« Tu travailles toujours ! » Elle n'avait peut-être que six ans, la voix fluette et le regard boudeur, le son de sa voix n'en restait pas moins accusateur, et Tommy était resté interdit quelques instants, incapable de dire quoi que ce soit. Elle avait raison, il était tout le temps absent ... et elle méritait mieux. Mieux qu'un père qui ne pouvait que lui accorder qu'une heure le matin avant de devoir la conduire à l'école, et pas beaucoup plus le reste de la journée. « Je sais bien Luciole, mais ... pour l'instant c'est comme ça. Je suis obligé de travailler beaucoup, sinon on ne pourra pas rester ici, tu comprends ? » Non, elle ne comprendrait probablement pas, parce qu'il s'agissait de problèmes d'adultes et qu'à la hauteur de ses yeux d'enfants elle ne voyait pas les choses de la même manière. « Oncle Marius venait me chercher à l'école presque tout le temps. Et ma chambre était plus grande. » Elle n'avait probablement pas dit cela pour être blessante, à cet âge-là on s'exprimait simplement sans aucun filtre, mais Tommy lui avait pu sentir son cœur se craqueler légèrement. Même absent, même à l'autre bout du monde, son frère continuait de lui pourrir la vie. Récupérant malgré tout son lapin en peluche dans sa chambre, Moïra n'avait plus dit un seul mot pendant tout le trajet qui les avaient conduit chez les parents de Tommy, où elle passerait la soirée et la nuit.
Le brun avait ressassé pendant toute la suite de son trajet, les mots de sa fille se mêlant au regard accusateur - à moins qu'il ne l'ait simplement imaginé - de sa mère tandis qu'il convenait de revenir passer prendre Moïra à dix heures et demi le lendemain matin. Elle aussi se disait peut-être que sa petite-fille était plus heureuse avec Marius, qu'il s'en occupait mieux, qu'il aurait eu plus de mérite à être son père que Tommy n'en avait. Et c'était tellement injuste, au fond, parce que ce boulot qu'il n'aimait pas, ces heures sup' et ces extras qu'il faisait sur ses jours de repos, c'était pour elle. Pour qu'elle ait un toit au-dessus de la tête, pour qu'il puisse lui offrir de jolis vêtements pour l'hiver, et un cartable neuf à la prochaine rentrée. Ce n'était pas par plaisir, qu'il se retrouvait à servir du champagne et des petits fours dans une réception peuplée de gens qui devaient gagner cinq ou six fois son salaire, au moins, habillé en pingouin avec une chemise synthétique qui le grattait et un nœud papillon trop serré qui lui donnait l'impression de ne pas respirer à son aise. Mais il n'allait pas cracher sur le salaire promis à la fin de la soirée, ni même sur le fait qu'Elie lui ait dégoté cette place ... il aimait sans doute encore moins ce job que celui qu'il avait au Burrow, parce qu'ici il était forcé de voir les clients, mais il n'était pas en position de faire le difficile.
Il travaillait comme un robot, un sourire absolument pas sincère collé sur le visage, et s'apprêtait à ressortir avec un nouveau plateau lorsqu'un fracas dans l'arrière-salle le fit revenir sur ses pas. Déposant son propre plateau sur le bord d'une des tables il s'était baissé à la hauteur d'Elie pour l'aider à ramasser le contenu de celui qu'elle venait vraisemblablement de renverser sur le sol « Attends, je vais t'aider. » Devant l'absence de réponse de la jeune femme, qu'il avait pris pour un oui, il s'était exécuté sans plus attendre, laissant passer quelques longues secondes avant de finalement se risquer à demander « Est-ce que tout va bien ? » D'ordinaire souriante et relativement sociable, elle avait à peine décroché quelques mots tout à l'heure lorsqu'ils étaient arrivés, assez pour que Tommy n'en arrive à la conclusion que quelque chose clochait. Il n'avait pas la prétention de penser que le pourquoi du comment le regarde réellement, mais cela ne coûtait rien de demander.
repère staff pour le comptage des points de la semaine - merci de ne surtout pas retirer
Il y a de ces journées où il fait meilleur rester chez soi, enroulé dans une couette à manger du chocolat. Aujourd’hui par exemple. Elie tendait machinalement les petits fours aux invités aux robes et costumes luxueux qui pour sortir des billets verts de leur porte-monnaie ne rencontraient aucun problème, mais qui n’avaient apparemment pas apprit à dire merci. Ces derniers temps, elle travaillait encore plus qu’avant. Le matin, elle se levait aux alentours de six heures pour foncer à l’université, puis courir au Burrow où plusieurs fois par semaine, son patron l’envoyait ensuite faire des extras. Elle n’allait pas s’en plaindre, après tout la demande venait d’elle. Même si gagner de l’argent signifiait piétiner son sommeil et ses révisions. Donc sa bonne humeur et son sourire. D’autant qu’aujourd’hui, elle avait dû passer un test qui la porterait ou pas vers sa deuxième année. Et depuis la fin des cours, l’impression pétrifiante de l’avoir lamentablement raté lui pesait sur les épaules. Une jeune femme pas plus âgée qu’elle, lui prit le dernier petit four posé sur son plateau et d’un ton dédaigneux lui ordonna d’aller se resservir. La jeune femme avait apprit à ne plus réagir, l’argent semblait donner tous les droits, aussi invraisemblable cela puisse paraître. Aussi retourna-t-elle en cuisine, le coeur gros. Elle posa le plateau sur le bord de l’évier avant d’en attraper un autre au frigidaire. Comme elle avait un peu de temps, elle décida de faire une pause aux toilettes. Ce soir, ils étaient trois à faire les marioles pour s’assurer que ces bonnes gens avaient de quoi picoler et se remplir la panse. On ne remarquerait pas sa disparition de quelques instants. Un coup d’oeil dans la glace suffit à lui miner un peu plus le moral. Des poches sous les yeux, le teint blafard. Elle faisait peur à voir et le maquillage n’y changeait rien. De retour en cuisine et après avoir prit une grande inspiration, Elie se prépara à retourner sur le champ de bataille. Mais une douleur la prit dans l’avant bras et impuissante, elle regarda son plateau rejoindre le sol dans un grand fracas. Une minuscule crampe qui venait de retourner tous les petits fours sur le carrelage marbré de la grande cuisine. Excédée, elle se baissa pour nettoyer ses bêtises lorsqu’une voix familière lui proposa de l’aide. Elle était contente d’avoir enfin réussi à parler un peu à Tommy. Ils étaient collègues depuis quelques temps et pourtant il avait fallu attendre ce stage au zoo pour qu’ils se portent un peu d’attention. Il semblait être un homme occupé et un peu renfermé et Elie n’aimait pas s’imposer. Mais elle avait cru comprendre qu’il avait besoin d’argent et comme la plonge au restaurant ne rapportait pas des masses, il lui avait paru évident de lui proposer le poste ce soir. Elle remarqua le tremblement de sa main droite lorsqu’il lui demanda si ça allait. Non, ça n’allait pas, clairement pas et elle n’avait pas envie d’en parler. De toutes manières, ils devaient travailler. Elle hocha donc la tête de haut en bas en jetant agacée les toasts de toutes manières fichus sur le plateau. L’un deux resta collé à son doigt avant de retourner s’écraser au sol et aussi ridicule cela soit-il ce fut la goutte de trop. Son popotin rejoint lui aussi le carrelage et dépassée, les bras ballants elle jeta un regard désespéré à Tommy. Elle ne pouvait rien y faire mais de grosses larmes roulaient sur ses joues. Un coup des nerfs qui s’amusaient à lâcher au mauvais moment. « Il est parti en France… Sans rien... dire. Et moi j’attends ! comme une imbécile. Et en plus la tartine est tombée et … on… va sûrement pas me payer. Pis je suis nulle… Il est parti ! » Entre deux sanglots, des mots à peine articulés venaient raconter leur histoire pour essayer d’expliquer au jeune homme ce qui se passait. En voilà une réaction qu’elle n’avait pas prévu d’avoir !
Il avait l'impression d'avoir la mâchoire engourdie à force de sourire non-stop, même lorsqu'on se permettait de le bousculer sans s'excuser, de lui demander un verre sans politesse alors que son plateau était vide, ou d'agir comme s'il était transparent. Et c'était pourtant un véritable effort pour lui que de s'écraser et de ne faire aucune réflexion, ce n'était absolument pas dans ses habitudes ou son tempérament, et la majorité de son énergie il la gaspillait à cela. Fermer sa gueule et penser au salaire qui tomberait en fin de soirée, parce qu'il n'y avait que ça qui comptait et que ça le tuait au fond de tomber si bas simplement pour une question de fric. Mais lâcher l'affaire et entendre à nouveau Moïra lui faire savoir que Marius se débrouillait mieux que lui ? Plutôt crever. Il n'attendait que ça, Marius, Tommy était prêt à metre sa main au feu qu'il demandait des nouvelles de sa nièce à Meg et à leurs parents uniquement pour traquer la moindre erreur de parcours, la moindre broutille qu'il pourrait utiliser pour lui mettre des bâtons dans les roues. Il n'y avait plus de confiance ou de liens du sang qui tiennent, sa paranoïa en était certaine.
Gardant donc les lèvres scellées et le sourire de façade tandis qu'on le traitait comme un larbin avec un noeud pap' il avait relâché ses zygomatiques à peine passé le seuil de l'arrière salle, ne faisant aucun effort pour retenir le soupir excédé qui lui avait échappé. « J'ai besoin d'une clope, putain. » qu'il s'était murmuré à lui-même tout en passant une main fébrile sur son visage. C'était une catastrophe, parce qu'il n'avait plus rien fumé depuis le jour où il avait mis le pied au Canada, et que son incarcération avait suffit à faire pire que mieux ; Fumer comme un pompier c'était un peu le seul plaisir de la journée quand on ne sortait de sa cellule que pour poncer du bois de seconde main ou faire le tour de la cour intérieure en petites foulées en longeant les barbelés. Mais sa cigarette attendrait, ou c'était son salaire qui lui passerait sous le nez. Attrapant un plateau en ne pouvant s'empêcher de scruter tous ceux qui attendaient encore d'être servis, il avait soupiré à nouveau avant qu'un fracas ne le coupe dans ses pensées. N'attendant pas qu'elle demande pour proposer de l'aider, il avait posé son plateau sur le buffet puis un genou à terre pour ramasser les toats éparpillés sur le sol, se risquant à demander si tout allait bien sans être le moins convaincu du monde par le oui silencieux qu'elle avait offert en guise de réponse. Il n'avait pas osé insister, pourtant, se conte tant de tendre une main pour l'aider à se remettre de bout, ce qui en fin de compte eu tout l'effet inverse puisqu'envoyant valser un toast resté sournoisement accroché à son doigt la voilà qui se laissait tomber sur le sol, fondant en larmes. Parfois Tommy peinait à comprendre les femmes ; Elles étaient capable de fondre en larmes pour un rien, même un toast écrasé sur du carrelage.
Un peu pris un dépourvu par la réaction de la jeune femme, il etait resté là bras ballants face à elle tandis qu'elle lui adressait un regard qu'il n'avait aucune idée de comment interpréter. Terminant à nouveau un genou à terre ilavait posé une main sur son épaule sans savoir vraiment quoi faire, tandis qu'elle se mettait à couiner d'une voix désespérée « Il est parti en France … Sans rien ... dire. Et moi j’attends ! comme une imbécile. Et en plus la tartine est tombée et … on … va sûrement pas me payer. Pis je suis nulle … Il est parti ! » Les sanglots la coupant entre ses mots et donnant l'impression d'accentuer chaque voyelle qui sortait de sa bouche. « Shht, arrête, c'est qu'un toast y'a pas mort d'homme. Personne va le remarquer. » Du moins à condition qu'ils se débarrassent de ça rapidement. Pas de cadavre, pas de crime. Essuyant vaguement le carrelage avec une des serviettes en papier disposée sur le plateau, il avait repoussé ce dernier un peu plus loin, bien que conscient qu'il ne s'agissait que de la goutte d'eau ayant fait déborder le vase. « C'est pour un type que tu te mets dans un tel état ? » No shit, Sherlock. « Y'a pas un seul bonhomme qui mérite qu'on verse autant de larmes pour lui, tu sais. » Ça non, et il était bien placé pour le savoir, avec son chromosome XY et son absence totale d'estime de lui-même. « Et s'il s'est cassé à l'autre bout du globe sans t'avertir ça ne doit pas être un grand courageux. » Ses lèvres s'étaient pincées, tandis qu'il réalisait à la fois que l'on avait connu paroles plus réconfortantes, et qu'il était en plus de ça particulièrement mal placé pour dire ce genre de choses. Lui s'était bien cassé jusqu'au Canada sans prendre la peine d'avertir sa propre famille ... mais hey, on ne la choisissait pas, sa famille. « Désolé, ce n'était probablement pas ce que tu avais envie d'entendre ... » Sans doute pas, non. Mais Tommy avait parfois ce côté un peu rustre qui lui faisait oublier la délicatesse. « Mais ... ça va aller. » Phrase typique du mec qui n'avait aucune idée de ce qui pouvait ou non être considéré comme une parole réconfortante.
Gérer ses émotions, réussir à garder le sourire, la tête haute, sans s’écraser face aux autres, en restant intègre. Tant de choses difficiles à faire lorsque l’on entre dans l’âge adulte sans harnais. Elie avait beau avoir atteint le quart de siècle, comme le lui avait tant répété ses amis le jour de son anniversaire, elle avait l’impression de tout juste quitter l’adolescence. Et rien ne s’était fait en douceur. Le départ de sa sœur, celui de Marius. Devoir couper le cordon tout en essuyant une déception amoureuse. La boîte à sentiments de la jeune australienne affichait une météo assez mitigée ces derniers temps. D’autant que pour couronner le tout, elle s’était mise en tête de réussir des études en plein milieu d’année tout en gagnant sa vie en parralèle. Si Alice avait réussi quelque chose dans son éducation, c’était d’avoir implanté cette force de continuer peu importe les obstacles. Pourtant, un peu comme dans un certain dessin animé ayant vu le jour il y a peu de temps, dans la tête de la jeune femme tout le monde semblait avoir démissionné. Ils avaient lâché l’éponge, laissé les commandes à Peur et Colère. Ce soir, alors qu’elle déambulait un plateau à la main, un sourire figé sur le visage, son esprit gambadait ailleurs, dans des contrées lointaines, où elle pouvait faire ce qu’elle voulait, où l’argent n’avait aucune importance. Le monde rêvé des enfants et autres utopiques. Et voilà qu’elle se retrouvait là à pleurer à chaudes larmes face à un Tommy perdu et un peu gêné aussi. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Cette crise de nerf était aussi inattendue qu’exagérée. Ses yeux laissaient échapper toute l’eau qu’elle avait pu boire auparavant et pour peu son nez aurait fait des bulles. Très classe, vraiment. Elle qui avait tendance à rougir chaque fois que son collègue lui adressait la parole se retrouvait dans une position vraiment peu flatteuse. Elle ne lui en aurait même pas voulu s’il s’était moqué d’elle tant la scène devait être comique vue de l’extérieur. Pourtant, il semblait vouloir la calmer. Peut-être pour ne pas perdre son job d’un soir ou bien parce qu’il s’inquiétait vraiment de sa réaction. Personne ne se fichait dans un tel état pour un simple toast au pâté. Surtout pas Elie. Elle le regarda essuyer ses bêtises sans bouger, sanglotant avec toujours autant d’entrain. Dans un autre moment, elle se serait rendu compte que Tommy n’était pas vraiment à l’aise avec ce genre de comportement, réconforter les gens, tout ça… Il était même assez gauche. En le voyant repousser le plateau, Elie prit peur de le voir partir, il ne devait pas la laisser là, comme ça, pas avant qu’elle ne se soit calmée, aussi dans un geste assez désespéré, sa main vint agripper la manche du veston du jeune homme pour le retenir. Malgré sa présence peu rassurante en réalité. Il avait raison bien entendu, mais elle n’était pas prête à entendre la réalité. Pas tout de suite. Les plaies n’était pas encore refermées. Alors qu’il reprenait la parole, ses yeux bleus s’agrandirent, comme s’il venait de dire la plus grande bêtise du monde. Ce n’était pas un « type » lambda qui la mettait dans son état. Non. « Marius ! » Après avoir secoué la tête alors qu’il essayait de trouver les bons mots, sans réussir à en prononcer un seul, elle avait tenu à réparer l’erreur, dans un sanglot lâché tel un cri du coeur. Comme si cela changeait quelque chose au problème. « Non ça va pas aller. Quatre ans ! J’ai attendu quatre ans et lui il part avec sa fille, sa femme comme si j’avais jamais compté. » Reprenant sa respiration, sortant de cette mini-transe, elle essaya de se relever. Elle devait retourner au travail. Passer devant un miroir pour essuyer ce qui avait très certainement coulé sur ses joues puis retourner sourire bêtement. Elle semblait s’être un peu calmée, même si le nuage ne s’était pas tout à fait éloigné. Seulement, elle n’arrivait pas à se remettre debout, ce qui déclencha une nouvelle vague de larmes. « Je… Désolée… Je suis ridicule… désolée. »
acidbrain
repère staff pour le comptage des points de la semaine - merci de ne surtout pas retirer
Contrairement à ce que certains pourraient s'imaginer ce n'était absolument pas que Tommy n'avait pas de cœur - malgré ce qu'essayait de faire croire son frère aîné - mais simplement qu'il était tout sauf habitué à être le gars sur l'épaule duquel on venait pleurer. Parce que soyons tout à fait honnêtes, avant qu'Alice ne vienne prendre toute la place disponible dans son palpitant il était plutôt du genre à faire pleurer les filles qu'à sécher leurs larmes. C'est donc bien maladroitement mais de façon totalement honnête qu'il avait tenté de lui faire remarquer qu'aucun mec ne valait la peine qu'elle se mette dans un tel état pour lui, parce qu'il était aussi bien placé pour le savoir lui, qu'il n'avait jamais mérité le quart des larmes que certaines avaient pu verser pour lui à l'époque où il hésitait encore dangereusement entre l'âge adulte et l'adolescence éternelle. Mais ce n'était pas juste un mec parmi d'autres, à en juger par la façon dont le « Marius ! » avait échappé à la jeune femme. Le sang de Tommy, lui, s'était glacé dans ses veines. Parce que cela ressemblait à une mauvaise blague de comédie à l'eau de rose, la coïncidence qui faisait rire jaune tandis que les pièces du puzzle s’emboîtaient dans sa tête. Mais ce n'était peut-être que cela, une coïncidence ... Quand bien même Marius n'était pas un prénom commun, et quand bien même l'aéroport de Brisbane ne devait pas accueillir tous les quatre matins des dénommés Marius qui fuyaient pour la France avec perte et fracas. « Non ça va pas aller. Quatre ans ! J’ai attendu quatre ans et lui il part avec sa fille, sa femme comme si j’avais jamais compté. » Et maintenant cela ne cadrait plus, laissant Tommy totalement désemparé et les bras ballants, parce qu'il ne savait plus quoi penser. Marius, père de famille ? Son frère était bien trop occupé à se préoccuper de sa seule petite personne, et à s'accaparer les enfants des autres. « Mais il ... Tu veux dire que ce Marius a eu une aventure avec toi, mais en omettant le fait qu'il avait une famille ? » Ce n'était pas son intention bien sûr, de remuer le couteau dans la plaie, mais au milieu des sanglots d'Elie il essayait tant bien que mal - et peu égoïstement il est vrai - d'y voir plus clair lui aussi. Parce qu'il n'y avait pas de hasard, le hasard c'était pour ceux qui ne savaient pas interpréter les signes disait Alice. Respirant un bon coup elle avait semblé se calmer un peu, et la voyant amorcer un mouvement pour se lever le brun s'était écarté légèrement avant qu'elle ne se remettre à pleurer de plus belle. « Je… Désolée… Je suis ridicule… désolée. » Il était contrarié, affreusement contrarié même parce que la réflexion de Moïra tout à l'heure était déjà une référence à Marius de trop, et que la dernière chose dont il avait envie actuellement c'était de réparer les pots cassé par son aîné ... Mais il ne parvenait pas à rester indifférent à la tristesse d'Elie. Parce qu'il l'aimait bien, au fond, elle était attachante et elle était devenue sa partenaire de galère professionnelle. « C'est pas ridicule. » Du moins son chagrin à elle n'était pas ridicule, bien que Tommy ne puisse s'empêcher de penser qu'avoir du chagrin concernant Marius, ça en revanche c'était absolument stupide. « Viens. » Lui tendant une main pour l'aider à se remettre debout, il avait essuyé les larmes sur ses joues à l'aide de ses pouces et lui avait adressé un sourire plein de bonne volonté supposé lui rendre le sien. « Je vais m'occuper de ça, va te passer un peu d'eau sur le visage ça te fera du bien. » Ça c'était bien entendu le plateau, toujours au sol et où s'entassaient des toasts sans dessus-dessous. « Il nous reste encore une heure de boulot, et après ça je te paye un verre et tu me raconteras tout ça si tu as besoin d'en parler ... deal ? » Il y avait bien un peu d'intérêt personnel derrière cette proposition, inutile de le nier, mais pour autant il aurait probablement proposé les choses de la même manière si elle pleurait pour les beaux yeux d'un Chris ou d'un Michael. « Ça devrait être un crime, de faire pleurer de jolis yeux comme ça. » avait-il même fini par la taquiner dans l'espoir de provoquer autre chose que des sanglots, et parce qu'il avait déjà remarquer cette tendance d'Elie se rougir un peu dès que quelqu'un avait l'idée de lui faire spontanément un compliment.
repère staff pour le comptage des points de la semaine - merci de ne surtout pas retirer
On lui avait toujours répété qu’une femme se devait d’être forte. Il n’y avait d’ailleurs que ça dans sa famille, des femmes de caractère qui ne se laissaient pas marcher sur les pieds et qui imposaient leurs idées. Mais le fait d’avoir grandi ainsi protégée, n’avait aucunement préparé Elie a subir de telles déceptions. Elle avait tout lâché pour Marius. Sa sœur en particulier, à qui elle avait demandé d’arrêter la seule chose qui comptait pour elle, égoïstement, pour se permettre de vivre comme elle le souhaitait. A aucun moment, elle n’avait songé que Marius, cet homme qui l’avait tant séduite cinq ans auparavant pouvait avoir refait sa vie. Il lui arrivait encore de se trouver stupide. Alice avait raison, les princes charmants n’existaient que dans les livres. Oui, elle se devait d’être une femme forte. Mais à trop garder les choses pour soi, vient un moment où tout explose. Et si la décision ne venait pas d’elle, Elie se retrouvait pourtant à pleurer dans les bras d’un de ses collègues, à se morfondre sur son son sort, en gémissant lamentablement le nom de l’imbécile qui avait joué avec ses sentiments, lors d’une soirée chic. Ce n’était pourtant vraiment pas son genre. La jeune femme se rendait bien compte qu’elle importunait Tommy à se comporter de la sorte et cette idée la rendait encore plus triste. Effectivement, depuis qu’elle s’était mentalement faite à l’idée que Marius n’était pas pour elle, elle se sentait bien loucher sur le plongeur du Burrow. Comme si elle était maudite à tomber amoureuse d’hommes plus âgés et clairement inaccessibles. Pleurer comme une madeleine ne devait clairement pas être conseillé par les magazines féminins pour draguer. Et même si depuis qu’ils avaient échappé à plusieurs grizzlis ensemble, ils étaient un peu plus proches, elle doutait fortement de son pouvoir d’attraction à l’instant même. Alors qu’elle déblatérait bêtise sur bêtise, il semblait essayer d’y mettre de l’ordre, ce qui ne faisait qu’enfoncer Elie dans sa torpeur. Ayant prit conscience du ridicule de la situation, elle essaya de s’en sortir tant bien que mal et fut cette fois-ci soutenue par le jeune homme qui réussit à la remettre sur pieds et qui délicatement essuya ses larmes de ses joues. Peu à peu, ses hoquets de chagrin laissèrent place au nez bouché et aux inconvénients des grosses crises de larmes. Il prit gentiment le contrôle de la situation, lui intimant d’aller se rafraîchir pour ensuite lui proposer de la sortir un peu. Elle n’était pas contre. Cela pourrait faire du bien. Telle une enfant, elle restait agrippée à ses avants bras, secouant mécaniquement la tête de haut en bas, un peu déboussolée par ce qui venait de se passer. Malgré elle, le rouge venait de lui monter aux joues, face à ce compliment inattendu, tandis qu’il semblait s’amuser de la situation. Inconsciemment, elle songea qu’elle n’était peut-être pas si repoussante, sans se douter que cela relevait sûrement plus de la gentillesse que de l’attirance. Finalement, après s’être rincée le visage, elle récupéra le plateau que Tommy avait laissé propre et près au service sur le comptoir tandis qu’il devait déjà être retourné à la tâche. La dernière heure se déroula sans accroc notable, si ce n’est que la tête ailleurs, la demoiselle oubliait régulièrement de répondre à ce qu’on lui disait. Et alors qu’elle terminait de ranger les derniers plats au frigidaire, le serveur la rejoignit dans la cuisine. Elle s’essuya les mains sur son pantalon, avant de se les passer dans les cheveux, gênée. « Merci pour tout à l’heure. Tu sais pour le verre tu n’es pas obligé ! » Elle n’avait pas envie de le déranger plus que ça avec ses histoires. Demain, elle appellerait Lisis histoire de vider son sac et tout irait mieux, même si cette dernière lui ferait sûrement la morale pour avoir décliné l’invitation du sexy Tommy...
Tommy peinait à croire aux coïncidences, il était bien trop habitué à voir comme le destin pouvait se foutre de sa gueule à la moindre occasion, parfois même de façon à ce qu'il puisse en tirer partie. Mais s'il ne s'agissait ici non plus pas de hasard, s'il n'y avait bien qu'un seul et même Marius pour eux deux, le brun ne savait pas bien ce qu'il était supposé faire de cette information. Certainement pas la divulguer en tout cas, ou du moins pas tout de suite ... Pas avant de savoir si oui ou non cela pourrait se révéler utile plus tard. Il devrait sans doute avoir un peu honte de se jouer ainsi d'Elie, parce qu'au fond il lui trouvait un côté sympathique et même attachant, mais la rancœur qu'il possédait à l'égard de son frère aîné dépassait tout le reste. Alors ses soupçons il avait décidé de les garder pour lui, d'attendre de pouvoir vérifier s'ils étaient fondés avant de moindre une décision quelle qu'elle soit ... Et puis, pour l'heure ce n'était pas le plus urgent. Il n'était pas insensible au point de ne pas remarquer que la tristesse de la jeune femme était réelle, et bien qu'il ne soit pas des plus à l'aise avec les mots il avait tenté de la réconforter et de la remettre d'attaque du mieux qu'il pouvait.
Il avait bien fallu se remettre au travail ensuite, tant pour elle que pour lui, car le salaire promis à la fin de la soirée ne viendrait que si le travail était fait, et Tommy ne pouvait pas se permettre de s'en priver. Fatigué à la fois par le fait d'avoir piétiné toute la soirée et par l'hypocrisie sans nom dont il se devait de faire preuve face à des invités parfois très loin de l'amabilité, il avait laissé échapper un soupir las en regagnant la cuisine avec les derniers verres sales. Dieu merci ici ce n'était pas à lui de s'occuper de la vaisselle, il avait presque de la peine pour celui ou celle qui devrait s'en occuper le lendemain ... Mais presque, seulement, parce que chacun ses galères, après tout. « Merci pour tout à l’heure. Tu sais pour le verre tu n’es pas obligé ! » Il avait esquissé un vague sourire, détachant le plus haut bouton de sa chemise maintenant qu'il n'était plus forcé d'avoir une tenue "décente" et dénouant l'élastique qui retenait difficilement sa tignasse indisciplinée, passant une main dedans pour la remettre en place. Ce qui pour Tommy voulait dire en bataille, au plus grand damne de sa mère. « Je ne fais jamais rien par obligation. » avait-il fait remarqué d'un ton amusé « Et puis on l'a bien mérité, après avoir vu autant de verres de champagne nous passer sous le nez toute la soirée sans avoir le droit d'en profiter. » Bien que, en vérité, si on lui laissait le choix entre une flûte de champagne et une pinte de Guinness, ce n'était pas vers la première que pencherait le cœur du barbu, de toute façon. « Bon et pour tout t'avouer ma fille passe le week-end chez ses grands-parents, et je ne suis pas vraiment pressé de retrouver mon appartement vide. » Il avait avoué cela à demi-mot, passant l'élastique de ses cheveux autour de son poignet, là où la gourmette gravée à son prénom et le bracelet brésilien tressé par Moïra pendant ses cours de travaux manuels trônaient déjà fièrement.
Terminant de ranger et passant chacun au vestiaire pour se changer et récupérer leurs habits, ils avaient signé le registre en partant et rendu les tenues prêtées pour la soirée. La saison aidant le temps s'était rafraîchi, et la nuit particulièrement on ne sortait plus sans blouson. Un peu conditionné par ses années au Canada malgré tout le brun se surprenait à ne plus vraiment remarquer ce genre de choses, et là où certains auraient remonté illico la fermeture éclair de leur blouson lui tenait toujours le sien à la main, pas le moins du monde tenté de l'enfiler. « Tu vis dans quel coin ? Si on trouve un bar pas très loin de chez toi je n'aurai pas à m'inquiéter de te savoir toute seule dans les rues à une heure pareille. » Il était bien placé pour le savoir, Tommy, que tous les quartiers de Brisbane n'étaient pas fréquentables passés sur une certaine heure, particulièrement lorsque l'on possédait le petit gabarit d'Elie. « J'vais pas t'obliger à me raconter ta vie, tu sais. Si tu as simplement envie de boire un verre et de me parler de ce qui se passe dans ce zoo, quand les animaux n'y sont pas en liberté, ça me va aussi. » Leurs péripéties au zoo de la dernière fois laissaient à Tommy un souvenir amusé, sans qu'on ne doute que si sa fille avait été avec lui il aurait été beaucoup moins amusé et beaucoup plus scandalisé. Mais soit, il n'y avait pas eu mort d'homme au final, probablement que dans vingt ou trente ans il parviendrait encore à se marrer en racontant cette mésaventure à qui voudrait bien l'entendre. Reste que ce qu'il voulait dire, à cet instant, c'était que si finalement Elie ne souhaitait pas verser du sel sur ses propres plaies en évoquant l'épisode de tout à l'heure, c'était son droit, et il le respecterait ... bien que l'envie de démêler le vrai du faux concernant ce Marius était toujours présente chez lui. « On verra sur place, d'accord ? » Elle avait le temps de cogiter d'ici là. Mais un verre pour décompresser un peu, après la soirée qu'ils venaient de passer, cela ne fera de mal ni à l'un ni à l'autre.