Pour surmonter l’insurmontable, il y a toujours un moyen ♫ Jameson & Hope

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« Trop souvent, ce qu’on désire le plus au monde, est justement ce que l’on ne peut pas avoir. Le désir parfois, peut vous briser le cœur, vous anéantir. Le désir peut faire de votre vie en enfer. C’est dur de vouloir quelque chose qu’on ne peut pas avoir. Mais ceux qui souffrent le plus, sont ceux qui ne savent pas ce qu’ils veulent. » Comment une réplique de série médicale avec des penchants irréalistes peut-elle refléter ma vie à ce point ? J'en suis à ce stade – l'indécision, l'hésitation – depuis des années. Pas d'espoir d'un mieux, peur d'un pire, situations qui se répètent... je suis arrivée à un moment charnière de ma vie et je dois m'occuper de ce problème que je traîne depuis mon enfance et que personne n'a daigner m'aider à résoudre. Aujourd'hui je vais juste poser quelques jalons, voir quelles sont mes droits et mes possibilités, les conséquences que cela pourrait entraîner... Quand Jameson avait capté mon intérêt pour sa profession elle m'avait donné ses coordonnées. Une avocate... je n'en reviens toujours pas de devoir faire appel à la justice et pourtant c'est ce que j'aurais du faire depuis des lustres. Rien ne m'engage à poursuivre Alan, seulement je me sens bloquée dans cette position inextricable. D'un coté je suis enceinte, amoureuse d'un homme presque trop bien pour moi, comme à la croisée des chemins. De l'autre il y a Alan, cette domination qu'il a toujours exercée, cette peur et cette angoisse qu'il m'inspire. Je parviens à faire la part des choses. Différencier ma vie actuelle avec Liam n'est pas compliqué puisque notre relation a pris son envol après ma dernière rencontre avec mon frère. Ils ne se connaissent pas, ne se sont jamais rencontrés ni parlés. A ma connaissance du moins. L'idée que ce soit en fait le cas me fait frémir.

C'est dans un café de Brunswick Street Mall que j'ai décidé de la rencontrer. Nous le connaissions tout les deux et il me semblait le lieu idéal pour parler de ce sujet épineux sans trop en faire une affaire d'état. Les petites alcôves que ce café-rencontre offre sont parfaites, je m'y installe en l'attendant et feuillette mon dossier médical une énième fois. Si je devais aller en justice il me faudrait des preuves pour étayer les faits : un dossier médical en béton, des témoins, … je n'en sais trop rien en fait. Peut-être que je me fait des idées en me disant que je n'obtiendrais jamais la paix. « Salut Jamison ! Comment ça va ? » je lance joyeusement en la voyant arriver. « Avant qu'on commence j'ai commandé un thé pétillant pour moi et une viennoiserie pour moi, qu'est-ce qui te tentes ? » Ce café est réputé pour ses thés pétillants hors du commun et aux noms un peu farfelus. La dernière fois je m'étais laissée tenter par « l'exubérante » mais cette fois-ci c'est par « l'aventurière » que je me suis faite prendre.

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J’avais passé une petite nuit, et pour une fois ce n’était pas à cause du boulot. Le whisky et tout un tas de questions existentielles pouvaient avoir cet effet. Manque de bol cette auto-psychanalyse improvisée m’avait empêchée de me concentrer toute la journée au boulot. Au final, je me la suis joué Mad Men : j’ai demandé à mon assistante de couper tous mes appels et j’ai fait une sieste sur la banquette de mon bureau. Je n’ai ouvert les yeux que lorsque mon réveil a sonné, à 16h00. J’étais bien plus fraiche, et ça m’arrangeait parce que j’avais rendez-vous en ville avec Hope Jenkins, une jeune femme médecin que j’avais rencontré le weekend dernier lors de notre « superbe escapade » sur une île au large de Brisbane. Je suis passé dans les toilettes du cabinet d’avocat où j’exerçais et me suis débarbouillé le visage avec de de l’eau avant de me remaquiller rapidement. Un coup de mascara et du rouge à lèvre suffiraient. Ensuite, j’ai sauté au volant de ma Tesla et pris la direction du centre commercial de Fortitude Valley.

L’endroit était à la fois cosy et select. Un lieu parfait pour ce genre de rendez-vous professionnels avec une personne qu’on connaissait déjà. Alors que je me frayais un chemin à travers les tables jusqu’aux alcôves, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander s’il y avait vraiment des lieux appropriés pour revoir une personne qu’on a rencontrée après un crash sur une île déserte. Cette pensée m’amusa quelque peu, mais je n’eus pas le temps de rire mentalement à ma propre blague que j’entendis la voix d’Hope.

- Salut Hope, j’ai répondu avec un sourire. Contente de te revoir dans des circonstances plus civilisées. Je vais bien et toi ?

J’ai posé mes affaires sur la chaise en face d’elle et m’y suis installée, joignant mes deux mains sur la table. J’allais lui demander ce dont elle voulait que nous discutions, mais elle attira mon attention sur les spécialités locales et je décidai de me laisser tenter.

- Je vais tester le thé pétillant dans ce cas, je n’en ai jamais goûté et je dois t’avouer que ça m’intrigue. J’ai fait signe au serveur : l’impitoyable, s’il vous plait.

J’allais devoir me passer de viennoiseries, ce qui m’embêtait étant donné ma nature assez gourmande, mais j’étais quasiment certaines que le café ne proposerait rien qui ne contienne ni lait, ni œuf. Je préférais aussi éviter de passer les dix premières minutes de notre rendez-vous à énumérer la liste des ingrédients que je choisissais d’éviter. J’ai regardé notre serveur s’éloigner et me suis tournée face à Hope.

- Tu as bonne mine, plaisantais-je, consciente que nos couleurs nouvellement acquises n’étaient autre que le fruit de notre petit weekend d’aventures improvisé. Puis j’ai repris un brin de sérieux : il me semble que tu souhaitais me voir pour des questions juridiques en rapport avec ta famille. Tu peux m’en dire plus ?

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Ce n'est qu'assise à cette table que je mesure combien j'ai eu tort de ne pas en parler à Liam. Il m'aurait accompagnée, pour sur. Sauf qu'il ne sait pas que j'ai été agressée par mon frère il y a cinq ans, ni qu'il a continué à me harceler depuis et que j'ai une peur-panique de mettre mon bébé en danger si jamais il décidait de réapparaître. J'ai disparu des radars quand j'ai emménagé chez Liam, ainsi Alan n'a pu me suivre. Il ne lui est pas impossible de me retrouver cependant, je dois envisager toutes les possibilités. Maintenant que je suis enceinte, je suis plus lente, moins leste que je ne l'étais auparavant. Impossible de me défendre convenablement dans ces conditions.

Je suis justement là pour envisager des solutions, pas pour les repousser une à une. « Ça va ! C'est vrai que les circonstances sont plus propices à des discussions normales, plutôt que de savoir comment ouvrir une noix de coco ou trouver de la nourriture sans supermarché autour. » fais-je en plaisantant pour détendre l'atmosphère. Jameson a l'air de tout juste sortir du boulot, habillée en working girl des temps modernes, à la fois professionnelle et amicale. C'est pour ça que j'avais décidé de la rappeler. Ça me permettait de ne pas me sentir trop stressée par la situation, puisque c'était quelqu'un que je connaissais même si ce n'était que par un hasard de la vie. Une façon de dédramatiser les choses, aussi. Je ris intérieurement quand elle commande « l'impitoyable », puisque c'est exactement ce trait de sa personnalité qui me plaît si je veux qu'elle sois mon avocate. Alan a assez été impitoyable, c'est à moi de l’être à présent. « Excellent choix ! » Les thés pétillants ne sont pas monnaie courante à Brisbane. J'imagine qu'ils font d'abord le thé puis le laissent refroidir avant de le rendre pétillant grâce à ces machines qui se vendent de plus en plus. On pourrait même en fait soi-même ! Bon, évidemment on ne pouvait pas le faire sur cette ile...

« Il me semble que tu souhaitais me voir pour des questions juridiques en rapport avec ta famille. Tu peux m’en dire plus ? » me demande-t-elle avec un peu plus de sérieux. On ne peut pas parler bronzage et trucs de filles avant ? Non ? Impossible ? Je suis consciente de faire ma prude. La faire attendre serait impoli vu que je l'ai faite venir exprès pour lui parler d'un problème, seulement c'est difficile de laisser tomber une vingtaine d'années d'angoisse en un clin d'oeil. Je n'en ai jamais parlé à quiconque. Pas dans les détails, tout au moins. Liam est au courant que j'ai vécu quelque chose de traumatisant, avec les cauchemars et les réminiscences il n'a pas pu passer à coté. Toutefois j'apprécie qu'il ne me presse pas de questions. Si je suis ici aujourd'hui c'est avant tout pour moi, mais aussi pour lui. Nous méritons de vivre sans cette menace persistante sur nos vies. « Oui, en effet. » fais-je pour gagner un peu de temps, cherchant les mots adéquats. « Je subi un harcèlement constant depuis … aussi longtemps que je m'en souvienne. C'est mon frère, et je n'ai jamais compris pourquoi il faisait ça. Par sadisme ou... j'en sais rien. Il ne doit pas être très droit dans ses baskets. »

Ca, c'était le moins que l'on puisse dire. « On me disait souvent que c'était normal qu'un frère et une sœur se chamaillent, que ça restait gentil. Mais c'est arrivé plusieurs fois que je récolte plus qu'un bleu ou une contusion, j'ai tout dans mes dossiers médicaux. Mes parents ne faisaient rien, ils gobaient tout ce que disait mon frère. » Je détourne le regard un instant, essayant d'énoncer les faits chirurgicalement, presque comme si ils ne m'atteignaient pas personnellement. C'est faux, évidemment. L'émotion coule dans ma voix comme si tout ça m'était arrivé hier. « Il y a cinq ans il m'a agressée dans la rue, j'ai passé trois jours dans le coma. A mon réveil il se tenait dans ma chambre, sur un fauteuil, comme si rien ne s'était passé. » La tentative de viol passe sous silence en attendant de savoir si, au moins pour ça, nous pourrions faire quelque chose. Peut-etre que je ne serais pas obligée de révéler ça, une ignominie commise par mon propre frère. Si un passant ne l'avait pas vu, rien ne l'aurait arreté. « Je voulais savoir qu'est-ce que je pouvais faire, si il était possible de porter plainte pour qu'il aille en prison, ou avoir une procédure d'éloignement par exemple. »

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J’eus un petit sourire quand Hope me félicita pour mon choix. L’impitoyable. On m’avait souvent décrite ainsi au cours de ma carrière. Pourtant cet adjectif ne reflétait que l’avocate en moi, et je n’avais pas l’impression d’être aussi dure dans ma vie privée. Mais pour en être certaine encore faudrait-il que j'ai une vie privée. J’ai demandé à Hope de m’en dire plus sur la raison qui la poussait à chercher mes conseils. J’aimais l’efficacité, et je pensais qu’un esprit scientifique comme celui de ma cliente préfèrerait aller droit au but, elle aussi. Ce n’est qu’en la voyant se tortiller sur sa chaise et jouer avec ses doigts que j’ai compris mon erreur. J’ai réalisé un peu trop tard qu’elle avait probablement subit un traumatisme et que j’aurais dû nous laisser le temps de construire une dialogue confortable avant d’attaquer. Quel manque de tact ! Fort heureusement, j’étais meilleure à mon métier que dans mes relations interpersonnelles.

J’ai hoché la tête, sourcils froncés, alors que la jeune femme m’expliquait avoir été harcelée par son frère pendant des années. J’ai senti ma gorge se serrer, alors même qu’une vague de haine explosait en moi. Je n’avais aucune tolérance pour les personnes abusives. Je n’imaginais que trop bien les moments de solitude qu’Hope avait traversés, et ces questionnements qui l’avaient certainement bouffée. Qu’est-ce que j’ai fait pour qu’il se comporte comme ça avec moi ? Est-ce normal ? Et si c’est normal, pourquoi est-ce que je me sens aussi mal ? Des questions qui avaient tourné en boucle dans mon esprit pendant près de trois ans, tandis que Josh s’évertuait à me briser méticuleusement. Même après avoir trouvé la force de me séparer de lui, elles ont continué de me hanter pendant des années et il arrivait encore qu’elle s’insinue insidieusement dans mes pensées.

- Tu as bien fait de conserver ces dossiers, l’encourageai-je d’une voix douce.

Des contusions signalées dans des dossiers médicaux, ce n’était pas rien. Ça me rendait dingue que ses parents n’aient pas bougé le petit doigt, et continuaient de se ranger aux côtés de son frère. L’abus, elle ne l’avait pas subit que de lui, mais de toute sa famille, complice par son inaction. Sans limites claires sur ce qu’il pouvait faire ou ne pas faire, le gamin qui emmerdait sa sœur est inévitablement devenu un dangereux prédateur. La voix d’Hope trembla légèrement quand elle me parla de son agression plus récente, cinq ans plus tôt, qui l'avait plongée dans un coma. J’étais horrifiée. Comment un homme peut-il abattre son poing sur sa sœur avec une telle violence ? Puis j’ai revu la haine déformant le visage de Josh alors qu’il me balançait contre le mur de notre chambre. Et ses yeux de chien battu le lendemain alors qu’il me sortait la même excuse pathétique : « c’est parce que je t’aime trop, tu me rends fou. » Un frisson désagréable parcouru mon échine. Je ne pouvais pas penser à ça maintenant. Ce connard avait disparu de ma vie, mais l’agresseur d’Hope était toujours dans la sienne. Alors j’ai scellé ces souvenirs dans une enveloppe et je l’ai balancée dans ma boite de pandore, avec toutes les autres qui s’y entassaient depuis des années. J’ai écouté Hope m’expliquer ce qu’elle attendait de moi, et une fois de plus, j’ai hoché la tête.

- Avant toute chose… je sais à quel point ce doit être difficile pour toi d’aborder ce sujet. J’admire ton courage (un courage que je n’avais jamais eu) et je tiens à te rassurer sur ce point : tu es au bon endroit, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’il ne te tourmente plus.

J’avais faillis dire un truc de style « je n’aurais pas de repos tant qu’il ne sera pas hors d’état de nuire, » mais ça faisait un peu tueuse à gage. Cela dit, ce n’était pas l’envie qui manquait.

- Après je préfère être totalement honnête avec toi, j’ai repris avec un soupir. L’Australie est loin d’être le meilleur pays pour obtenir justice face à un agresseur. La solution la plus simple serait d’obtenir une ordonnance restrictive pour violence et harcèlement, que je pourrai t'avoir assez facilement et en quelques semaines. Ton frère aura l’interdiction stricte d’établir le moindre contact, et tout manquement à cette règle pourra l’envoyer en prison. L’inconvénient c'est qu’il ne sera pas inquiété pour ses crimes passés, et que cette paperasse n’est valable que deux ans... et concrètement, il sera toujours dans la nature donc rien ne l'empêchera réellement de t'approcher.

A ce moment, le serveur est arrivé pour déposer nos thés devant nous et je l’ai remercié d’un hochement de tête. J’en profitai pour marquer une pause à la fois pour respecter l’intimité de ma cliente et lui laisser le temps de digérer ces premières informations. J’ai levé mon verre en direction d’Hope avant d’en boire une petite gorgée. C'était surprennant mais délicieux : à la fois sucré, chaud et pétillant. Une fois l’homme éloigné, j’ai repris :

- L’autre possibilité, c’est de l’attaquer en justice. Il faudra établir un historique prouvant qu’il porte atteinte à ton intégrité physique et morale depuis ton enfance, et que la violence de ces agressions s’intensifie. D’après ce que tu me dis, ça ne risque pas de poser problème. Mais cette procédure sera longue, fastidieuse, frustrante et éprouvante émotionnellement. Le fait que ton agresseur soit ton frère complexifiera davantage le tableau, car tes parents entreront directement en ligne de mire pour négligence à ton égard... et ils pourraient être tentés de tout nier en bloc pour se préserver. Mais si tu veux t’engager dans cette voix, je te soutiendrai.

Je n'avais encore jamais perdu un procès, et je ne comptais pas déroger à mes habitudes avec celui là.

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Mes épaules s’affaissent de soulagement quand j'entends que ces dossiers médicaux me serviront. Je n'ai qu'une copie en ma possession, néanmoins le docteur Shaw m'a certifié qu'elle pourrait témoigner en ma faveur si l'occasion se présentait, et amener le dossier original avec mon accord et celui de l'administration. « Oui je me suis dit que ça pourrais aider. Le médecin qui a rédigé tout ça a l'habitude de prendre en charge des dossiers délicats et est reconnu par la justice. » Pour un entretien que je ne voulais pas formel, j'avais drôlement assuré mes arrières. Porter plainte et aller en justice me semblait extrêmement angoissant alors j'avais suivi quelques pistes ci et là, à la recherche de conseils et d'instructions concernant la marche à suivre. Il fallait que je sois en possession de toutes les informations avant d'en parler à Liam. Cette discussion s'avérait être la dernière étape de ce parcours initié il y a quelques mois. C'est à la fois libérateur et angoissant. Après ça j'aurais un choix à faire : il ne s'agira plus de tergiverser davantage, il faudra prendre une décision. Celle-là même que j'aurais du prendre depuis plus de dix ans. D'un autre coté je n'aurais jamais du me sentir obligée d'en arriver là.

« Avant toute chose… je sais à quel point ce doit être difficile pour toi d’aborder ce sujet. J’admire ton courage et je tiens à te rassurer sur ce point : tu es au bon endroit, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’il ne te tourmente plus. » Mes yeux restés baissés s'ouvrent grand et la fixent, la stupeur visible au fond de mes prunelles. Le ton qu'elle a employé est confiant, puissant, presque un cri de guerre, ce qui m'atteint profondément. Tout mes doutes quant à la légitimité de ma présence – de nos présences – s'envolent en même temps que cette peur irrépressible. « Merci. » je lui souffle. C'est comme si elle avait su exactement quoi dire pour me rassurer. Des dossiers comme celui-ci, elle doit en voir beaucoup. Malheureusement les violences sont monnaie courante ici et partout dans le monde. Il existe des familles moins dysfonctionnelles que la mienne, et d'autres qui sont bien pires. Alan a causé tout cela pendant que mes parents cautionnaient ses agissements sans dire un mot.

Ce que je croyais être au départ une solution s'avérait être semblable à un guet apens. Jameson a raison : une mesure d'éloignement ne fera rien sur Alan. Il faut être bien plus agressif que ça, comme avec une tumeur. Oui, Alan est la tumeur. Quand les premiers traitements n'ont pas fonctionné, que le patient a la rage de vivre, qu'on ne peut pas se permettre de le laisser perdre cet espoir bienfaiteur ; on doit être plus agressif, voire impitoyable. La tumeur devient l'ennemi public numéro 1. On envisage alors les solutions les plus drastiques, celles qui nécessiteront le soutien indéfectible du patient et de ses proches : la chirurgie, les chimiothérapie, les rayons... On pousse le système immunitaire à s'attaquer au corps lui-même. C'est cela qui cause la perte de cheveux, les nausées, tremblements, etc. Le patient consent à subir cet empoisonnement en sachant qu'il lui sera bénéfique. Accepter d'aller en justice serait-il semblable à cela ? Je prendrais des mesures drastiques qui me laisseraient vulnérable. J'ai la chance de pouvoir compter sur Liam et, je l'espère, Gabriel, pour me soutenir. La décision n'est pas prise pour autant. Je m'étais obligée à ne pas trop espérer avant d'entrer ici, et alors qu'elle m'explique le possible et l'infaisable, je me rends compte que je n'avais pu m’empêcher de le faire quand même. Car l'espoir est une sorte de religion chez moi.

Je grignote la moitié de ma viennoiserie en l'écoutant, prenant une gorgée de thé pour faire passer la sécheresse qui envahit ma gorge. « Je ne sais pas ce que feraient mes parents, je pense qu'ils se rangeraient du coté d'Alan – c'est le prénom de mon frère. Je peux demander à mes autres frères si ils peuvent témoigner, seulement à part pour le harcèlement ils ne peuvent pas faire grand chose. Jamais Alan n'a... porté la main sur moi devant eux, il était malin, profitait de l'absence de tout le monde à la maison pour faire ce qu'il voulait. » Alan correspond parfaitement à ce que l'on appelle un psychopathe, selon moi. « Je m'en veux de l'avoir laissé me dicter ma conduite aussi longtemps. Peut-être que si j'avais réagi avant je ne serais pas dans cette situation. » Sauf qu'avant je n'avais pas d'argent pour payer une avocate, c'est là que se situe tout le problème. A présent que j'ai accès à des fonds bien plus importants je peux me permettre de prendre en main ce problème. « Dans l'hypothèse où on s'engage dans cette voix, ça prendrais combien de temps ? Et comment je peux m'assurer qu'il n'y aura pas de représailles pendant et après le procès ? » Je demande avec curiosité.

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J’ai pris une nouvelle gorgée de ma boisson, concentrée sur les détails que Hope apportait au fur et à mesure de la discussion. J’étais comme scindée en deux : une partie de moi était dans ce café avec elle, tandis que l’autre fouillait dans ma mémoire à la recherche de cas similaires au sien qui auraient pu établir un antécédent juridique. C’était une gymnastique mentale plus éprouvante que d’ordinaire, mais je n’étais jamais contre un challenge. D’ordinaire, j’étais plutôt spécialisée sur les questions d’environnement et de droit animal, mais il m’était arrivé de conseiller des personnes – et plus particulièrement des femmes et enfants victimes d’abus. Le plus souvent, il s’agissait de cas que je prenais à titre bénévole, sur mon temps libre, car ils me touchaient tout particulièrement. J’ai noté mentalement que les frères de Hope pourraient peut-être témoigner contre Alan.

- Même s’ils ne l’ont jamais vu lever la main sur toi, leur témoignage pourrait être important pour faire pencher la balance. La plupart des agressions commencent par des mots et des actes anodins. N’importe quel juge avec un minimum de jugeote fera le lien entre cette attitude remarquée par tes frères et les dossiers médicaux que ton médecin a rédigé dans ton enfance. D’ailleurs, pourras tu m’en envoyer une copie, que je les étudie ?

Si nous partions sur une procédure en justice criminelle, il allait falloir que nous montions un sujet béton avant d’aller porter plainte. Car je ne comptais pas me contenter d’une justice civile. Des dommages et intérêts ne me semblaient pas suffisants. Je voulais voir ce mec hors d’état de nuire et derrière les barreaux, une bonne fois pour toute. Hope repris la parole et j’eus un pincement au cœur en l’entendant évoquer ses regrets et se culpabiliser. Étrangement, les victimes d’abus se blâmaient toujours plus que leurs agresseurs.

- Tu n’es en aucun cas responsable de cette situation, lui dis-je d’une voix douce mais ferme. Les seuls à devoir porter le blâme sont ton frère, et d’une certaine mesure, tes parents. Ne laisses jamais personne te convaincre du contraire.

Je voulais absolument la rassurer sur ce point. Peut-être parce que je savais combien il était facile de se laisser sombrer dans une spirale destructrice de reproches et de remords. Mais aussi parce que j’aurais voulu entendre ces mots à l’époque où mon seul échappatoire aux pensées destructrices qui me hantaient résidaient dans les bouteilles de whisky que je m’enfilais après le boulot. Seulement j’étais trop lâche pour demander l’aide dont j’avais cruellement besoin à l’époque. J’étais heureuse que Hope ne soit pas de la même veine. Elle me posa ensuite des questions pratiques sur l’hypothèse d’un procès et je pris un moment pour réfléchir avant de répondre.

- C’est variable, mais je dirais de quelques mois à quelques années. J’ai le souvenir d’une jeune femme qui a dû attendre cinq ans avant de voir son agresseur condamné. Pour ce qui est des représailles, c’est plus simple. Si nous présentons à la police assez de preuves pour inculper ton frère de ton agression il y a cinq ans, il sera placé en détention et ne pourra pas te nuire. S’il a les moyens de payer une caution, il sera surveillé de près et je ne pense pas qu’il soit assez stupide pour tenter de t’intimider, ça l'enverrait directement en prison. Quand à après le procès… il sera incarcéré, je n’ai aucun doute là-dessus. Donc tu n’as pas d’inquiétudes à avoir sur ce point.

Je lui adressais un sourire. Je pensais que personnes ne devait échapper aux griffes de la justice. Et j'avais dédié ma vie faire en sorte que ce soit le cas.

- Maintenant, j’ai quelques questions moi aussi. Concrètement, quelqu’un a vu ton frère t’agresser il y a trois ans ? Si oui, penses-tu pouvoir retrouver les coordonnées de cette ou de ces personnes ? Et d’ailleurs, avais-tu porté plainte auprès de la police ou parlé de cette affaire à qui que ce soit à l’époque ? Ce peut être un ami, un membre de ta famille. N’importe qui. J'ai marqué une pause puis ajouté : Je suis consciente que ça fait beaucoup de choses, et j'en suis désolée. Ne t'inquiètes pas si tu n'as pas la réponse ou que tu es incertaine. Gardes en tête que je ne cherches absolument pas à fliquer tes faits et gestes mais à monter le dossier qui servira de base à toute cette procédure.

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HJ : j'ai fait des recherches sur le système judiciaire Australien pour des cas comme celui-ci mais je suis loin d'être calée sur la question donc si jamais tu vois des trucs qui t'arrachent les yeux ou que ça te semble un peu bancal n'hésite pas à me le dire et j'éditerai mon message ;)
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Mes frères, hormis Alan, pourraient bien faire pencher la balance en ma faveur si procès il y a. Je ne pensais pas que leur témoignage pourrait avoir cet effet mais le raisonnement de Jameson se tient : tout a commencé par des mots et cela s'est aggravé, ce que l'on appelle l'échelle de la violence c'est exactement ce que mes frères pourraient décrire. Ils ont quitté le nid familial très vite. Eux aussi étaient mal à l'aise avec Alan, ce qui a avancé leur départ de la maison en me laissant seule avec lui. J'ai peur que Phoebe, ma petite sœur, ne subisse le même sort que moi si je ne prenais pas les choses en main rapidement. Malgré tout je n'en veux pas à mes frères, le seul responsable est Alan. Ne pas se tromper de coupable, c'est important. Gabriel fait partie des personnes qui me sont les plus chères et je ne veux pas briser cette complicité qui nous lie. Si il faut que je lui avoue le pot aux roses alors je le ferais, j'espère juste qu'il ne m'en voudra pas de m’être tue pendant cinq ans. « Oui bien sur, je le ferais d'ici à demain. » Je vénèrerais presque l'air concentré qu'arbore Jameson en parlant de justice. Elle a cette détermination et cette indépendance que j'avais immédiatement remarqué sur l’île. Les situations telles que celle que nous avons vécue là-bas révèlent beaucoup sur nous, elles exacerbent notre personnalité et font fondre n'importe quel masque que l'on essaie de se donner. Chassez le naturel et il revient au galop !

Lorsque je parle de cette culpabilité qui me ronge les traits de son visage s'adoucissent. Je jurerai voir un éclair de compréhension traverser ses yeux l'espace de quelques secondes. Cela pourrait venir des affaires qu'elle a traitées précédemment, d'une expérience semblable ou d'autre chose. Je ne m'avance pas en hypothèse houleuse mais je garde la question pour plus tard. Tout ce que je parviens à faire c'est hocher la tête rapidement, mes cordes vocales encore paralysées par ces douloureuses révélations. N'importe qui se serait attendu à ce que ce soit difficile. Heureusement je garde mon sang-froid, exposant les détails de mon passé à la trentenaire et me confiant comme à une amie. Avec les hormones je m'étais attendue à fondre en larmes immédiatement malgré l'air pathétique que ça m'aurait donné. Ce vécu a encore beaucoup d'impact sur moi et ma façon de gérer les situations de stress dans mon travail, un impact trop important que j'espère diminuer au fil du temps. C'est la peur qui garde mes nerfs à fleur de peau. Si Alan était emprisonné j'aurais au moins la certitude qu'il ne pourrait plus me faire de mal pendant un certain temps.

Elle m'expose ensuite des détails plus juridiques, à ma demande. Qu'une femme ai du attendre cinq ans avant que son agresseur soit condamné me choque. Cinq ans, ce n'est pas rien... dans cinq ans je serais diplômée, Liam et moi seront probablement mariés et Liam junior atteindrait ses cinq ans. « Il n'a pas les moyens de payer la caution, c'est sur. Il me demandait de l'argent pendant un temps, en me menaçant. J'ai trouvé ça plus simple de lui donner quelques billets. Ca n'est plus arrivé depuis que Liam et moi sommes ensemble mais je doute quand même qu'il ai de quoi payer une caution. » dis-je en affichant un maigre sourire. Enfin un bon point ! Sans argent pour la caution il restera en prison. Reste plus qu'à monter un dossier béton.

Par son sourire et sa bienveillance je parviens à me détendre assez pour manger quelques bouchées de ma viennoiserie. Les questions qu'elle me pose ensuite me posent une colle, cependant. « Je n'en ai parlé à personne... et je ne pense pas qu'il y ai eu un témoin, il est très doué pour trouver des recoins sombres où personne ne va. Si il y avait eu un témoin, on l'aurait su non ? » Les souvenirs de cette ruelle sont indélébiles. « J'ai porté plainte contre X en disant que je n'avais pas vu suffisamment le visage de mon agresseur. » Probablement une des pires idées que j'ai eues, vu la galère dans laquelle ça me met aujourd'hui. Je réfléchis un instant, pour ne trouver personne à qui j'ai parlé de cette histoire en mentionnant que c'est Alan qui m'avait violentée ce soir-là. Même Liam ne le sait pas, c'est pour dire ! « Je l'avais griffé à la base du cou, aux yeux et aux bras. J'avais essayé cette prise qu'on apprend aux femmes maintenant, en frappant avec une clé de maison ou de voiture entre les doigts pour faire plus de mal. Ca peut nous aider, ils avaient fait des prélèvements sous mes ongles à cause des circonstances de l'agression, mais l'ADN n'était pas fiché donc ils n'avaient rien fait de plus. » Et si ces prélèvements sont encore utilisables, il suffirait de les comparer à l'ADN d'Alan pour obtenir une preuve irréfutable. Le mot « kit de viol » s'inscrit en lettres de feu dans mon esprit alors que je ne me souviens de rien de tout ça. J'ai été assermentée pour faire ce type de prélèvements, moi aussi, et les transmettre à la police. Je sais à peu près comment ça fonctionne... Heureusement pour moi ça n'avait pas été concluant, il n'était pas allé jusqu'au bout de cette infamie. Je regarde Jameson, en quête d'une lueur d'espoir qui prouverait indéniablement que nous tenons le bon bout. « Alors, ce thé pétillant ? » je demande en pointant du doigt l'objet du délit.

HJ : Ne t'inquiètes pas, j'en menais pas large non plus ! On peut passer à moins juridique par la suite hein

Désolée de la longueur, je sais qu'on avait dit RP court Pour surmonter l’insurmontable, il y a toujours un moyen ♫ Jameson & Hope 3217047551

surmonter l'insurmontable

Hope & Jameson - #PINKTEAM

J’imprimais chaque parole de Hope dans mon esprit. L’argent que son frère lui demandait régulièrement. Les menaces. Les circonstances de l’agression. L’absence de témoins. Je savais que j’aurai besoin de tous les détails qu’elle était capable de me fournir pour m’y référer plus tard, quand je monterai son dossier ou quand j’interrogerai son frère à la barre. Je ne comptais rien laisser passer. L’enfoiré allait morfler sévère et je m’en réjouissais d’avance. Je prenais peut-être le cas de ma cliente trop à cœur, mais je voyais plutôt ça comme un avantage : plus j’avais la rage, plus je me battais, et plus je gagnais. Et quand on parlait de procès, c’était exactement l’effet recherché.

- Si aucun témoin ne s’est présenté à l’époque, il y a peu de chance pour que ça se produise maintenant, j’ai confirmé avec un hochement de tête. A mon avis nous ne pourrons pas compter la dessus pour l’incriminer.

Hope continua en m’expliquant qu’elle avait porté plainte contre X, omettant de préciser qu’elle savait parfaitement qui était son agresseur. J’ai pincé les lèvres. Ça, c’était mauvais pour son dossier. L’avocat de la défense allait s’en servir pour essayer d’entacher la crédibilité de ma cliente, qui ne tenait déjà qu’à un fil. Oh, en aucun cas par sa faute. Hope était une jeune femme avec la tête sur les épaules, future mère, dans une relation sérieuse et suivant des études très respectables. Mais ça ne suffisait pas à faire oublier aux jurés qu’elle était une femme. Et en 2016, en Australie – comme dans la majorité des pays dits civilisés, une femme sera toujours moins crédible qu’un homme. Ça me rendait dingue, mais c’était la triste réalité. Depuis l’instant où une femme allait porter plainte pour viol ou agression ; les flics, les médecins, les jurés, les journalistes et le public douteraient de la véracité de ses accusations. Certains iraient jusqu’à s’apitoyer sur la « carrière détruite » du pauvre accusé, comme s’il n’était pas l’unique responsable de la situation de merde dans laquelle il se retrouvait. D’autres l’accuseraient d’être une hystérique, une affabulatrice, une femme instable. Toutes ces choses auxquelles il faudra que je la prépare tôt ou tard, quand elle aura fermement décidé de s’engager dans une procédure en justice criminelle. J’étais en train de m’enfoncer dans un abysse de colère et d’injustice quand Hope me redonna soudain espoir, en m’expliquant qu’elle était parvenue à le griffer et qu’un prélèvement ADN avait été réalisé. J’ai brusquement relevé la tête et mes yeux se sont agrandis.

- Excellent ! Comme tu as porté plainte, ils sont obligés de conserver ces échantillons ADN au cas où tu décides d’ouvrir la procédure ultérieurement. Il en va de même pour les résultats qui en découlaient, même s’ils n’ont pas abouti. En 2011, tout était déjà informatisé et il doit y avoir des traces de toutes tes démarches et leurs conclusions. Je demanderai à ce qu’elles soient rouvertes si tu décides de t’engager dans cette voie.

J’ai laissé échapper un soupir de contentement et me suis renfoncée en arrière sur ma chaise, savourant une nouvelle gorgée de mon thé pétillant. Après ma seconde de doutes, j’étais de nouveau convaincue que nous allions coffrer son enfoiré de frère. Et certainement pas en cinq ans – c’était mal connaître ma détermination. J’étais en train de partir loin dans mes futures manigances quand Hope me demanda ce que je pensais de ma boisson. Je suis revenue sur terre, un peu surprise, et j’ai observé l’objet du délit avec un sourire amusé.

- C’est délicieux. Un thé fort et épicé, comme je les aime. Comme on les fait en Irlande… Et le côté pétillant est vraiment surprenant !

J’ai pris une nouvelle gorgée puis j’ai reposé ma tasse sur la table, la couvrant de mes mains pour réchauffer mes paumes, comme je le faisais souvent. Un sourire au lèvre, j’ai planté mon regard dans celui de Hope.

- Tu sais, je pense que cette histoire va bien se finir. Le fait que tu ais porté plainte contre X n’est pas un problème. Il s’agit de ton frère. Tu ne voulais pas briser ta famille, détruire tes parents. Tu pensais que tu parviendrais à oublier cette agression. Tu voulais l’oublier et espérais que les choses s’arrangent par elles même. Mais maintenant que tu es enceinte, tu réalises que c’était une erreur, et tu as peur. Pour toi, pour ton futur enfant, et pour les autres femmes qui pourraient subir sa violence. Du moins c’est ce que tu diras quand on te demandera de te justifier. N’importe quel psychiatre spécialisé dans la violence familiale et le stress post traumatique qui lui est associé pourra confirmer ce résonnement. On obtiendra facilement le droit de tester l’ADN de ton frère, et à partir de là, l’incriminer sera un jeu d’enfant.

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HJ : haha aucun soucis pour la longueur, moi aussi j'ai tendance à me laisser emporter et en plus je trouve notre RP super intéressant. Mais j'avoue que je ne serai pas mécontente quand on en aura terminé avec le jargon et les machinations légales... on touche au but cela dit je crois Razz

repère staff pour le comptage des points de la semaine - merci de ne surtout pas retirer

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The river's a hymnal and the leaves are applause. Trees sing in whispers with the wind pulling their arms. Hold still and listen, your hand on my heart. If you need them these beacons will lead you back to the start.

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Pour surmonter l’insurmontable, il y a toujours un moyen
Smells like a freak show right where I want to be. Come taste the dirt, the dirt, the dirt... I smell a freak show, there's something wrong with me, want it to hurt, it hurts, it hurts ••• Je tique au moment où Jameson emploie les mots « toutes tes démarches »... je n'en ai fait aucune. Ou juste le strict nécessaire. A mon réveil, après trois jours de coma, Alan se trouvait dans la pièce avec toute la famille. L'augmentation de mon rythme cardiaque à ce moment là a été prise pour une émotion positive parce que toute la famille était présente... ils n'ont pas imaginé une seule seconde que c'est la peur qui avait provoqué cette tachycardie, parce que mon agresseur était dans la pièce. Comment j'aurais pu imaginer dire quelque chose quand, dès le début, il régnait en maître sur la famille ? Gabriel n'a pas été dupe, je le sais. Pourtant il n'a rien dit... « Il n'y a eu aucune démarche, j'ai juste porté plainte contre X et accepté que les prélèvements soient conservés. C'est pour ça que je ne savais pas si je pourrais changer d'avis sur la question. Je ne pense pas que je serais là si j'avais dit quelque chose à l'époque, mais au fond j'ai juste fait ce qu'il attendait de moi et aujourd'hui j'aimerais mettre ça derrière moi, ne plus le laisser avoir cette emprise sur moi. » Les cauchemars récurrents me fatiguent autant qu'ils exaspèrent Liam. Même si il le fait par amour et par respect de mon histoire, il ne gardera plus le silence bien longtemps. J'ai essayé d'imaginer ce qu'il pouvait penser de ça : le stress de mon boulot, l'angoisse de la grossesse, la rapidité de notre relation, … A dire vrai il aurait du savoir depuis longtemps. Lui aussi peut être touché par ça, des dizaines de scénarios sont possibles quand il s'agit de mon frère car il est capable de tout : aller le voir à son bureau et lui dire, le menacer, l'agresser, le discréditer, … A quinze ans j'étais naïve, je pensais que j'avais déjà vécu le pire et qu'Alan ne pouvait pas aller plus loin. Grave erreur. C'est pour cela que je suis si méfiante, à la limite de la paranoïa : n'importe quoi peut mal tourner ; personne n'est à l'abri.

L'Irlande recèle apparemment de thés forts et épicés. Jameson est une spécialiste sur la question, contrairement à moi. « Je ne suis jamais allée en Irlande alors je ne pourrais pas te confirmer ça. Il faudrait qu'on y aille avec Liam... j'ai entendu dire que c'était magnifique. » Les lacs du Connemara, les leprechauns, Londres, le Loch Ness... Le Royaume-Uni est une terre de merveilles que j'ai hâte de pouvoir visiter avec Liam à l'occasion d'un voyage prochain. Nous venons tout juste de rentrer, il serait imprudent de repartir immédiatement après, surtout dans mon état. Ce sera pour une prochaine fois, et nous aurons une âme supplémentaire à ajouter à notre duo.

Je sirote tranquillement mon thé, écoutant Jameson d'une oreille attentive tout en enregistrant les informations qu'elle me donne. Le ton de sa voix me laisse croire qu'un mieux est possible, que je n'ai pas tout fichu en l'air il y a cinq ans en refusant toute démarche judiciaire. Il est temps de changer les choses. Néanmoins ses paroles me troublent. J'ai l'impression qu'elle comprends exactement ce que je ressens ainsi que les raisons qui m'ont poussées à me taire à l'époque et à sortir du silence aujourd'hui. Ce qu'elle décrit comme un « jeu d'enfant », j'ai peur que cela ne prenne des proportions bien différentes. On ne sait jamais à l'avance l'impact que nos actions auront sur quelqu'un... peut-être que toute la ville prendra la défense d'Alan en me traitant de menteuse, ou peut-être pas. Impossible de savoir quelle sera sa réaction, à lui. « Tu penses ? » je demande pour confirmation. Le stress a beau s’être envolé peu à peu, ce sujet est extrêmement sensible pour moi. J'ai l'impression de marcher sur un pont de bois dont les planches sont sur le point de céder : je ne sais où poser les pieds pour me maintenir hors de l'eau. « Il faudra que j'en parle à Liam avant, et mon frère Gabriel, et je te dirais ce qu'il en est. Je crois qu'on devra voir ensemble comment on peut faire pour prendre le moins de risques possibles puisque j'imagine mal Alan se laisser faire. » Dans mon esprit il est le mal incarné. Satan, le diable, un dragon, … toutes ces figures que l'on voit comme le pire cauchemar de notre vie. Les miens se poursuivent d'années en années. Dans l'intimité feutrée du box où nous sommes installées, les yeux dans les yeux je lui demande franchement : « Comment est-ce que tu sais tout ça ? On dirait que tu as déjà vécu ça ou... traiter une affaire similaire. » © 2981 12289 0

surmonter l'insurmontable

Hope & Jameson - #PINKTEAM

Parler de thé Irlandais permis de faire entrer une petite bouffée d’air frais dans une discussion plutôt pesante et qui jouait certainement avec les nerfs de la jeune médecin. Hope m’avoua n’avoir jamais mis les pieds en Irlande et exprima son désir de s’y rendre avec Liam, qui était apparemment son conjoint et (je supposais) aussi le père de son enfant à venir.

- Je ne peux que te le confirmer, j’ai répondu d’un ton rêveur. Je suis née en Irlande, dans un patelin à côté de Dublin. Je crois que les meilleures années de ma vie, je les ai passées dans ce pays. J’ai déménagé au Canada avec ma famille quand j’avais huit ans mais j’y suis retournée à l’âge adulte et c’était comme dans mes souvenirs. C’est plus reposant que l’Angleterre. Plus naturel aussi. Et les gens y sont nettement plus agréables.

J’avais prononcé cette dernière phrase avec un froncement de sourcil pseudo-sérieux, marquant volontairement mon accent Irlandais. J’avais conscience de faire outrageusement dans le cliché, mais ça m’amusait de taper amicalement sur le crâne de mes compagnons Anglais, tradition oblige. Et puis il y avait du vrai aussi. Dublin était une ville moins stressante que Londres, et les Irlandais, êtres sociaux et joyeux, se faisaient en général une joie d’accueillir les touristes et de discuter avec eux autour d’une bonne Guinness. Quoi que de ce point de vue-là, je n’étais pas certaine qu’il s’agisse de la meilleure destination pour un jeune couple et un nouveau-né…

Cette parenthèse agréable refermée, Je sentis qu’Hope avait encore besoin d’être rassurée concernant la procédure, ce que je comprenais bien évidemment. Elle avait l’air emplie de doute quant aux démarches, ou plutôt à l’absence de démarches qu’elle avait réalisées après son agression quelques années plus tôt. Alors j’ai essayé de la rassurer en lui expliquant qu’il suffirait de rouvrir cette plainte en précisant qu’elle connaissait l’agresseur, et que le vérifier serait un jeu d’enfant grâce aux prélèvements ADN qui ont été conservés. Personne ne la blâmerait pour avoir gardé ce secret. Et quand les résultats tomberont, personne ne pourra douter de la véracité de ses propos, non plus. Cela sembla la rassurer, même si elle me demanda tout de même confirmation.

- Je ne pense pas, j’en suis absolument certaine.

J’ai dit d’une voix rassurante ou perçait néanmoins une sorte de détermination autoritaire. Évidemment, il y aurait toujours des personnes pour douter de ses propos. Mais si on commençait à se soucier de l’avis des autres, on ne s’en sortait pas. Le mieux restait de faire ce qui était bon pour soi, et pour sa famille. La vraie, celle qu’on avait choisie. Pas celle que les liens du sang nous avaient imposée. Et c’était exactement ce que ma courageuse cliente était en train de faire. Je l’ai écouté attentivement quand elle m’a dit vouloir en parler à Liam et à Gabriel, son autre frère. J’espérais qu’ils seraient assez intelligents pour ne pas tenter de l’influencer dans cette démarche. Quoi que choisisse Hope, il était important que cette décision soit la sienne et la sienne seule. Ni celle de son frère, de son époux… ou de son avocate.

- Bien sûr, parles-en à des personnes de confiance, et prends autant de temps qu’il te faut pour être certaine de ta décision. Et dès qu’elle sera prise, fais le moi savoir, quelle qu’elle soit.

J’ai fermé les yeux et opiné quand elle me parla d’élaborer une stratégie pour prendre le moins de risques possibles. J’étais tout à fait d’accord avec elle, mais ce genre de stratagèmes ne relevaient plus de ma compétence.

- J’ai quelques contacts avec la police de Brisbane.

Enfin, j’en avais un, surtout. En règle générale, j’évitais plutôt les képis - une habitude que j’avais prise dans ma période hors la loi et dont je n’avais jamais réussi à me dépatouiller depuis. Mais Ethan, c’était différent. Après ce que nous avions vécu sur l’île, j’avais presque l’impression que nous étions camarades d’armes. Et j’avais confiance en son esprit tactique.

- Je me renseignerai sur les différentes façons d’agir pour nous assurer qu’Alan ne nous file pas entre les doigts, et que tu sois en sécurité. Nous ferons en sorte qu’ils ne lancent rien tant que tu n’auras pas donné ton accord sur la façon de procéder.

A ce moment, mon téléphone a vibré. J’ai jeté un bref coup d’œil avant de réaliser qu’il ne s’agissait que de Thompson, mon associé. Il attendrait. Je l’ai balancé sur la messagerie et quand j’ai relevé les yeux vers Hope, elle me fixait les yeux dans les yeux. Brusquement, l’atmosphère confinée du bloc semblait s’être refermée sur moi, et l’air passa plus difficilement dans ma gorge serrée. Quand elle me demanda comment je savais « tout ça », je su instantanément qu’elle ne parlait pas de l’aspect légal (elle ne m’aurait pas demandé de l’aider si elle doutait de mes compétences). Non, elle parlait de ce qu’elle ressentait. J’ai merdé ! Paniquai-je intérieurement. J’espérais que ce cri du cœur ne se lisait pas dans mon regard. Par précaution, je l’ai détourné, regardant le fond de ma tasse avant d’en boire une gorgée. J’étais prête à lui sortir un mensonge éhonté. Mais au dernier moment, je n’ai pas pu. Parce que cette femme en face de moi venait de mettre son cœur sur la table et que l’insulter d’une fabulation serait contraire à mon propre code de l’honneur.

- Il m’est en effet arrivé de conseiller quelques personnes qui se trouvaient dans une situation similaire. Mais ce n’est pas la raison pour laquelle je te comprends, si c’est bien ce que tu veux savoir.

J’ai marqué une pause, les yeux toujours fixés sur la tasse que mes doigts tapotaient distraitement. Les mots se bousculaient dans ma gorge sans trop savoir comment ni pourquoi en sortir. J’ai pris une profonde inspiration pour me recomposer et j’ai dardé mes iris d’émeraude sur elle.

- Je sais ce que c’est que de subir l’emprise d’une personne en qui tu croyais avoir confiance. Ne pas savoir comment en sortir. J'ai marqué une nouvelle pause, puis, presque dans un souffle : d'être contrainte à des actes... non désirés.

De se laisser bouffer par la rage, la culpabilité, la haine, la peur. L’espoir aussi, parfois, avant qu’il ne soit écrasé par de nouveaux coups, de nouvelles insultes. Putain. J’ai passé une main sur mes lèvres et mon menton. Je ne parlais pas de ça. Jamais. La seule autre personne à être au courant, c’était Blythe, ma sœur de cœur. Et uniquement parce qu’elle avait surpris une scène entre Josh et moi. Ces souvenirs restaient scellés au plus profond de moi-même. Dans cette boite de pandore que je ne souhaitais jamais ouvrir. J’aimais à croire que c’était une force. Qu’ainsi, ils ne m’empêchaient pas de vivre. Feignant de ne pas voir le rapprochement entre mon incapacité à regarder le passé en face et le vide émotionnel qui régissait ma vie.

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