d'autres moments. C'était son attachée de presse qui avait fait en sorte que cette rencontre puisse avoir lieu. Elle connaissait Kaleb depuis dix ans. Elle savait comment lui parler et quoi lui dire pour essayer de le convaincre. Et elle avait réussi. Maintenant, il ne restait plus qu'à se mettre d'accord sur cette éventuelle collaboration. Aux paroles de la jeune femme, Kaleb reporta son regard sur elle. Pour l'instant, ce qu'elle lui disait, lui plaisait. Le fait qu'il puisse relire ce qu'elle écrivait, était une bonne chose. Il avait donc la totale liberté sur ses paroles et c'était ce qu'il cherchait. Pour l'instant, sa manière de faire lui convenait. Alors c'était déjà un bon début. Il acquiesça donc de la tête à ses premiers mots. De toute façon, s'il avait quelque chose à dire, il allait le faire.
Il prit une autre gorgée de son verre tout en écoutant le reste des paroles de la journaliste. « Mon attachée de presse m'a dit effectivement, que vous vouliez d'abord en parler avec moi. Elle me connaît assez pour savoir ce que je serais disposé à accepter ou non. » Et surtout, elle s'était renseignée sur la demoiselle, donc le pilote savait qu'elle était clean et qu'elle ne faisait pas partie des feuilles de chou qu'il détestait et qui avait saccagé une partie de sa vie, quelques mois plus tôt. Kaleb attendait qu'elle expose ce fameux projet et qu'il en sache un peu plus sur ce qu'elle comptait faire. Au départ, il avait pensé à un seul article, une seule interview mais apparemment, elle semblait plutôt partante pour faire ça sur une certaine durée. Le pilote fronça un peu les sourcils, n'ayant pas songé à ce cas de figure. « Vous entendez quoi par plusieurs semaines ? Parce que je suis actuellement en compétition comme vous devez le savoir. Je suis sur la route une bonne partie du temps. Là, je ne suis à Brisbane que pour une petite semaine. Je pars jeudi pour la France. » Donc si elle voulait vraiment le suivre, il fallait prendre ça en compte. Il ne savait pas jusque où elle voulait aller. Si elle ne voulait le suivre qu'ici à Brisbane. « Si vous voulez vraiment me suivre partout, il faudra vous confectionner un bagage pour les voyages. Sinon, on peut se retrouver quand je reviens ici. A vous de choisir. » Kaleb n'était pas dérangé par le fait d'être « suivi », puisqu'il était sans cesse avec son équipe. Il avait l'habitude d'avoir des gens autour de lui. C'était différent pour les gens qui ne connaissaient pas le milieu. « Par contre, je tiens à ce que peu d'informations apparaissent au sujet de ma famille. J'ai accepté cette vie qui est la mienne. Pas ma famille. Je n'ai pas envie de lui imposer ça. » Et cela avait toujours été un deal avec les journalistes, les médias qui voulaient écrire sur lui. Sur lui d'accord, sur sa famille, non, ou très peu de choses. Puis il ajouta après avoir bu une nouvelle gorgée de sa boisson. « Mais de toute façon, cette collaboration si elle se fait, devra avoir aussi l'aval de mon constructeur. » Kaleb avait une image publique. Tout ce qui le touchait devait avoir l'approbation de son employeur, donc Yamaha. Même s'il ne voyait pas de raison à ce que la firme refuse. Elle fera juste signer une clause de confidentialité à la jeune femme si cette dernière venait à se joindre parfois à l'équipe de course.
Ce rendez-vous avec Kaleb était une vraie chance. En arrivant ici, je m'étais dit au début que je ne le contacterais pas, mais finalement, petit à petit, j'avais ressenti ce besoin de me rapprocher de lui. Mais pour ça, il fallait que je puisse trouver comment. Je ne voulais certainement pas débarquer dans sa vie comme ça en lui disant que j'étais sa demi-soeur. Je craignais qu'il me rejette, et puis, il fallait l'avouer, moi-même, je ne savais pas encore trop quoi espérer de cette relation. Du coup, l'idée de l'approcher via nos métiers respectifs m'avait paru une bonne idée. Sauf que je savais que Kaleb n'était pas un homme médiatique. Il fuyait les journalistes comme la peste. Et pourtant, ça y est, j'étais attablée, face à lui, à lui parler du projet que j'avais du murir dans ma tête, et surtout de ma façon de travailler. Il fallait que je le rassure, je le savais. « Mon attachée de presse m'a dit effectivement, que vous vouliez d'abord en parler avec moi. Elle me connaît assez pour savoir ce que je serais disposé à accepter ou non. » Je souris et hochais la tête : " Oui, elle m'a paru prendre vraiment soin de vos intérêts. Elle vous connaît vraiment bien." La jeune femme avait été difficile à convaincre mais finalement, elle avait dit qu'elle soumettrait la proposition de se rencontrer à son client. Elle savait qu'un article serait bénéfique pour Kaleb. Je me lançais donc et l'informais que j'avais eu l'idée de faire un article plus approfondi, une sorte de reportage sur du long terme qui permettrait d'aborder la carrière du pilote, sa vie privée, ses projets, ses engagements. Je le vis froncer les sourcils, sans doute surpris par cette proposition. Il s'attendait certainement à un article bateau. Une heure d'interview, et point barre.
Je souris, tentant de me donner une contenance, tandis qu'il réagissait : « Vous entendez quoi par plusieurs semaines ? Parce que je suis actuellement en compétition comme vous devez le savoir. Je suis sur la route une bonne partie du temps. Là, je ne suis à Brisbane que pour une petite semaine. Je pars jeudi pour la France. Si vous voulez vraiment me suivre partout, il faudra vous confectionner un bagage pour les voyages. Sinon, on peut se retrouver quand je reviens ici. A vous de choisir. » Je me retins de sourire victorieusement. J'avais craint qu'il s'offusque et refuse net cette proposition. Là, il ne semblait pas s'y opposer. J'avais donc une chance. Je hochais doucement la tête et souris : " Vous suivre sur le terrain pourrait être plus intéressant. Je suivrai de près votre quotidien ici à Brisbane, puis vos déplacements. Ca me permettrait d'avoir un article complet et intéressant. Je ne serais donc ravie de me joindre à vous si vous n'y voyez pas d'inconvénient." Partir avec lui pourrait me permettre de passer du temps avec lui, de le découvrir tel qu'il était. Clairement, en venant à ce rendez-vous, je n'en aurai pas espéré autant. « Par contre, je tiens à ce que peu d'informations apparaissent au sujet de ma famille. J'ai accepté cette vie qui est la mienne. Pas ma famille. Je n'ai pas envie de lui imposer ça. » Je hochais la tête, buvant une gorgée de ma boisson avant de reposer mon verre. " Bien sûr, je comprends tout à fait. Et comme je vous l'ai dit, je vous ferais tout relire, donc vous pourrez toujours juger si je rentre trop dans le privé ou si ça vous convient tel quel. Je sais respecter l'intimité des gens que j'interviewe, donc ne vous inquiétez pas pour ça." J'avais griffonné quelques notes sur l'importance de ne pas écrire sur sa famille, et de toute façon, ça m'arrangeait. Si des journalistes venaient à fouiller sur sa famille, sur toute sa famille, ça risquait de me faire apparaître, donc clairement, laisser la famille en dehors de ça m'arrangeait bien. « Mais de toute façon, cette collaboration si elle se fait, devra avoir aussi l'aval de mon constructeur. » " Tout à fait. Après le rendez-vous, je vous ferais un compte-rendu détaillé de ce que je propose pour que vous puissiez le soumettre à votre attachée de presse et à votre constructeur. Ils auront peut-être des requêtes à soumettre, notamment au niveau de la clause de confidentialité." Mais le premier but était atteint. J'avais réussi à convaincre Kaleb sur cet article et maintenant le reste ne serait que détails, je le savais. C'était peut-être une mauvaise idée, car je me demandais comment il réagirait en apprenant que j'avais fait ça dans le but de me rapprocher de lui. Mieux valait ne pas penser à ça pour l'instant.
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Spoiler:
Désolée du retard, j'ai eu des semaines de dingue au boulot en ce moment, et j'ai profité des longs WE pour partir un peu
Il n'était pas dans les habitudes de Kaleb de faire ce genre de choses. Il n'aimait pas les journalistes, c'était un fait. Et il y a encore quelques temps, il aurait refusé catégoriquement toute interview de ce genre. Mais pas mal de choses avaient changé. Et s'il faisait ça aujourd'hui, c'était en grande partie pour les gens qui l'avaient toujours soutenu jusqu'ici, surtout ses fans. Et comme il n'était pas très bavard quand il s'agissait de lui, beaucoup de personnes racontaient tout et n'importe quoi sur lui. Alors si c'était pour écrire sur lui, autant qu'il soit d'accord et qu'il raconte les choses à sa façon. Combien de fois Astrée lui avait dit qu'il devrait faire ce genre de choses, de temps à autre, parler un peu à la presse pour éviter qu'on ne raconte n'importe quoi. Malgré tout, cela ne l'avait pas plus décidé à franchir le cap jusqu'à la proposition de la jeune femme. Il faut dire qu'Astrée n'était pas étrangère à cette décision. « Astrée me connaît depuis des années. Elle est comme une sœur pour moi. Parfois j'aimerai qu'elle ne me cerne pas aussi bien. » Un sourire en coin s'afficha sur les lèvres du pilote. Astrée avait toujours eu le don pour lui parler. Elle savait lui dire les choses en mettant les formes. Il n'aurait pas accepté certains propos qu'elle lui a tenu, de la bouche de quelqu'un d'autre. Kaleb lui faisait confiance et si la jeune femme lui disait qu'il devait accepter cette entrevue, c'était parce qu'il devait le faire. Ils n'avaient plus vraiment de relation patron-employée, mais plus d'amis, de frère et sœur. En tout cas, c'était ainsi qu'il considérait l'attachée de presse. Au début, on lui avait prêté une aventure avec elle. Mais il avait laissé courir cette rumeur. Cela s'était calmé tout seul. Cela faisait des années maintenant qu'elle était à ses côtés, et Kaleb ne se voyait pas du tout travailler avec quelqu'un d'autre.
Faire un reportage comme la journaliste lui proposait, était une bonne idée. Au moins, cela pourra prendre la forme d'un article bien complet. Et puis comme il n'en faisait pas souvent, enfin plutôt rarement, c'était une bonne idée d'écrire plusieurs pages. Mais il avait une vie plutôt compliquée. Il était rarement ici, toujours en déplacement. Ce n'était pas facile à suivre. Alors il avait fait cette proposition sans s'attendre à ce que la jeune femme accepte réellement. Elle ne savait pas si elle était le genre de personne à préférer écrire derrière un ordinateur, ou plutôt à être sur le terrain. Mais peut-être qu'il apprendra par la suite. Parce qu'elle était prête à accepter de le suivre, lui et son équipe. « Pas du tout. Il faudra juste s'arranger pour que vous puissiez avoir les accréditations et les autorisations adéquates pour embarquer avec nous. Mais Astrée s'en occupera. Elle vous a probablement laissé son numéro de téléphone. » En tout cas, c'était comme ça qu'elle fonctionnait la plupart du temps donc Kaleb ne voyait pas pourquoi cette fois-ci ce serait différent. Kaleb acceptait donc qu'elle le suive mais il ne voulait pas qu'elle soit trop présente quand il était avec sa famille. Bon, ce n'était pas comme s'il était sans cesse avec elle. Mais il ne voulait pas trop en dévoiler. De sa vie privée, on avait parlé seulement du divorce de ses parents, des concessions moto de son père qui avaient du succès et de ses deux demi-sœurs. C'était tout et cela lui convenait. La jeune femme semblait d'accord sur ce point. Elle n'essayait pas de négocier ce point et c'était tant mieux. Le pilote observa sa montre parce qu'il avait un autre rendez-vous pour l'un de ses sponsors. Il prit une gorgée de sa boisson tandis que la journaliste avait repris la parole. « Sans aucun doute. Vous allez devoir en signer de la paperasse. » Ça, c'était le mauvais côté de son job. Toujours devoir faire attention à ce qu'il disait quand ça concernait ses machines et son constructeur. Même si avec le temps, il avait fini par s'y faire. Et maintenant, il ne parlait plus trop « business » avec des gens qui n'étaient pas dans l'histoire. C'était mieux ainsi. Puis il ajouta en se redressant un peu. « Bien, alors si nous sommes d'accord sur tout ça, je vous laisse contacter mon attachée de presse. Elle vous donnera plus de détails sur la suite. » Il se leva de son siège tout en déposant un billet sur la table pour les consommations. Il tendit la main vers la journaliste. « Ravi de vous avoir rencontré et donc, à très bientôt. »
Les choses se déroulaient à merveille pour l'instant. Kaleb avait accepté l'interview et il me laissait parler tout en m'expliquant que son attachée de presse l'avait convaincu de faire cet article. « Astrée me connaît depuis des années. Elle est comme une sœur pour moi. Parfois j'aimerai qu'elle ne me cerne pas aussi bien. » Je sentis mon coeur se serrer lorsqu'il évoqua la jeune femme. Elle avait la place que j'aurais du avoir si mon père, notre père, n'avait pas tout foirer et ne m'avait pas laissée derrière lui. Je gardais cependant le sourire et continuais de lui exposer le projet que j'avais en tête, à savoir un reportage sur la durée. Quelque chose sur le long terme où je pourrais exploiter sa vie professionnelle, sa vie privée, ses projets. Tout. Et surtout pour moi, l'occasion de le cotoyer un peu plus. A ma grande surprise, il accepta rapidement cette proposition, la jugeant bonne et utile pour sa carrière, et il m'expliqua que je devrais bien entendu avoir l'accord de son constructeur. Normal. Je savais que Astrée jouerait des coudes pour que j'ai le poste, donc je ne m'inquiétais pas pour ça. Après tout, c'était un vrai coup de pub pour le jeune homme et j'avais cru comprendre qu'il en avait besoin. Nous contimuames de discuter des derniers détails, et bientôt le pilote se leva, et me tendit la main : . « Ravi de vous avoir rencontré et donc, à très bientôt. » " Le plaisir est partagé. On se dit à bientôt alors. Merci encore d'avoir accepté ce rendez-vous. Bonne journée Kaleb." Je le laissais partir et soufflais doucement. Tout s'était bien passé. Je n'avais plus qu'à être patiente et à voir ce que la suite allait donner.
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