let's talking german

Une main dans la poche, Niklas marchait tranquillement. L'autre tenait sa clope et il laissait échapper un peu de fumée en ouvrant la bouche. Il avait dit qu'il ferait des efforts. Il avait dit qu'il laisserait de côté la clope et qu'il abandonnerait ça une bonne fois pour toute. Mais il n'en avait rien fait. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu'il n'y parvenait pas. Et puis, il était stressé. Revoir Valentin, ça faisait chier. Il n'avait rien contre Valentin. Il était un type sympa après tout. Du moins, les rares fois qu'il l'avait vu. Seulement, il fouinait trop. Il fouinait un peu trop. Si Niklas avait quitté Berlin et quitté la soeur de Valentin, c'était pour une raison. Une très bonne raison à dire vrai. Parce qu'il n'était pas le vrai Niklas. Parce que continuer à lui mentir alors qu'elle était une nana très gentille, non, il ne le pouvait pas. Niklas avait beau être un enfoiré de première, un emmerdeur, il ne voulait pas ... Il ne voulait pas lui mentir. Elle avait le droit d'être heureuse. Elle avait le droit d'avoir une vie. Une belle vie. Alors oui, il était parti. Parce qu'il n'était pas certain qu'ils pouvaient avoir un avenir tous les deux. Ou du moins, il avait préféré partir avant de réellement le savoir. Peut-être que c'était une erreur. Mais c'était mieux comme ça selon lui. Ouais, bien mieux. A dire vrai, il ne pensait pas être un homme ... comment dire ... A avoir une vie bien rangée. A avoir une copine et des enfants. Une relation par-ci, par-là, pourquoi pas. Mais une relation plus sérieuse, il n'était pas certain qu'il pourrait le faire. A cause des mensonges. A case de qui il était. Enfin, passons. Là n'était pas vraiment le sujet. Il se rendait au starbuck. Il avait l'habitude d'y croiser Sélène. Un gentil brin de fille. Ils s'étaient croisés dans un bar. Et elle avait reconnu son accent allemand et ils en étaient venus à parler de l'Allemagne. Du fait qu'elle avait envie de parfaire son allemand. Mais également son polonais. Et elle lui avait fait des yeux de chiot. Pour ... Et bien, pour qu'il accepte de parler avec elle dans ces différentes langues. Pourquoi il avait accepté ? Niklas ne saurait réellement le dire. Mais il l'avait fait. Et c'était aujourd'hui un de leurs rendez-vous habituels. Ils se voyaient souvent. Enfin, ces derniers temps, peut-être un peu moins. Elle avait été absente. Il était venu. Pas elle. Tout le monde a des imprévus, ça peut arriver. C'était ce qu'il s'était dit. Si elle venait, il lui poserait la question. Alors, Niklas s'était installé à leur table habituelle. Et il attendait donc. Qu'elle vienne. Ou qu'elle ne vienne pas. A voir.

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En attendant qu'elle vienne, ou qu'elle ne vienne pas, Niklas s'était commandé un café. Parce que oui. Il ne savait pas s'il allait attendre longtemps ou bien s'il finirait par partir parce qu'elle ne viendrait pas. Il n'en savait rien. Mais elle avait manqué tellement de rendez-vous qu'il ne savait pas. Est-ce qu'elle comptait venir, cette fois là ? Ou bien est-ce qu'elle ferait comme les autres fois ? C'est à dire qu'il allait se retrouver tout seul, à l'attendre comme un idiot ? Il verrait bien. L'avenir le lui dirait. Oui, d'une certaine manière, il s'inquiétait. Il s'inquiétait parce que ... Et bien, parce qu'il ne savait pas vraiment ce qui avait pu lui arriver. Si ça se trouvait, y'avait quelque chose de grave. Il s'était produit un truc. Un événement. Qui faisait qu'elle n'avait pas pu se déplacer à chaque fois. Ca serait étrange. Mais c'était possible après tout. Il passa une main dans ses cheveux et il checka son téléphone. Pas de message. Niklas bascula la tête légèrement en arrière. Viendrait-elle ? Ou lui poserait-elle un nouveau lapin ? Peut-être qu'il devrait arrêter de venir. Peut-être qu'elle avait décidé de mettre fin à leurs petites rencontres. Peut-être qu'elle en avait marre de lui. Et de leurs discussions. Bah, si c'était le cas, ça aurait été bien plus simple de lui envoyer un petit texto et de lui dire qu'elle n'avait plus envie de venir. Mais peut-être que y'avait autre chose derrière tout cela. Alors qu'il allait se lever et qu'il allait sans doute partir, c'est là qu'une personne se rapprocha de lui. Il redressa alors la tête. C'était ... Et bien, c'était Sélène, justement. Une revenante ! C'était étonnant. Lui, il n'y croyait plus et il s'était dit qu'elle ne serait pas là, une nouvelle fois. Elle parla. Vite. Lui demandant comment ça allait. Le fait qu'elle avait eu peur, pendant un moment, qu'il ne soit pas là du fait qu'elle n'était pas venue, elle-même, aux rendez-vous précédents. La raison ? Un bébé. Elle avait eu un bébé. Niklas eut un drôle d'air sur le visage. Il était ... surpris. Très surpris. "Ah, je vois." Il cligna des yeux. "J'ai donc été remplacé par un bébé." Ouais, bon, il y avait une autre manière de le dire, si on pouvait dire cela ainsi. Néanmoins, c'était la réalité. Elle l'avait remplacé par son fils. "J'comprends mieux pourquoi t'es pas venue ces derniers temps." Et même un peu avant puisqu'il ne l'avait pas forcément vu enceinte. Combien de temps ça remontait la dernière fois qu'ils s'étaient croisés ? Il ne savait plus. "Tention, il est en train de baver." Des gosses ? Lui ? Niklas ne s'était jamais imaginé avec un gosse. Mais ça ne voulait pas dire qu'il n'en voudrait pas. Peut-être quand il aurait remis de l'ordre dans sa vie. Ce qui n'était pas gagné d'avance d'ailleurs. Parce que c'était le bordel. Et qu'il n'était pas vraiment certain que ça s'arrangerait avec le temps. Parce qu'il était comme ça. "Pour répondre à ta question, ouais, ça va plutôt bien et toi ?"

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Niklas avait peut-être été un peu aigri pour le coup. Alors qu'il ne voulait paraître nullement méchant. Mais oui, il avait été un poil froid. Est-ce qu'un jour il aimerait avoir des enfants ? Il aimerait, sans doute. Seulement, comme il n'était pas un homme des plus recommandables, il ne pensait pas qu'il aurait le droit à ce genre de bonheur. Trop peur de ... trop peur de faire tuer ce petit début de famille qu'il pourrait vouloir. Oui, peut-être que ça se passerait bien. Ou pas. A dire vrai, il aimerait bien le savoir. Mais d'un autre côté, il avait peur. Il se disait qu'il ne devait probablement pas avoir le droit au bonheur. Pas après tout ce qu'il avait pu faire. Pour sûr. Enfin, passons. "Est-ce que j'ai vraiment besoin de tout cela ?" en vint-il à demander en penchant la tête. "Non, effectivement, j'pense pas avoir besoin de ce genre d'attention. C'est bien de se faire remplacer par un enfant. J'l'aurais sans doute mal pris si tu m'avais remplacé par un autre professeur par exemple." Ouais, il l'aurait eu mauvaise, c'était certain. Mais non. Jaloux ? Boaff. Pas tellement que cela après tout. Enfin. Maintenant, il savait pourquoi elle n'était pas venue. Une grossesse pas facile. Si ça se trouvait, elle avait dû rester un moment chez elle. Peut-être qu'elle était restée couchée par exemple. Ou des choses dans le genre. Il n'allait pas forcément lui en parler. Non. Ce qui était fait était fait mine de rien. Enfin, passons. Elle lui expliqua, par la même occasion, qu'elle n'avait plus de portable. Nik' fronça des sourcils. "Il s'est passé quoi ? Vol ? Perte ? Cassé ?" Si c'était les deux premiers cas, ouais, elle avait peut-être ailleurs à mettre son argent que se payer un nouveau mobile. Pareil pour le dernier cas aussi. Si c'était un vol ... Il irait bien refaire le portrait de celui ou celle qui avait osé la voler. Enfin, si c'était un mec, oui, il lui collerait plus facilement son poing dans la figure. Une nana ... Enfin, il avait déjà botté les fesses de nanas pas très ... comment dire ... Oui, qui aimaient bien franchir les limites de la loi. Mais bon. En tout cas, Niklas lui avait dit que son bébé était en train de baver. Il disait ça pour elle. Pour éviter qu'elle se retrouve avec de la bave de bébé partout sur elle. Mais si ça se trouvait, ça ne la dérangeait pas tant que cela après tout. Peut-être pas. Va savoir. "Oui, bon, j'dis pas qu'il est pas mignon. Mais tu risques d'en avoir partout." se contenta-t-il de lui dire en haussant légèrement des épaules. Il irait pas jusqu'à dire que c'était dégueulasse. Mais bon, elle faisait bien ce qu'elle voulait. Ses fringues après tout. Et pas celles de Niklas. Enfin. Niklas lui avait demandé comment ça allait. Et elle lui avait répondu que la maternité lui plaisait plutôt bien à dire vrai. "Content pour toi alors." avait-il dit dans un sourire. "Parce qu'il est vrai que j'ai déjà pu entendre certaines personnes dire que c'était la galère parfois." avait-il poursuivi dans un hochement de la tête. "Moi ? Pas grand chose. Tu vois, j'suis toujours sur Brisbane." Il lui avait dit, à  l'époque, qu'il n'était pas certain qu'il resterait. Pensant qu'il finirait par partir à un moment ou à un autre. "Faut croire que j'ai fini par m'attacher à cette petite ville." Petite, enfin, façon de parler. Mais ouais, il était bien dans les parages. Même si ... Et bien, même si Valentin était dans les parages. Ca, c'était un problème.

Sélène regarda Niklas d'un air perplexe alors qu'il réfléchissait à voix haute, en penchant la tête, sur les soins dont il pourrait avoir besoin, comparativement à un nouveau né. A la fin de sa phrase, elle se mit à rire. C'était de l'humour évidemment, cet espèce de cynisme qui était plutôt caractéristique de l'allemand.

-Et dire que j'ai dû te supplier pour que tu acceptes de parler allemand avec moi ! plaisanta la jeune femme en riant. Qui aurait crû que tu pourrais être vexé d'être remplacé. T'inquiètes, j't'apprécie malgré tout, Herr Jagger, j'ai jamais eu l'intention de te remplacer.

Disant ses mots, et pinça d'une main la joue droite de Niklas, manie qu'elle avait prise avec les gens qu'elle aimait bien depuis son adolescence, et qui avait le don d'en agacer plus d'un. Tout le monde n'aime pas avoir le visage déformé, même pour un instant, mais Sélène ne s'en formalisait pas, car embêter la personne d'en face était devenu un des buts de la manœuvre, au fil du temps.

Le trentenaire fronça les sourcils en apprenant qu'elle n'avait plus de portable, et lui demanda ce qui s'était passé. La jeune maman plissa les lèvres, regarda ailleurs pendant un instant, l'air gêné, puis finit par répondre :

-Nan, rien de tout ça. En fait mes parents m'ont coupé les vivres et je ne pouvais plus payer mon abonnement. Ouais, le genre de complications auxquelles je faisais référence.

Elle avait un peu honte d'avouer ça à Niklas, non pas pas pudeur, vraiment, mais surtout parce qu'elle n'avait pas envie qu'il ait pitié d'elle, ou qu'il la méprise parce qu'elle avait tellement fait confiance à ses parents pour la soutenir financièrement pendant ses études qu'elle avait fini par se retrouver à la rue. Avant cela, elle avait toujours su que ses géniteurs n'étaient pas le genre de personne avec qui elle s'entendrait spontanément très bien, mais elle n'aurait jamais cru qu'ils iraient jusqu'à la laisser tomber. Ça avait été un choc émotionnel, mais elle n'avait pas vraiment eu le loisir d'y penser.

La voix de Niklas lui expliquant qu'elle allait probablement finir avec des vêtements tachés de bave la rappela à la réalité, et elle sourit avec amusement à son binôme linguistique. Il avait raison. La jeune femme sortit une lingette de son sac et essuya patiemment les contours de la bouche de Nathan, tout en disant :

-AHA ! Je savais que tu le trouverais mignon ! Bon en fait j'avoue, pas vraiment. Ne le prends pas mal mais tu n'es pas trop le genre de gars que j'imagine à l'aise avec les enfants. Enfin tu as raison, un bébé, ça tache. J'ai tendance à trop me laisser aller parfois.

Elle avait toujours un ton joyeux, ravie de retrouver facilement tant une certaine aisance avec la langue allemande que l'homme avec qui elle pouvait la parler. Elle réalisa que tout ça lui avait un peu manqué.
Lui, il souriait en disant qu'il était content pour elle. Elle lui rendit son sourire. Comme pas mal de monde, il avait entendu des choses plutôt négatives sur le fait de devenir parent. Evidemment, Sélène ne pouvait pas dire qu'il n'y en avait pas, mais elle avait plutôt tendance à se concentrer sur le positif, ce qui avait certainement été une force, dans sa situation.

-En effet, je n'dis pas que c'est pas galère, surtout quand on est seul, j'imagine, mais il y a également beaucoup d'aspects positifs. Après, ce n'est que mon opinion, chacun a une expérience différente.

Elle se demanda un instant si ses parents avaient été heureux de l'avoir, ou si elle avait été une déception pour eux dès le tout début, comme elle en avait souvent eu l'impression. Mais elle n'eut pas envie d'y penser très longtemps, puisque la conversation qu'elle avait était autrement plus intéressante. Niklas parlait de lui. Et Sélène aimait beaucoup écouter les gens. D'après lui, toutefois, il n'y avait pas grand chose de nouveau dans sa vie. A part qu'il vivait toujours à Brisbane, et qu'il disait s'y être peut-être attaché.

Ces paroles firent sourire la jeune femme. Tant mieux, elle était bien contente d'avoir trouvé un gars qui avait, comme elle, un certain intérêt pour les langues, et elle n'aurait pas aimé le voir partir.

-C'est déjà ça. Tu bosses dans quoi en ce moment, au fait ? demanda Sélène. Puis elle ajouta : Je suis bien contente que tu sois toujours là, en tous cas. Des gens qui parlent allemand et polonais, ça ne court pas les rues, en tous cas pas celle de Brisbane. Parce que celles de Francfort sur l'Oder si, j'imagine.

Francfort sur l'Oder était une ville à la frontière entre l'Allemagne et la Pologne, d'où la tentative de blague totalement vaseuse de Sélène, qui était quand même toute contente d'avoir quelques connaissance en géographie allemande, bien qu'elle n'y ait jamais mis les pieds.
Afin de faire oublier à Niklas sa plaisanterie foireuse, elle saisit Nathan à bout de bras et déclara de but en blanc :

-Tu me le tiens pendant que je vais me chercher une boisson ?

Sans attendre la réponse du trentenaire, elle lui colla le marmot dans les bras, et se plaça dans la file d'attente, qui n'était qu'à quelques mètres de leur table. Elle jeta tout de même un coup d’œil derrière elle, légèrement inquiète malgré tout de la capacité de Niklas à tenir un bébé correctement. Mais l'amusement que lui procurait la situation était plus fort que l'inquiétude qu'elle pouvait avoir.
Une fois son frappuccino en main, moins de dix minutes plus tard, elle revint s'asseoir en face de l'allemand, et demanda :

-Ça va, t'es pas mouru ?

Puis, souriant de toutes ses dents, comme un gosse tout fier d'avoir fait une bêtise, elle tendit les bras vers lui afin de récupérer son bébé.

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Il se rappelait encore de son visage larmoyant, ou presque, quand ils s'étaient rencontrés. Elle voulait à tout prix parler germain avec quelqu'un et elle était tombée sur Niklas. Il avait fini par accepter d'ailleurs. Une bonne chose sans doute. Même s'ils étaient restés un petit moment sans se voir. Maintenant, il comprenait pourquoi. Ce n'était pas parce qu'elle n'en avait rien à faire de lui. Ce n'était pas parce qu'elle avait trouvé un autre prof. Sa vie était juste devenue compliquée et elle avait été obligée de mettre entre parenthèses certaines choses. "Personne n'aime être remplacé ma chère." avait-il dit dans un hochement de la tête. Mais l'allemand était rassuré. Parce qu'elle ne l'avait pas remplacé. Elle avait juste ... revu ses priorités. Et c'était compréhensible d'ailleurs. Elle avait enchaîné emmerdes sur emmerdes. Ses parents l'avaient jetée à la rue. Il eut une grimace. "Oh, c'est moche." avait-il dit dans un hochement de la tête. "Mais j'me doute qu'avec ton petit bout, t'as fini par te retrouver un appart, non ?" Parce que ça l'ennuyerait de savoir qu'elle et le petit vivaient à la rue. De là à lui proposer son appartement comme ... lieu de repli. Non, peut-être pas à dire vrai. Quoi que ... Pas son genre. Lui, c'était un méchant. Un bad boy. Il aimait faire le mal. Enfin, ça, c'était avant. Quand il était en Europe. Il avait changé. Pour son défunt frère. Parce qu'il lui avait chipé sa vie. En même temps, c'était mieux que ça soit Jonaz Jagger qui soit mort ce jour là, du moins, le faut, plutôt que Niklas. Jonaz, c'était un bon à rien. Un trafiquant d'armes. Un criminel. Niklas était plus calme. Plus posé. Même s'il avait parfois du mal à jongler entre tout ça. Ca finirait par être plus facile avec le temps. Ou pas. Niklas avait fini par faire une remarque, sans le vouloir, disant que oui, d'une certaine manière, il pouvait trouver le petit mignon. Oui, il était mignon, c'était un fait. Mais avoir de la bave partout, c'était pas drôle non plus. Mais alors pas du tout. "J'suis pas fâché, t'inquiète. T'as raison. J'suis pas un homme à bébé." dit-il en secouant la tête. "J'dis pas que j'en aurais pas un jour ou l'autre. Mais j'pense pas que ça soit pour tout de suite." Genre une bonne dizaine d'années. Plus ? Peut-être jamais. Faudrait déjà qu'il arrive à se caser. Et ça, c'était pas gagné d'avance à dire vrai. Quant au fait d'avoir un bébé ... Oui. Beaucoup de points négatifs. Mais c'était peut-être parce que lui-même n'était pas prêt, en quelque sorte. "J'peux pas dire." Non, du tout. "Positif, négatif. Doit y avoir un juste milieu, je présume, entre les deux. Un jour où tout va bien. Et le jour d'après, ça part en sucette." C'était sans doute bien résumé. Ouais, sans doute. Niklas parla un peu de lui. Du fait qu'il était encore sur Brisbane et qu'il n'était pas parti. Bien qu'il le songeait, d'ailleurs. Avec Valentin dans les parages, ça allait être la merde. Surtout qu'Ariel devait aussi être présente. La merde. La véritable merde. C'était certain. "J'travaille au garage Mecanor. J'sais pas si tu connais." Sans doute qu'elle devait en avoir entendu parler. "J'dis pas que j'vais y rester jusqu'à la fin de ma vie mais c'est sympa. Le cadre est sympa. Les collègues aussi." Il eut un sourire tandis qu'elle disait qu'elle était contente qu'il soit resté. Sans quoi, elle aurait eu du mal ... à pouvoir s'exercer. "Oh, j'suis sûr qu'il doit y avoir, tout de même, quelques personnes en ville. Par contre, les trouver, oui, c'est comme une aiguille dans une botte de foin, j'veux bien l'avouer." Mais il ne devait pas être le seul en ville. Son sourire s'effaça quelque peu lorsque Selene se leva et qu'elle lui colla le bambin dans ses bras. Il n'avait même pas eu le temps de répondre qu'il l'avait dans les bras. Niklas le regarda. "Okay ... Bon ... euh ... Ca serait cool que tu pleures pas." Parce que s'il se mettait à brailler, ça serait vraiment pas drôle. Mais alors pas du tout. "Bon alors ... t'es gentil, hein ?" Le gamin faisait des bulles avec sa bouche. C'était drôle. "Si tu pouvais éviter de me baver dessus, ça serait vachement cool." Ouais. Il n'avait pas envie de se retrouver avec de la bave partout. Fort heureusement pour lui, Selene était venue à la rescousse et elle avait récupéré son fils. "J'crois que tu viens de me sauver la vie." avait-il dit en se mettant à rire. "J'l'ai échappé belle." Oui, bon, il se moquait un peu. Il faisait de l'autodérision.

Niklas resta impassible tandis que Sélène lui pinçait la joue, répondant laconiquement que personne n'aimait être remplacé. La jeune femme réfléchit un instant à cette sentence. Pas tout à fait vrai, on aime bien être remplacé au bout de plusieurs heures d'un travail pénible. Elle adressa un sourire moqueur au trentenaire, façon de montrer que son aspect stoïque ne l’impressionnait pas. Bien sûr, elle n'aurait pas pu déterminer exactement à quel point cette attitude était une façade ou non, mais elle aimait bien se montrer taquine avec l'allemand. Si elle avait commencé à se vexer à chaque fois que ce dernier avait eu une attitude relativement froide, leur relation aurait été impossible.
De toute façon, il y avait bien longtemps que Sélène ne recherchait plus l'affection de tout le monde à tout prix.

Ni même leur compassion. Compassion qu'elle avait malgré tout trouvé auprès de certaines personnes, sans que ce soit de la pitié. La réaction de Niklas lorsqu'elle lui expliqua que ses parents l'avaient laissée se retrouver à la rue était dans cette même veine. Il grimaça, déclarant que c'était moche. Pas plus, pas moins. Il n'avait pas l'air inquiet outre mesure, mais pas l'air de s'en foutre non plus. C'était un aspect de son caractère que Sélène appréciait beaucoup. Elle lui sourit avec amitié, comme pour le remercier de son attitude. Et puis, il s'inquiéta quand même de savoir si elle et le petit avaient trouvé un logement, ce qui toucha la jeune fille bien plus que tout autre marque de sollicitude, surtout venant de Niklas.

-Oui, j'ai un peu galéré au début, et puis j'ai rencontré des gens qui m'ont aidée, donc maintenant j'ai retrouvé un appart, et tout va bien !

Elle sourit de nouveau en entendant l'allemand lui confirmer qu'il n'était pas le genre de type à aimer les bébés, ce qui ne la surprenait pas tellement. Après, certaines personnes étaient pleines de surprises, et on change avec le temps, son camarade aurait tout aussi bien pu devenir un papa poule durant les quelques mois où ils ne s'étaient pas vus, mais il y aurait eu peu de chances, quand même. D'ailleurs, lui même disait qu'il ne rejetait pas l'idée d'avoir des enfants un jour. Sélène hocha la tête en levant les sourcils, légèrement étonnée, et répondit :

-Eh bien tu vois, je ne pensais même pas que tu l'envisagerais. Mais bon, la vie est pleine d'imprévus -elle jeta un œil à Nathan, qui en était un beau, d'imprévu - T’inquiètes pas, le jour où ça t'arrivera, tata Sélène sera là pour te donner des conseils. Oui. Même si je suis plus jeune que toi. J'ai l'expérience moi monsieur.

Elle avait fini sa phrase sur le ton de la plaisanterie, et d'un air faussement vantard. Plus le temps passait, plus elle devenait experte en humour vaseux, elle espérait que son camarade allemand ne lui en tiendrait pas rigueur.
Puis le sujet de conversation devint la difficulté qu'il y avait ou non à élever lesdits enfants. Niklas avait d'ailleurs plutôt bien compris la situation, la résumant comme une succession de points positifs et négatifs. Sélène approuvait.

-Exactement Nik, t'as tout compris. Des fois même les deux situations opposées se produisent dans la même journée. Le matin tout va bien, l'après midi est un enfer, ou vice-versa.

L'allemand lui parla ensuite de là où il travaillait actuellement, un garage. Sélène en avait entendu parler, mais n'ayant pas de voiture, elle n'y avait jamais mis les pieds. Apparemment, Niklas se plaisait bien là bas, même s'il n'avait pas l'intention d'y rester indéfiniment, ce qu'elle pouvait comprendre.

-Si le cadre et les collègues sont sympa, c'est le principal. Bon j'espère que les clients ne sont pas trop relous non plus. Tu aimerais faire quoi dans l'idéal ? D'ailleurs, je crois pas t'avoir déjà demandé ce que tu as comme formation à la base. Enfin, si tu as fait une formation ou des études, bien sûr.

Ce n'était pas indispensable pour faire sa vie, et de ce qu'elle savait du trentenaire, il était plutôt débrouillard.

Quant à ce qui était de trouver d'autres germanophones ou polonophones à Brisbane, il pensait que c'était possible. Difficile, mais possible. Il avait certainement raison, c'était une grande ville.

-Oui il doit y en avoir, répondit Sélène, mais c'est dur à trouver. Alors toi maintenant que je t'ai, je te lâche plus.

Elle rit, tout en sachant qu'un jour peut-être, il partirait vers d'autres horizons, parce que... Parce que ça devait être dans sa nature, certaines personnes ont la bougeotte, et la jeune femme admirait ça.

Une fois rassise à table en face de Niklas avec sa boisson parfumée à la mangue, celui-ci lui rendit son bébé avait soulagement, ce qui eut le don de faire de nouveau éclater de rire la jeune mère. Et c'était aussi le cas de l'allemand qui, visiblement, n'était pas vexé. Il plaisantait, déclarant à l'étudiante qu'il avait bien failli y passer, et qu'elle lui avait sauvé la vie. C'était vraiment drôle, d'imaginer Niklas Jagger avec ses airs de gros méchant, impressionné par un bébé de même pas trois mois.

Sélène riait encore un peu lorsqu'elle répondit :

-Pourtant il n'a jamais mangé personne. Tu me diras, il n'a pas de dents le machin.

Par réflexe, elle pencha son visage vers Nathan pour vérifier que tout allait bien. Non pas qu'elle pensât que le trentenaire aurait pu lui abîmer, mais c'était juste l'instinct maternel. Le petit fronçait les sourcils d'un air perplexe, comme s'il se demandait ce qu'il venait de lui arriver.

-Tu as faim ? Demanda-t-elle au bébé, qui ne répondit pas,  évidemment. Sélène haussa donc les épaules et dit : Bon bah, Maman boit son frapuccino alors.

Joignant le geste à la parole, elle commença à siroter son breuvage, tout en reportant son attention sur Niklas.

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Si elle avait été à la rue, sans doute qu'il lui aurait proposé son aide. Oui, à la base, Niklas n'était pas quelqu'un qui avait la main sur le coeur. C'était même tout le contraire. Il était plutôt du genre égoïste et égocentrique. A penser qu'à lui. Et le reste, les autres, ça n'avait pas d'importance. Il s'en foutait. Seulement, en quittant l'Europe, oui, il avait un peu changé quand même. Beaucoup. Il se découvrait une partie de sa personnalité qu'il ne connaissait pas vraiment à dire vrai. L'influence de son frère. Le fait d'avoir pris sa place. D'être devenu lui. Ouais, sans doute que ça devait avoir un rapport. "Tant mieux alors. Si jamais tu sais pas où crécher un jour, toi et le petit, t'hésite pas à me le dire." Bon, Selene aurait du mal à lui envoyer un sms comme elle n'avait plus de téléphone en ce moment. Mais elle saurait où le trouver, au besoin. Peut-être qu'il devrait lui laisser son adresse. Au cas où elle soit vraiment dans la merde. Ouais, peut-être qu'il devrait le faire. Il ne savait pas trop. Il voulait s'impliquer. Comme il ne voulait pas trop s'impliquer à dire vrai. Ouais, peut-être devrait-il garder ses distances. Pour éviter que ... Et bien, pour éviter qu'il se retrouve embarqué dans une situation qui pourrait éventuellement le dépasser. Ouais. Fallait qu'il y réfléchisse mine de rien. Fallait qu'il fasse gaffe à lui. En tout cas, avoir un bébé, c'était pas vraiment dans ses projets. De toute manière, ce n'était pas comme s'il était maqué. Il n'avait pas de copine. Rien de sérieux. De là à ce qu'il soit papa ouais, faudrait un petit moment. A moins qu'il ait déjà un gosse quelque part. Après tout, c'était le risque des relations d'un soir. De boire un peu trop. D'en avoir dans le nez et de pas forcément penser à se protéger. Peut-être qu'il était déjà père et qu'il ne le savait pas. Va savoir. Mais passons. "Envisager et avoir, c'est pas vraiment la même chose. Mais ouais, peut-être qu'un jour." Un jour lointain. Ou pas. Il n'en savait rien. Il avait le temps de penser à tout cela à dire vrai. Il se mit à rire quand Selene en vint à lui dire que s'il devenait papa, elle serait dans les parages pour l'aider. "Ah ouais. J'pense qu'effectivement il me faudra de l'aide quand ce jour arrivera." Es-ce qu'il serait capable de s'en occuper ? Peut-être. Peut-être pas. Il ne voulait pas se poser la question. Pas maintenant. Non. L'allemand en vint à lui parler finalement de son boulot. De ce qu'il faisait en ce moment. Du boulot au garage, ce qui était pas mal. Ca lui permettait de s'occuper un peu. Et de pas tourner en rond tout le temps chez lui. "On a toujours des clients chiants. Ca arrive. Mais ça me dérange pas vraiment." Mais alors, pas du tout. Lui, il faisait son boulot. Et puis c'est tout. Le reste, il s'en fichait un peu. "Ah, ce que je voudrais faire quand j'serais plus grand ?" dit-il avec un peu d'humour. Les études, lui-même, il avait arrêté. Son frère avait fait des études. A l'université. Section géo-politique. Il avait d'ailleurs bossé à l'ambassade, un moment. Ouais, le vrai Niklas, c'était une tête. Lui qui le remplaçait, c'était une tête aussi. Dans la section criminalité. "Tu sais, je sais pas trop. J'vis un peu au jour le jour à dire vrai." Ouais, il évitait de faire des projets sur le long terme. Non pas que ça l'intéressait pas. S'il le voulait, il pourrait ne pas travailler. Il avait des millions sur des comptes cachés. De son trafic qu'il faisait en Europe. Il avait de quoi vivre d'amour et d'eau fraîche, en quelque sorte. Mais il ne le faisait pas. Il se mit à rire quand Selene lui annonça qu'elle n'allait pas le lâcher comme il parlait allemand et polonais. Elle s'absenta durant quelques instants. Juste le temps ... juste le temps d'aller se chercher une petite boisson. Alors, bien sûr, elle avait confié le bambin à Niklas. Et le criminel n'était pas rassuré. Pas vraiment du tout d'ailleurs. Non pas qu'il craignait pour la vie du gamin. Mais il avait peur de se faire gerber dessus. Ou que le gamin se mette à pleurer d'un seul coup et qu'il n'arrive pas à le consoler. Mais non. Rien de tout cela. Selene était revenue et elle avait repris son enfant. Et oui, Niklas était plutôt soulagé d'ailleurs. "Il a peut-être pas de dents. Mais ça veut pas dire pour autant qu'il est pas dangereux." Niklas secoua la tête. Il déconnait. Un peu. Beaucoup. "Bon, et sinon. Question qui fâche. Il est où le papa ?" Est-ce qu'il s'était fait la malle en laissant une Selene enceinte ? Si c'était le cas, Nik' serait bien capable d'aller lui refaire le portrait.

Il était gentil. Ouais, gentil, Sélène venait de le réaliser. Gentil à sa manière évidemment, gentil bougon, gentil sans en avoir l'air, avec ce fond de méchant, quand même, parce que sans ça, ça n'aurait pas été Niklas. Du moins, c'était comme ça que la jeune femme le voyait. C'était ce qu'il dégageait, mais comme elle ne le connaissait pas depuis si longtemps que ça, il pourrait toujours lui réserver des surprises. Rien que le fait qu'il se dise prêt à l'aider, elle et son gamin par dessus le marché, en était une.

Elle sourit et le regarda dans les yeux :

-Merci, Niklas. Je pense que ça devrait aller maintenant, mais c'est gentil de proposer.

La jeune femme reprit une gorgée de sa boisson, et replaça son bébé correctement contre elle. Elle avait toujours peur qu'il glisse. Elle avait tout le temps peur de tout et pour rien depuis qu'il était arrivé dans sa vie. Sélène était devenue une véritable maman, elle qui doutait de tout pendant sa grossesse, de ses capacités, de son avenir… Oh bien sûr elle savait que ses incertitudes reviendraient un jour, mais elle n’avait pour le moment pas le temps pour y penser. Elle devait se concentrer sur un enfant qui ne pouvait vivre sans elle. C’était déjà assez.
En tous cas, le fait que son partenaire de langue allemande puisse envisager d’endosser ce rôle un jour dans sa vie la surprenait, plutôt agréablement d’ailleurs, car cela voulait dire que quelque part, il ne rejetait pas totalement les enfants, et lorsqu’on est soi même maman, c’est toujours quelque chose de sympathique à entendre.
Mais il avait raison, il y avait un monde entre penser à élever un enfant –pas se reproduire, la reproduction en soi, c’est facile, si tant est que tout fonctionne bien biologiquement, pensa-t-elle- et concrétiser la chose. Mais c’était déjà quelque chose.
Sélène hocha la tête, et déclara avec un sourire:

-En effet. Je suis bien placée pour le savoir.

Avant de tomber enceinte par accident, elle savait qu’elle voudrait un ou plusieurs enfants, plus tard, à condition de rencontrer la bonne personne. Mais la vie avait précipité les choses. Et Sélène avait accepté la vie comme elle était venue. Elle avait beaucoup perdu, mais elle se sentait gagnante, au final, avec son bébé, son coloc’, libérée du carcan familial, quelque part, même si le fait d’avoir été rejetée par ses parents ne la laissait pas indifférente.

Elle rit lorsque Niklas se montra d’accord sur le fait qu’il aurait certainement besoin d’aide le jour où il serait papa. Enfin, elle espérait pour lui que la mère de l’éventuel futur enfant serait là également, c’était tout de même mieux, de faire ça à deux, tout le processus, s’entend. Mais il n’y avait pas trop de risques. C’est plus facile pour un père d’abandonner ses responsabilités que pour une mère. Mais tout pouvait arriver.

-J’espère tout de même que tu ne seras pas tout seul dans cette aventure.

La jeune femme sourit encore, et écouta l’allemand parler de son travail. Il y avait des clients relous. Normal. N’importe quel métier de contact implique ce genre de désagrément, estima mentalement Sélène. En tous cas, le détachement de Niklas quant à ce fait inévitable était admirable.

-Bon état d’esprit, fit-elle remarquer.

Puis le trentenaire lui expliqua qu’il n’avait pas vraiment de projet fixe. Il se laissait porter par les évènements. Ce que la jeune femme trouvait tout aussi bien. C’était un peu ce qu’elle avait tendance à faire depuis bientôt un an. Dans une moindre mesure, bien entendu. Sélène affichait une moue pensive, un léger sourire sur les lèvres.

-C’est pas plus mal. Tant que tu es heureux comme ça.

Est-ce que Niklas était heureux ? Après tout, elle ne le connaissait pas si bien que ça. Elle se demandait. Mais elle n’allait pas balancer « est-ce que tu es heureux, Niklas ? » comme ça, d’un coup. Il la prendrait pour une folle. Bon, il la prenait peut-être déjà pour une folle, dans une certaine mesure. Mais qu’importe. Il continuait à lui parler, alors ça allait. Bien sûr, elle espérait qu’elle ne l’embêtait pas, mais il était tout de même assez grand pour l’envoyer promener. Alors elle ne s’inquiétait pas.

En tous cas, il avait de l’humour. Sa blague sur la prétendue dangerosité de Nathan la fit rire, et le bébé regarda l’allemand avec de grands yeux étonnés. Sélène lui donna un baiser sur le front, et répliqua avec sarcasme :

-Ah oui ? Et dis moi, tu crois qu’il va te faire quoi ce bébé Niklas ?

Le jeune homme secouait la tête. Lorsque les rires se furent estompés, il embraya sur une question. Quelque chose de moins marrant. Le papa de Nathan. Le père en fait. Le géniteur, plutôt puisqu’il n’avait pas fait grand-chose d’autre. Sélène fut un instant plongée dans ses pensées, haussant les sourcils. Puis elle adressa un sourire fataliste à son interlocuteur, et répondit :

-En Corée du Sud, je crois. J’en sais rien. Il m’a dit qu’il retournait dans son pays. En tous cas il ne veut pas entendre parler de Nathan, ni de moi. Parce que j’ai pas voulu avorter, entre autres. Mais je ne me plains pas. C’était mon choix. C’est toujours mon choix d’ailleurs.

Sélène serra son fils contre elle. Elle l’aimait beaucoup, ce bébé. Et pour rien au monde à présent, elle ne serait revenue sur sa décision. C’était comme ça. Elle avait un cœur trop grand.
La jeune femme sourit à l’allemand, comme pour le rassurer. Ca allait, vraiment. Bien sûr elle avait comme des bleus au cœur, à l’âme, quel que soit le nom qu’on donne à ce qui contrôle les sentiments, mais rien d’insurmontable.

-Dis-moi, tu ne rentres jamais en Allemagne ? Pour des vacances, ou autres ? demanda-t-elle assez subitement, pas vraiment pour changer de sujet, mais pour ne pas laisser la conversation en plan sur un sujet relativement plombant. Autant aborder un truc un peu plus léger, du moins qui paraissait léger dans l’esprit de Sélène : l’Europe et les vacances.

let's talking german

Sans doute garderait-il un oeil attentif sur Selene, comme il avait pu le faire lorsqu'il était ... Et bien, lorsqu'il était en Europe. Ca lui était arrivé, à quelques reprises, de devoir surveiller des gens. Bon, là, c'était plus de manière criminelle, fallait l'avouer. Mais ouais. L'allemand garderait un oeil sur elle. Pour être sûr que tout allait bien pour elle. Il n'avait pas envie d'apprendre qu'elle se retrouvait à la rue avec un petit bout de chou. Sentimental le Niklas ? On ne dirait pas mais oui. Sans doute qu'il l'appréciait bien. Et qu'il n'avait pas envie qu'il lui arrive quelque chose. Ouais, ça devait être ça. Ouais. Quant à avoir des enfants, Niklas ne pensait pas que ça soit une bonne chose. Après, peut-être qu'il finirait par en avoir à un moment ou à un autre. Peut-être qu'il pourrait fonder sa famille. Mais fallait qu'il se stabilise. Et surtout, il fallait qu'il s'ôte la copine de son frère de la tête. Il n'était pas resté longtemps avec elle. Juste le temps de donner le change et de partir, au loin. Mais voilà, il pensait quand même à elle. A la manière dont il l'avait quittée. Il avait été vache. Sans doute devait-il faire la paix avec lui même avant de songer à autre chose. Ou alors, il resterait seul toute sa vie. Un coup d'un soir, ça allait bien aussi. Il n'avait pas besoin de plus. Il avait pas envie de s'attirer plus de problèmes. Ouais. "J'doute d'être tout seul. A moins que la maman ne meure lors de l'accouchement ... Ou un truc moche du genre." Niklas préférait ne pas y penser. Et puis, des deux, ça serait sans doute lui qui prendrait la poudre d'escampette. Parce qu'il ne serait pas prêt. A moins qu'il rencontre une personne toute aussi instable que lui. Et qu'elle finisse par se tirer en laissant le bébé à la maternité par exemple. Est-ce que Niklas pourrait rester détaché ? Est-ce qu'il pourrait laisser ce bébé tout seul parce que sa mère avait décidé de l'abandonner ? Pourrait-il laisser de côté la chair de sa chair ? Non. L'allemand était peut-être un vrai enfoiré. Mais il ne pensait pas qu'il pourrait le faire. Non. Enfin, il pouvait se tromper. Il n'était pas dans cette situation. Là, il pensait à des choses. Mais ça ne voulait pas forcément dire que ça arriverait. Selena lui parla travail. Ce qu'il voulait faire. Niklas était du genre à vivre au jour le jour, comme il le lui disait si bien. Il ne voulait pas faire de projets. Parce qu'il ne savait pas s'il pourrait s'y tenir. "J'prends la vie comme elle vient, c'est mieux. Que de se retrouver déçu parce que j'ai pas pu faire telle ou telle chose." Là, il fonçait. Il réfléchissait pas à l'avenir. "Une vie sans regrets, en quelque sorte." Enfin, ça, c'était ce qu'il voulait faire croire. Parce que des regrets, il en avait. Comme s'être lancé sur une voie dangereuse. Avoir fait tuer son frère. Enfin, c'était pas Niklas qui avait pressé sur la détente. Mais c'était tout comme. Quand au fait qu'il soit heureux, disons qu'il n'était pas malheureux. Mais c'était pas non plus le full bonheur. Niklas avait gardé le petit. Juste quelques instants afin que Selene puisse récupérer un truc à boire. Et il était bien content de lui rendre Nathan. "C'est pas ce qu'il pourrait me faire. C'est plutôt ce que j'pourrais faire. J'dis pas que j'ai deux mains gauche. Mais ... j'suis pas trop habitué aux gosses." Il secoua la tête. "Ce qui me fait dire que j'serais sans doute un piètre père quand j'en aurais un ... Et que j'aurais trop peur de le faire tomber ou un truc dans le genre." Ouais, hein, s'il l'avait lâché parce que le gamin bougeait trop ? Il osait même pas l'imaginer à dire vrai. Une arme, c'était rien. Un bébé ... Ouais, c'était autre chose. C'était différent. Si ça tombait, ça pouvait pleurer. Et se faire mal. Donc oui, Niklas, craintif, vis à vis d'un bébé. Il allait devoir changer. Sans quoi ... Il se laisserait marcher sur les pieds par des gosses. Et ce n'était pas ce qu'il voulait. Non, pas spécialement en tout cas. L'allemand mit les pieds dans le plat en lui parlant du père du bébé. Oui, il avait envie de savoir. Même si ça pouvait faire mal. Ca allait faire mal. Il avait fichu le camp. Il n'était pas resté pour la simple et bonne raison qu'il ne voulait pas de l'enfant. Non. Il lui avait même conseillé d'avorter. Il serra quelque peu les dents. Mais également son poing. "C'est pas cool du tout." Mieux valait-il qu'il ne croise pas le père. Sans quoi, il irait, sans doute, lui coller son poing dans la figure. "J'suis désolé pour toi." Ouais. C'était moche pour elle. C'était très moche. Elle était toute seule avec le petit. Si jamais, il était là. Même s'il n'était pas certain d'être capable de jouer les baby-sitter. Ca serait compliqué même. Très compliqué. Elle lui posa une question tandis qu'il portait son café à ses lèvres. Il secoua la tête, après avoir reposé la tasse sur la table. "Non. J'en éprouve pas vraiment le besoin." Mais alors pas du tout. "Peut-être dans quelques années, oui, pourquoi pas." Là, ça faisait un peu plus d'un an qu'il était là. A part sa mère, il restait plus grand monde à Berlin. Des amis ? Pas vraiment. De la famille, genre cousins, cousines ? Peut-être bien mais il était pas forcément en contact avec eux.

Sélène sirotait doucement son frappuccino en écoutant attentivement Niklas, et en tentant d'empêcher Nathan de lui tirer les cheveux. Elle ne s'en sortait pas trop mal.

En effet, il y avait peu de chances que, dans l'hypothèse où il aurait plus tard un enfant, que la mère de ce dernier ne soit pas là pour l'aider. C'était plutôt le contraire qui se produisait en général. Bien sur, une femme pouvait très bien se barrer après son accouchement ou plus tard, mais c'était plus rare, certainement pour des raisons culturelles... Enfin bref, à moins d'être extrêmement malchanceux, l'allemand ne devrait pas se retrouver dans une situation similaire à celle de Sélène, ce qui était plutôt une bonne chose finalement.

-En effet, il y a quand même peu de chances, et je ne te le souhaite pas, acquiesça la jeune fille.

Imaginer Niklas seul avec un bébé sur les bras et une femme qu'il aurait aimé morte était assez déprimant, elle chassa donc rapidement cette image de son esprit, et décida de conclure ce pan de la conversation avec le côté "joyeux" du sujet :

-Bref, dans tous les cas, si un jour tu deviens papa, je veux être au courant.

Elle prit une autre gorgée de sa boisson et sourit malicieusement.

Puis le trentenaire se mit à lui expliquer qu'il préférait ne pas trop faire de projets ou de plans pour l'avenir afin de ne pas se retrouver déçu. Sélène réfléchit une minute à cela. Ce n'était pas bête. Tant qu'on ne souffrait pas du syndrome "je cherche un sens à ma vie", ça allait. A vrai dire, cela faisait longtemps que la jeune femme ne s'était pas posé ce genre de question. Depuis qu'elle était tombée enceinte, elle n'avait pas vu beaucoup plus loin que la grossesse, l'accouchement, et puis au jour le jour, au fur et à mesure que le bébé grandissait. Et c'était toujours le cas, elle cherchait juste à pouvoir subvenir à leurs besoins, actuellement. C'était le plus important. Elle comprenait donc Niklas lorsqu'il parlait de vivre au jour le jour.
Lorsqu'il parla de regrets, elle se demanda s'il n'y avait pas un peu de tristesse, ou de nostalgie au fond de son regard. Peut-être que s'il parlait de ça, il avait justement des regrets. Mais il était fort possible qu'elle se trompe, et elle n'avait pas envie de prendre le risque de le blesser juste pour une théorie stupide mêlée de curiosité.

-Sans regret... J'aime bien cette idée. Ça te réussit plutôt bien à toi, non ?

Puis Niklas répondit à la plaisanterie de la jeune mère sur la prétendue dangerosité de son bébé. Maladroit l'allemand ? L'idée fit rire Sélène. Mais elle pouvait bien imaginer que manipuler des pièces mécaniques, ce n'était pas du tout le même registre qu'un bébé. Elle avait bien pu le constater en lui confiant le sien, ne serais-ce que 5 minutes.

-T'en fais pas, j'étais stressée pendant toute la grossesse à l'idée de mal faire, d'autant que je suis super maladroite. Mais au final, ça va. Enfin, il n'est toujours pas tombé par terre en tous cas -elle rit-. Considère ça comme entrainement pour... plus tard. Et puis, je pourrais toujours avoir besoin d'un baby sitter ! ... Je plaisante, hein, ajouta-t-elle avant que le jeune homme ne se décompose sur place.

Lorsqu'elle répondit à sa question sur le père de Nathan, elle le vit serrer le poing, et les dents. Et elle réalisa qu'elle en était touchée. C'était toujours agréable de se sentir soutenue, et elle ne l'avait pas été tant que ça.

-Ça va, je m'en suis remise, je crois, à peu près. En tous cas merci de ton soutien.

Elle lui adressa un sourire sincère, qui saurait peut-être mieux exprimer ce qu'elle ressentait que les mots. Niklas lui même n'avait pas dit grand chose, mais elle s'était senti réconfortée, et c'était le principal. Elle n'en aurait pas tant espéré de sa part.

Au sujet de l'Allemagne, il lui offrit une réponse plutôt inattendue. Il n'éprouvait pas le besoin d'y retourner. Selon Sélène, cela cachait certainement deux trois petites choses qu'il avait envie de laisser derrière lui en Europe. Peut-être était-ce pour ça qu'il était venu en Australie en premier lieu.

La jeune femme hocha la tête, réfléchissant un instant à ce qu'il pouvait bien y avoir dans le passé de Niklas, puis dit :

-D'accord. Il y a des mauvais souvenirs là bas, ou tu n'es juste pas très attaché à ton pays ?

Peut-être qu'il n'avait plus de famille, peut-être qu'il ne voulait plus les voir. Peut-être que c'était le contraire. Si c'était le cas, ça leur faisait un point commun.

Pendant ce temps, Nathan avait réussi à choper une de ses mèches de cheveux, et tirait consciencieusement dessus.

-Aïe. Arrête. dit calmement Sélène en tentant de se libérer des petites mains, ce qui ne plaisait visiblement pas à leur propriétaire.

Le tout était de récupérer ses cheveux sans le faire brailler. Elle s'attela à cette mission impossible en attendant la réponse de son interlocuteur.

let's talking german

Avoir un gosse, pourquoi pas. Mais pour cela, il devait trouver la femme idéale. Et comme, depuis son arrivée, il était adepte plutôt des coups d'un oir, ça n'allait pas vraiment dans son sens d'avoir une famille. Bon, après, si ça se trouvait, il avait peut-être déjà un gosse ou deux. L'allemand se protégeait, oui. Mais certaines nanas n'aimaient pas ou ne voulaient pas. Non pas qu'il irait les soupçonner de vouloir un gamin et de le faire toute seule mais bon. Niklas ne voulait pas penser à cela. Non. Dans sa tête, il n'avait pas de gosse. Et il ferait son possible pour ne pas en avoir. Pas tant qu'il ne serait pas posé. Pas tant qu'il n'aurait pas rencontré la future Mme Jagger. Et ça ne risquait pas d'arriver. A moins que ça ne soit Wendy. Mais si c'était le cas, il avait tout fait capoter avec elle. Ou presque. Donc, il doutait fortement qu'elle puisse être Madame Jagger. Enfin, passons. "Bien sûr, j'te mettrais au courant. Lors d'un de nos petits entretiens puisque tu n'as plus de téléphone." Niklas n'avait pas beaucoup d'amis. Il était un grand solitaire. Et ça lui allait bien d'ailleurs. Depuis qu'il était en Australie, il essayait de s'entourer un peu. Pas toujours simple. Il était un peu sauvage l'allemand. Mais il pouvait considérer Selene comme une amie après tout. Et il en avait peu. Autant chérir ceux qu'il considérait comme étant ses amis. "J'dis pas qu'il me faudra de l'aide mais peut-être bien les premiers temps en tout cas." Surtout si la maman décidait de sortir et de laisser l'allemand gérer seul le bébé. Il préférait ne pas trop se plonger dans cela. Il avait le temps. Temps d'y réfléchir. C'était pas comme sil avait une soixantaine d'années. Il avait le temps de voir venir après tout, pour sûr. Il avait le temps. Et pour le moment, Niklas profitait de la vie. Vivre sans regrets comme il pouvait le dire. Il en avait pourtant des regrets. Mais il préférait dire qu'il n'en avait pas et que tout allait bien pour lui. Le mensonge était inné chez lui après tout. Il avait ça dans la peau, même s'il savait que ce n'était pas bien. "Ca me réussit, oui. Tu vois, j'suis rayonnant." dit-il dans un sourire amusé. Oui, parce que malgré tout, Niklas gardait la pêche. Oui, et ça, c'était plutôt bien. Avoir la patate. Le sourire. Être décontracté. La vie était toujours plus agréable avec un sourire et des petites choses de ce genre. Comme le dirait ce cher Baloo, il en faut peu pour être heureux. Quant au bébé, oui, il préférait ne pas trop l'avoir dans les bras. Simplement parce qu'il avait peur qu'il lui arrive une bricole par sa faute. Et il ne le voulait pas. Non, du tout. C'était petit et ça gesticulait beaucoup après tout. Un faux mouvement et hop, il pouvait lâcher le bambin sans le faire exprès. Lui, il maniait les outils. Des choses lourdes. Des choses sales. Des choses qu'il lui arrivait, d'ailleurs, d'échapper. C'était rare mais ça pouvait arriver. Mais bon, un bébé, c'était pas un outil. Et oui, il préférait éviter un drame. "Oulà, j'sais pas si j'suis capable d'être un baby-sitter." Grandes responsabilités. Le flip assuré, c'était certain. Non, fallait pas abuser non plus. Bien sûr, Niklas était soulagé. Selene lui annonça que c'était une blague. Tant mieux. "Ah ... J'ai bien cru que tu allais devoir m'enterrer." dit-il dans un sourire. En tout cas, Niklas était triste. Triste pour Selene quant au père du bébé. Ca aurait été sa soeur, il aurait été capable de se rendre au bout du monde pour lui éclater la tête ... Un peu comme ce que Valentin avait pu faire, sauf qu'il avait pas levé la main sur lui. Mais l'allemand n'avait pas de soeur. Retourner en Allemagne ? Non, il n'avait pas bien envie. Après, oui, le Jonaz ne voulait pas y retourner. Il n'avait pas besoin de le faire. Le Niklas, oui, voudrait rentrer pour voir sa mère. Mais Nik' avait peur que sa mère n'en vienne à découvrir la supercherie. Donc, c'était plutôt ennuyant. "Non, pas vraiment de mauvais souvenirs. Mais j'ai toujours été en vadrouille, à droite à gauche." Il avait beaucoup voyagé et il ne tenait pas vraiment en place. "Après, faudrait que songe à rentrer pour faire un petit coucou à ma mère." Mais il devait y réfléchir.

Ils étaient partis dans des débats abstraits sur l'hypothétique avenir de Niklas. C'était amusant, on aurait dit deux ados, Sélène se sentait bien. Bien sûr, il y avait toujours une petite lueur sombre dans les yeux de l'allemand, mais elle ne pouvait pas le forcer à parler. Et elle ne le voulait pas non plus. Elle serait là s'il ressentait un jour le besoin de se confier, simplement.

Il se moqua plus ou moins d'elle concernant le fait qu'elle n'ait plus de portable. La jeune femme rit, et répondit :

-Ne t'inquiètes pas, je compte m'en racheter un bientôt, étant donné que ma situation financière s'est stabilisée.

C'était amusant de voir son compagnon s'imaginer en papa. C'était amusant à imaginer soi même aussi. Peut-être qu'un jour leurs enfants joueraient ensemble. L'idée était étrange, mais plaisante. Sélène sourit toute seule, un peu dans le vide, caressant distraitement les cheveux noirs et fins de son bébé.
Elle sortit de ses pensées pour écouter Niklas dire qu'il était rayonnant. Oui c'était vrai, il avait l'air en forme. Il ne devait pas avoir à se plaindre de sa vie. Rayonnant n'était pas le mot qu'elle aurait choisi toutefois, ça faisait trop... Femme enceinte, justement. C'était une perche tendue pour qu'elle se paie sa tête.

-Eh oh, c'est moi qu'on devrait qualifier de rayonnante, je suis supposée être dans l'épanouissement le plus total après avoir passé neuf mois avec c'te baleineau dans le ventre.

Nathan lança un piaillement, comme s'il avait su qu'on parlait de lui. Cela fit rire sa mère, qui piqua un bisou sur le sommet de sa tête.

-Mais c'est vrai, tu as l'air d'aller bien, concéda-t-elle, même si je trouve que tu as toujours quelque chose de sombre, tu vois, un côté mec ténébreux dont tu ne peux pas te défaire.

Elle avait dit cela en riant, mais elle ne plaisantait qu'à moitié. Pour elle, Niklas Jagger n'était pas non plus quelqu'un qui respirait la joie de vivre. Il avait toujours une sorte de gravité en lui. Peut-être qu'elle se faisait des idées, mais elle ne pouvait pas se l'enlever de la tête.

En attendant, il lui avouait ne pas penser être capable d'être un baby-sitter. Evidemment. Bon, probablement que si Sélène était en énorme galère, il tenterait quelque chose pour s'occuper de Nathan, mais mieux valait ne pas trop forcer le destin de ce côté là.

-Merde alors, comment je vais pouvoir sortir pour lui trouver un père de substitution à c'petit ? plaisanta la jeune femme en finissant sa boisson d'une traite, car il n'en restait pas grand chose.

Elle sourit avec amusement lorsque le trentenaire lui soutint qu'elle avait bien failli devoir l'enterrer, et répondit, tandis qu'elle essayait de faire migrer l'attention de Nathan de ses cheveux à ses mains, c'était moins sensible :

-Ah non hein. J'enterre personne moi. Tu restes en vie Jagger.

En vadrouille. Niklas était donc une de ces personnes qui ont la bougeotte, qui errent dans le monte, en quête de quelque chose, ou de rien. Oui, peut-être. Ce n'était pas quelque chose de fondamentalement surprenant, ça lui allait bien. Après, soit Sélène se faisait des idées et il n'y avait rien d'autre, soit il ne voulait pas en parler.
En tous cas, il avait quand même l'air d'avoir envie de revoir sa mère. Oui la pauvre. Si elle n'était pas comme ses parents à elle, il devait lui manquer.

Ignorant son fils qui se mettait à pigner à taper de ses petites mains sur la table, elle dit :

-Elle habite à Berlin ta mère ? Ça fait longtemps que tu ne l'as pas vue ?

En attendant la réponse de l'allemand, elle mit Nathan debout sur ses genoux, face à elle, et fit les gros yeux en essayant de garder son sérieux.

-Tu te calmes, oh.

Elle parlait alternativement polonais et français à son fils. Ce coup ci, ça avait été français. Elle ne voulait pas que le fait qu'elle soit trilingue se perde sans être transmis à ses enfants.

let's talking german

Elle allait récupérer un téléphone. Tant mieux. Ca serait bien plus simple si jamais ils devaient se joindre. Ouais. C'était surtout dans le cas où il ne pourrait, par exemple, venir à l'un de leurs rendez-vous. Enfin, il doutait que ça arrive un jour ou l'autre dans le sens où il était toujours venu. Et ce même si Selene n'était pas là. Non, il avait poursuivi leur petit tête à tête, même si elle était pas là. Ridicule, peut-être bien. Parce qu'on avait dû se demander ce qu'il faisait là, tout seul. Tantôt il prenait un café. Tantôt il patientait tranquillement. Enfin. Maintenant, quand il aurait un doute ou bien quand elle serait en retard, oui, il pourrait toujours lui passer un petit coup de téléphone pour savoir si elle était en retard ou bien si elle ne venait pas du tout. "C'est une bonne chose." en vint-il à lui dire dans un hochement de la tête. "Au moins, comme ça, on pourra s'tenir au courant." Ouais. Ils pourraient s'appeler. S'envoyer un petit message. Et au moins, Niklas ne serait plus dans l'attente de savoir si elle allait bien ou pas. Parce que mine de rien, même s'il ne disait rien, il ... Et bien, il s'était un peu inquiété de ne pas la voir à leurs rendez-vous quotidien. Et il avait fini par se demander si c'était à cause de lui qu'elle ne venait plus ou bien s'il lui était arrivé quelque chose justement. En tout cas, Niklas allait bien. Il était en forme. Et Selene se moqua un peu du mot qu'il avait employé en répliquant que c'était elle qui devait être rayonnante après avoir porté son bébé pendant neuf mois. A croire que le petit l'avait comprise parce que ... Et bien, parce qu'il ne semblait pas bien content de la manière dont elle venait de l'appeler. Selene lui fit remarquer, néanmoins, que même s'il était bien, il y avait quelque chose ... d'étrange chez Niklas. Le fait qu'il avait des choses à cacher, peut-être bien. Mais oui. Au fond, Niklas avait tout un tas de choses à cacher. Son passé de criminel. Le fait qu'il avait fait tuer son frère. Ou plutôt, que son frère était mort à cause de lui. Quelque chose dont il ne se remettrait jamais d'ailleurs. Il n'aurait pas foutu en rogne ce mafia, oui, le vrai Niklas serait encore vivant. Et peut-être que ça serait lui qui serait au fond d'un trou. Alors oui. Il convenait volontiers qu'il avait un côté mystérieux. Ténébreux. "Ah ouais ?" Mais il allait faire comme si de rien n'était. Le mensonge était inné après tout chez lui. Un de plus. Ou un de moins, qu'est-ce qui allait changer. "Et en quoi serais-je ténébreux selon toi ?" Il était curieux de connaître les raisons de la brune. Ouais. Pour en revenir au baby-sitting, il n'était pas certain d'être la meilleure personne pour le faire à dire vrai. Ouais. Non pas qu'il n'y parviendrait pas ... Mais en même temps, oui, il avait peur. Il avait peur de ne pas réussir et de s'attirer les foudres de la joli demoiselle qui lui en voudrait terriblement si jamais il arrivait quelque chose au gamin. Autant l'éviter. Oui. Autant ne pas s'attirer des ennuis. Non. Il eut un léger haussement des épaules quand elle lui demanda comment elle ferait pour lui trouver un père de substitution. "J'suis pas certain d'être le mec qu'il faut." C'était vrai. Après tout, il ne savait pas combien de temps il allait rester dans les parages. Il pouvait très bien décider de disparaître du jour au lendemain. La brune était curieuse et voulait savoir s'il comptait rentrer chez lui. Que ça soit pour un passage rapide. Ou bien pour plus longtemps. "Non, elle est sur Hambourg." Elle avait été un temps sur Berlin. Mais elle avait fini par déménager sur Hambourg. C'était chouette. Il avait eu l'occasion d'y aller à une ou deux reprises. "Ca fait un peu plus d'un an et demi." Ouais. Enfin, c'était ce qu'il voulait lui faire croire. Parce qu'en vrai, ça faisait bien plus longtemps que cela. Il avait un peu coupé les ponts avec elle lorsque ... Et bien, lorsqu'il avait décidé d'embrasser sa carrière de criminel. Il l'avait appelé. Pour lui dire que Jonaz, enfin, le faux Jonaz, était mort. Histoire qu'elle soit au courant. Ca ne lui avait fait ni chaud ni froid. Niklas regarda sa montre. Il commençait à se faire tard. Enfin, tard, façon de parler. Mais l'allemand avait encore des choses à faire mine de rien. Et il présumait que ça devait être la même chose pour elle. "C'est pas que j'm'ennuie mais l'heure tourne." Il avait l'impression d'être un psy. Mais ce n'était pas le cas. "Ca m'a fait plaisir de discuter avec toi. Même heure même endroit ?" lui demanda-t-il en penchant la tête légèrement sur le côté.