| Where words fail, music speaks || Ida |
| | (#)Mar 14 Juin 2016 - 15:57 | |
| Je ne sais pas comment je suis arrivé ici. Je ne sais pas pourquoi mes pas m’ont emmené ici dans ce magasin de musique, mais toujours est-il que l’odeur et l’ambiance générale m’est familière. Très familière même. Comme si … comme si je connaissais cet endroit. Ma mémoire me faisant encore bien souvent défaut, il ne serait pas étonnant que ce magasin fait parti de mon passé oublié. L’odeur du bois, la musique ambiante, tout ça me semble presque surhumain tant je m’y retrouve dans ce fouie. D’ailleurs, j’ai comme l’impression que le vendeur me regarde d’un air bizarre. Me connait-il ? Je ne cherche pas à le savoir car, presqu’automatiquement, je laisse les guitares, les basses et la musique rock, derrière moi pour me diriger vers l’étage.
C’est là que je trouve la salle des pianos. L’ambiance est tout à fait autre. La musique classique est très douce et passe simplement en fond sonore. C’est quelque chose d’incroyable. Je me dirige vers un piano, passe mes doigts sur les touches et sent un frisson remonter le long de mon bras. C’est une sensation magique et incroyable. Magnifique. Je sens une paix intérieure prendre possession de moi et m’installe directement sur le tabouret. J’observe les touches blanches et noires, me redresse, pose mes mains sur les touches, met mes pieds en position sur les pédales.
Et je commence à jouer. Tout vient d’une manière tellement naturelle. Je soupire doucement, éteint mon cerveau et laisse mon instinct prendre le dessus. D’une manière ou d’une autre, je sais exactement où et quand poser mes doigts pour que l’enchaînement de la mélodie sonne bien. Et puis, au fur et à mesure que mes doigts glissent sur les touches, je me rappelle du nom de la musique. C’est la chanson ‘river flow in you’ du compositeur Coréen Yiruma. Je sais que j’adulais ses compositions et que ce sont celles que j’ai le plus joué il y a quelques années de ça. Un doux sourire vient se poser sur mes lèvres, et je redouble de concentration pour ne pas me tromper. |
| | | | (#)Mar 14 Juin 2016 - 16:40 | |
| Ces derniers jours, je n’ai pas eu un moment pour moi et je commençais à délaisser la musique. La nounou avait accepté de garder les enfants pour une heure ou deux, le temps que je puisse faire un saut en magasin à la recherche de partition d’un compositeur injustement méconnu par le grand public et sur lequel je voulais faire travailler mes élèves : Théodore Gouvy. Il faut dire qu’il était difficile de trouver de la documentation sur lui mais je me doute bien que je peux peut être trouvé quelque chose au magasin de musique au centre ville. Le magasin n’est pas bien rempli. Un groupe d’ados sont posé au rayon guitare, surement veulent-ils impressionner leurs copines. La vendeuse me saute au cou. Jessie. Je l’ai harcelé toute la semaine pour qu’elle me commande le dvd d'Alessandro Cipriani. Un compositeur italien que j’adore. Alors que nous sommes en pleine discussion sur tout est n’importe quoi, je me surprend à fredonner river flow in you’. En fait non, je ne la fredonne pas, elle est bien réelle. La vendeuse semble aussi surprise que moi de l’entendre. C’est un de mes morceaux préférés, je l’ai joué pour mon admission au conservatoire. Je l’ai joué à notre mariage. Je l’ai joué pour la naissance d’Alex. Peu de gens connaissent ce formidable et incroyable compositeur coréen.
Attirée par la musique, je me dirige vers la salle de piano. Un homme d’une trentaine d’année est là sur le piano. Je ne l’ai encore jamais vu, pourtant ce n’est pas faute de faire de cet boutique mon deuxième chez moi. Un petit public s’est formé autour de lui composé des trois ados que j’avais vu plus tôt au rayon guitare, et de deux jeunes femmes qui tout comme moi sont admiratrice du pianiste. J’ai envie de jouer aussi. C’est MA musique après tout. Mes yeux se ferment un instants, mes doigts se posent sur un piano imaginaire. Je pourrais avoir un orgasme là, de suite. Jessie s’est également faufilée dans la pièce. Elle me pousse vers le piano. Je suis agacée par son comportement, mais j’accepte de m’assoir à coté du pianiste. Je sais pourquoi elle fait ça, mais j’en ai également envie alors c’est gagnant-gagnant. Je joue une note, pour signifier à ce bel inconnu que je suis à côté de lui. Sans même se connaitre, sans même parler, il me comprend. Et en une fraction de seconde, quatres mains sont posées sur les touches. La mélodie est plus rythmée, plus enjouée, je ferme de nouveau les yeux et laissent mes doigts dansaient sur le clavier. J’aimerai que ce moment dur plus longtemps, je me sens emportée, loin de mes soucis. Plus rien n’a d’importance à ce moment précis.
Puis viens la fin. Je n’ouvres pas les yeux rapidement. Je veux apprécier ce petit moment unique. Les applaudissements me forcent tout de même à sortir de mon petit nuage. J’avais laissé autour de nous cinq personnes, en voila une vingtaine. Je regardes Jessie, contente que son magasin ait attiré de la foule. Je tremble presque à la fin. C’est fou ce que la musique peut me procurer. Je me tourne vers mon charmant inconnu. « Waow » arrivais-je à articuler dans un premier temps. Il allait surement me prendre pour une folle, mais il avait réussi à me faire voyager dans les trois meilleurs moments de ma vie au moment où j’en avais le plus besoin. « Je ne sais pas qui vous êtes, ni comment vous vous appelez, mais j’aimerai beaucoup vous remercier d’avoir jouer Cette mélodie. » |
| | | | (#)Mer 15 Juin 2016 - 16:02 | |
| Je joue avec une telle concentration que je ne remarque pas les gens qui se sont attroupé autour de moi. Pour moi, plus rien ne compte à part la musique. La mélodie qui me transporte dans un autre monde, un havre de paix, loin de toute amnésie ou autre horreur que j’ai pu vivre. Je joue pour moi et je dois avouer que je m’étonne de la facilitée avec laquelle mes doigts glissent sur les touches. Comme si … comme si j’avais fait ça toute ma vie. Je remarque du mouvement à mes côté, le siège qui s’abaisse légèrement plus avec le poids relatif d’une jeune femme. Je tourne furtivement mon regard vers elle et il nous suffit d’une fraction de seconde pour savoir que nous allons jouer ensemble à quatre mains. La musique est plus rythmée, plus agréable. Un très sincère sourire se dessine sur mes lèvres et ne me quitte pas. Pas même lorsque la musique s’arrête.
Seuls les applaudissements me sortent de mon petit nuage. Je regarde autour de moi et remarque qu’une bonne vingtaine de personnes se sont attroupées autour de nous. Je me sens rougir un peu, mais mon sourire ne s’en va pas. Je regarde vers la jeune femme assise à mes côtés. Elle me regarde avec sans doute le même sourire que le mien. Sa voix est douce lorsqu’elle me parle. Elle me remercie d’avoir joué cette mélodie.
« Je … ça va vous paraître totalement idiot mais je … » je me mordille un peu la lèvre inférieure et soupire doucement «.. je ne savais pas que j’arrivais à jouer cette chanson » je regarde vers le piano « En fait, jusqu’à avant je ne savais pas que j’arrivais à jouer du piano …» expliquais-je dans un souffle. Que de mystère. Je ne me vois pas lui expliquer que j’ai été amnésique et qu’il y a de nombreux détails de mon passé que j’ai oublié. «Matteo » finissais-je par me présenter en lui tendant la main, réaffichant mon sourire.
|
| | | | (#)Jeu 16 Juin 2016 - 13:42 | |
| La petite foule se dissipe et mes émotions avec. La plupart des gens pensent que j’exagère dans mes émotions, mais lorsqu’il s’agit de musique j’ai l’impression d’être une autre personne. Ou même un autre être. La musique me fait voyager en l’espace de quelques minutes, j’ai l’impression que mon âme quitte mon corps pour s’évader. Je ne suis pas très timide lorsqu’il s’agit de partager ma musique avec des étrangers, au contraire j’adore ça. Des fois, je me dis que, si je ne m’étais pas mariée et que je n’avais pas eu d’enfants aussi jeune, peut être que j’aurais participé à ces jeux télévisés à la recherche de la nouvelle voix. Plus jeune, j’adorais composer et chanter, aujourd’hui les seuls fois où je chante c’est des berceuses pour mes enfants. Mon partenaire, lui, a l’air plutôt gêné, je remarque de suite le rouge sur ses joues, ce qui a le don de m’attendrir très rapidement. Je sais que je peux parfois être un peu envahissante ou partager mon enthousiasme trop rapidement. J’espère ne pas l’avoir trop brusqué. Je n’aime pas déranger les gens et en temps normal je ne suis pas du genre à faire le premier pas vers quelqu’un. Mais là c’était exceptionnel, il a quand même joué MA chanson, ce n’était pas rien.
Je ne comprend pas vraiment ce qu’il veut dire par le fait qu’il ne savait pas qu’il arrivait à jouer. Je fronce d’abord les sourcils. Ces expressions faciaux qui trompe notre pensée que j’essaye rapidement par remplacer par un sourire et puis j’aimerai dire quelque chose pour effacer le malaise: « Hum, ce n’est pas commun comme situation, mais je suis croyante. » Dis-je sur le ton d’humour. Puis je me rappelle que ma relation à la musique est aussi très particulière. Je n’ai jamais appris à jouer d’instrument en particulier, pourtant j’ai pu rejoindre les rangs très privé du conservatoire. Je pensais être autodidacte mais c’était un peu plus que ça, l’oreille absolu. « En tout cas, vous jouez divinement bien. Je vous remercie pour ce petit moment » A mon tour je lui tend la main « Ida...Ida Beauregard. Je suis professeur de Piano donc si jamais vous voulez percer votre mystère. » Je souris de nouveau, je regarde l’heure sur l’énorme horloge au mur du fond de magasin. Merde, Alex, il ne faut pas que je l’oublie. Je ne sais pas pourquoi mais je fais quelque chose que je n’ai pas l’habitude de faire avec des inconnus, on est jamais trop prudent, mais je sors ma carte de visite et la lui tend. « Je joue parfois pour des oeuvres caritatives et j’aimerai beaucoup vous revoir.. enfin si ça vous intéresse. » |
| | | | (#)Lun 4 Juil 2016 - 15:47 | |
| Je ne savais pas que j’arrivais à jouer comme ça, mais fait est que c’est bel et bien le cas. Mes doigts frôlent les touches avec une dextérité presque naturelle. Ça m’étonne mais en même temps il y a tant de choses que j’ai oubliées depuis que j’ai été amnésique. Ma mémoire me revient peu à peu, mais je sais qu’elle est encore fort défaillante. Enfin peu importe, c’est une découverte plutôt agréable je dois avouer. D’autant plus que ça me permet de faire connaissance avec une jeune femme des plus charmantes.
Ida Beauregard qu’elle s’appelle. Professeure de piano qui me propose de me donner des cours si je souhaite ‘percer mon mystère’. Je souris doucement et hoche la tête. «Ce serait super gentil de votre part » dis-je avec sourire. « J’adorerais …voir ce que je sais faire dans ce … dans ce domaine » je baisse mon regard sur le piano et soupire doucement «Enfin, je vous expliquerais bien un peu plus en détail ce qui s’est passé, vous comprendrez sans doute un peu plus, mais … » je regarde autour de moi «Pas ici » ajoutais-je à voix basse. «Je pense que je peux en dire autant de vous cela dit » reprenais-je un peu plus fortement « Je n’ai jamais joué cette chanson à quatre mains … du moins pas à ce que je sache » je me passe une main dans les cheveux avec un petit sourire mal à l’aise «Enfin … je … ouais voilà. J’adorerais vous revoir aussi »
Je prends une profonde inspiration et me tourne à nouveau complètement vers le piano. « Ça vous dit qu’on en fasse un autre ? De morceau ?» demandais-je en désignant les touches. Je pose mes mains sur les touches, hésite un instant puis prends une profonde inspiration et joue à nouveau. ‘Comptine d’un autre été’ de Yann Tiersen. C’est une chanson d’un film que j’ai regardé dernièrement quand j’habitais encore à Téhéran. Un très beau film, je dois dire. Mais c’est surtout la BO qui a retenu mon attention.
|
| | | | (#)Jeu 18 Aoû 2016 - 13:44 | |
| De nature, je n’ai pas le contact aussi facile avec un étranger, mais pourtant sa tête me revient. Il a cet air un peu perdu, qui me rappelle lorsque je suis arrivée à Brisbane en 2009. Je ne connaissais personne sauf Thomas et pourtant j’avais hâte de m’installer dans cette ville. J’ai l’impression que c’était hier et me voila ici depuis déjà sept ans. Le temps est passé à une vitesse incroyable. J’avais des rêves plein la tête et surtout j’étais animé par l’amour d’un parfait inconnu. Mon mari et moi avions brulé quelques étapes mais entre lui et moi ce fut le coup de foudre. Nous nous sommes mariés et nous avons eu des enfants. Et puis, la routine s’est installée. Je ne sais pas trop comment mais j’ai perdu de mon dynamisme. Soumise à mon quotidien, enfermée dans mes habitudes.
Mes yeux s’écarquillent lorsqu’il m’explique sa situation. C’est dans ces moment que je devrais prendre mes jambes à mon coup de peur d’être tombée sur un psychopathe. Pourtant je me sens coupée de ma routine et cet homme est trop charmant pour être fou à lier. Il n’a pas l’air d’être dangereux. Je devrais pourtant y aller. L’heure tourne et Alexandre risque de m’attendre à l’extérieur si je ne m’en vais pas dans les cinq minutes qui suivent. Mais je ne refuse pas sa proposition : « Un morceau. Après ça je devrais aller chercher mon fils à son cours de judo. » Quel terrible mère je fais, mais je ne peux résister à l’appelle du piano. J’ai tout plaqué pour la musique alors qu’un champs énorme de métier prestigieux s’ouvrait devant moi. J’ai fait des études de commerces dans l’espoir d’ouvrir ma propre entreprise de cosmétique et puis j’ai abandonné l’idée en me découvrant douée pour la musique. Mes choix n’ont pas toujours été les plus judicieux et pourtant c’est ce qui m’ont fait.
Je le laisse commencer, j’improviserai par la suite. J’ai l’habitude de faire ça avec mes étudiants. Yann Tiersen. Une mélodie popularisée par un film français qui avait fait fureur l’époque où j’étais encore à Brest. Je l’avais regardé en VO, ne comprenant pas grand chose au film mais la musique m’avait touché. Mon amie la vendeuse me fait un clin d’oeil tandis que nos quatre mains dansent sur le clavier. Je voudrais que ça dure plus longtemps mais mon fils m’attend. Sous un tonnerre d’applaudissement je me lève et serre la main de mon acolyte. « N’hésitez surtout pas à m’appeler. On pourrait peut être se revoir. » Dis-je sans arrière pensée. Thomas n’aura rien à redire, il est plutôt content lorsque je me fais de nouveau contact et que je quitte un peu la maison. |
| | | | | | | | Where words fail, music speaks || Ida |
|
| |