Je titube légèrement en marchant sur le trottoir et me rattrape au mur qui se trouve juste à quelques centimètres de moi. Je soupire doucement et me passe une main sur le visage puis dans les cheveux. Je ne sais pas ce qui m’a prit de boire cette bière. La bière de trop, comme on dirait. A vrai dire, je ne connais plus mes limites et je pense que je vais en payer le prix plus tard. Genre, demain matin. Je pousse un lourd soupire qui ressemble plus à un grognement lorsque je me rappelle que j’ai un rendez-vous avec un certain Ezra pour travailler dans son garage. Car oui, il faut bien que je travail maintenant que je suis de retour. Je ne peux pas me permettre de me reposer sur l’argent que j’ai amassé en Iran. Avec ça, je ne tiens pas plus de deux mois et mon but n’est pas de retourner chez qui que ce soit pour demander de l’aide. J’ai 32 ans, je devrais pouvoir me débrouiller seul.
Et pourtant, aujourd’hui je suis sorti et j’ai bu. D’abord en solitaire, puis avec des gens qui m’ont invité. Et finalement, j’ai fait –ou refait … ?- la connaissance d’un ancien groupe d’amis. Les uns furent choqué, les autre amusé mais chacun m’a accepté. Et c’est tant mieux. Cela dit, en sortant du bar, je me suis rappelé que j’avais coupé le contact avec ces mêmes amis car ils étaient un peu trop extrêmes à mon goût. Trop de fête, trop d’alcool, des drogues mêmes. Enfin, je me suis assez rapidement éclipsé et je suis rentré, seul.
Mais je n’atterrie pas devant mon chez moi actuel. Non. En me rendant compte que je me retrouve devant la maison que j’ai longtemps habitée avec ma sœur, ma mère et mon père, j’ai senti comme si on m’enfonçait un poignard dans le cœur. J’ai secoué la tête et je me détourné pour repartir lorsque mon regard est tombé sur la maison d’Elio. Mon voisin et sans doute mon plus cher ami. Qu’est-il devenu ? N’ayant pas réellement les idées assez lucides pour réfléchir correctement, je me suis avancé vers l’entrée, j’ai monté les quelques marches qui me sépare de la porte et j’ai sonné. Une fois, deux fois. Puis j’ai toqué deux fois. Il est 00h, il doit sans doute être entrain de dormir. Ou alors il n’est pas à la maison. Dans tous les cas, s’il me voit, le choc se lira sans doute dans son regard. Et du coup ? Je ferais quoi, moi ?
Malheureusement, je me rends bien rapidement compte que ce n'est plus l'habitation de d'Elio. C'est une femme qui vient m'ouvrir avec son mari derrière elle. Je me confonds en excuse, parvient à m'en sortir avec le fait que j'étais nostalgique car j'ai longtemps habité dans cette maison -ce qui n'est pas totalement faux non plus- avant de leur souhaiter une bonne nuit et repartir. Je reprends le chemin vers Pine rivers, où j'habite. La légère brise qui s'est levée et qui rafraîchit un peu l'air, parvient à me déshinibé un peu.
Matteo est en vie. Une grande claque dans ma figure. Voilà ce que ça me fait comme sensation. En vie. J’ai beau répéter les mots, les mettre les uns derrières les autres, ils ne font aucun sens dans mon esprit. C’est tout bonnement impossible. Il a disparu depuis si longtemps, si longtemps que la vie continue sans son rire. Kaecy a eu beau me le dire, Heidi me le répéter. Je n’arrive pas à le croire. Comme si on me faisait une mauvaise blague – une camera cachée douteuse dans laquelle la vérité serait cruelle et douloureuse ou final. Quand on finirait par m’annoncer que ce n’est pas vrai – que Matt est bien mort et enterré comme je l’ai cru pendant toutes ses années.
J’ai tant de questions…
Tant de questions auxquelles Heidi n’a su que vaguement répondre. J’ai de toute façon assez difficilement osé les poser. Les tensions sont palpables entre elle est moi. Les deux nuits que nous avons partagées n’y sont pas pour rien. Bordel… Matteo est en vie et j’ai couché avec sa sœur. Je n’ai même pas envie d’y penser. Entre Heidi et moi c’est tant d’années d’interdiction que je me suis moi même imposées pour ne prendre aucun risque de gâcher mon amitié avec Matteo et voilà maintenant que quelques semaines après cette erreur il revient des morts. Si je n’étais pas aussi heureux de la savoir en vie je pense que j’aurais l’impression d’une punition.
Je tape à sa porte depuis de longues minutes. Je devrais sans doute me résoudre à partir – il n’est de toute évidence pas là. Mais c’est impossible. J’ai besoin de le voir – besoin d’être sur et c’est cette adresse qu’Heidi m’a donnée. Je suis étrangement un peu stressé. Et si je ne retrouvais pas le Matt que j’ai connu – et si lui ne me reconnaissait pas. J’ai la nette impression que nos deux vies ont pris des tournants radicaux aujourd’hui, lui avec sa disparition et moi avec la mort de ma sœur. Matt et moi avons grandi ensemble – évolué ensemble parfois dans des chemins différents mais sans jamais vraiment se quitter jusqu’à sa mort présumé. Qui somment nous l’un pour l’autre aujourd’hui ? J’ai peur de le découvrir.
Ca doit bien faire quatre heures que je suis devant chez lui – à force de taper inutilement je me suis épuisé et je réside maintenant sur le paillasson comme un chien qui attend son maitre. Un maitre qui n’arrive pas et qui fait naitre un certain désespoir. Mes yeux se ferment parfois un peu trop longuement laissant transparaitre ma fatigue. Ou est-il ? Je me frotte un peu les yeux et quand je les réouvre c’est une silhouette connue qui se dessine au bout du couloir. « Non… » Je murmure dans ma barbe alors que je me relève en vitesse n’osant pourtant pas faire un pas. Je l’observe sans oser encore y croire. « C’était vrai… C’était vrai putain t’es en vie ! » J’avance cette fois dans la direction de Matt, l’attrapant probablement un peu trop fortement dans mes bras. Je le serre alors que l’émotion me submerge. Je ne suis pas un grand pleureur mais là c’est impossible ne pas être touché. Je me sépare un peu de lui pour l’observer…. « J’y crois pas… J’y crois pas t’es… Bien là. » Je tapote ses bras comme pour être sur de bien l’avoir en face de moi. « C’est tard désolé, je sais pas… Putain Matt… Comment c’est possible. T’es en vie. T’es… Tu m’as tellement manqué ! » Des amis comme Matt je n’en ai pas mille… J’en ai peut-être même pas vraiment. Matt et Heidi étaient un peu ma famille tout comme Kaecy – ils me connaissent comme personne et jamais quelqu’un ne pourra prendre cette place.
« non ». Ce ton. Cette incompréhension ; mais surtout cette voix. Cette voix putain. Même après deux ans amnésie je pense que je l'aurais reconnue entre mille. Je me fige brutalement, relève mon visage et fixe Elio. Elio, en chaire et en os qui se trouve devant moi. Celui qui, je sais, est un de mes plus chers amis. Était ? Je ne sais pas. Je me sens soudainement totalement sobre et je l'observe qui s'avance vers moi. Plus je vois son visage, plus je remarque l'incompréhension qui se lit sur son visage. Et pourtant, lorsqu'il s'immobilise devant moi, je vois clairement aussi de la joie et du soulagement dans ses traits.
Sentiments qu'il me confirme lorsqu'il passe ses bras autour de mes épaules pour me tirer contre lui et m'enlacer comme on enlacerait un ami perdu de vue depuis bien trop longtemps. J'ai un moment d'hésitation avant de retrouver cette chaleur que me procure l'amitié d'Elio. Fermant les yeux, j’entoure sa taille de mes bras et répond à son étreinte en posant un instant mon front contre son épaule. Je prends une profonde inspiration, hume son odeur qui ravive d'avantage de souvenirs et me laisse aller contre lui.
Il fini tout de même par mettre fin à cette étreinte. Se redressant, Elio attrape mes épaules de ses mains et tapote mes bras. Son large sourire montre à quel point il est heureux de me voir. Sincérité ? Sans aucun doute. Il ne cesse de répéter que ce n'est pas vrai, puis fini par dire que je lui ai horriblement manqué. Je crois qu'à ce moment même mon cœur se brise en mille morceaux. Si déjà j'ai manqué à Elio qu'en sera-t-il de ma sœur ? Je déglutis puis m'efforce de sourire.
«Eh bien que dire … surprise, hein » déclarais-je finalement en écartant les bras et en souriant. « Non sérieusement je … c'est une longue histoire. Très longue histoire.» je lance un coup d’œil à ma montre « Il est 1h du matin, je pense qu'aucun de nous ne pourra dormir maintenant » j'hausse un peu les épaules «alors si t'as un peu de temps à perdre ... » je passe à côté du jeune homme et me dirige vers la porte. Je l'ouvre après avoir rapidement fouillé mes poches à la recherche de ma clef et laisse Elio entrer derrière moi.
« désolé pour les cartons. ce... ça fait seulement 1 semaine que je suis de retour en ville et je … hum... voilà. J'ai pas encore eu le temps de … enfin de ranger correctement » expliquais-je en me dirigeant vers la cuisine « trouve une place et installe-toi» indiquais-je alors que j'ouvre le frigo. Je sors deux bières, les décapsules puis retourne vers le salon pour m'installer sur le canapé à côté de mon ami. «Bon, avant que je ne t'explique quoique ce soit … ça va toi ? Et ...hm ... » je fronce les sourcils réfléchissant « Ka … Kaecy, c'est ça ?» l'interrogeais-je « Elle va bien aussi … ?»
Je ne sais pas ce qui me permet de tenir encore debout. Peut-être l’adrénaline que me procure ce moment insensé. C’est un fantôme que j’ai devant moi à qui je peux parler. Matteo était mort et maintenant il est là devant moi. C’est tellement fou que j’arrive à peine à y croire. Je le serre contre moi – peut-être même un peu trop fort comme pour être sur qu’il ne va pas se disloquer à ce contact et redevenir poussière. Mais rien ne se passe il est toujours là devant moi – ce léger sourire que je lui reconnais comme si il n’y avait pas des années qui s’étaient écoulée. Heidi avait eu beau me rassurer sur son état physique j’avais continué d’avoir peur de le retrouver meurtri. Même si je ne peux que me douter que c’est le cas psychologiquement. Mais physiquement il n’a presque pas changé, il semble toujours être Matteo… « Eh bien que dire … surprise, hein » Je reconnaissais bien là mon ami, cette manière qu’il a de dédramatiser les choses. « C’est ce qu’on peut dire oui ! » Je rigole un peu nerveusement. Je ne peux pas dire que je n’ai pas senti l’odeur de l’alcool en le prenant dans mes bras, mais j’imagine que je ne peux pas lui dire grand chose. Qui ne profiterait pas de son retour à la vie pour aller boire un coup. « Non sérieusement je … c'est une longue histoire. Très longue histoire. » Je hoche la tête ne le quittant pourtant pas du regard, ce qui doit avoir quelques chose d’un peu flippant mais vu les circonstances ça s’explique. « Heidi m’a vaguement raconté je ne… C’est tellement incroyable ! » Je voudrais qu’il m’en dise plus mais j’ai peur de le brusquer. Je ne sais que peu de choses de ce qu’il a vécu pendant ces mois ou nous l’avons tous cru mort. « Il est 1h du matin, je pense qu'aucun de nous ne pourra dormir maintenant, alors si t'as un peu de temps à perdre ... » Il ne fait aucun doute que je serais bien incapable de trouver le sommeil maintenant. L’excitation se mêle à une certaine culpabilité. Savoir aujourd’hui qu’il est en vie alors que nous n’avons rien fait pour le sortir de son pétrin, que nous nous sommes tous contenté d’un déclaration pour l’enterrer. « Je crois que j’en ai surtout beaucoup à rattraper. » Tellement de questions qui me brulent la gorge. Tellement d’autre que je n’oserais jamais poser, ou de sujets que je devrais sans doute aborder avec lui. Mais c’est trop tôt pour le moment. Je veux juste retrouver mon ami.
Je rentre dans son appartement, il y a pleins de carton, si peu de décoration et je ne peux m’empêcher de me demander ce qu’il va en faire, si ses gouts ont changé aujourd’hui, ou si je le reconnaitrais dans cet endroit. « désolé pour les cartons. ce... ça fait seulement 1 semaine que je suis de retour en ville et je … hum... voilà. J'ai pas encore eu le temps de … enfin de ranger correctement, trouve une place et installe-toi » Je regard autour de moi légèrement mal à l’aise. Et je finis par aller me poser sur un des canapés qui semble avoir été posé un peu au hasard dans la pièce. Quand Matteo revient j’attrape la bière qu’il me tend continuant de regarder cet endroit avec intérêt. Comment est-ce qu’il paye ? Tous ses comptes ont du être fermés ici, toute sa vie enterrée avec lui. « Bon, avant que je ne t'explique quoique ce soit … ça va toi ? Et ...hm ... Ka … Kaecy, c'est ça ? » Son hésitation sur le prénom de Kaecy m’est douloureuse mais je tente de ne pas le montrer. L’idée qu’il ait pu oublier tout un pan de la vie que nous avons partagée me fait mal, mais c’est sans doute de notre devoir d’essayer de raviver ses souvenirs avec lui. « Elle va bien aussi … ? » Je sourie à mon ami en trinquant avec lui avant d’amener ma bière à mes lèvres. « Elle va bien, on va bien tous les deux. Un peu… choqués. Elle viendra sans doute te voir rapidement. Pour le moment elle garde les jumeaux… Je ne sais pas si tu te souviens d’eux. Ils étaient si jeunes quand tu es… » J’ai failli dire mort me ravissant non sans gêne. « Quand tu as disparu. » Evidement Matteo connaissait Leah ma soeur, bien même. Et ses fils, Danny et Scott qui étaient encore des bébés à l’époque. Je ne sais pas ce qu’il sait de ma nouvelle vie aujourd’hui, du décès de ma soeur. Sans doute rien, pour peu qu’il se souvienne d’elle. « J’ai aussi beaucoup de choses à te raconter… » A quel point ma vie a changé depuis quelques temps. « Mais d’abord toi ! C’est tellement… Irréaliste. Tu veux bien me parler de ce qui c’est passé ? » Heidi m’a raconté les grandes lignes mais j’ai besoin de l’entendre de sa bouche, d’en savoir plus, pour peu qu’il veuille bien m’en parler. « Et comment tu vas ? Ton retour ici, ta… mémoire ? » Heidi pense qu’il a minimisé les choses avec elle, l’ampleur des dégâts et je pense qu’elle a raison. Il a eu de la peine a retrouver ne serait-ce que le prénom de Kaecy… Ca n’annonce rien de bon.
"I can't keep up and I can't back down I've been losing so much time "
Simply because you can breath doesn't mean you're alive or that you really live. This life has taken it's toll and she just doesn't know, how much more she can give - Rise Against
Elio me sert contre lui. Un peu trop fort même. Mais je le laisse faire. D'ailleurs, je réponds même à son étreinte car il m'a foutrement manqué ! L'émotion dans sa voix est sincère. Il est heureux de me revoir. Il me confirme qu'effectivement, m'avoir là, devant lui, est une sacré surprise. Je réponds à son rire par un sourire nerveux alors que je lui dis que tout ça est un longue histoire. Lorsqu'il m'avoue que Heidi lui en a déjà parlé, j'hoche doucement la tête. «Évidement, c'est de Heidi que tu détiens ces informations » je rigole légèrement puis invite mon ami à entrer dans mon studio.
Pour être petit, il l'est. Sur 16 m² on trouve la kitchenette, la salle de bain un matelas au sol et un petit sofa … ainsi que bon nombre de cartons entassés qui prennent le plus de place, eux. J'apporte une bière à mon ami et tire une chaise pour m'installer devant lui. Je lui demande comment il va, voulant en même temps avoir des nouvelles de Kaecy dont le prénom ne me revenait pas. Pourtant, c'était une de mes plus proches amies avec Elio. C'est avec un sourire qu'il m'assure qu'ils vont tous bien et que Kaecy viendra sûrement me voir rapidement. J'hoche doucement la tête « ce … ce serait bien, oui» dis-je en prenant une gorgé de ma bière. « Ils ont quel âge les jumeaux ?» demandais-je. De ce côté là, je n'ai absolument aucun souvenir. Je me pince les lèvres et grimace doucement. Mais pour l'instant, Elio n'est pas sensé être au courant de ma perte de mémoire, non ?
Il me demande de lui expliquer ce qui s'est passé car tout ça lui semble beaucoup trop irréaliste. Et je le comprends. J'ai moi-même du mal à me rendre compte que j'ai tout abandonné à Téhéran il y a à peu près une semaine. Et puis, Elio me questionne directement sur ma mémoire. Je baisse rapidement le regard et déglutis. Ainsi donc Heidi lui a aussi parlé de ça. Je soupire doucement et me passe une main dans les cheveux « Ce … ça va. » dis-je, mal à l'aise «Enfin, je veux dire … pendant deux ans je ne me rappelais plus de rien, jusqu'à il y a deux mois. Là j'ai commencé à me souvenir un peu, des bribes de mon adolescence, de ma vie ici. Y avait surtout le prénom de Heidi qui me revenait, puis le tien, celui de Soren et de Kaecy aussi. Après deux ans, je me suis aussi rappelé de mon vrai prénom... » je relève mon regard sur Elio « Je me suis fait appelé Philip pendant deux ans, jusqu'à ce que mon vrai prénom me revienne » je soupire doucement « Pour l'histoire : y a deux ans une bombe a explosé dans le campement militaire où j'étais et … apparemment je n'avais pas de papier sur moi donc ils m'ont déclaré pour mort comme tous mes autres camarades» je grimace un peu puis prends une profonde inspiration «J'ai passé un ou deux mois dans le coma » je me passe une main sur le visage «Les blessures corporelles étaient assez importantes avec de nombreuse fractures, d'ailleurs ma jambe droite et mon poignet gauche en font encore les frais maintenant » j'hausse les épaules « J'ai perdu bien 80% d'audition sur l'oreille gauche à cause de la violence de l'explosion » je me tapote ensuite la tête « Mais c'est le cerveau qui déconne. Je ne sais pas si je suis tombé sur la tête, si c'est le choc ou quoique ce soit mais … j'ai perdu la mémoire. Tout, absolument tout était effacé. Je ne connaissais même plus mon propre prénom si tu veux savoir.» je grimace «J'ai dû tout recommencer à zéro, j'ai refais ma vie à Téhéran, je … j'ai habité chez Delaram, l'infirmière qui s'est occupé de moi et qui m'a redonné goût à la vie. J'avais ma vie là-bas, en Iran, j'étais bien. » je pince les lèvres « Et puis, il y a deux mois je me suis souvenu de mon ancienne vie. Et plus j'y pensais, moins je trouvais que ma vie actuelle me convenait. Donc je suis revenue et … voilà...»
Je prends une longue gorgé de ma bière. Quelque part je suis content qu'Elio m'ait laissé parlé d'une traite, qu'il ne m'ait pas interrompu car j'avais vraiment besoin de me confier à quelqu'un.
Je voudrais pouvoir faire plus, le serrer plus fort plus longtemps, lui dire que je m’en veux d’avoir cru à sa mort de ne pas avoir pu l’aider mais les mots ne sortent pas, que cette contemplation silencieuse qui me donne l’impression que mes yeux déraillent. «Évidement, c'est de Heidi que tu détiens ces informations » Je hoche la tête avec un demi sourire. J’ai peur d’en dire trop, plus, dernièrement les choses entre Heidi et moi sont devenues très compliquées et je ne saurais comme l’expliquer à Matteo. Je ne peux pas croire que pendant toutes ses années ou nous avons été amis je me suis refusé à toucher à sa sœur au nom de notre amitié pour qu’au final il revienne des morts à peine quelques semaines après que nous ayons tous deux cédé à la tentation. Rapidement la conversation dévie sur Kaecy et les jumeaux et bien qu’il semble gérer la situation je ne peux m’empêcher de me demander de quoi il se rappelle vraiment. « Ils ont quel âge les jumeaux ?» Un sourire se dessine sur mon visage alors que je parle d’eux. « Ils ont eu 5ans il y a peu de temps, c’est des vrais terreurs. Je crois qu’ils ne tiennent pas ça de leur mère. » Ma sœur a toujours été la plus calme de nous tous. Bien qu’elle ait réussi à se faire attirer dans les bras d’un imbécile qui l’a mise enceinte bien trop jeune. « Tu… te souviens d’eux ? » Il me semble voir un lueur étrange dans les yeux de Matteo et je poursuis alors. « C’est les fils de ma sœur Leah. » Je me vois mal lui annoncer le décès de cette dernière de but en blanc. Si ça se trouve il ne se souvient même pas d’elle. Il faut dire que si Leah trainait souvent dans nos pattes elle n’a jamais fait réellement parti de la bande, sans doute un peu trop jeune pour ça.
Finalement je lui demande comment il va, m’aventurant sur le sujet un peu savonneux de son absence pendant ces trop longues années. « Ce … ça va. » Il semble évident que les choses sont un peu plus compliquées que ça. Ce retour à son ancienne vie est récent et je ne peux qu’imaginer le traumatisme que tout ça peut provoquer. Je l’écoute me parler de son histoire sans l’interrompre. « Après deux ans, je me suis aussi rappelé de mon vrai prénom... » Evidement c’est le choc, Heidi à eu beau me prévenir j’ai de la peine à imaginer ce que ça peut faire de tout perdre. Est-ce que Matteo est un autre homme aujourd’hui ? Est-ce qu’on s’entendra encore ? Toutes ses questions trottent dans ma tête mais elles semblent secondaires pour le moment. « Je me suis fait appelé Philip pendant deux ans, jusqu'à ce que mon vrai prénom me revienne » Je rigole un peu nerveusement et parce que… « Philip ? Qui t’a trouvé ce prénom ? » Je tente difficilement de détendre l’atmosphère car je suis sans doute aussi tendu que lui. « T’aurais plutôt une tête à t’appeler… Ricardo ? » Je rigole un peu sachant que de toute façon pour moi il ne peut s’appeler que Matteo.
La suite de l’histoire n’est pas plus heureuse, la bombe, le coma, les pertes de mémoires et les répercussions physiques. « J’avais peur de te retrouver défiguré, mais t’es toujours aussi canon. » Je tente un sourire amical. Evidement il y a eu quelques petites rivalités entre nous pour les filles dans notre jeunesse, mais jamais rien de grave c’était plutôt amusant. J’ai de la peine à croire qu’il a sans doute oublié tout ça. « J'ai perdu la mémoire. Tout, absolument tout était effacé. Je ne connaissais même plus mon propre prénom si tu veux savoir.» Je l’écoute avec attention ne sachant plus quoi dire. Ne sachant comment imaginer ce que ça doit faire de se réveiller et d’être vide… «J'ai dû tout recommencer à zéro, j'ai refais ma vie à Téhéran, je … j'ai habité chez Delaram, l'infirmière qui s'est occupé de moi et qui m'a redonné goût à la vie. J'avais ma vie là-bas, en Iran, j'étais bien. » Dire qu’il nous a tant manqué pendant toutes ses années alors que lui ne se souvenait de rien nous concernant. Qu’il vivait avec une autre femme, avait d’autres amis sans doute. « Et puis, il y a deux mois je me suis souvenu de mon ancienne vie. Et plus j'y pensais, moins je trouvais que ma vie actuelle me convenait. Donc je suis revenue et … voilà...» Je reste quelques instants silencieux. Je comprends bien qu’il a fini de parler mais j’ai de la peine à tout assimiler. A savoir par où commencer. « Et aujourd’hui tu… de quoi tu te souviens ? » Evidement ça m’obsède, peut-être parce qu’à mon sens notre amitié repose sur tous ses souvenirs que nous avons partagés depuis notre enfance. « Et cette femme ? Chez qui tu as vécu ? Elle t’a accompagné ? » J’ai de la peine à imaginer comment toute cette histoire va se finir, une fin heureuse pour tous entre Soren, Cleo, Matteo et cette femme qu’il semble tenir dans son cœur vu la tendresse avec laquelle il parle d’elle.
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Ainsi donc les jumeaux de qui me parle celui qui a un jour été très proche de moi sont les fils de sa sœur et ils viennent d'avoir 5 ans. Lorsqu'il me demande si je me rappelle d'eux, je l'observe un instant,hésite, puis secoue négativement la tête. «N...non. Non pas du tout » avouais-je d'une petite voix. «Je … je ne me rappelle même pas de ta sœur » je pince les lèvres et baisse mon regard sur mes doigts que j'entortille nerveusement entre eux. «Désolé » soufflais-je. Comme si j'y pouvais quelque chose... si ça ne me concernait que moi, je me rappellerais de tout. Mais je ne fais pas confiance à ma mémoire.
Au final, Elio me demande comment je vais. Et c'est assez naturellement que je lui explique toute mon histoire. Du moins, comme je m'en souviens. Il semble choqué par mes explications, ce que je peux comprendre, mais ne fait aucun commentaires. Au contraire, il essaie même de tourner le tout en dérision, me demandant qui m'a donné ce prénom et que, d'après lui, j'aurais plus une tête à m’appeler Ricardo. « Parce que je suis plus Portugais pour toi ?» lui demandais-je avec un humour avant de secouer la tête «C'est Delaram » dis-je après avoir repris mon sérieux «Ce ...c'était ma copine. Pendant deux ans j'ai habité avec elle. Jusqu'à … jusqu'à ce que je ne me rappelle que je suis sensé être fiancé» je dévie le regard «Enfin, que j'étais fiancé. Je suppose que Cléo est passé à autre chose depuis le temps » je pince les lèvres « je ne pourrais pas lui en vouloir, pas vrai ?» je lève mon regard vers Elio « Si je retrouve Cléo dans les bras d'un autre homme ce … ce ne serait que … normal » je me pince les lèvres avant de soupirer. «je … je crois que j'aurais fais ça, moi. À sa place ...» avouais-je à mi-voix.
Un sourire naquis sur mes lèvres lorsqu'il me dit que je suis toujours aussi canon « Dis ça à ma jambe qui n'a pas récupérée totalement. Et qui ne récupérera jamais totalement » dis-je en me massant un peu le genoux gauche. S'il est vrai que les douleurs sont atroce et me réveillent souvent en pleine nuit, je ne peux tout simplement pas m'en plaindre. Au moins je suis en vie. « Aujourd'hui ? Pas grand chose à vrai dire. Je me rappelle de toi et des bêtises qu'on faisait, mais mes souvenirs avec toi se mélangent régulièrement avec ceux que j'ai de Soren » je déglutis « Donc n'hésite pas à me reprendre si je mélange hein ...» je grimace un peu puis hoche la tête.
«Et oui, Delaram c'est l'infirmière qui m'a prise en charge à Téhéran. Ils m'ont rapidement transféré en Iran parce que Bagdad n'était pas la ville la plus sûre qui soit » je soupire doucement « je … je l'ai quitté lorsque mes souvenirs sont revenu. Je ne pouvais plus vivre la vie là-bas tout en sachant que … que vous m'attendiez … ici» je déglutis et relève le regard sur mon ami.
Je dois me retenir de ne pas l’étouffer dans mes bras tellement j’ai besoin de vérifier que c’est bien vrai. Que c’est bien mon ami que j’ai là devant moi - en chair et en os. Je tente alors de rester calme, de prendre un peu de recule pour lui parler de moi, de Kaecy un peu de notre vie aussi qui a bien changé. Et quand je viens sur le sujet des jumeaux il me faut peu de temps pour comprendre qu’il ne voit pas du tout de quoi je parle, ce qu’il me confirme, un peu mal à l’aise de toute évidence ajoutant encore. «Je … je ne me rappelle même pas de ta sœur » « Oh… » Je commence à percevoir l’ampleur de sa perte de mémoire. Matteo connaissait ma soeur depuis toujours, elle avait été partie plus ou moins intégrante de nos vies et pourtant il ne semblait avoir aucun souvenir d’elle. «Désolé » J’ai de la peine à cacher mon trouble et je peux imaginer que c’est ce qui le pousse à s’excuser. « Non… C’est pas de ta faute Matteo c’est juste que Leah… » Je sais encore moins comment lui annoncer la nouvelle maintenant. « Leah c’est ma soeur… » Je me sens obligé de préciser. « Bon j’imagine que du coup ça va être un peu… enfin étrange pour toi… » Evidement puisqu’il ne s’e souvient pas. « Mais elle est décédée… Un peu après ta disparition… Et je m’attendais pas à ce que tu t’en rappelle pas. » M’envahissait cette peur un peu étrange que ces souvenirs ne reviennent jamais, comme si accepter qu’elle disparaisse dans la mémoire de l’un de nos amis m’était un peu trop difficile. « Mais je suis sûr que ça va revenir, il te faut juste du temps… » Il avait fallu tellement de temps pour qu’il commence à se rappeler ne serait-ce que de l’essentiel de sa vie - il suffisait sans doute d’un peu de patience. Et un peu d’aide aussi.
A la suite de son récit je reste un peu choqué. Ne voulant pas faire de lui un martyre je préfère rigoler un peu de ce prénom qu’on lui a donné. Me demandant qui a choisi, j’ai envie d’en savoir plus sur sa vie sans nous, sans pour autant osé poser trop de questions. «C'est Delaram. Ce ...c'était ma copine. Pendant deux ans j'ai habité avec elle. Jusqu'à … jusqu'à ce que je ne me rappelle que je suis sensé être fiancé» Evidement c’est un peu difficile pour moi d’accepter l’idée qu’il ait construit sa vie là bas me je tente de le comprendre et de l’écouter. « Qu’est ce que ça fait Matteo ? D’avoir une sorte de double vie. » C’est sans doute un peu stupide comme question et je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec la double vie de mon père. Bien que lui l’ait mené sciemment. «Enfin, que j'étais fiancé. Je suppose que Cléo est passé à autre chose depuis le temps, je ne pourrais pas lui en vouloir, pas vrai ?» Je sens une sueur froide me saisir. Il n’est pas au courant… Putain il n’est pas au courant. Tout les warning s’allument dans ma tête alors que je reste silencieux sans savoir quoi dire. « Tu ne l’as pas revu encore ? » J’ai de la peine à le croire mais ça semble être le cas… Pour le reste je tente de garder ma bouche fermée. « Si je retrouve Cléo dans les bras d'un autre homme ce … ce ne serait que … normal, je … je crois que j'aurais fais ça, moi. À sa place …» Comment lui parler, lui dire les choses. « Ca a été très dur pour elle tu sais… Elle a peut-être eu besoin d’un peu de soutien. » Je ne peux pas me résoudre à être celui qui va lui dire que c’est son pseudo meilleur pote qui lui a volé sa vie. Sa fiancée, sa fille et sans émettre aucun regret. « Mais c’est toi l’amour de sa vie Matteo… » Ca me semble tellement évidement pour moi. Et absolument impensable qu’elle reste avec cet imbécile de Soren alors qu’il est revenu. Que Matteo est là… Mais est-ce qu’il veut se battre ? Il semble résigné comme si il avait oublié ça aussi… Son amour pour Cléo.
Evidement j’ai beaucoup de questions sur ses souvenirs aussi, il tente d’y répondre un peu songeur, comme si il cherchait à faire revenir les moments. Comme si les choses se mélangeaient dans sa tête, ce qu’il fini d’ailleurs par confesser. « T’inquiètes pas Matteo… J’ai plein de souvenir en stock. Et des photos et tout… Ca va revenir. » J’ai vraiment besoin d’y croire moi aussi. Puis revient le sujet de cette fameuse femme, celle avec qui il a vécu et qui semble avoir aujourd’hui une importance capitale dans sa vie. Peut-être plus pour le moment que les propres membres de sa famille dont les souvenirs ne lui reviennent que petit à petit. « je … je l'ai quitté lorsque mes souvenirs sont revenu. Je ne pouvais plus vivre la vie là-bas tout en sachant que … que vous m'attendiez … ici» J’avais eu un sourire un peu triste pour lui mais en même temps heureux qu’il ait pris cette décision. « Merci… D’être revenu ! La vie avait pas la même saveur sans toi ! » Et c’est un réalité qui a été vrai pour plus d’une personne. Je tente d’ailleurs de chasser ce qui c’est passé pendant son absence… Ce qui c’est passé avec Heidi aussi et dont je ne suis pas prêt de lui parler.
"I can't keep up and I can't back down I've been losing so much time "
Simply because you can breath doesn't mean you're alive or that you really live. This life has taken it's toll and she just doesn't know, how much more she can give - Rise Against
La sœur d'Elio. Apparemment, elle et moi nous étions proche fut un temps. Et pourtant, son prénom ne me dit absolument rien. Et ça me met énormément à l'aise. Encore plus lorsque j'apprends qu'elle ait décédée peu après ma propre disparition. Sur le coup, mes pensées vont à Elio. Il m'a perdu moi, le plus proche de ses amis d'enfance et directement après sa sœur. Je n'ose même pas imaginé à quel point il devait être dévaster. Je déglutis et pince les lèvres. « Je … je suis désolé» soufflais-je. Désolé pour quoi ? Pour lui, pour tout ce qu'il a dût endurer depuis ma disparition. Désolé pour tous ceux que ma prétendue mort ait bouleversé il y a deux ans. Mais je ne pouvais pas le savoir, pour moi, je n'avais plus de famille jusqu'à trois mois auparavant. «Ce … woah. Ça fait beaucoup d'un coup » dis-je en me passant une main tremblante dans les cheveux. A-t-il d'autres nouvelles de ce genre ? Ais-je d'autre proche -desquels je me rappelle ou non- qui sont décédé ? Je n'ose pas lui demander de peur que je n'ai une crise de panique que je ne peux, comme trop souvent, pas contrôler.
Au final, je lui explique plus en détail ce qui m'est arrivé et salue sa façon de se moquer de mon choix de prénom. Je souris, amusé, lui explique d'où il me vient, puis hausse les épaules lorsqu'il me demande ce que ça fait que d'avoir une sorte de double vie. «Je ne sais pas » avouais-je « Je veux dire … pour moi, je n'avais, justement, pas de double vie, tu vois ? Pour moi, ma vie à Téhéran était ma seule et unique vie.» je pose mes mains sur mes cuisses « J'ai appris la langue, j'ai appris la culture, j'ai même essayé de me faire pousser la barbe. Mais mes gênes d'Australiens m'ont rapidement rattrapé» je rigole doucement et me passe une main sur la bouche «enfin … ce n'est qu'il y a trois mois que je me suis réellement rendu compte que cette vie que je m'étais créée n'était pas la mienne » je pince les lèvres « Lorsque vos prénoms, Heidi, Kaecy, le tien, Soren, Cleo … lorsque tout ceux-là sont apparu dans un coin de mon esprit, c'est là que j'ai compris que mes souvenirs revenaient.» je me frotte un peu le front «Ce … c'était troublant, tu imagines bien. Pendant le premier mois j'ai fait de nombreuse insomnie, je n'avais plus d'appêtie et …. bref, c'était genre un temps de transition entre la fiction et la réalité » je regarde Elio « Tu vois ? En gros, ma vie à Téhéran était plus … on pourrait la comparer limite aux sims. J'ai tout créé du début à la fin. Ça aurait put continuer, j'aurais pu voir là l'occasion de vraiment faire le ménage complet et c'est bien ce que je comptais faire, mais je n'ai pas pu me résoudre à resté là-bas lorsque j'ai commencé à me souvenir que je venais … viens, d'ici» je souris légèrement et hausse les épaules. Parler à cœur ouvert avec Elio et ne pas se sentir juger, ça fait un bien fou. Au final, il n'y qu'avec lui que je peux mettre mon âme à nue et ça c'est quelque chose qui me manquait : avoir une personne à qui parler de la sorte.
Et puis vient le sujet Cleo, mon ex fiancé. Elio me demande, un peu surpris, si je l'ai déjà vu. Déglutissant, je secoue un peu la tête. «oui .... » soufflais-je doucement « Elle est la première que je suis allez voir. Le deuxième jour de ma venue ici» je pince les lèvres « Elle … j'ai beau être son grand amour comme tu dis, elle semble plutôt heureuse quand même » j'hausse les épaules «mais le pire … Cami. Elle a quoi ? 8 mois ? » je secoue la tête Je ne sais vraiment pas si je suis capable d'être père quoi. » je soupire doucement.
Au final, j'explique les raisons de mon retour. Et même si parfois je me dis que j'aurais dû rester à Téhéran, Elio me convainc du contraire : la vie ici n'a pas la même saveur apparemment. Je lui souris doucement et hausse les épaules « Même si parfois je me dis que ma vie à Téhéran n'était pas si mal que ça, je n'aurais jamais pu continuer de vivre là-bas en sachant qu'il y a des gens comme toi qui m'attendent ici»
Je me rends bien compte que je peux être un peu violent – sans doute sans m’en rendre compte mais je n’ai pas envie de faire du décès de Leah un secret. C’est le genre de choses qu’il est trop difficile à dire par après, puis j’ai déjà malheureusement bien assez de choses à cacher à Matteo sans en rajouter. «Ce … woah. Ça fait beaucoup d'un coup » Croisant un peu les mains j’avais baissé le regard. « Je sais… Désolé… » Je me demandais ce que ça lui ferait maintenant si les souvenirs de Leah venaient à faire leur apparition. Cette sensation étrange qui devait le tenir un peu tous les jours depuis qu’il avait commencé à se souvenir de nous. Je me permet d’ailleurs de lui demander ce que ça lui fait de vivre tout ça ce que je qualifie peut-être un peu maladroitement de double vie. « Je ne sais pas. Je veux dire … pour moi, je n'avais, justement, pas de double vie, tu vois ? Pour moi, ma vie à Téhéran était ma seule et unique vie. » Je comprenais et en même temps il devait bien être conscient qu’il avait vécu des choses avant – même si il ne s’en souvenait pas… non ? En gardant le silence le plus complet j’avais écouté Matteo me parler de sa vie à Téhéran, ce qu’il avait ressenti quand les souvenirs étaient revenus. Je trouvais encore ça tellement fou. « Ça aurait put continuer, j'aurais pu voir là l'occasion de vraiment faire le ménage complet et c'est bien ce que je comptais faire, mais je n'ai pas pu me résoudre à resté là-bas lorsque j'ai commencé à me souvenir que je venais … viens, d’ici. » J’avais fait un léger sourire complice à mon ami. « Je comprends… » Ou du moins j’essayais. Ca me semblait un peu improbable mais en même temps tellement vivant quand il le comptait de cette façon. « Ca te manque ? Téhéran ? » Et la vie qui avait été la sienne pendant trois ans et à laquelle il avait tourné le dos.
Le sujet de Cléo était alors venu sur le tapis et j’avais cru ressentir le trouble de mon ami plus profond encore. « Oui .... Elle est la première que je suis allez voir. Le deuxième jour de ma venue ici » Je marchais tout de même encore sur des œufs sans trop savoir ce qu’elle lui avait dit ou non. « Elle … j'ai beau être son grand amour comme tu dis, elle semble plutôt heureuse quand même » Secouant la tête j’avais repris la parole. « Arrête Matt… Elle a été anéantie ! Comme nous tous quand on a cru que tu étais mort… Elle tentait juste d’aller de l’avant. » J’avais beau prendre sa défense pour moi cette relation qu’elle avait maintenant avec Soren était absolument horrible. Et j’avais eu beaucoup de peine à l’accepter. « mais le pire … Cami. Elle a quoi ? 8 mois ? » Il avait donc vu sa fille. « Je ne sais vraiment pas si je suis capable d'être père quoi. » J’étais venu poser ma main sur son bras pour l’encourager un peu. « Je peux comprendre que c’est un choc Matteo mais… Cami est adorable et je suis sûr que tu seras un magnifique père pour elle. On est là pour t’aider aussi. » L’aider à retrouver sa vie – à se faire à tous ces changements qui avaient de quoi le chambouler. « Même si parfois je me dis que ma vie à Téhéran n'était pas si mal que ça, je n'aurais jamais pu continuer de vivre là-bas en sachant qu'il y a des gens comme toi qui m'attendent ici. » Souriant un peu j’étais venu le prendre dans mes bras dans une étreinte amicale. Matteo et moi nous connaissions assez pour que le genre de conventions qui veulent que les hommes soient forts et ne se touchent pas ne nous atteignaient pas. Du moins c’était le cas à son départ et j’espérais ne pas le brusquer en me montrant aussi tactile en le revoyant. Je pouvais imaginer que les choses étaient tout autres entre hommes à Téhéran. « Mon pote… C’est trop bon de te retrouver. » Même si bordel ça foutait un peu la bazar dans ma tête, surtout en ce qui concernait sa sœur.
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Simply because you can breath doesn't mean you're alive or that you really live. This life has taken it's toll and she just doesn't know, how much more she can give - Rise Against
Tout ce que j'apprends ici, avec Elio, est un choc. Je me rends réellement comptes maintenant tout ce que j'ai manqué pendant deux ans. La mort de sa sœur, de qui je suis sensé être proche, la garde de ses jumeaux, la naissance de ma fille. Apprendre tout ça c'est un choc. Je suis d'ailleurs étonné de ne pas partir en crise de panique tant je me sens stressé d'un coup. Lorsqu'Elio me dit être désolé, je lui offre un simple petit sourire et secoue légèrement la tête en lui indiquant que ce n'est rien, avant de soupirer doucement. Je me passe une main dans les cheveux puis hausse les épaules lorsqu'il me demande si Téhéran me manque.
« Je … je ne sais pas» avouais-je en déglutissant « Je veux dire … j'aimais ma vie là-bas, j'aime la ville. Je suis sûr que tu adorerais, toi aussi» je lui souri doucement «Mais je … je sais pas » je secoue la tête « C'est un peu confus dans ma tête, tu sais» je rigole doucement, nerveusement « J'y retournerais sans doute. Plus tard. Genre … pour les vacances, tu vois ?» je relève le regard vers mon ami «Mais vie est ici, à Brisbane, maintenant. Je ne pourrais plus la quitter. Et je n'en ai pas envie non plus » je souris légèrement.
Et puis, la discussion s'oriente vers d'autre sujets autrement plus important. Cléo et Cami. Celle qui est sensé être l'amour de ma vie mais pour qui je ne ressens rien lorsque je pense à elle, et Cami, ma fille. Apprendre que je sois père a sans doute été le plus grand choc pour moi. C'est peut-être pour ça que je suis parti aussi rapidement de chez Cléo lorsque je suis allé la voir en arrivant. Elio, cependant, me dit que, même s'il comprend mon choc, il est persuadé que je serais un bon père. «Je ne sais pas » avouais-je à mi voix. « Je veux dire … un vrai père a 9 mois pour se faire à l'idée d'avoir un enfant. Il a 9 mois pour se préparer, pour s'instruire. Moi … moi je n'ai pas tout ce temps» je déglutis et baisse le regard «et ...et pourtant je n'ai envie que d'une chose... c'est être là pour Cami » je pince les lèvres « Je ne veux pas qu'elle grandisse sans figure paternelle. Elle … je veux être un bon père pour elle. Mais je ne sais pas si j'y arriverais ...» j'hausse les épaules en secouant la tête.
Au final, j'avoue, de manière détournée à Elio que je suis content d'être de retour pour, justement des personnes comme lui. Il me prends dans ses bras et, comme avant, je sens que cette étreinte me détends à nouveau. J'y répond sans plus tarder, m'accrochant à son t-shirt comme je m'accrocherais à la réalité qui s'offre à moi et souris «Merci Elio, sincèrement » je fini par me détacher et me reculer un peu « Je … désolé de t’accueillir ici » dis-je en désignant le studio miteux que j'ai dégoté sur un site peu recommandable « Je … enfin tu veux boire un truc ou pas ? » demandais-je lançant un rapide coup d’œil à la kitchenette qui est placée dans un petit coin. Il faut vraiment que je m'organise. Au moins j'ai un matelas, ça fait affaire de lit jusqu'à ce que je puisse m'en acheter un. Ce qui n'arrivera pas avant un bon moment.
Je sens bien que mes questions le troublent un peu et il y a sans doute de quoi - à peine Matteo retrouvé que je le mets face à des questionnements compliqués. Je ne m’en rends compte que quand il tente un peu difficilement de me répondre en concluant par un «Mais vie est ici, à Brisbane, maintenant. Je ne pourrais plus la quitter. Et je n'en ai pas envie non plus » Qui est plutôt rassurant. Maintenant qu’il est de retour je ne peux pas imaginer le laisser repartir dans une pays qui l’a privé de nous pendant de si longs mois. Je sens le besoin de le garder près des nous, peut-être aussi parce que c’est involontairement un moyen d’essayer de garder Heidi dans le coin. De l’empêcher de fuir.
Puis aujourd’hui Matteo n’est pas seul – il a une fille. Cami son enfant qu’il a rencontré apparemment. Matteo semble perdu quand il aborde ce sujet. Je m’en étonne un peu avant qu’enfin il ne prenne la parole pour éclairer ma lanterne. «Je ne sais pas. Je veux dire … un vrai père a 9 mois pour se faire à l'idée d'avoir un enfant. Il a 9 mois pour se préparer, pour s'instruire. Moi … moi je n'ai pas tout ce temps et ...et pourtant je n'ai envie que d'une chose... c'est être là pour Cami » Pour ma part je n’en ai jamais douté et je reste persuadé qu’il sera un bon père. « Je ne veux pas qu'elle grandisse sans figure paternelle. » Je déglutis difficilement cette fois. La nouvelle concernant Soren risque d’être dur pour lui, quand il a apprendra que ce dernier à pris la place de père auprès de Cami. « Elle … je veux être un bon père pour elle. Mais je ne sais pas si j'y arriverais ...» Je lui souris sincèrement cette fois. « T’y arriveras Matt, j’ai pas un seul doute pour ma part. T’as survécu à la mort ! Etre un père ça sera du gâteau à côté. » Je lui fais un léger clin d’œil finissant ma bière par la même occasion.
Je sens la fatigue s’inviter en moi – il faut dire que l’euphorie est un peu passée même si j’ai encore de la peine à croire à tous ça. Il est tard et la journée a été forte en émotions. «Merci Elio, sincèrement » Il défait notre étreinte et je me contente d’un petit signe de tête. « Je … désolé de t’accueillir ici » « Arrête voyons ! Pas de ça entre nous ! » On a connu bien pire tous les deux que ce petit appart certes un peu miteux. « Je … enfin tu veux boire un truc ou pas ? » Je hoche la tête négativement cette fois. « Je crois que je vais renter… J’ai assez abusé pour la soirée. Puis maintenant que t’es revenu on va avoir tout le temps pour se rattraper. » Sur le pas de la porte je le prends une dernière fois dans mes bras avant de le quitter. « Prends soin de toi Matt. » Ca semble dérisoire mais puisqu’il est revenu il a intérêt à rester là longtemps maintenant. On a besoin de lui dans nos vies.