Super. A peine 9h du mat, à peine je débarque au boulot qu’il y a déjà une pile de dossier sur mon bureau. Mais merde, je ne suis pas le seul à bosser ici. Tant pis, je vais dispatcher, Shelby a du tout déposer sur mon bureau parce qu’elle me fait confiance. Du moins, je suppose. Je m’installe tranquillement, totalement décourager, ne voyant pas mon cher ami derrière moi, me demandant ce qu’il pouvait bien faire aujourd’hui. Oui, je l’appellerais très certainement si jamais il ne vient pas. Peut-être qu’Adam est malade et qu’il doit s’en occuper. Mais pour ma part, fallait bien que je m’occupe de cette pile. C’est parti. Je lisais en diagonale, voyant ce que les collègues pouvaient faire, ou avaient le temps de faire, et leur déposer les dossiers sur le bureau. A croire que moi aussi je suis devenu secrétaire. Je me garderais tout de même deux ou trois dossiers, mais surtout un en particulier, qui attira mon attention à peine eus-je le temps de lire le nom de l’accusé. Hassan. Ancien orphelin sans papier avec qui j’avais sympathisé. Un gamin perdu, et qui semblait encore l’être aujourd’hui. Et ça m’embêter vraiment qu’il écope d’une si grande peine de prison et de dédommagement. Mais avant que je ne puisse vraiment faire quelque chose pour lui, fallait que je parle avec lui. Et ça allait parfaitement bien occuper ma matinée. Je récupérais son adresse, laissant le dossier sur le bureau et filait jusqu’à Fortitude Valley, au 425. J’espérais qu’il y soit, parce qu’avec cette arrestation imminente, ça lui créerait davantage d’ennui si je n’arrivais pas rapidement à le contacter.
Il était clair et net désormais qu'Hassan n'avait pas fait les choses dans le bon ordre, ou plutôt pas dans l'ordre le plus logique au commun des mortels. On n'avait pas idée de vider son appartement avant d'avoir trouvé un nouvel endroit où loger, et c'était pourtant bien ce qu'il avait fait, d'abord tout seul puis avec l'aide de son frère et de Kenneth. Mais les motivations elles avaient changé en cours de route, bien qu'il ne veuille pas se l'avouer ... Inconsciemment, lorsqu'il avait commencé ses cartons une partie de lui avait peut-être déjà prévu de "mettre ses affaires en ordre" comme on le ferait juste avant de refermer un chapitre, comme si ce qui n'était officiellement qu'un coup de folie au volant de sa voiture, un geste aussi désespéré que spontané, prenait sa source bien en amont. Peu importe, le mal était fait, et plutôt que de continuer à y penser Hassan préférait faire l'autruche et avait tenté de transformer cette fuite simple en une fuite en avant. Puisqu'il avait commencé à rassembler ses affaires il avait tenu à aller au bout des choses une fois sorti de l'hôpital. Et aujourd'hui il était là, dans un appartement où ne trônait plus qu'un canapé, un carton vide en guise de table basse et une télévision posée à même le sol, tout comme le matelas l'était dans sa chambre où es vêtements s'entassaient dans d'autres cartons.
Il fallait qu'il se trouve un appartement, c'était l'idée fixe, mais c'était l'idée qu'il remettait sans cesse à plus tard, au lendemain, avec toujours dans un coin de sa tête la proposition qui lui avait été faite d'aller travailler à l'étranger. C'était l'autre bout du monde Téhéran, c'est vrai, et c'était aussi un choc des cultures tel que même en ayant eu l'occasion d'y vivre quelques mois il y a des années, Hassan n'était pas certain de parvenir à vivre sereinement. Tellement de choses avaient changées depuis la dernière fois qu'il avait mis les pieds en Iran, avant le onze septembre, avant que les mots guerre ou terrorisme ne deviennent des échos perpétuels de l'actualité ... Il n'était pas certain d'aimer le pays qu'il trouverait, s'il partait. Il n'était pas certain que son frère et Yasmine lui pardonnent, aussi. « Qu'est-ce que tu en dis toi, پسر ? » Penchant la tête sur le côté, Spike semblait bien plus prompt à l'observer manger en espérant qu'il fasse tomber quoi que ce soit de comestible par terre, qu'à l'aider à prendre une quelconque décision. Donnant finalement la fin de sa tartine à l'animal, tant son appétit laissait à désirer depuis sa rémission, Hassan avait débarrassé sa tasse de thé dans l'évier et passé un coup d'éponge sur la table de la cuisine, prévoyant de s'installer sur le canapé pour corriger les dernières copies qui trainaient encore dans sa besace maintenant qu'il avait fait tout ce qu'il avait à faire ce matin, à savoir sortir le chien, prendre une douche et déjeuner. Il n'avait pas cours avant le début de l'après-midi, et quand bien même le fait de ne plus avoir de voiture - et provisoirement plus de permis - l'obligeait à partir plus tôt il avait encore largement le temps de corriger quelques copies avant de songer à se mettre en route.
A peine s'était-il laissé tomber sur le canapé pourtant qu'on avait sonné à la porte, Hassan restant interdit une seconde ou deux d'abord, puisqu'il n'attendait personne et qu'il se méfiait comme la peste des visites impromptues depuis ses mésaventures avec son ancien voisin. Ancien, oui, car non content d'avoir cogné sa compagne pendant des semaines avant qu'elle ne réagisse, et cru bon de casser la figure d'Hassan lorsqu'il avait tenté de s'en mêler, l'énergumène était finalement parti s'installer ailleurs. Sans être inquiété, faut-il le préciser, puisque Leela avait préféré disparaitre plutôt que de porter plainte. « ارام » Obéissant plus facilement qu'au début, l'animal était resté dans son panier sans broncher, Hassan se relevant pour aller ouvrir la porte et se retrouvant nez à nez avec ... avec qui, d'ailleurs ? « Bonjour ... ? » Un voisin ? Ou un coursier, peut-être, mais il n'avait avec lui ni enveloppe ni colis alors cela n'avait pas grand sens ... « Je peux vous aider ? » Autant poser la question directement, le brun pourtant perturbé à mesure que les secondes filaient, parce que ce visage lui semblait moins étranger qu'il ne l'avait cru au premier abord et qu'il avait la désagréable sensation de louper quelque chose d'important « Est-ce que ... on se connait, non ? » Hassan lui-même ne savait pas vraiment s'il s'agissait d'une question ou d'une affirmation, il n'était pas sûr, mais plutôt que de spéculer mentalement il avait probablement meilleur temps d'attendre que l'individu fasse lui-même état des raisons qui l'avaient mené devant sa porte ce matin-là.
Dernière édition par Hassan Jaafari le Jeu 29 Sep 2016 - 14:56, édité 1 fois
Il y avait bien trop d’accusation contre lui pour qu’il s’en sorte sans une peine. Peut-être quelques mois oui, ou quelques semaines qui sait. Et la somme pour sa liberté ne serait peut-être pas si élevée avec mon aide. Du moins, s’il m’aide en retour. Parce que s’il m’envoie chier, il est certain que je ne pourrais plus l’aider. J’avais donc sonné et je ne dû pas attendre très longtemps avant qu’il vienne m’ouvrir. Il avait changé. Pour sûr. C’était à peine si je le reconnaissais. Et ça semblait être réciproque. En même temps, il ne devait clairement pas s’attendre à revoir de sitôt un ancien camarade d’orphelinat. J’avais envie de lui parler direct de comment je pouvais plutôt moi, l’aider. Mais je me raviser quand il comprit qu’on se connaissait. Un sourire en coin apparut sur mon visage, tout de même ravi de retrouver cet enfant que j’avais considéré comme un ami fiable dans ma jeunesse. Salut Hassan. C’est Enzo. On s’est rencontré à l’orphelinat. Lui expliquais-je alors, ne sachant pas vraiment quoi dire d’autre, surtout que je n’étais pas là juste pour renouer contact, non, c’était pour lui éviter une trop grande peine de prison, et malheureusement il allait devoir en passer par un sale quart d’heure avec moi, parce que je ne supporte pas la drogue, et je fais tout pour que les victimes de ça s’en sorte, alors pour quelqu’un de proche ou que j’ai connu, il est évident que je ferais tout pour qu’ils s’en sortent, même si personne n’apprécie que je donne autant de moral. Malheureusement je ne suis pas venu pour une visite de courtoisie. Lui expliquais-je alors avant de poursuivre en lui demandant Je peux entrer ? Oui parce que je n’allais pas lui parler affaire sur le perron tout de même, ça ne regarde personne d’autre que lui.
Hassan n'attendait aucune visite ce matin-là, raison pour laquelle la sonnette de sa porte d'entrée avait provoqué chez lui un brin de méfiance. Sa mésaventure avec son ancien voisin lui avait servi de leçon, et bien que ce ne soit pas la raison principale, quitter cet appartement où il avait accumulé tant de soucis ces derniers mois lui semblait être la meilleure des choses à faire. Sur ses gardes, il était donc allé ouvrir la porte non sans poser machinalement les yeux sur le vase posé sur le meuble de l'entrée, seul objet de décoration subsistant dans cet environnement nu et vide, et resté là uniquement pour son potentiel à pouvoir être cassé à la figure d'un éventuel intrus. Mais l'homme qui se tenait sur le pas de la porte n'avait finalement rien de menaçant, ou plutôt disons que le regard qu'il avait adressé à Hassan ne laissait pas penser à ce dernier qu'il en avait après lui. Au bout de quelques secondes pourtant le visage de l'homme l'avait troublé, comme s'il lui était familier « Salut Hassan. C’est Enzo. On s’est rencontré à l’orphelinat. » Le brun était resté interdit un court instant, le mot "orphelinat" toujours un peu tabou dans son esprit parce qu'il lui avait fallu des années pour accepter la fatalité qui lui avait retiré ses deux parents d'un seul coup. « Oh, heu, je ... d'accord. Salut. Mais ... qu'est-ce que tu viens faire ici ... ? » L'heure était un peu étrange pour une visite de courtoisie, sans parler du fait que l'un et l'autre ne s'étaient pas vus depuis quoi, presque vingt ans ? « Malheureusement je ne suis pas venu pour une visite de courtoisie. Je peux entrer ? » Hassan avait froncé les sourcils, ne comprenant décidément pas où le blond voulait en venir. Par courtoisie pourtant, et disons en souvenir du bon vieux temps, il avait acquiescé d'un signe de tête et s'était décalé pour le laisser pénétrer dans l'appartement. « Il n'est pas méchant. » avait-il alors lancé en refermant la porte derrière eux, tandis que Spike quittait son panier pour venir à la rencontre du nouvel arrivant. « Tu veux boire quelque chose, déjeuner, je ne sais pas ? » Il n'aurait pas grand-chose à lui offrir malheureusement, son frigo était presque aussi vide que son appartement. « Je suis désolé, j'ai eu un peu de mal à te reconnaître ... ça fait un bail. » Presque deux décennies, à vrai dire, c'était même plus que cela, et quelque part Hassan était même déjà surpris qu'Enzo se rappelle de lui, peu importe la raison. « Comment tu as eu mon adresse ? » La question lui était venue de but en blanc parce qu'il se l'était clairement posée, d'un point de vue purement pratique, mais en la posant à haute voix le brun avait compris qu'il pouvait paraître involontairement rustre « Pas que ça ne me fasse pas plaisir de te voir, hein, mais ... » Mais ils ne s'étaient pas vus depuis une éternité, et la vie sociale d'Hassan s'était considérablement réduite depuis qu'il avait emménagé dans cet appartement, alors il avait l'impression qu'il lui manquait une information cruciale pour comprendre la situation.
Dernière édition par Hassan Jaafari le Jeu 29 Sep 2016 - 14:56, édité 1 fois
C’était une situation assez compliqué, un peu gênante même. Notre relation n’a jamais pu être réellement développée, mais j’avais gardé un bon souvenir de cette rencontre et bizarrement je n’avais pas su oublié tous les orphelins avec qui j’avais échangé quelques mots. Bien sûr, il y en a eu beaucoup qui sont passés en coup de vent, mais il y en a eu très peu au final avec qui j’ai réellement échangé une conversation. Donc ça reste logique que je puisse encore me souvenir d’eux, et par conséquent me souvenir d’Hassan. Il avait gardé ce même visage un peu particulier, ces origines qui le trahissaient et qui aurait fait que dans la rue, je me serais douté l’avoir déjà connu. Mais sans ce dossier, pas sûr que j’aurais retrouvé où. Après tout, ça faisait presque 20 ans qu’on ne s’était pas revu. Mais bizarrement, il accepta de me laisser rentrer avec cette seule explication. Il se souvenait donc de moi également, du moins je l’espère, puisqu’il me laisse rentrer. E, voyant l’intérieur presque totalement vide de son appartement, j’eus une appréhension. Il savait très bien où était son dossier, qu’il risquait gros. Il allait vouloir quitter le pays, à tous les coups, et je me met en travers de son chemin. Oui, là, ça devenait compliqué. Son chien vint alors à ma rencontre et face à ma méfiance, mon ancien camarade d’orphelinat me prévenait que je n’avais rien à craindre. Parfait. Un café, si ça ne te dérange pas. Lui demandais-je alors, me doutant bien évidemment qu’il n’avait pas de quoi manger. Ce n’était même pas sûr qu’il ait encore du café. Peu importait. Je me doute bien. Lui avais-je simplement répondu face à son manque de reconnaissance faciale vis-à-vis de moi. C’était normal. Puis évidemment, la grande question de ma présence ici se souleva, ou tout du moins, comment j’avais pu arriver jusqu’ici. Il me fit arquer un sourcil face à sa remarque qui vint juste après et lui répondais Je comprends. Mais j’ai bien peur d’être ici pour la même raison qui te pousse à déménager. J’avais un air grave, un peu perdu sur son chez-lui, sur ses réactions, me demandant si la pilule allait passer ou non.
Hassan n'avait pas vraiment prévu d'avoir de la visite, et allait donc devoir remettre à un autre moment la correction de ses copies. Laissant finalement Enzo entrer il avait refermé la porte derrière eux, et coupé court à l'excitation qui prenait Spike dès qu'un inconnu passait le seuil de l'appartement en lui ordonnant en farsi de retourner se coucher dans son panier. Un peu incertain, Hassan avait proposé de quoi déjeuner, acquiesçant lorsque le blond avait demandé « Un café, si ça ne te dérange pas. » et mis en route la cafetière pour leur en faire un à l'un et à l'autre. Il était plutôt thé, en règle générale, mais n'était pas contre un café une fois de temps à autre. S'excusant par ailleurs avec un brin de gêne concernant la difficulté qu'il avait eu à reconnaître Enzo, ce dernier ne s'en était pas formalisé et s'était contenté de répondre « Je me doute bien. » sans paraitre particulièrement vexé. Tant mieux, Hassan en aurait probablement été gêné. La vérité c'est qu'il avait essayé autant que faire se peut de ne pas trop repenser aux quelques semaines qu'il avait passé à la charge des services sociaux de la ville ; Pas qu'il n'y ait été particulièrement maltraité, mais la perte de ses parents avait été un chamboulement suffisant, et les difficultés qu'avait rencontré son frère aîné pour obtenir le droit de devenir son tuteur jusqu'à sa majorité parvenaient aujourd'hui encore à faire sortir Hassan de ses gonds. Tout aurait pu être beaucoup plus simple, beaucoup moins rempli de paperasserie et de lois plus stupides qu'utiles.
Sortant deux tasses en prévision du café en train de filtrer, le brun les avait déposées sur la table et était retourné s'appuyer contre le plan de travail, croisant les bras avec réserve sans quitter Enzo des yeux. Il voulait comprendre ce que l'homme faisait là, intrigué par la mention faite qu'il ne s'agisse pas d'une "visite de courtoisie". Il ne savait pas s'il était dans les habitudes du blond de débarquer ainsi chez de vieilles connaissances sans s"être annoncé à l'avance, mais il voulait comprendre. « Je comprends. Mais j’ai bien peur d’être ici pour la même raison qui te pousse à déménager. » Qui le poussaient à déménager ? Peu probable, et fronçant les sourcils le brun avait marqué sa perplexité face aux certitudes d'Enzo « Et qu'est-ce qui me pousse à déménager, selon toi ? » Il avait l'impression de jouer aux devinettes, mais le ton grave et l'air sérieux d'Enzo empêchaient Hassan de prendre tout cela sereinement. « Écoute, si tu me disais clairement ce que tu fais ici, au lieu de tourner autour du pot ? » Il ne croyait pas à cette histoire de déménagement, il découlait de tout un tas de facteurs plus ou moins personnels, plus ou moins explicables. « Et ça ne répond toujours pas à ma question ... comment est-ce que tu as eu mon adresse ? T'es flic ou un truc du genre ? » Il disait cela sans vraiment y croire, plus sur le ton de la boutade ou de la provocation, que parce qu'il pensait réellement que cela puisse être la solution.
Dernière édition par Hassan Jaafari le Jeu 29 Sep 2016 - 14:56, édité 1 fois
Le café pourrait peut-être détendre l'atmosphère avant même qu'elle ne se refroidisse. Ca me désolait vraiment de faire ce genre de retrouvailles. Ce n'est pas idéal mais c'est nécessaire. Autant pour lui que pour moi, et ça ne risquait pas d'être agréable non. Les cafés étant prêt, je ne m'asseyais tout de même pas. Je récupérais seulement la boisson pour en boire une gorgée après lui avoir annoncé que je n'étais pas là pour lui annoncer une bonne nouvelle. Non, et je sentais déjà sa pression s'accentuer. Il comprenait très certainement les choses. Ou pas. J'avais un petit doute. Sûrement qu'il y avait plusieurs raisons qui le poussaient à déménager. Mais il est évident qu'il fuit dans tous les cas. Il me posait tout un tas de question alors que je gardais mon calme et ma lenteur pour expliquer et exposer les choses. La tension montait chez lui et quand il arrêta avec ses questions, je faisais planer un silence tout en le fixant avant de répondre Je suis chez les stups Hassan, et ton dossier est tombé entre mes mains. Je peux te dire que tu as de la chance. Sinon tu serais déjà derrière des barreaux à l'heure qu'il est. Je me voulais à la fois menaçant et conciliant, parce que je voulais l'aider tout en lui faisant remarquer qu'il avait bien merdé. Et pas seulement au niveau de la drogue, non, il avait d'autres accusations à son actif pas très glorieuse. Je te laisse décider si tu préfères qu'on trouve un arrangement, ou si tu préfères que je t'embarque tout de suite. Ou la fuite surtout, cela en valait de soit. Mais je ne pouvais décemment pas lui imposer cet arrangement pour baisser sa peine avant même le jugement, non, il était le seule juge pour l'instant.
Hassan avait préparé deux cafés de manière un peu machinale, mais il lui avait suffit d'avoir sa propre tasse dans les mains quelques instants et de respirer le breuvage sombre et fumant pour réaliser qu'il n'avait aucune intention de le boire. Il ne détestait pas le café, il lui arrivait parfois d'en boire, mais aujourd'hui n'était pas un jour pour lequel il se sentait d'humeur à faire des exceptions, et faute de mieux la tasse lui servait au moins à tenir ses mains occupées et à réchauffer ses doigts. La présence d'Enzo, bien qu'au premier abord seulement déroutante, commençait aussi à lui foutre un mauvais pressentiment, et l'air grave arboré par le blond comme s'il s'apprêtait à lui confier un secret d'état n'était pas pour arranger les choses. Hassan perdait patience, lassé que l'homme lui parle pas énigmes et n'en vienne pas directement au fait. « Je suis chez les stups Hassan, et ton dossier est tombé entre mes mains. Je peux te dire que tu as de la chance. Sinon tu serais déjà derrière des barreaux à l'heure qu'il est. » Le brun était resté interdit quelques secondes, comme s'il attendait la chute de l'histoire, la fin de la blague ... et puis finalement, comme rien n'était venu, il avait laissé échapper un rire. Parce que cela ne pouvait être qu'une blague, Enzo n'était pas en train de parler sérieusement, si ? « Attends, t'es en train de me faire marcher là, rassure-moi ? » Plutôt que de hocher la tête, de confirmer ou de se marrer à son tour pour confirmer les suspicions d'Hassan, Enzo était resté impassible, et même avait semblé perdre légèrement patience tandis qu'il reprenait avec le plus grand sérieux (et non sans une certaine sévérité) « Je te laisse décider si tu préfères qu'on trouve un arrangement, ou si tu préfères que je t'embarque tout de suite. » Le brun avait roulé des yeux, tout de suite beaucoup moins enclin à la plaisanterie maintenant qu'il comprenait qu'Enzo était très sérieux. « Que tu m'embarques, c'est une blague ? » Reposant sa tasse de café sur le plan de travail, où elle resterait probablement jusqu'à avoir totalement refroidie et terminer dans l'évier, il avait repris sans attendre d'éventuelle réponse « Vous allez venir m'emmerder pour un joint ou deux, vous n'avez pas autre chose à foutre ? » Si Enzo n'était venu que pour cela il aurait clairement pu s'épargner le déplacement. Cela démontrait soit un comportement de cow-boy, soit une méprise réelle quant à ce que l'on reprochait à Hassan. On parlait d'un type qui, par un malheureux hasard avait trouvé le moyen de se faire contrôler au volant de sa voiture après avoir confisqué un peu d'herbe à l'un de ses élèves, pas d'un dealer ou d'un récidiviste coutumiers des délits routiers ou de la consommation de stups. « Vous étiez beaucoup moins réactifs quand mon ancien voisin cognait sa bonne femme, vous avez un sacré sens des priorités chez vous. » Croisant les bras, définitivement agacé par les manœuvres d'Enzo pour l'accuser d'il ne savait trop quoi, Hassan avait perdu le ton amical qu'il avait usé au départ. « Sérieusement j'ai payé la caution, mon amende - avec un peu de retard, certes, mais je l'ai payée, qu'est-ce qu'il vous faut de plus ? Et ton dossier a quelques wagons de retard, de toute évidence, j'ai perdu mon permis et ma voiture, depuis. » Ainsi que sa dignité, probablement, perdue quelque part au milieu du dossier de son accident routier, requalifié depuis en tentative de suicide. Quant à Enzo, il était de toute évidence là pour lui porter le coup de grâce.
Bien sûr que non je n’allais pas l’embarquer, dans le pire des cas, je pourrais très bien le fouiller pour vérifier qu’il ne touche vraiment plus à la drogue. Mais il fallait qu’il comprenne les agissements et les conséquences de ses actes. Il n’avait aucune raison de faire le malin ou d’en être fier, je ne l’espérais vraiment pas. Alors oui j’étais sec. Mais j’ai bien trop l’habitude des personnes qui se droguent, qui tombent dans ce gouffre, et ce n’est pas pour être méchant que je lui parle comme ça, non, c’est parce que je me sens concerné par lui, parce que je n’ai pas envie qu’il retombe là-dedans. Et j’avais bien lu qu’il avait eu un accident de voiture par la suite de ces accusations qui apparemment n’avaient rien à voir avec la drogue. Mais peut-être que si, après tout, ça rend léthargique, on s’endort bien plus facilement avec ces merdes lorsqu’on conduit. Je restais tout de même impassible face à sa nervosité, face à ses remarques et son manque de sang-froid. Je pouvais comprendre, après tout, je le menaçais quelque part. Non, je n’ai pas de retard. J’ai bien vu que tu avais eu un accident. Tu ne l’as pas évité. Je me suis posé des questions. Tu sais je connais bien les drogués, les réflexes ne sont plus ce qu’ils sont quand on est clean. Ca sous-entendait parfaitement ce que je pensais. Je ne pouvais pas savoir ce qu’il s’était passé dans cette voiture, voilà pourquoi j’étais là aujourd’hui, pour savoir concrètement ce qu’il s’était passé, pour savoir s’il allait devoir passer devant le juge ou si on allait enfin le laisser tranquille. Je continuais de boire mon café, sentant bien que Hassan n’en avait clairement pas envie et qu’il avait juste envie de virer de chez lui. Ou tout du moins ce qu’il en restait.
Si Hassan n'était d'ordinaire pas du genre à s'énerver pour pas grand-chose, sa patience ces derniers mois s'était grandement réduite, et tendait à ne pas s'arranger lorsqu'il avait l'impression – comme c'était le cas à cet instant – que l'on était en train de lui faire perdre son temps. Et Enzo lui faisait perdre son temps, actuellement, en jouant au cow-boy avec lui pour dieu sait quelle raison obscure ; Dans les souvenirs qu'en avait Hassan le blond n'était pourtant pas un mauvais bougre, et sans dire qu'il l'aurait imaginé terminer dans la police Hassan s'était en tout cas toujours persuadé qu'il saurait faire quelque chose de sa vie. Et actuellement il ne doutait pas qu'il pourrait faire beaucoup mieux de sa vie que de venir l'emmerder pour le genre de connerie qui ne vaudrait à un adolescent qu'une remontrance et à la limite un tirage d'oreille. « Non, je n'ai pas de retard. J'ai bien vu que tu avais eu un accident. Tu ne l'as pas évité. Je me suis posé des questions. Tu sais je connais bien le drogués, les réflexes ne sont plus ce qu'ils sont quand on est clean. » Le brun avait laissé échapper un léger rire, teinté de l'ironie et du dépit que lui inspirait la situation. « Joue pas les vierges effarouchées avec moi, tu vas me faire croire qu'avant de faire ce boulot t'as jamais rien fumé d'un peu plus fort que des clopes, pas une seule fois ? » Hassan en doutait très fortement, Enzo ne réussirait pas à lui faire gober le contraire et à se faire passer pour un total modèle de vertu. Quant au brun il n'était pas dupe non plus, mais il savait très bien que si souci de consommation il devait finir par développer un jour cet épisode fugace et stupide serait le cadet de ses soucis, à côté des cachetons dont psy et médecin le gavaient joyeusement. « Et si tu tiens à le savoir, mes réflexes n'ont rien à voir là-dedans, je n'ai pas eu un accident. C'était une tentative tout ce qu'il y a de plus minable pour tenter de me foutre en l'air. Satisfait ? » Psy mis à part, c'était probablement la première fois qu'Hassan énonçait les choses à voix haute de cette façon. Avec ses proches il n'osait pas, avec Yasmine et Qasim surtout, parce qu'il savait le mal que cela leur avait fait, et qu'il voyait là une tentative presque aussi minable de les préserver mais aussi et surtout de ne pas assumer. « Sérieux Enzo, rentre chez toi, ou retourne bosser, je sais pas, je m'en fous. Si un jour tu veux repasser discuter de la pluie et du beau temps je t'accueillerai avec grand plaisir, mais si tu es là uniquement pour jouer au cow-boy c'est pas la peine, tu perds ton temps, et le mien par la même occasion. » Ce n'était même pas uniquement une expression, Hassan n'oubliait pas qu'avant l'irruption imprévue d'Enzo il avait prévu de corriger des copies, qui attendaient donc toujours de l'être.
Si son dossier avait apparu sur mon bureau, ce n’était pas pour rien, c’est qu’il est observé. Je pensais faire une bonne action, lui rendre service à venir le prévenir de la sorte, mais il le prenait mal, il le retournait contre moi. En plus de cela il voulait retourner la morale contre moi. Tout ce que je déteste. Parce que ces saloperies, je n’y avais jamais goûté et je n’y gouterais jamais. Je fronçais assez violemment les sourcils, loin d’être ravi et lui répondais Je n’ai même jamais touché à la clope, ça me dégoûte plus qu’autre chose. Et tout ce qui va avec également. Pour le coup, jamais personne n’avait réussi à me tenter du côté obscur. Faut dire qu’entre l’armée, les missions de garde du corps et les stups, où aurais-je eu le temps de gaffer avec ce genre d’idiotie et d’addiction maladive. C’est alors qu’il m’avouait surtout avoir tenté de se suicider. Je ne m’attendais pas à une telle extrémité. Mais en même temps, quand on commence à toucher à toutes ces merdes, c’est que ça ne va pas dans sa vie et/ou que le mental n’est pas assez fort pour supporter la moindre contrariété. Je ne pense pas concrètement ça d’Hassan mais avec ses réponses sur la défensive à la limite de l’agressivité, ça me fait poser quelques questions. Je le regardais, interloqué, sourcils et air toujours aussi dur, l’écoutant me dire des stupidités, et préférais par le laisser dans sa merde finalement Je n’ai pas perdu mon temps. Qui ne tente rien n’a rien. Mais je vois que ce n’est pas le bon moment. Tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas prévenu. Disais-je finalement bien plus triste pour lui qu’autre chose à vrai dire. J’ai pour habitude de côtoyer, de prévenir même des drogués, des dealers, que toute récidive va leur couter gros. Au final, je suis à chaque fois déçu. Mais au fond, j’espère vraiment que ce sera différent avec Hassan. Je ne m’attardais donc pas chez lui, et sans aucune invitation de sa part, je prenais rapidement la porte.
C'était furtif, discret, mais Hassan était à eu près certain d'avoir vu l'expression sur le visage d'Enzo se raidir légèrement avant que l'agacement ne reprenne le dessus et ne lui fasse froncer les sourcils comme ces parents qui tentaient d'impressionner leur rejeton turbulent pour lui faire peur. Exception faite qu'Hassan n'était pas un rejeton turbulent, et qu'à cet instant le souvenir positif qu'il gardait d'Enzo se retrouvait écorné par la manière dont il sifflait entre ses dents « Je n’ai même jamais touché à la clope, ça me dégoûte plus qu’autre chose. Et tout ce qui va avec également. » Soit, admettons que l'habit ne fasse effectivement pas le moine ... cela les mettait à égalité, tout au plus, cela valait pour la façon qu'avait Enzo de lui parler comme s'il était Dieu sait quel criminel depuis qu'il avait pénétré dans cet appartement. Ayant atteint les limites de ce que sa patience voulait bien accepter sans commencer à devenir réellement désagréable, Hassan avait préféré mettre - plus ou moins poliment - à la porte, leur évitant probablement ainsi à tous les deux un temps qu'ils pourraient employer à autre chose. « Je n’ai pas perdu mon temps. Qui ne tente rien n’a rien. Mais je vois que ce n’est pas le bon moment. Tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas prévenu. » Hassan ne saurait pas dire comment Enzo en était arrivé à se montrer si dramatique, et quelque part il était intrigué par la façon dont le blond avait pu évoluer ces dernières années. Ce qui l'avait amené à être le gars qu'il était aujourd'hui, toujours avec un bon fond sans doute, mais ce côté chien de garde prêt à vous filer un coup de canine à la première contrariété. « Si je peux me permettre un conseil ... la prochaine fois que tu décides de venir frapper à la porte d'un vieux pote, évite de le traiter de menteur à la première occasion. Tu pourrais lui faire regretter le café qu'il a décidé de t'offrir. » Et Hassan le regrettait presque, en ayant à tort pensé l'offrir à une vieille connaissance réveillant chez lui un brin de nostalgie, pour ne se trouver en fin de compte que face à un homme prompt à le juger et l'accabler. Il avait l'impression de lui rendre service, de "l'avoir prévenu" ... Mais Hassan n'avait pas besoin d'être prévenu, le mal était déjà fait. Et Enzo, lui, s'était de toute évidence déjà fait une opinion à son sujet. « Mais ça mis à part ... c'était quand même chouette de te revoir. Je crois. » La façon dont Enzo s'était comporté avec lui n'était pas chouette, loin de là, mais avoir au moins eu l'occasion d’entrapercevoir ce que le blond était devenu depuis cette lointaine époque qu'était leur adolescence, en revanche, l'était un peu plus.